Réchauffement des relations franco-US: les conséquences au Liban et au Moyen-Orient

Le président français Emmanuel Macron (à gauche) accueille le président américain Joe Biden avant une réunion bilatérale lors du sommet du G7 à Carbis Bay, en Cornouailles, le 12 juin 2021. Ludovic MARIN / AFP
Le président français Emmanuel Macron (à gauche) accueille le président américain Joe Biden avant une réunion bilatérale lors du sommet du G7 à Carbis Bay, en Cornouailles, le 12 juin 2021. Ludovic MARIN / AFP
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Publié le Mercredi 21 juillet 2021

Réchauffement des relations franco-US: les conséquences au Liban et au Moyen-Orient

  • Les diplomaties américaine et française accordent leurs violons sur l’accord de 2015: elles sont d’accord pour adopter un nouveau texte freinant les velléités iraniennes de fabriquer une arme nucléaire
  • La coordination franco-américaine est à l’épreuve au pays du Cèdre. Les premiers signes ne sont pas encourageants, l’Arabie saoudite refusant de s’impliquer, et le Hezbollah plaçant le Liban sur l’agenda régional

PARIS: Les relations franco-américaines connaissent une embellie depuis l’élection de Joe Biden, après la période mouvementée du mandat de Donald Trump. Ce nouveau climat positif entre Washington et Paris se reflète dans les approches sur certaines crises internationales, notamment au Moyen-Orient. Cette coordination pourrait-elle peser sur le dossier libanais, et d’autres dossiers délicats dans cette zone, où se rejoignent les intérêts des partenaires occidentaux?

Depuis juin dernier, les rencontres entre les deux parties se sont accélérées au plus haut niveau. Après la visite à Paris du secrétaire d'État américain, Antony Blinken, Joe Biden et Emmanuel Macron se sont rencontrés en marge du sommet du G7. Plus tard, Florence Parly, ministre français des Armées, s’est rendue à Washington, où a été signé un accord de coopération stratégique dans le domaine des opérations spéciales franco-américaines. Enfin, il y a quelques jours, c’est Jean-Yves Le Drian, ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, qui s’est rendu aux États-Unis.

Ces nombreuses rencontres ont fait dire à un haut responsable américain que «Washington s'est appuyé sur son partenariat étroit avec la France depuis la fondation des États-Unis, car la France est le plus vieil ami et allié de l'Amérique».

Khattar Abou Diab

Ces nombreuses rencontres ont fait dire à un haut responsable américain que «Washington s'est appuyé sur son partenariat étroit avec la France depuis la fondation des États-Unis, car la France est le plus vieil ami et allié de l'Amérique».

Outre les éloges mutuels et l'accent mis sur l'adhésion aux mêmes valeurs – démocratie, droits de l'homme, État de droit, sécurité et prospérité – c’est le réalisme politique qui a probablement poussé le maître de la Maison Blanche à recevoir en premier la chancelière Angela Merkel, considérée comme la première dirigeante européenne. Si cet acte s’explique par une reconnaissance du rôle de Merkel, qui s'apprête à quitter ses responsabilités, il souligne surtout la priorité des relations avec l'Allemagne, malgré l'importance de la relation spéciale américano-britannique, et de la coopération militaire américano-française

Le soutien de l’administration Biden à Israël a été moins fort que par le passé, ce qui a élargi la marge de manœuvre de Paris pour agir sur le plan diplomatique, et aider à mettre fin aux hostilités.

Khattar Abou Diab

Malgré des approches différentes sur certains conflits mondiaux, et une vision différente des alliances et du système international en gestation, la diplomatie française semble certaine que «face à la cruauté du monde, aux conflits insolubles partout, à la compétition des puissances, et au refus des règles du jeu international», il n'y a pas d'alternative au partenariat et au travail commun avec Washington. Pour sa part, le francophone Antony Blinken a expliqué que «notre partenariat, notre destin commun avec les Français, est de plus en plus important, afin de poursuivre un merveilleux voyage à travers l'Histoire».

Cette nouvelle page entre Washington et Paris permet aux diplomaties respectives de surmonter les divergences de positions sur plusieurs dossiers du Moyen-Orient, comme l’atteste la guerre de Gaza en mai dernier. Le soutien de l’administration Biden à Israël a été moins fort que par le passé, ce qui a élargi la marge de manœuvre de Paris pour agir sur le plan diplomatique, et aider à mettre fin aux hostilités.

