Au Sud-Liban, l’ombre de Téhéran

Une unité de la force de maintien de la paix des Nations Unies au Liban (FINUL) patrouille dans le village côtier de Qlaileh, dans le sud du Liban, le 20 juillet 2021. (Mahmoud Zayyat/AFP)
Une unité de la force de maintien de la paix des Nations Unies au Liban (FINUL) patrouille dans le village côtier de Qlaileh, dans le sud du Liban, le 20 juillet 2021. (Mahmoud Zayyat/AFP)
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Publié le Samedi 07 août 2021

Au Sud-Liban, l’ombre de Téhéran

  • Il faut placer les événements dans le cadre de ce qui se passe dans la région, notamment la confrontation entre Israël et l’Iran
  • L’embrasement du Sud-Liban entre dans ce contexte, l’Iran usant de tous les moyens pour faire pression sur tous les acteurs régionaux et internationaux

BEYROUTH : Alors que les Libanais commémoraient dans la douleur et la colère, le 4 août, le premier anniversaire de la double explosion du port qui a détruit de nombreux quartier de Beyrouth l’année dernière, faisant au moins 200 morts, plus de 6.000 blessés, et près de 300.000 sans-abris, un groupuscule palestinien a lancé plusieurs roquettes depuis le Sud-Liban, dont deux sont tombées dans la région de Kiryat Shmona sans faire de victimes.

En représailles, Israël a lancé plusieurs raids aériens dans la nuit de mercredi à jeudi. Deux bombes ont visé une route dans le village de Dimachkiyeh dans le caza de Jezzine, d’où les roquettes ont été lancées. Une troisième bombe est tombée à proximité du camp palestinien de Rachidiyeh dans le caza de Tyr. Il s’agissait des premiers raids aériens de l’État hébreu contre le Liban depuis 2014.

Cette escalade a été suivie côté israélien par des tirs de roquettes, revendiqués par le Hezbollah, dans le secteur des fermes de Chebaa dans la région disputée du plateau du Golan. Selon l’armée israélienne, 19 roquettes ont été tirées, dont six ont touché son sol. Trois sont tombées au Liban et les autres ont été interceptées par le système anti-missile «Dôme de fer». Israël a par la suite riposté par des frappes d’artillerie.

Cette poussée de fièvre à la frontière libano-israélienne a été accompagnée par de fermes mises en garde de l’État hébreu. Le porte-parole arabophone de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a averti que « les frappes de l’armée israélienne se poursuivront et pourraient s’intensifier face aux tentatives terroristes visant l’État d’Israël et ses citoyens ». Une menace qui peut viser indistinctement le Hezbollah et certaines factions palestiniennes armées montrées du doigt.

De son côté, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, a menacé de «rendre la situation au Liban encore plus désastreuse qu’elle ne l’est». «Nous n’avons pas l’intention de laisser le Hezbollah jouer avec nous, et il le sait. La situation du Liban est désastreuse. Nous pouvons la rendre encore pire», a-t-il ajouté sur la chaîne israélienne Channel 12.

Depuis vendredi après-midi, un calme précaire s’est installé à la frontière, accompagné de discours appelant à la désescalade. Israël a indiqué après ses tirs ne pas vouloir d’«escalade», après que la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (Finul) a mis en garde contre « une situation très dangereuse » et appelé à un cessez-le-feu « immédiat ». « Nous ne voulons pas d’une escalade en vue d’une véritable guerre, mais bien sûr nous sommes prêts à cela », a ainsi déclaré Amnon Shefler, un porte-parole de l’armée israélienne. Même son de cloche du numéro deux du Hezbollah, Naïm Kassem : «Nous ne pensons pas que les choses se dirigent vers une escalade, bien que le Hezbollah soit préparé» à une confrontation, a-t-il affirmé à la presse.

Interrogation sur le timing

Sachant que les incidents entre les deux parties sont réguliers dans ce secteur, le timing de ce regain de tension a suscité des interrogations. Certains observateurs y voient une tentative de diversion en pleine commémoration du 4 août, d’autant que les regards se tournent vers des factions palestiniennes proches de Damas, alors que le régime syrien est accusé d’être indirectement lié à l’explosion du port, puisque, selon certains, le stock de nitrate d’ammonium qui a explosé lui était destiné.

