Goldorak à 50 ans
L’anime qui a conquis les cœurs et les esprits arabes

Il mesure 30 mètres de haut, pèse environ 280 tonnes (du moins sous la gravité terrestre), peut courir à des vitesses allant jusqu’à 700 km/h et est capable de bondir par-dessus le plus haut bâtiment du monde sans difficulté.
Mais Goldorak, le robot géant fictif vedette de la série animée japonaise du même nom, créée il y a 50 ans, est parvenu à accomplir un saut encore plus spectaculaire entre deux cultures très différentes dans le monde réel. Quatre ans après sa création, il a atterri au Liban, où il a offert évasion et espoir à toute une génération d’enfants grandissant au milieu de l’horreur et de l’incertitude de la guerre, en quête désespérée d’un héros.
La version arabe de la série télévisée « Grendizer » a rapidement conquis une armée de fans passionnés à travers le Moyen-Orient, et nulle part plus qu’en Arabie saoudite, où, en novembre 2022, une statue géante du puissant « mecha » de la série a été dévoilée à Riyad, au complexe de divertissement Boulevard World.
D'une hauteur de 33,7 mètres, soit plus grande encore que l'original télévisé qu'elle célèbre, la statue a été reconnue par le Guinness World Records comme « la plus grande sculpture métallique représentant un personnage fictif ».
Fictif peut-être, mais grâce à son récit de résistance contre des envahisseurs extraterrestres, l’anime « UFO Robot Grendizer », lancé au Japon en 1975, a trouvé un écho auprès des téléspectateurs de tous âges, non seulement au Liban — où la série a été doublée en arabe et diffusée pour la première fois sur Télé Liban en 1979 — mais dans toute la région.
Dès 1980, la série était devenue un rendez-vous incontournable sur les écrans de télévision du monde arabe, y compris en Arabie saoudite, où elle a conquis le cœur de toute une génération de jeunes téléspectateurs et suscité un intérêt pour l’anime et le manga qui perdure encore aujourd’hui.
Cinquante ans après ses débuts, le robot géant Goldorak continue de vivre au Moyen-Orient, non seulement dans le cœur des fans de la série originale, mais aussi en tant que produit commercial qui a été revisité pour une nouvelle génération dans le cadre d'une récente réinvention créative en Arabie saoudite.
Suivant les traces monumentales de « Goldorak », le Royaume a adopté l’anime à grande échelle. Manga Productions — une filiale de la fondation MiSK du prince héritier Mohammed ben Salmane, une organisation à but non lucratif dédiée au développement de l’entrepreneuriat chez les jeunes Saoudiens — a formé des milliers de Saoudiens aux arts du manga et de l’anime, envoyant nombre d’entre eux étudier à la célèbre Kadokawa Contents Academy au Japon.
En 2021, en partenariat avec Toei Animation au Japon, Manga Productions a produit son premier long métrage d’animation, « The Journey », inspiré du folklore saoudien.
La société est également l’éditeur pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord du jeu vidéo Goldorak The Feast of the Wolves, disponible en arabe et dans huit autres langues sur des plateformes telles que PlayStation, Xbox et Nintendo Switch.
Et en 2024, Manga Productions a lancé une toute nouvelle série animée en langue arabe, « Goldorak U ».
Ramener Goldorak et l’actualiser pour une nouvelle génération représentait « un défi unique », selon Abdulaziz Alnaghmoosh, responsable du développement commercial chez Manga Productions.
« Comment s’attaquer à une propriété intellectuelle emblématique et la relancer sans mettre en colère le public original ? », a-t-il expliqué.
« La dernière diffusion de “Goldorak” à la télévision remonte aux années 1980, il existe donc un énorme fossé générationnel… Si nous restons exactement dans l’ancien style, personne ne regardera, et si nous adoptons un style entièrement nouveau, l’ancienne génération ne suivra pas.