L’incontournable dossier nucléaire iranien

Quant au dossier nucléaire iranien, contrairement à ce qui était le cas sous la précédente administration, on peut parler de complémentarité et de concordance pour faciliter le retour de Washington à l'accord de 2015. Ce pari d’Emmanuel Macron, qui avait échoué à plusieurs reprises sous Trump à cause du refus du Guide iranien d’accepter des propositions de Paris, se heurte aux mêmes difficultés sous Biden.

Depuis la reprise des négociations de Vienne en avril dernier, la troïka européenne (Berlin, Londres et Paris) peine à faire émerger un compromis basé sur des efforts simultanés de Washington et de Téhéran. Même avant l’accès à la présidence de l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi, qui risque de menacer tout le processus, les ministres des Affaires étrangères de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, ont fait part dans un communiqué commun de leur «grande préoccupation, l’Iran poursuivant des activités de production ou de recherche et développement sur l’uranium métal, une étape-clé du développement d’une arme nucléaire».

Washington, de son côté, a haussé le ton, en appelant la République islamique «à mettre un terme à cette surenchère, à revenir à Vienne pour de réelles négociations, afin de terminer le travail entamé en avril».

Khattar Abou Diab

Cette mise en garde souligne l’obstination iranienne concernant les centrifugeuses développées et le niveau d’enrichissement de l’uranium. Ces deux violations de l’accord de 2015 incitent à s’interroger sur l’utilité du retour à un accord devenu «caduc», et qui expire en 2025. Sur ce point, les diplomaties américaine et française accordent leurs violons: elles sont d’accord pour adopter un nouveau texte freinant les velléités iraniennes de fabriquer une arme nucléaire. 

Washington, de son côté, a haussé le ton, en appelant la République islamique «à mettre un terme à cette surenchère, à revenir à Vienne pour de réelles négociations, afin de terminer le travail entamé en avril». Ces pourparlers sont actuellement au point mort, mais ce gel ne remet pas en cause la similitude des points de vue entre Antony Blinken et Jean-Yves Le Drian,  même s’il existe des différences dans les tactiques, ou les perceptions des intérêts.

Le test libanais

Depuis la visite de Blinken à Paris en juin dernier, une étroite coordination franco-américaine s'est imposée sur le dossier libanais. Dorénavant, l’administration Biden semble convaincue de la nécessité d’épauler la France pour stopper l’érosion économique et sociale du Liban, et encourager à la formation d’un nouveau gouvernement, après le renoncement récent du Premier ministre désigné, Saad Hariri. La coordination franco-américaine sera à l’épreuve au pays du Cèdre.

Les premiers signes ne sont pas encourageants. En effet, la France est exaspérée de voir que rien n'a bougé au Liban depuis l’explosion du port de Beyrouth en août 2020, malgré deux visites de son président, et une action diplomatique intense. Paris a exigé une intervention américaine auprès du royaume saoudien pour aider à débloquer la situation. Mais une réunion tripartite franco-américano-saoudienne des ministres des Affaires étrangères en Italie, et une visite commune à Riyad des deux ambassadrices française et américaine au Liban, n’ont pas permis une percée, en raison du refus saoudien de se mêler de nouveau du dossier libanais, tant que «le Liban appartient à l’axe iranien». Selon une source politique libanaise, «concentrer ses efforts sur Riyad est inutile, si des pressions parallèles ne sont pas exercées contre la mainmise iranienne». 

 

L’administration Biden semble convaincue de la nécessité d’épauler la France pour stopper l’érosion économique et sociale du Liban.

Khattar Abou Diab

En outre, la lettre commune adressée par Blinken et le Drian au président libanais, Michel Aoun, le jour même de la récusation de Saad Hariri, n’a pas produit les résultats escomptés.  L’axe Aoun couvert par le Hezbollah et l’Iran, ose donc défier Washington et Paris. Dans ce contexte, on peut légitimement se demander si les futures sanctions européennes ou les mesures de pression contre les responsables libanais seront productives ou efficaces.

Les acteurs occidentaux conditionnent tout aide extérieure à la formation d’un gouvernement, et à la mise en place de réformes. Pour l’instant, ces démarches tournent en rond. Il est probable que le Hezbollah ait inscrit le Liban sur l’agenda régional, permettant à l’Iran de lier le pays du Cèdre, et d’autres dossiers, aux négociations de Vienne. Le parti chiite craignait en outre que le soutien accordé à Hariri ne soit que le paravent d’une «tutelle internationale». Ainsi, sans saisir toutes les véritables causes du blocage, la coordination franco-américaine risque de mettre en péril l’initiative française.