Pour le général à la retraite, Elias Hanna, l’attaque « n’est pas nécessairement liée aux commémorations ». Selon lui, «les premières frappes imputées à des groupuscules palestiniens ont pour but de faire en sorte que le conflit avec le Hamas puisse prendre une dimension régionale, et non plus locale ». Or, toujours selon l’ancien général, « l’obsession israélienne sur le plan militaire reste le Hamas». L’État hébreu ne veut pas que la guerre avec le Hamas s’exporte sur sa frontière Nord, au Liban. Sachant que le mouvement radical palestinien a prouvé qu’il a les capacités de frapper sur tout le territoire israélien suite aux derniers affrontements durant le mois du ramadan.

C’est dans ce contexte qu’il faut lire la réponse disproportionnée et inédite depuis presque une décennie de l’armée israélienne, en faisant usage de frappes aériennes, notamment par rapport aux trois roquettes lancée mercredi.

« En lançant des raids aériens, les Israéliens ont voulu placer haut la barre. Toutefois, le risque est calculé et reste bas. Ils n’ont pas incriminé le Hezbollah, ils ont frappé des positions palestiniennes, et ils ont accusé l’État libanais d’être responsable de l’insécurité sur son territoire », ajoute Elias Hanna qui estime que l’Etat hébreu a délibérément minimisé les frappes du Hezbollah. Le système antimissile fonctionne quand des zones habitées sont menacés. Si 10 roquettes ont été interceptées, du coup, certaines zones habitées étaient en danger, explique l’ancien général. « Israël ne veut donc pas faire monter la tension. Il y a aujourd’hui une nouvelle dynamique sur le terrain. La notion de dissuasion à elle seule n’est plus suffisante vu l’évolution de la situation », ajoute-t-il.

Rappelons également que le nouveau Premier ministre israélien, Naftali Bennett était ministre de la Défense, « il n’est donc pas étranger à ce genre de conflit. Mais son prédécesseur avait mis la barre tellement haut que Bennett n’arrive pas à la dépasser, surtout en matière de confrontation », ajoute Elias Hanna.  La différence, actuellement, entre les deux, c’est le changement aux États-Unis entre Donald Trump et Joe Biden. « Israël ne peut pas se permettre une guerre de grande envergure s’il n’est pas soutenu par les USA en terme diplomatique, militaire, de renseignement, etc… »

Pour le politologue Sami Nader, le Hezbollah non plus ne veut pas d’une guerre. «Il est coincé : il revient de Syrie épuisé; il y a aussi la crise économique et sociale au Liban qui touche notamment sa base électorale ; et il y a enfin l’affaire du port où il est pointé du doigt ». Par ailleurs, le parti chiite ne peut plus se permettre une guerre de l’ampleur de celle de 2006. « La situation actuelle est très différente de celle de 2006 où le Hezbollah n’était pas en ligne de mire comme c’est le cas maintenant. Le parti est complétement à découvert, alors qu’il s’est placé contre la révolution qui a éclaté le 17 octobre 2019. Il est donc clair que ce n’est pas le timing adéquat pour le Hezb », ajoute l’expert. D’ailleurs la réponse du parti chiite vendredi a été très calculée pour minimiser les risques. Il voulait juste dire à Israël qu’il répond pour le principe, et pour ne pas changer les règles d’engagement. En revanche, Israël sait que le Liban devient le ventre mou du Hezbollah et non plus sa forteresse ».

Le Hezbollah est un acteur hybride, précise le général Elias Hanna. « Mais en fin de compte, il ne peut pas sortir de son environnement et de son enracinement libanais. Son action sous la coupe de l’Iran aura des limites qu’il ne pourra pas dépasser, et cette limite c’est le Liban », précise-t-il.

Confrontation régionale

En effet, les échanges de tirs à la frontière libano-israélienne coïncident avec un accroissement des tensions entre l’État hébreu et la République islamique, parrain du Hezbollah, dans la foulée d’une attaque meurtrière en mer d’Oman contre un pétrolier appartenant à un homme d’affaires israélien.