« Nous avons donc essayé de trouver un juste milieu, une approche qui plaise davantage à la nouvelle génération tout en permettant à l’ancienne de retrouver quelques éléments familiers. »
« Goldorak » est de retour ; même si, pour ses innombrables fans à travers le monde arabe, il n’a en réalité jamais vraiment disparu.









De l’anime japonais à une icône panarabe
1972
L’artiste et scénariste Go Nagai introduit le concept de Mazinger, une série de mangas et d’animes de longue durée mettant en scène des robots géants, ou mechas, pilotés par des humains et contrôlés comme des véhicules. Elle devient la principale source d’inspiration du sous-genre « Super Robot » au Japon et dans le monde entier.
1975
Go Nagai lance la série animée « UFO Robot Grendizer » sur Fuji TV, au Japon. Produite par Toei Animation, la série de 74 épisodes présente au public local le héros Actarus (Duke Fleed), prince héritier de la planète Euphor, ainsi que les véhicules emblématiques Spazer, en compagnie d'Alcor (Koji Kabuto), apparu pour la première fois dans Mazinger. Succès modeste dans son pays d’origine, la série connaît un engouement beaucoup plus important à l’étranger.
1979
La série « UFO Robot Grendizer » fait ses débuts au Moyen-Orient, au Liban, avec un doublage arabe produit par la chaîne Télé Liban, conservant les noms japonais, la musique et la tonalité émotionnelle. Supervisée par les trois pionniers du doublage arabe — Abdel Abu Laban, Abdullah Haddad et Subhi Abu Lughod — et avec l’acteur Jihad Al-Atrash prêtant sa voix à Actarus, la série rencontre un immense succès grâce à ses thèmes d’exil et de résistance, qui résonnent profondément dans la région.
Du début au milieu des années 1980
Goldorak arrive en Arabie saoudite et dans la région du Golfe. La chaîne saoudienne Channel 1 et d’autres diffuseurs régionaux le diffusent quotidiennement après l’école, créant un rituel national partagé pour les enfants. La série introduit l’esthétique de l’anime japonais dans la culture saoudienne et offre aux jeunes du Royaume leur premier archétype de super-héros non occidental. Ce faisant, la série devient le premier moment culturel pan-golfe avant l’avènement de la télévision par satellite.
Milieu des années 1980 à 1990
Les rediffusions de la série sur la chaîne saoudienne Channel 1 la font durer pendant plus d’une décennie. Les produits dérivés piratés envahissent les centres commerciaux et les magasins de papeterie saoudiens, attirant l’attention d’une nouvelle génération et consolidant la popularité durable de Goldorak, qui atteint le statut culte.
Années 2000-2010
Goldorak connaît un retour culturel, les Saoudiens âgés de 30 à 50 ans retrouvant la série comme symbole de nostalgie. L’avènement des réseaux sociaux propulse cette vague nostalgique grâce au partage de scènes et de citations favorites. Les médias saoudiens, dont Arab News, publient des rétrospectives et de nouvelles interviews de Go Nagai.
Février 2022
Le chanteur libanais Sami Clark, qui interprétait les génériques d’ouverture et de fermeture de la version arabe de « UFO Robot Grendizer », décède à l’âge de 73 ans des suites de complications cardiaques. Il a continué à interpréter la chanson lors de concerts jusqu’à la fin, contribuant à préserver l’héritage durable de la série dans tout le monde arabe.
Août 2022
La société saoudienne Manga Productions s’associe à la société de licences de Go Nagai, Dynamic Planning, pour coproduire un reboot de la série intitulé « Goldorak U ». Près de 50 ans après la première diffusion de la série originale au Japon, celle-ci subit une transformation visuelle, avec l’apparition pour la première fois de paysages saoudiens dans l’univers de Goldorak. La série est diffusée mondialement en 2024, soutenue par une campagne marketing importante et des expositions.