Offensive à Gaza, la CIJ ordonne à Israël d'assurer une aide «  d'urgence »

Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens. (AFP).
Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens. (AFP).
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  • Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah
  • "Il n'y a pas un autre endroit dans le monde où un aussi grand nombre de personnes font face à une famine imminente", a résumé sur X le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies

TERRITOIRES PALESTINIENS: L'offensive militaire israélienne contre le mouvement islamiste palestinien Hamas se poursuit vendredi dans la bande de Gaza alors que la Cour internationale de justice (CIJ) a ordonné à Israël d'assurer "une aide humanitaire de toute urgence" à la population civile sur place, menacée de famine.

Les affrontements des derniers mois ont aussi exacerbé les tensions régionales entre Israël et "l'axe de la résistance", rassemblement de mouvements armés soutenus par son ennemi iranien et comprenant notamment le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais et les Houthis yéménites.

Au moins 36 militaires syriens ont été tués dans une frappe israélienne qui a visé vendredi à l'aube la région d'Alep, dans le nord de la Syrie, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

D'après cette ONG basée au Royaume-Uni et qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, la frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais", qui combat aux côtés du régime syrien. Contactée par l'AFP depuis Jérusalem, l'armée israélienne a répondu "ne pas commenter" ces informations.

Dans la bande de Gaza, le ministère de la Santé du Hamas a fait état de "dizaines de morts" lors de combats et de raids aériens notamment à Rafah (sud), ville considérée par Israël comme le dernier grand bastion du Hamas et où s'entassent 1,5 million de Palestiniens, en grande majorité déplacés par les hostilités.

« Famine imminente »

Outre le bilan humain et ces destructions, la guerre a provoqué une catastrophe humanitaire dans le territoire palestinien assiégé, où la majorité des 2,4 millions d'habitants sont désormais menacés de famine selon l'ONU qui déplore une aide insuffisante pour répondre aux besoins de la population.

"Il n'y a pas un autre endroit dans le monde où un aussi grand nombre de personnes font face à une famine imminente", a résumé sur X le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.

Israël doit "veiller sans délai" à ce que soit assurée "sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l'aide humanitaire requis de toute urgence", a déclaré jeudi la Cour internationale de justice (CIJ) basée à La Haye.

Saisie par l'Afrique du Sud, la juridiction avait ordonné en janvier à Israël de faire tout son possible pour empêcher un "génocide" dans le territoire palestinien, Israël jugeant "scandaleuses" de telles accusations.

Dans la nuit, le Hamas s'est félicité de la décision de la CIJ et a demandé sa "mise en œuvre immédiate" afin qu'elle ne devienne pas "lettre morte".

« Entrer à Rafah »

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyhau avait plus tôt réaffirmé jeudi sa détermination à lancer une offensive terrestre à Rafah en dépit des pressions internationales, y compris des Etats-Unis, contre une opération d'envergure sur place.

"Nous tenons le nord de la bande de Gaza ainsi que Khan Younès (sud). Nous avons coupé en deux la bande de Gaza et on se prépare à entrer à Rafah", a-t-il dit à des familles de soldats otages dans le territoire palestinien.

Les Etats-Unis, principal allié d'Israël qui redoute le bilan humain d'une telle opération, avaient demandé récemment l'envoi d'une délégation israélienne à Washington pour discuter de ce projet.

Mais Israël, furieux de l'abstention des Etats-Unis qui a permis l'adoption récente d'une résolution à l'ONU réclamant un "cessez-le-feu immédiat" à Gaza, a annulé la visite. Israël a finalement fait savoir à Washington qu'il aimerait trouver "une nouvelle date pour organiser la réunion" sur Rafah, a indiqué la Maison Blanche.

En parallèle de ces éventuelles discussions à Washington, le Qatar - un médiateur avec l'Egypte et les Etats-Unis - accueille cette semaine des négociations indirectes entre Israël et le Hamas sur un projet de trêve de plusieurs semaines doublée d'un échange d'otages israéliens et de prisonniers palestiniens.

« Yeux bandés »

L'attaque du Hamas le 7 octobre en Israël a entraîné la mort d'au moins 1.160 personnes, essentiellement des civils, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes. D'après Israël, environ 250 personnes ont été enlevées et 130 d'entre elles sont toujours otages à Gaza, dont 34 sont mortes.

