En Californie, des chauffeurs Uber se sentent moins indépendants que jamais

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Publié le Dimanche 25 juillet 2021

En Californie, des chauffeurs Uber se sentent moins indépendants que jamais

  • Nombre de chauffeurs font part de leur amertume et de leur colère, car ils ont l'impression d'avoir les inconvénients de l'indépendance, sans les avantages
  • «Je veux les infos sur mes clients et pouvoir les contacter», peste ainsi Mae Cee, qui conduit à temps partiel pour Uber et milite au sein de la RDU (Rideshare Drivers United), une association de chauffeurs

SAN FRANCISCO : "Travailleur indépendant? Mais bien sûr! C'est des conneries", s'exclame Mae Cee, chauffeur Uber. Contractuels ou employés? Le statut des conducteurs de la plateforme est un débat aux enjeux majeurs que ni lois ni votes ne parviennent à trancher.

Officiellement, Uber a gagné la partie lors d'un référendum en novembre dernier en Californie, l'Etat américain où est né le service de réservation de voitures avec chauffeur (VTC). Les électeurs y ont voté à 58,6% en faveur de sa proposition de loi qui entérine le statut de contractuels des conducteurs. Mais à l'usage, nombre d'entre eux font part de leur amertume et de leur colère, car ils ont l'impression d'avoir les inconvénients de l'indépendance, sans les avantages.

"Je veux les infos sur mes clients et pouvoir les contacter", peste ainsi Mae Cee, qui conduit à temps partiel pour Uber et milite au sein de la RDU (Rideshare Drivers United), une association de chauffeurs.

Les conducteurs achètent leur voiture, choisissent quand ils veulent travailler, et combien de temps. Mais tout le reste est orchestré par une application savamment dosée en carottes et coups de bâton, pour les inciter à accepter le plus de courses possibles, y compris les moins rentables. La société ne veut cependant pas les reconnaître comme employés, un statut qui leur donnerait certains droits et avantages sociaux, comme des allocations chômage ou d'éventuelles négociations collectives.

Avec son concurrent américain Lyft et des services de livraison, Uber a dépensé plus de 200 millions de dollars pour promouvoir la "Proposition 22". Elle remplace de facto une loi californienne qui les forçait à requalifier les chauffeurs en employés.

«Soyez votre propre chef»

Mais de nombreux chauffeurs reprochent à l'entreprise d'avoir accordé des avantages, puis de les avoir abolis ou vidés de leur substance après l'adoption de la proposition 22. Pendant la campagne, "nous avions plus d'indépendance, plus de contrôle sur nos affaires et des revenus plus élevés", résume Nathan, un conducteur à temps partiel de San Diego.

La possibilité de fixer leur tarif, grâce à un "multiplicateur" du prix de la course en cas d'affluence, n'est plus disponible, par exemple. Alors même qu'Uber disait: "Soyez votre propre chef! Pouvoir fixer ses propres prix, c'est la preuve que vous êtes bien un indépendant", se souvient Nathan.

Les chauffeurs disposaient aussi de plus d'informations sur chaque course avant d'accepter un passager, notamment sa destination. Désormais, ces infos déterminantes sont conditionnées à un nombre minimum de courses (cinq sur dix) acceptées à l'aveugle. La transparence et le contrôle des prix, "c'était tout ce que je voulais en tant que chauffeur", raconte Nathan. "Cela m'avait convaincu de promouvoir la Proposition 22".

Selon la firme, ces mesures avaient fait baisser la qualité du service. "Elles ont conduit un tiers des chauffeurs à refuser plus de 80% des courses, rendant Uber très peu fiable" en Californie, a souligné un porte-parole. "Avec la reprise en sortie de pandémie, nous voulions nous assurer que les passagers aient une voiture quand ils en ont besoin et que tous les chauffeurs aient plus de trajets en moyenne", a-t-il continué.

«Contents»

La Proposition 22 se veut un compromis : les conducteurs sont indépendants mais bénéficient de certaines protections sociales, dont un revenu minimum pour le temps passé en course. Des associations dénoncent des calculs qui ne prennent pas en compte le temps passé à attendre les passagers (ou les livraisons). Elles affirment aussi que l'écrasante majorité des chauffeurs ne seront en réalité pas éligibles aux cotisations à une assurance santé.

Selon une étude commanditée par Uber en mars-avril dernier, 82% des chauffeurs interrogés se disent cependant "contents" que la Proposition 22 soit entrée en vigueur. Mais la plateforme doit, depuis le printemps, distribuer des bonus pour faire revenir ses conducteurs, qui tardent à reprendre le volant. En cause, les inquiétudes liées au Covid, les aides de l'Etat aux chômeurs, mais pas seulement.