« Il faut placer ces événements au Sud-Liban dans le cadre de ce qui se passe dans la région, affirme ainsi Sami Nader, notamment la confrontation entre Israël et l’Iran », surtout après l’élection du nouveau président conservateur Ebrahim Raïssi. L’aile dure contrôle désormais tous les rouages de l’État et de sa politique, alors que les négociations sur le nucléaire à Vienne sont complètement bloquées.

« Dans ce contexte, il faut noter qu’il y a eu un changement de cap chez l’Administration Biden ». A un certain moment, on a cru que les Américains vont revenir à la politique d’Obama de dissociation entre le nucléaire et les autres questions régionales. Mais il s’est avéré qu’ils ont poursuivi là où Donald Trump les a laissés : « ils veulent un deal sur les trois volets, nucléaires, stratégique et balistique », dit l’expert, tout en ajoutant : « L’heure est actuellement à l’escalade dans la région, avec plusieurs brasiers allumés, comme les attaques sur les bases militaires américaines en Irak, les agressions contres des navires dans le Golfe. L’embrasement du Sud-Liban entre dans ce contexte, l’Iran usant de tous les moyens pour faire pression sur tous les acteurs régionaux et internationaux. C’est donc une des cartes dont disposent les Iraniens face aux États-Unis et Israël ».


MSF nie les allégations de l’armée israélienne selon lesquelles il existait une «activité terroriste» sur le site d’une attaque meurtrière à Gaza

Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête». (MSF)
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  • Deux membres de la famille d’un employé tués et sept autres blessés par l’armée israélienne en février
  • Un obus de char aurait été «tiré directement dans le bâtiment», selon une enquête menée par un organe de presse

DUBAÏ: L’armée israélienne a été accusée d’avoir attaqué intentionnellement et sans provocation un centre d’hébergement de Médecins sans frontières (MSF) qui abritait 64 personnes dans la région d’Al-Mawasi, à Gaza, le 20 février, tuant deux membres de la famille d’un employé et blessant sept autres personnes.

L’attaque a eu lieu malgré le fait que l’armée israélienne a été informée de l’emplacement précis du centre, selon MSF. L’armée a affirmé qu’il existait une «activité terroriste» sur le site, ce que MSF a nié.

Mercredi, Sky News a révélé les résultats de son enquête sur cet incident, ce qui a incité l’armée israélienne à mener sa propre «enquête».

L’organe de presse a déclaré s’être rendu sur place et avoir utilisé des images prises sur le terrain, des techniques «open source» ainsi que des entretiens avec des témoins et des experts en armement pour comprendre comment l’incident s’est déroulé.

Des témoins ont affirmé à Sky News qu’ils avaient entendu des bruits forts qui semblaient provenir de chenilles de chars, tandis que d’autres ont également entendu des coups de feu.

Les preuves recueillies laissent penser que l’attaque a été déclenchée par un obus de char qui a pénétré par une fenêtre. «Il est difficile de tirer des conclusions définitives à partir d’images, mais je pense que les dégâts sont dus à un obus de char tiré directement dans le bâtiment», a expliqué Chris Cobb-Smith, ancien officier d’artillerie de l’armée britannique et directeur de Chiron Resources.

Ce dernier a réfuté toute idée selon laquelle il s’agirait d’une attaque du Hamas. Il a affirmé qu’il n’était «pas au courant de l’existence d’armes à tir direct de ce calibre utilisées par le Hamas» et qu’il était «peu probable qu’un obus de cette taille ait pu être déployé et tiré compte tenu de l’activité de l’armée israélienne dans la région».

Des témoins et des membres de MSF ont déclaré avoir entendu des coups de feu avant que le bâtiment ne soit touché.

Meinie Nicolai, directrice générale de l’organisation humanitaire, s’est rendue sur place peu après l’attaque. Elle a indiqué que des balles avaient été tirées sur la façade du centre.