En représailles, Israël a juré d'anéantir le Hamas -- qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne -- et lancé une offensive qui a fait à 32.552 morts, majoritairement des femmes et des enfants, selon le ministère de la Santé du Hamas.

L'armée israélienne, qui accuse les combattants du Hamas de se cacher dans les hôpitaux, poursuit ses opérations dans le complexe hospitalier al-Chifa, dans la ville de Gaza (nord), disant avoir "éliminé environ 200 terroristes" dans le secteur depuis le 18 mars.

Les troupes israéliennes "ont évacué les civils, les patients et les équipes médicales vers des installations médicales alternatives", assure l'armée.

"Les forces israéliennes ont obligé des hommes à se déshabiller et ne garder que leurs sous-vêtements (...) J'en ai vu d'autres les yeux bandés qui devaient suivre un char au milieu d'explosions", a indiqué à l'AFP Karam Ayman Hathat, un Palestinien de 57 ans qui habite dans un immeuble près de l'hôpital.


Syrie: au moins 36 soldats syriens tués dans une frappe israélienne près d'Alep

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  • La frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais"
  • Il s'agit du bilan le plus lourd pour l'armée syrienne dans des frappes israéliennes depuis le début de la guerre à Gaza il y a près de six mois

BEYROUTH: Au moins 36 militaires syriens ont été tués dans une frappe israélienne qui a visé vendredi à l'aube la région d'Alep, dans le nord de la Syrie, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

Selon cette ONG basée au Royaume-Uni et qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, la frappe a notamment visé "des dépôts de missiles relevant du Hezbollah libanais", qui combat aux côtés du régime syrien.

"Au moins 36 militaires ont été tués et des dizaines de blessés dans les raids israéliens" qui ont visé une zone proche de l'aéroport d'Alep, a précisé l'ONG.

Il s'agit du bilan le plus lourd pour l'armée syrienne dans des frappes israéliennes depuis le début de la guerre à Gaza il y a près de six mois, selon l'OSDH.

De son côté, une source militaire citée par l'agence officielle syrienne Sana a fait état de "plusieurs tués et blessés parmi des civils et des soldats" dans les frappes.

"L'ennemi israélien a lancé une attaque aérienne contre différents sites à Athriya, au sud-est d'Alep", a affirmé cette source.

Les frappes ont également visé des usines qui relèvent du ministère syrien de la Défense à Safira près d'Alep mais sont actuellement sous le contrôle de groupes pro-iraniens, selon l'OSDH.

Contactée par l'AFP depuis Jérusalem, l'armée israélienne a répondu "ne pas commenter" ces informations de presse.

L'armée israélienne a mené des centaines de frappes aériennes en Syrie depuis le début de la guerre dans ce pays voisin, ciblant en particulier les groupes pro-iraniens.

Elle a intensifié ses frappes depuis le début de la guerre à Gaza en octobre 2023 entre Israël et le Hamas palestinien.

Parallèlement, Israël et le Hezbollah se livrent à des échanges de tirs quotidiens le long de la frontière israélo-libanaise depuis le début de la guerre à Gaza.

Deux morts près de Damas 

La guerre en Syrie a fait plus d'un demi-million de morts, déplacé des millions de personnes et morcelé le pays.

Le conflit a débuté en 2011 par un soulèvement contre le président Bachar el-Assad. Il s'est rapidement transformé en guerre civile après que le régime, soutenu par l'Iran, a lancé une répression féroce contre les dissidents.

Le Hezbollah libanais a envoyé des combattants en Syrie pour soutenir son allié et protéger ses lignes d’approvisionnement avec l'Iran, et a continué à opérer dans le pays depuis lors.

L'Iran nie avoir envoyé des troupes combattre aux côtés du régime de Bachar al-Assad, affirmant que sa présence s'y limite à celle de conseillers militaires.

Une frappe aérienne avait déjà visé jeudi un immeuble résidentiel dans la banlieue de Damas, faisant deux tués civils, selon l'agence de presse officielle syrienne Sana, qui a imputé l'attaque à Israël.

La zone ciblée, Sayyida Zeinab, est considérée comme un bastion des groupes pro-iraniens en Syrie.

Le 19 mars, des raids israéliens avaient déjà visé des dépôts d'armes du Hezbollah dans les environs de Damas.

L'armée israélienne avait annoncé en mars avoir atteint "environ 4.500 cibles du Hezbollah" au Liban et en Syrie, dont "plus de 1.200" par des frappes aériennes, depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza.


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com