Novembre 2022
Une statue géante de Goldorak, haute de 33,7 mètres, est inaugurée à Boulevard World à Riyad, élevant le robot japonais du simple souvenir d’enfance à une œuvre d’art monumentale publique et consolidant définitivement le rôle de Goldorak comme référence culturelle officielle, et non seulement nostalgique.
ORIGINES DU ROBOT
Lorsque « Goldorak » a fait ses débuts au Japon en 1975, les robots géants ne manquaient déjà pas dans la culture du manga et de l’anime. Connus collectivement sous le nom de « mecha », ils définissaient un genre né des horreurs de la guerre.
L’un des premiers fut « Tetsujin 28-go » (que l’on peut traduire par Iron Man n° 28), créé sous forme de manga en 1956 par Mitsuteru Yokoyama. Ayant vécu la Seconde Guerre mondiale et les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki en 1945, il a insufflé à son récit les traumatismes de cette époque.
Go Nagai, le mangaka à l’origine de « Goldorak », s’est inspiré de « Tetsujin 28-go » tout en y ajoutant une idée originale : un pilote contrôlant le robot depuis un cockpit situé à l’intérieur de la machine. Jusqu’alors, les robots étaient dirigés à distance.
« Goldorak », lui aussi, est né des décombres du Japon d’après-guerre. Nagai (de son vrai nom Kiyoshi Nagai) est né le 6 septembre 1945, exactement un mois après le bombardement d’Hiroshima, et son enfance dans un pays marqué par la guerre a influencé la violence thématique de nombreuses de ses œuvres.
La première édition du manga japonais « UFO Robot Grendizer », publiée en octobre 1975.
La première édition du manga japonais « UFO Robot Grendizer », publiée en octobre 1975.
Il est revenu sur ce point lors d’un entretien accordé en octobre 2019 à Hala Tashkandi, correspondante d’Arab News Japan : « En regardant l’histoire, il y a eu tant de guerres et de batailles dans de nombreux pays, que j’ai voulu intégrer les différentes situations vécues par les gens durant ces conflits dans “Goldorak”, afin que l’œuvre ravive ces souvenirs chez ceux qui la regardent.
« Je n’avais pas l’intention de viser des régions spécifiques, mais cela a, je suppose, trouvé un écho particulier dans le monde arabe à cette époque. Le timing était bon, je pense.
« Dans la longue histoire du Japon, il y a aussi eu de nombreuses guerres, et les gens portent ce type de mémoire profondément en eux. Cela a probablement résonné chez ceux qui regardent mon travail. »
Ali Itani, directeur d’Arab News Japan, a grandi à Djeddah, où il a découvert « Goldorak » à la télévision dans le milieu des années 1980.
« À l’époque, nous n’avions que deux chaînes, et pour les enfants, “Goldorak” était l’un des moments forts », se souvient-il.
« “Goldorak” portait un message moral que les autres dessins animés n’avaient pas, et je pense que c’est pour cela qu’il a eu un tel impact. J’avais cinq ans et je regardais des dessins animés, mais celui-ci parlait de justice, d’honneur, du respect de la parole donnée et du combat pour ce qui est juste.
« C’était une pierre angulaire de mon enfance. Il a eu un impact immense. »
Les Défenseurs de la Terre
Actarus (Duke Fleed)
Le prince héritier et survivant de la planète Euphor, détruite par l'empire Véga. Après avoir trouvé refuge sur Terre, il adopte le nom de Daisuke Umon et pilote le super robot Goldorak pour défendre sa nouvelle maison contre les forces de Véga. Résolu et maître de lui-même, Actarus fait face aux situations les plus graves avec clarté et conviction morale.
Phénicia
(Maria Grace Fleed)
La sœur cadette d'Actarus et princesse d’Euphor, elle survit également à l’invasion Véga. Initialement persuadée qu'Actarus est mort et animée par un désir de vengeance, elle le retrouve finalement et fait équipe avec lui, pilotant le Drill Spazer, un vaisseau-support en forme de soucoupe pour le robot Goldorak. Impulsive et un peu garçon manqué, elle est farouchement loyale envers son frère et le souvenir de leur foyer perdu.