L’enquête a par ailleurs révélé que le jour de l’attaque, l’armée israélienne a écrit sur sa chaîne Telegram que ses forces opéraient dans le nord, le centre et le sud de la bande de Gaza et qu’elles menaient «des opérations intensives dans l’ouest de Khan Younès». Cependant, elle n’a pas mentionné les environs immédiats du centre d’hébergement.

En outre, le porte-parole en langue arabe de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a publié le même jour une carte d’évacuation de deux quartiers plus au nord, dans la ville de Gaza et ses environs. Cette carte ne couvrait pas la zone où se trouve le centre.

Selon l’enquête, les services d’urgence sont arrivés sur les lieux au moins deux heures et demie après l’attaque pour des raisons de sécurité.

Les blessés ont été transportés à l’hôpital de campagne de l’International Medical Corps à Rafah, a précisé MSF.

«Nous sommes indignés et profondément attristés par ces meurtres», avait commenté Mme Nicolai au mois de février. «Ces meurtres  témoignent de la triste réalité: aucun endroit à Gaza n’est sûr, les promesses de mise en place de zones sûres n’ont pas été tenues et les mécanismes de “déconfliction” ne sont pas fiables», avait-elle ajouté.

L’armée israélienne, qui mène sa propre enquête, a précisé qu’elle avait «tiré sur un bâtiment identifié comme étant le théâtre d’activités terroristes», mais elle n’a fourni aucune preuve.

Dans un communiqué publié mercredi, MSF «réfute toute allégation d’activité terroriste dans les structures gérées par la MSF».

«Le centre était utilisé par le personnel humanitaire et les membres de leurs familles. Il était identifié par un drapeau MSF et les autorités israéliennes étaient informées de son emplacement.»

«Après l’incident, des informations ont été reçues. Elles font état de la mort de deux civils innocents dans la zone. L’armée regrette tout préjudice causé aux civils et fait tout ce qui est en son pouvoir pour opérer de manière précise et exacte», a ajouté l’armée israélienne dans un communiqué.

En vertu du droit international humanitaire, les installations et les unités médicales doivent être respectées et protégées en toutes circonstances.

Oona Hathaway, professeure de droit international à la faculté de droit de Yale, a expliqué à Sky News que les installations médicales sont «présumées être des biens civils et ne doivent pas être prises pour cibles lors d’un conflit armé».

Elle a souligné que si l’armée israélienne prend intentionnellement pour cible un bien civil, cela constitue «potentiellement un crime de guerre».

La semaine dernière, l’armée a mené une opération à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa, affirmant que de hauts responsables du Hamas étaient basés dans cet immense complexe. Des jours de combats intenses ont suivi. L’armée a signalé qu’environ 170 combattants palestiniens avaient été tués et que des centaines d’autres avaient été arrêtés ou interrogés.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Tunisie: quatre accusés condamnés à mort pour l'assassinat de l'opposant Belaïd en 2013

L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
L'avocat tunisien et leader de l'opposition Chokri Belaid (Photo, AFP).
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  • Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha
  • Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité

TUNIS: Quatre accusés jugés en Tunisie pour l'assassinat de l'opposant de gauche Chokri Belaïd en 2013 ont été condamnés à mort, dans le tout premier verdict prononcé mercredi dans cette affaire qui avait secoué le pays et provoqué une grave crise politique.

Au total, 23 personnes étaient inculpées pour l'assassinat par balles dans sa voiture devant son domicile le 6 février 2013 de l'avocat de 48 ans, critique virulent du parti islamo-conservateur Ennahdha, à l'époque au pouvoir en Tunisie.

Après 11 ans d'enquêtes et poursuites judiciaires, le tribunal de première instance de Tunis a également condamné deux accusés à la prison à perpétuité, a annoncé à l'aube sur la télévision nationale Aymen Chtiba, procureur général adjoint du pôle judiciaire antiterroriste.

"Justice a été rendue", a estimé le procureur, expliquant la longueur des délibérés, qui ont duré pendant près de 15 heures, par "la nature et le volume" du dossier.