"Les gens ont fait des formations, ou ils ont trouvé d'autres boulots", pense Mae Cee. "La pandémie nous a aidés à réaliser que nous étions accros à l'appli, piégés dans une relation abusive avec Uber". La RDU cherche à mobiliser ses membres contre le modèle de la Proposition 22, qu'Uber espère répandre au-delà de la Californie. L'entreprise, durement affectée par la pandémie malgré l'accent mis sur les livraisons, n'a encore jamais réussi à dégager de bénéfices.


La mythique verrerie française Duralex au tribunal de commerce

Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française. (AFP).
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  • Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française
  • Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitant

ORLEANS: Duralex va-t-elle être placée en redressement judiciaire ou non? Le tribunal de commerce d'Orléans doit décider au cours d'une audience à huis clos, mercredi, du sort de l'entreprise mythique de verrerie française dont la vaisselle réputée incassable est vendue dans le monde entier.

Au cours d'une audience, qui doit démarrer à 16H00, les juges professionnels entendront à tour de rôle deux élus du Comité social et économique (CSE) par syndicat représentatif, ainsi que la direction de la société française, déjà en difficulté il y a trois ans.

A l'extérieur, plusieurs militants de la CGT et du PCF seront réunis pour apporter leur soutien aux salariés de l'entreprise.

"Le problème, c'est qu'on commence à s'habituer", se désole le délégué Force ouvrière (FO) de l'entreprise, Gualter Teixeira, 50 ans dont la moitié passée dans l'usine Duralex située à La Chapelle-Saint-Mesmin (Loiret), près d'Orléans.

Pour cet élu, la situation relève d'"un problème de gestion de la société", dont "les coûts fixes de 2,5 millions d'euros mensuels" sont trop importants.

Trois ans après une précédente demande, Duralex a sollicité une nouvelle fois "l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à son bénéfice auprès du tribunal de commerce d'Orléans", a annoncé la société New Duralex International (NDI) exploitante de la célèbre marque la semaine dernière.

L'entreprise espère ainsi trouver un repreneur et sauver l'usine, qui emploie 230 salariés.

Si le tribunal accède à la demande de Duralex, alors un administrateur et un mandataire seront nommés pour une période d'observation, dont la durée est variable.

« La tour Eiffel de la vaisselle »

En attendant, si "les fours continuent de fonctionner, les camions des fournisseurs sont à l'arrêt et les agences d'intérim ont déjà rappelé les 30-40 intérimaires présents chez Duralex", s'inquiète auprès de l'AFP François Dufranne, salarié de Duralex depuis 1992 et élu CGT.

"Ici, avant, il y avait 1.500 salariés Duralex, 1.500 ouvriers chez Michelin un peu plus loin", se souvient avec amertume M. Dufranne, aux côtés d'anciens collègues, désormais retraités, venus les soutenir.

Las. La seconde a fermé et il ne reste plus que quelque centaines de salariés dans la première entreprise, qui a pourtant fait la fierté de la production industrielle française avec ses verres et ses assiettes, colorés et réputés incassables, qui sont un peu comme "la tour Eiffel de la vaisselle", selon Duralex.

Dans un communiqué transmis la semaine dernière, la CGT du département dénonce une "décision politique" qui vise "à rationaliser et optimiser l'investissement des actionnaires aux dépens des 230 salarié.e.s concerné.e.s et de l'ensemble du bassin d’emploi de l'Orléanais".

"Les belles promesses auront tout de même permis aux actionnaires d'empocher des millions d'euros d'aide financière de l'Etat et des collectivités territoriales, dont les 15 millions versés dernièrement" par les autorités, épingle encore la centrale syndicale.

Duralex, confrontée à la flambée des prix de l'énergie après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, a été sauvée temporairement par un prêt de 15 millions d'euros de l'Etat. De quoi permettre à l'usine de rouvrir son four verrier et de relancer sa production après cinq mois de fermeture.

En vain, puisqu'en 2023, l'inflation, une consommation "en fort retrait" et une "concurrence exacerbée" ont aggravé de nouveau la situation.

En parallèle, NDI dit avoir été condamné récemment à payer les droits à polluer de l'ancien propriétaire de Duralex.

Incompréhensible selon les élus syndicaux: "On nous a fait une présentation commerciale des objectifs de développement jusqu'en 2030, de belles présentations, un grand 'speech' et 3 semaines après, on apprend la demande de redressement judiciaire", s'agace François Dufranne.

Gualter Teixeira n'en démord pas: à l'audience, "il va falloir nous expliquer ce qui s'est passé".


Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de dette morale aux pays pauvres, affirme Esther Duflo

L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
L'économiste franco-américaine et co-lauréate du prix Nobel 2019 de sciences économiques, Esther Duflo, pose lors d'une séance photo à Paris le 20 juin 2023. (Photo, AFP)
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  • Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial
  • Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût

PARIS: Les pays riches doivent 500 milliards de dollars par an de "dette morale" aux pays pauvres, évalue la prix Nobel d'économie Esther Duflo, qui propose de faire assumer aux pays développés la responsabilité du réchauffement climatique à travers deux taxes.

"C'est ce que j'appelle une dette morale. Ce n'est pas ce que cela coûterait de s'adapter; ce n'est pas ce que cela coûterait d'atténuer. C'est ce que nous devons", a détaillé l'économiste dans un entretien au Financial Times lundi, se basant surtout sur l'effet du réchauffement climatique sur la mortalité dans les pays pauvres.

"Il y aura des dégâts énormes", poursuit Mme Duflo qui se base une étude menée par le Global Impact Lab en 2020 ayant montré que le nombre de décès liés à la chaleur risquait de bondir dans les pays pauvres d'ici à la fin du siècle.

"Ces dégâts seront concentrés dans les pays pauvres en dehors de l'OCDE", ajoute-t-elle, pointant la responsabilité des pays riches sur le changement climatique.

Les pays du G7 (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni), soit 10% de la population de la planète, émettent environ 25% du CO2 lié au système énergétique mondial, selon l'AIE.

Esther Duflo se base sur les travaux de l'économiste américain Michael Greenstone qui, en partant d'une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l'effet du réchauffement climatique sur l'augmentation de la mortalité, évalue à 37 dollars le coût d'une tonne de carbone. Multiplié par la quantité d'émissions annuelles attribuables à l'Europe et aux Etats-Unis, 14 milliards de tonnes de CO2 équivalent, le prix de la "dette morale" monte alors à 518 milliards, soutient Mme Duflo.

Pour la financer, elle propose d'augmenter le taux minimal d'imposition des multinationales et de taxer les grandes fortunes, deux mécanismes qui permettraient selon elle de couvrir l'enveloppe annuelle.

L'aide financière climatique due par les pays riches aux pays en développement est fixée actuellement à 100 milliards de dollars par an. La COP29, en novembre à Bakou, doit établir le nouveau montant au-delà de 2025.

Le futur objectif, crucial pour renouer la confiance entre le Nord et le Sud, restera quoi qu'il arrive très en-deçà des besoins: les pays en développement (hors Chine) ont besoin de 2.400 milliards de dollars par an d'ici 2030 pour financer leur transition et s'adapter au changement climatique, selon un calcul d'experts de l'ONU.

En parallèle, de multiples pistes sont au coeur des négociations internationales pour trouver comment combler l'écart, parmi lesquelles l'allègement de la dette des pays pauvres ou des innovations financières via de nouvelles taxes internationales.

 

 


L'Asie paye le prix fort aux aléas climatiques

Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
Des habitants traversent les eaux de crue après avoir été évacués d’une zone inondée suite à de fortes pluies dans la ville de Qingyuan, dans la province méridionale du Guangdong en Chine. (AFP)
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  • L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère
  • L'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990

GENEVE: L'Asie a été "la région du monde la plus touchée par les catastrophes" liées à la météo en 2023, inondations et tempêtes ayant fait le plus de victimes et de pertes économiques, indique l'ONU mardi.

"Le changement climatique a exacerbé la fréquence et la gravité de tels événements, impactant profondément les sociétés, les économies et, plus important encore, les vies humaines et l'environnement dans lequel nous vivons", a déclaré Celeste Saulo, directrice de l'Organisation mondiale de la météorologie (OMM) dans un communiqué.

L'année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. Et en Asie l'impact des vagues de chaleur devient de plus en plus sévère, souligne l'OMM, ajoutant que la fonte des glaciers -notamment dans la chaîne de l'Himalaya- menace la sécurité hydrique de la région.

En outre, l'Asie se réchauffe plus rapidement que la moyenne mondiale, avec des températures l'année dernière de près de deux degrés Celsius supérieures à la moyenne de 1961 à 1990.

"Les conclusions du rapport donnent à réfléchir", a déclaré la cheffe de l'OMM.

"De nombreux pays de la région ont connu en 2023 leur année la plus chaude jamais enregistrée, accompagnée d'une série de conditions extrêmes, allant des sécheresses et des vagues de chaleur aux inondations et aux tempêtes", souligne le rapport.

Le rapport sur l'état du climat en Asie 2023 souligne l'accélération du rythme des principaux indicateurs du changement climatique tels que la température de surface, le retrait des glaciers et l'élévation du niveau de la mer, affirmant qu'ils auraient de graves répercussions sur les sociétés, les économies et les écosystèmes de la région.