Alcor (Koji Kabuto)
Le protagoniste principal de la série précédente « Mazinger Z » et pilote du robot éponyme, Alcor devient par la suite un personnage secondaire clé dans « Goldorak ». Ami et acolyte d'Actarus, il pilote divers véhicules de soutien et combat à ses côtés contre les forces de Véga. Initialement fougueux, impulsif, téméraire et trop confiant, Alcor mûrit avec le temps, ce qui en fait l’un des personnages les plus appréciés des fans arabes de la série.
Vénusia
(Hikaru Makiba)
La fille de Rigel (Danbei Makiba), propriétaire d’un ranch, et une amie proche d'Actarus. Sa vie change lorsqu’elle découvre sa véritable identité et est entraînée dans sa guerre contre l’Empire Véga. Vive et audacieuse, Vénusia assume progressivement son rôle de défenseuse de la Terre, finissant par piloter le Marine Spazer.
Rigel (Danbei Makiba)
Propriétaire d’un ranch familial dans la campagne japonaise et père de Vénusia et Mizar. Passionné par les OVNIs et l’espace, Rigel abrite Actarus après avoir découvert ses origines secrètes. Ami du professeur Procyon (Dr Genzo Umon), il se déclare président de « l’Association pour la Protection de la Terre » lorsque la menace de Véga devient évidente.
Le professeur Procyon
(Dr. Genzo Umon)
Directeur du Centre d’Études Spatiales et copropriétaire du ranch de Rigel. Il est également le père adoptif d'Actarus et lui donne le nom de Daisuke Umon après son atterrissage forcé sur Terre. Mentor chaleureux et sage, le professeur Procyon développe la technologie de Goldorak et supervise la construction des appareils de la Patrouille des Aigles pour épauler le robot géant (Alcorak, Vénusiak et Fossoirak).
L’EMPIRE DE VÉGA
Le Grand Stratéguerre (Véga)
Chef impitoyable de l’Empire de Véga et monarque tyrannique de la planète Véga. Il conquiert des planètes pour leurs ressources et constitue l’ennemi ultime d'Actarus. Rarement vu au combat, il exploite la relation entre sa fille Végalia et Actarus pour lancer l’invasion qui détruit la planète Euphor.
Hydargos (Blaky)
Général de Véga impitoyable et principal adversaire d'Actarus sur Terre durant la première partie de la série. Loyal envers l’Empire de Véga mais très ambitieux, Hydargos commande la soucoupe amirale, utilise des tactiques peu orthodoxes et n’hésite pas à trahir ses supérieurs pour consolider sa position.
Minos et Minas (Gandal/Lady Gandal)
Commandant de l’assaut de l’Empire de Véga sur Terre après avoir remplacé Hydargos. Farouchement loyal au Grand Stratéguerre, Minos privilégie la force brute dans la guerre contre la Terre. Il partage son corps avec Minas, une entité féminine dotée de sa propre personnalité et de ses ambitions royales, donnant naissance à l’un des personnages les plus marquants de la série.
Horos (Zuril)
Stratège ingénieux et scientifique de haut rang dans l’Empire de Véga, Horos conseille le roi Véga et exécute des plans d’attaque grâce à un cache-œil équipé d’ordinateur. Il s’oppose souvent à Minos dans leur rivalité tactique intense.
Végalia
(Princess Rubina)
Princesse de l’Empire de Véga, fille du Grand Stratéguerre et ancienne fiancée d'Actarus. Toujours attachée émotionnellement à Actarus, elle tente de trouver une solution pacifique à la guerre entre la Terre et l’Empire de Véga, mais connaît une fin tragique et devient un symbole du coût humain du conflit.