Entouré de manifestants de gauche réunis comme chaque mercredi au centre de Tunis pour réclamer la vérité sur cette affaire, le frère de Chokri Belaïd, Abdelmajid, a salué auprès de l'AFP "une première bataille gagnée dans cette guerre", tout en promettant de poursuivre "sa lutte", notamment contre "la manipulation du dossier".

Les proches de Chokri Belaïd ont à de nombreuses reprises pointé du doigt Ennahdha, accusant notamment le mouvement de s'être montré "indulgent" envers le discours des islamistes extrémistes qui s'était développé à l'époque.

Quelques heures après le verdict, Zouhaier Ben Abdallah, procureur de la République près du tribunal de première instance de Tunis et responsable à ce titre du pôle judiciaire anti-terroriste, a été démis de ses fonctions, sans qu'aucune explication ne soit donnée, ont rapporté les médias.

Ennahdha a estimé dans un communiqué que les condamnations prononcées mercredi "prouvent (son) innocence". Le parti a dénoncé "une volonté de certains courants idéologiques et partis politiques de l'accuser à tort".

"Dans leur communiqué, ils affirment que les coupables ont été trouvés et que le dossier est clos mais ce n'est pas vrai", a rétorqué Abdelmajid Belaïd, assurant qu'il y aurait "bientôt un autre procès d'autres accusés qui étaient en relation directe avec Rached Ghannouchi", chef d'Ennahdha et principale figure de l'opposition, emprisonné depuis plus d'un an.

Moratoire 

Des peines de 2 à 120 ans d'emprisonnement ont aussi été prononcées contre d'autres inculpés tandis que cinq individus ont bénéficié d'un non-lieu.

Si la justice tunisienne prononce régulièrement des condamnations à la peine capitale, notamment dans des affaires de terrorisme, un moratoire est appliqué de facto depuis les dernières exécutions menées en octobre 1991 lorsque trois membres d'Ennahdha avaient été pendus sous le régime du dictateur Zine El Abidine Ben Ali.

Des jihadistes ralliés au groupe Etat islamique (EI) avaient revendiqué l'assassinat de Chokri Belaïd ainsi que celui, six mois plus tard, du député Mohamed Brahmi, une autre figure de l'opposition de gauche.

Les autorités tunisiennes avaient annoncé en février 2014 la mort de Kamel Gadhgadhi, considéré comme le principal auteur de l'assassinat de Chokri Belaïd, pendant une opération antiterroriste.

Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi s'opposaient à la politique d'Ennahdha, qui a dominé le Parlement et le gouvernement après la révolution tunisienne de 2011 jusqu'à un coup de force de l'actuel président Kais Saied qui s'est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021.

Les deux assassinats avaient constitué un tournant pour la Tunisie, berceau du Printemps arabe alors en pleine transition démocratique, en provoquant des manifestations et une crise politique au terme de laquelle Ennahdha avait dû céder le pouvoir à un gouvernement de technocrates en 2014.

En juin 2022, le président Kais Saied, qui considère l'assassinat des deux "martyrs" comme une cause nationale, avait ordonné la révocation de dizaines de magistrats soupçonnant certains d'avoir entravé l'enquête, faisant écho aux récriminations des familles et de la défense des deux opposants.

Ennahdha a toujours nié toute implication et après les assassinats, avait classé comme organisation terroriste le mouvement salafiste jihadiste Ansar al-Charia, toléré dans le pays depuis la chute de Ben Ali.

A l'époque, la Tunisie avait également connu un essor des groupes jihadistes avec des milliers d'islamistes partis combattre en Syrie, Irak et Libye.

Des attentats avaient également fait des dizaines de morts, dont près de 60 touristes tués en 2015 au musée du Bardo à Tunis et dans la station balnéaire de Sousse.


