Le CPI écarte des priorités l'examen de crimes imputés à l'armée US en Afghanistan

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Karim Asad Ahmad Khan tient une conférence de presse au ministère de la Justice à Khartoum, la capitale soudanaise, le 12 août 2021. (Photo, AFP)
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Karim Asad Ahmad Khan tient une conférence de presse au ministère de la Justice à Khartoum, la capitale soudanaise, le 12 août 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 28 septembre 2021

Le CPI écarte des priorités l'examen de crimes imputés à l'armée US en Afghanistan

  • L'enquête avait été suspendue en 2020 après que le gouvernement, désormais renversé, de Kaboul avait assuré qu'il tenterait d'enquêter lui-même sur les allégations de crimes de guerre
  • La CPI avait entamé un examen préliminaire sur l'Afghanistan en 2006, avec pour mandat d'enquêter sur des crimes remontant à trois ans plus tôt, lorsque l'Afghanistan a rejoint la cour

LA HAYE : Le nouveau procureur général de la Cour pénale internationale (CPI) a demandé lundi aux juges la réouverture d'une enquête en Afghanistan axée sur les talibans et le groupe jihadiste Etat islamique-Khorasan (EI-K), écartant des priorités l'examen de crimes imputés à des soldats américains.

Karim Khan, qui a pris ses fonctions en juin, a déclaré que la situation en Afghanistan après la prise du pouvoir par les talibans signifiait qu'il ne pouvait "plus s'attendre à des enquêtes locales authentiques et efficaces". 

Sa décision d'écarter des priorités l'enquête sur les forces américaines pour se concentrer sur les groupes islamistes a été saluée par les Etats-Unis tout en suscitant la colère d'organisations de défense des droits humains.

"Nous sommes satisfaits de voir que la CPI va consacrer en priorité ses ressources aux accusations les plus graves", a déclaré une porte-parole de la diplomatie américaine, Jalina Porter, en rappelant l'opposition de Washington à une enquête visant les soldats américains.

"Nous sommes profondément inquiets au sujet de la situation actuelle des droits humains en Afghanistan, y compris s'agissant d'allégations d'atrocités", a-t-elle ajouté.

L'enquête avait été suspendue en 2020 après que le gouvernement - désormais renversé - de Kaboul avait assuré qu'il tenterait d'enquêter lui-même sur les allégations de crimes de guerre.

Mais "le changement de régime" a eu "de profondes répercussions", a déclaré M. Khan dans un communiqué.

Dans l’attente de la décision des juges, le procureur a dit se préparer à reprendre son enquête.

Gravité et ampleur

Et en raison des "ressources limitées" de la CPI, il a ajouté avoir "décidé d'axer les enquêtes" sur "les crimes qui auraient été commis par les talibans et l'Etat islamique-Khorasan, au détriment d'autres aspects de l'enquête". Il a évoqué "la gravité, l'ampleur et la nature" des crimes présumés.

Il a spécifiquement mentionné l'attaque meurtrière du 26 août à l'aéroport de Kaboul, revendiquée par l'EI-K, au cours de laquelle 13 militaires américains et plus de 100 civils afghans ont été tués.

La CPI avait entamé un examen préliminaire sur l'Afghanistan en 2006, avec pour mandat d'enquêter sur des crimes remontant à trois ans plus tôt, lorsque l'Afghanistan a rejoint la cour.

Fatou Bensouda, la procureure sortante, avait en 2017 demandé aux juges internationaux l'autorisation d'ouvrir une enquête, affirmant qu'il y avait "des motifs raisonnables de croire" que des crimes de guerre avaient été commis à la fois par les talibans et par les forces américaines en Afghanistan, ainsi que par la CIA dans des centres de détention secrets à l'étranger.

Les juges de la CPI avaient rejeté l'ouverture d'une enquête en 2019, affirmant que cela "ne servirait pas les intérêts de la justice", mais les juges d'appel avaient ensuite donné leur feu vert en 2020.

L'enquête de la CPI - cour créée en 2002 pour juger les pires atrocités dans le monde - a longtemps suscité l'ire des Etats-Unis, qui ne sont pas signataires du traité ayant permis la constitution de cette cour, et avait conduit le gouvernement de Donald Trump (2017-2021) à imposer des sanctions à Fatou Bensouda.

«Honte»

Karim Khan a déclaré que son bureau resterait "attentif aux possibilités de préservation des éléments de preuve qui se présenteraient" relatifs aux crimes imputés à des soldats américains. 

Le procureur a toutefois martelé qu'il existait "une base raisonnable pour croire que des personnes affiliées aux talibans" avaient "commis des crimes contre l'humanité".

Selon lui, les informations faisant état de la libération par les talibans de "milliers de prisonniers prétendument liés aux groupes terroristes Al-Qaïda et EI-K" permettent de douter que les nouveaux dirigeants islamistes du pays puissent enquêter "véritablement".

"Stupéfaite", c'est une "honte", a tweeté Katherine Gallagher, une avocate d'Afghans qui affirment avoir été victimes de tortures par les forces américaines.

"Nous exhortons le procureur général à revenir sur cette décision, qui reporte indéfiniment toute justice pour les victimes de torture de la part des Etats-Unis", a aussi réagi l'association américaine de défense des droits humains ACLU.

Samira Hamidi, une militante d'Amnesty International, a estimé que la bavure de l'armée américaine juste avant son retrait, qui avait causé la mort de dix membres d'une famille afghane, montrait que la CPI devait "revoir cette décision et demander des comptes aux Etats-Unis également".


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"