UNE ICÔNE GÉNÉRATIONNELLE
Ali Itani, qui comme beaucoup de sa génération dans le monde arabe possède encore une collection de souvenirs « Goldorak », s’est rendu pour la première fois au Japon en 1983 à l’occasion de l’ouverture de Tokyo Disneyland. Il y étudiera plus tard les relations internationales à l’International University of Japan, où il obtiendra un master entre 2001 et 2003.
Et lorsqu’il a supervisé le lancement d’Arab News Japan en octobre 2019, c’est au créateur de « Goldorak », Nagai, qu’il a fait appel pour concevoir l’illustration du soleil levant figurant sur la manchette du journal.
Karim El-Mufti, politologue enseignant à Sciences Po à Paris et au Global Campus of Human Rights de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth, est un autre fan de longue date de « Goldorak », une passion qu’il partage avec ses enfants.
La série demeure un symbole puissant dans le monde arabe, explique-t-il, « parce que ma génération l’a transmise à ses enfants, qui la connaissent par cœur ».
Il existe également une nostalgie persistante pour « Goldorak » en France, où le dessin animé original était également populaire, a ajouté El-Mufti, « mais dans le monde arabe, c'est tout autre chose ; au Koweït, en Arabie saoudite, en Jordanie, en Égypte, en Irak. On le retrouve dans les graffitis, les groupes de rap, les artistes, les objets de collection. »
Possède-t-il encore des souvenirs liés à « Goldorak » ?
« Oh oui », admet-il avec enthousiasme. « J’ai une tasse, des affiches d’événements, une ou deux figurines, des exemplaires de vieux magazines “Goldorak” en français, et les 74 épisodes de la série en arabe sur DVD. »
Mais pour lui, « Goldorak » est bien plus qu’un simple objet de collection nostalgique. En 2020, il a publié un article dans la revue de recherche culturelle Mutual Images dans lequel il analysait le phénomène du succès transrégional de la série.
Intitulé « Influence et succès de l’édition arabe de “UFO Robot Grendizer” : adoption d’une icône japonaise dans le monde arabophone », l’article explorait les raisons pour lesquelles « Goldorak » avait suscité « un écho si profond dans l’esprit et le cœur d’une génération d’enfants qui ont trouvé dans ce personnage un super-héros leur offrant une échappatoire » face aux problèmes de leur monde.
Appuyez sur le bouton Lecture pour regarder toutes les vidéos d’entretien de Go Nagai avec Arab News Japan.
Le contexte spécifique du Moyen-Orient à l’époque constituait la « clé pour comprendre la résonance culturelle d’un dessin animé portant sur des invasions extraterrestres contre la patrie », écrivait-il.
« Pour les adultes vivant au Moyen-Orient et leurs enfants dans les années 1970, l’histoire de l’anime est étroitement liée à l’événement historique de la Nakba… Les enfants arabes se sont profondément identifiés au dessin animé, à son intrigue, à l’invasion de la Terre, aux batailles gigantesques et aux personnages de super-héros de “UFO Robot Grendizer”, qu’ils admiraient au quotidien, car ils pouvaient ressentir et observer les luttes de la génération adulte pour défendre les différentes causes arabes. »
La série animée « Goldorak » n’était ni la première apparition de ce nouveau type de mecha piloté de l’intérieur par des humains, ni même sa première incarnation ou son premier nom. Ses origines remontent au 2 octobre 1972, avec la publication dans le magazine Weekly Shonen Jump d’un nouveau manga de Nagai mettant en scène un mecha appelé Mazinger Z. En 1974, une version améliorée, Great Mazinger, suivra, également écrite et dessinée par Nagai, et toutes deux seront adaptées en anime.
Le mecha Goldorak, également créé par Nagai, fait ses débuts au Japon le 5 octobre 1975, dans le troisième épisode de la série intitulée « UFO Robot Grendizer », et simultanément dans un manga du même nom.