Israël: la conscription des ultra-orthodoxes secoue le gouvernement Netanyahu

Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
Les membres d’un groupe juif ultra-orthodoxe se préparent à jouer sur la tombe du rabbin Shimon Bar Yochai au mont Meron, dans le nord d’Israël, le 9 mai 2023 (Photo, AFP).
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  • Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord
  • La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes

JÉRUSALEM: Le gouvernement israélien est engagé jeudi dans une course contre la montre pour trouver un compromis et répondre à la Cour suprême sur la conscription des ultra-orthodoxes, un dossier épineux pour la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

La Cour suprême, saisie de plusieurs appels exigeant une conscription immédiate des ultra-orthodoxes, afin de respecter les lois sur l'égalité entre les citoyens, avait donné jusqu'à mercredi au gouvernement pour formuler une proposition détaillée de projet de loi.

En Israël, le service militaire est obligatoire, mais les juifs ultra-orthodoxes ("haredim" en hébreu) peuvent échapper à la conscription s'ils consacrent leur temps à étudier les textes sacrés du judaïsme, une exemption instaurée à la création de l'Etat d'Israël en 1948 et qui n'a jamais été changée depuis.

Compte tenu de la sensibilité de cette question qui a rouvert une fracture profonde dans le pays, la coalition gouvernementale dirigée par M. Netanyahu n'est pas parvenue à un accord en raison de l'opposition des partis ultra-orthodoxes qui ne veulent pas entendre parler de conscription.

La demande du gouvernement de bénéficier de quelques heures supplémentaires, jusqu'à 12H00 GMT jeudi, pour remettre sa réponse à la Cour suprême, semble indiquer que les différentes parties cherchent à trouver un compromis.

La procureure générale Gali Baharav-Miara, dont le rôle est de conseiller le gouvernement sur les questions juridiques et de le représenter devant les juridictions judiciaires, a jeté un pavé dans la mare mercredi soir en annonçant que le gouvernement aurait l'obligation de procéder à la conscription des ultra-orthodoxes à partir du 1er avril en raison d'un vide juridique.

Au moment où Israël est en guerre contre le mouvement islamiste palestinien Hamas à Gaza depuis bientôt six mois, cette exemption est de plus en plus critiquée au sein de la société, dont une partie estime que les juifs ultra-orthodoxes devraient comme les autres apporter leur contribution à la sécurité du pays et faire leur service militaire.

La coalition gouvernementale de M. Netanyahu repose largement sur l'alliance avec les deux grands partis ultra-orthodoxes, Shass et Judaïsme unifié de la Torah, farouchement opposés à la conscription des haredim. Leur défection ferait tomber la coalition.

Défi d'un ministre 

En mai 2023, le gouvernement a voté pour les écoles talmudiques (yeshivot) un budget sans précédent de près d'un milliard d'euros (3,7 milliards de shekels).

Ces derniers avaient soutenu le projet controversé de réforme judiciaire de Benjamin Netanyahu en échange de son soutien à un projet de loi qui devait être discuté au Parlement avant la guerre sur la poursuite du report de la conscription pour les ultra-orthodoxes.

Mais fin février, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, avait défié son Premier ministre en annonçant une réforme du service militaire visant à inclure les haredim, et exigé que l'ensemble du gouvernement la soutienne.

Le service militaire (32 mois pour les hommes et deux ans pour les femmes) est obligatoire pour les jeunes israéliens mais la quasi-totalité des ultra-orthodoxes y échappe, grâce à un accord offrant aux jeunes hommes étudiant à plein temps dans des écoles talmudiques de reporter chaque année leur service militaire. Les jeunes femmes religieuses en sont elles automatiquement exemptées.

Depuis l'invalidation par la Cour suprême israélienne en 2012 de la loi Tal, permettant la tenue de cet accord, les exonérations se sont poursuivies, régies par des accords entre les gouvernements successifs et les partis ultra-orthodoxes.

Les ultra-orthodoxes représentent environ 14% de la population juive d'Israël, selon l'Institut israélien pour la démocratie (IDI), soit près de 1,3 million de personnes.

Environ 66.000 hommes ultra-orthodoxes en âge de servir bénéficient de ce report, selon un chiffre de l'armée.

En 1948, ce report permettait à une élite de 400 jeunes de préserver le monde des études des textes sacrés en grande partie décimé pendant la Shoah.

La plupart des haredim réclament le maintien de cette exemption pour tous les étudiants, jugeant l'armée incompatible avec leurs valeurs.