La série télévisée, qui introduisait plusieurs nouveaux personnages, dont le héros Actarus (Duke Fleed), a été produite par le célèbre studio Toei Animation et diffusée au Japon sur Fuji TV entre le 5 octobre 1975 et le 27 février 1977.
Cela aurait pu s'arrêter là ; après tout, dans les mangas et les anime, les méchas géants qui s'affrontent ont tendance à apparaître et disparaître en un clin d'œil.
Mais grâce à une combinaison de clairvoyance entrepreneuriale libanaise et de bouleversements géopolitiques au Moyen-Orient — et peut-être à ce « bon timing » évoqué par Nagai en 2019 — « Goldorak » a fait ses débuts à la télévision arabe en 1979, alors que la région était sous le choc de l’invasion israélienne du Liban. Presque du jour au lendemain, un nouveau héros est né pour toute une génération.
L'intrigue de « UFO Robot Grendizer » était assez simple, mais elle a trouvé un écho particulier dans l'atmosphère fébrile qui régnait au Moyen-Orient à la fin des années 1970 et au début des années 1980.
Actarus (Duke Fleed), prince héritier de la planète Euphor, s’échappe vers la Terre après l’occupation de son monde par le maléfique Empire de Véga. Il atterrit au Japon en emportant avec lui l’arme secrète de sa planète : le mecha géant Goldorak.
Le logo d’Arab News Japan, conçu par Go Nagai, créateur de Grendizer.
Le logo d’Arab News Japan, conçu par Go Nagai, créateur de Grendizer.
Actarus (Duke) est adopté par un scientifique propriétaire d’un ranch où, sous le pseudonyme de Daisuke Umon, il travaille et parvient pendant un temps à se faire discret. On ignore où il parvient à dissimuler son mecha géant — avec ses 30 mètres de haut, il ne peut certainement pas tenir sous un lit. Heureusement pour tous les Terriens, cela signifie que Goldorak est prêt lorsque les méchants de Véga suivent Actarus sur Terre.
« Goldorak » n’était pas le premier anime japonais diffusé dans le monde arabe. En 1974, Nicolas Abou Samah, réalisateur, acteur et producteur libanais, avait fondé Filmali, le premier studio de doublage cinématographique en langue arabe.
L’un de ses premiers projets fut le doublage en arabe pour la télévision libanaise de la série « Les Mille et Une Nuits : les aventures de Sindbad », diffusée à la télévision japonaise en 1975 et 1976. Le succès de cette série inspira d’autres acteurs du secteur télévisuel régional, dont Wissam Izzedine, l’un des fondateurs de la chaîne libanaise Télé Liban, à rechercher d’autres œuvres à adapter. Pour son premier projet, Izzedine choisit « UFO Robot Grendizer ».
Selon El-Mufti, dans son article publié dans Mutual Images, Izzedine fut attiré par la série principalement parce qu’il était « séduit par l’histoire d’invasion extraterrestre, qui faisait fortement écho à la situation de son pays, le Liban ».
Izzedine collabora avec deux partenaires pour porter « Goldorak » à l’écran au Liban : le réalisateur Wiam El-Saidi et Al-Ittihad Al-Fanni (la Fédération des Arts), une société de production détenue par des Palestiniens, fondée à Beyrouth en 1962, chargée de traduire le scénario en arabe. El-Saidi était un pionnier dans son domaine.
« Le doublage arabe des animes japonais et des dessins animés anglophones était un nouveau type de projet pour la télévision libanaise au début des années 1970, et j’étais extrêmement encouragé et passionné à l’idée de le réaliser », a-t-il confié au journaliste d’Arab News Japan Amin Abbas en octobre 2020.
Parmi ses premiers travaux figuraient « Les Aventures de Sindbad », « Maya l’abeille » et, selon ses mots, « surtout “UFO Robot Grendizer” ».
« (Il) était l'attraction principale pour les enfants et pour les personnes de tous âges qui souhaitaient s’identifier à un personnage héroïque, à l’image des grands leaders arabes du passé », a-t-il ajouté.
« “Goldorak” incarnait le héros qui protège les innocents et les faibles contre le mal. »




ARABISER GOLDORAK
Onze comédiens de doublage ont été engagés pour enregistrer le script en arabe, tandis que les chansons du générique d’ouverture et de clôture ont été interprétées par le chanteur libanais Sami Clark. La première saison, composée de 21 épisodes, a été diffusée sur Télé Liban en 1979.
Clark, décédé en 2022 à l’âge de 73 ans, restera à jamais associé à « UFO Robot Goldorak ». Il était fréquemment invité à interpréter le générique et à participer à des festivals et expositions d’anime à travers le monde arabe.
En 2019, il a chanté la version arabe du générique sur scène lors de la Saudi Anime Expo, en duo avec Issao Sasaki, l’interprète de la version japonaise originale.
Le rôle vocal d’Actarus a été confié à l’acteur et réalisateur libanais Jihad El-Atrash, dont la voix, écrit El-Mufti, « incarnait totalement la profondeur émotionnelle portée par le scénario ». La « rage » vocale qu’El-Atrash insufflait aux affrontements d’Actarus avec les envahisseurs extraterrestres a particulièrement touché le public arabophone.
« Le message central de la série — la défense de la patrie — était encore renforcé par l’utilisation d’un lexique arabe impeccable et de “formules clés” spécifiques », écrit El-Mufti.
« Dans un contexte moyen-oriental brisé, le lexique et les tournures choisies… s’inscrivaient dans une glorification de la résistance armée face à une occupation bien réelle. »
Jihad El Atrash – la voix arabe du héros Actarus.
Jihad El Atrash – la voix arabe du héros Actarus.
Comme Clark, El-Atrash demeure indissociable de « Goldorak » et a fait de nombreuses apparitions lors de conventions, notamment à la première Saudi Comic Con à Djeddah en 2017.
Il est clair que tous ceux qui ont contribué à transplanter « Goldorak » du Japon vers le monde arabe étaient pleinement conscients de la portée symbolique de cette démarche.
Lors d’un entretien accordé en 2005 à Faisal J. Abbas — aujourd’hui rédacteur en chef d’Arab News et alors journaliste à Asharq Al-Awsat — El-Atrash évoquait « le contexte de la diffusion du programme, alors que nous traversions une guerre et que l’ensemble du monde arabe souffrait de l’occupation des territoires palestiniens.
« Et soudain arrive “Goldorak”, avec les valeurs qu’il représente : la quête de la paix, la défense de la nation et la résistance face à l’ennemi. »
Le chanteur du générique, Clark, a fait écho à ce sentiment en 2018, affirmant que la série portait un message particulièrement pertinent pour la région arabe à cette époque.
« Le monde s’effondrait, les gens vivaient des périodes de guerre et avaient besoin d’un héros », a-t-il déclaré à la Future TV.
Ils ont trouvé ce champion en « Goldorak », a-t-il expliqué, qui semblait « exprimer notre colère dans ce contexte particulier et nous offrir une lueur d’espoir ».
Crédits
Rédaction et recherche: Jonathan Gornall, Gabriele Malvisi and Sherouk Zakaria
Éditrice version franҫaise: Zeina Zbibo
Directeur de création: Omar Nashashibi
Design et graphisme: Douglas Okasaki, Omar Nashashibi
Entretiens: Basmah Albasrawi and Abdulrahman bin Shalhoub
Responsable de la production vidéo: Hasenin Fadhel
Iconographe: Sheila Mayo
Éditeur version anglaise: Tarek Ali Ahmad
Éditrice version japonaise: Diana Farah
Producteur: Ali Itani
Rédacteur en chef: Faisal J. Abbas

















