DUBAÏ: Des startups dirigées par des femmes, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, reçoivent un soutien grâce à une nouvelle initiative visant à leur fournir les conseils, le financement et le parrainage dont elles ont besoin pour se développer.
She Wins Arabia est une collaboration entre la International Financial Corporation (IFC) de la Banque mondiale et Abu Dhabi Global Market (ADGM) pour soutenir les incubateurs, les accélérateurs et les fonds de capital-risque par le renforcement des capacités et la formation.
L'initiative, qui fait partie de l'engagement plus large d'IFC visant à combler les écarts économiques entre les femmes et les hommes dans la zone MENA, travaillera directement avec les startups et les entreprises régionales dirigées par des femmes pour les aider à élaborer leurs plans d'affaires et à parfaire leurs présentations aux investisseurs potentiels.
«Les fondateurs, hommes et femmes, sont confrontés à plusieurs défis dans le monde, qui sont tous centrés sur l'accès au capital, aux marchés et aux compétences», a affirmé Miriam Kiwan, responsable des partenariats stratégiques auprès de l’ADGM.
Elle a mentionné un manque de sensibilisation dans l'écosystème de l'entrepreneuriat de la zone MENA aux défis spécifiques au genre auxquels sont confrontées les startups dirigées par des femmes.
«Le problème le plus difficile est peut-être l'accès au financement, qui est dû à un accès limité aux services financiers et aux prêts bancaires, à un niveau extrêmement faible de représentation des femmes dans l'écosystème de financement et à la persistance de préjugés sexistes liés aux femmes et aux membres de minorités qui fondent des entreprises», précise-t-elle.
Un récent rapport de l'OCDE a révélé que les femmes qui fondent des entreprises reçoivent 23 % de financement en moins que les hommes, malgré un retour sur investissement supérieur de 35 % et générant en moyenne des revenus supérieurs de 12 % à ceux des hommes.
Dans une région où seulement 6 % du capital-investissement et du capital-risque sont destinés aux entreprises dirigées par des femmes, selon la IFC, des initiatives telles que She Wins Arabia peuvent jouer un rôle important dans l'autonomisation des femmes entrepreneures.
De plus, de nombreux incubateurs et fonds de capital-risque n'adaptent pas encore leurs espaces de travail, leurs produits et leurs services aux femmes entrepreneures. «Nous devons nous concentrer sur le développement de programmes régionaux pour augmenter le nombre de femmes gestionnaires de fonds grâce au parrainage, aux programmes de capital-risque et aux programmes d'investisseurs providentiels», a souligné Kiwan à Arab News.
«Nous devons réduire les préjugés inconscients et créer un écosystème de startups égalitaire grâce au développement des compétences et à l'engagement de divers acteurs de l'écosystème, notamment les incubateurs, les accélérateurs et les investisseurs.»
Kiwan affirme que le développement des capacités et des compétences requises au sein des startups dirigées par des femmes est crucial pour faciliter leur accès au marché, grâce à des politiques d'acquisition intégratrices, en vue de garantir leur succès.
«En tant que facilitateur de l'écosystème technologique axé sur la diversité, il est important pour l'ADGM de soutenir des initiatives telles que She Wins Arabia pour faire progresser la parité hommes-femmes dans son écosystème et améliorer l'investissement dans la région, indépendamment du sexe», a-t-elle précisé.
Soutenu par la Women Entrepreneurs Finance Initiative et le gouvernement des Pays-Bas, le projet sera établi en Algérie, en Égypte, en Jordanie, au Maroc, en Tunisie, aux EAU, en Cisjordanie et à Gaza, ainsi qu'au Yémen.
Il se terminera par un concours pour permettre aux startups dirigées par des femmes de toute la région d'accéder au soutien et au financement, et de prendre contact avec des fonds, des incubateurs et des accélérateurs.
«Les fondatrices d’entreprises contribuent de manière importante à la croissance économique, à la création de richesses et d’emplois», affirme Mme Kiwan, citant un récent rapport du Boston Consulting Group selon lequel le soutien aux femmes entrepreneures peut augmenter le produit intérieur brut (PIB) mondial d’environ 3 à 6%, et injecter 5 000 milliards de dollars (un dollar = 0,91 euros) dans l’économie mondiale.
De manière plus générale, elle précise que «les femmes et les filles représentent la moitié de la population mondiale» et «qu’elles ont un potentiel énorme pour influer sur le développement économique régional, contribuer à atteindre les objectifs de développement durable de l’ONU au cours de la prochaine décennie et participer à la quatrième révolution industrielle en remodelant notre tissu social».
Partageant l’avis de Mme Kiwan sur l’autonomisation des femmes entrepreneures, Sammar Essmat, responsable des questions de genre pour le Moyen-Orient, l’Asie centrale et la Turquie à l’IFC, souligne que les femmes peuvent apporter un énorme potentiel aux économies de la région.
«Une étude réalisée en 2015 par McKinsey révèle que les économies de la région Mena perdent environ 2700 milliards de dollars de PIB supplémentaire en raison des disparités entre les sexes. C’est le coût d’une opportunité manquée et, avec nos partenaires, nous nous efforçons de l’éliminer», explique-t-elle à Arab News.
En tant que pôle technologique de premier plan, l’ADGM cherche à fournir un écosystème avant-gardiste qui soutient l’innovation et les entrepreneurs indépendamment de leur sexe, les femmes étant à la tête de 30% de ces start-up technologiques dans différents secteurs.
«La réduction des disparités entre les sexes dans le domaine de l’entrepreneuriat est essentielle pour tirer parti de cette opportunité. En fait, on estime que le PIB des pays de la région Mena pourrait augmenter de 30 à 40% si les femmes étaient mieux intégrées dans l’économie», indique Mme Essmat.
Heureusement, l’écosystème entrepreneurial de la région Mena s’améliore et devient lentement un pôle de premier plan pour les fondateurs. Dans les universités régionales, les filles obtiennent de bien meilleurs résultats que leurs homologues masculins. Rien qu’aux EAU, les femmes représentent environ 70% des diplômés universitaires, bien que ce chiffre diminue lorsque les femmes atteignent le milieu de leur carrière, notamment en raison des cultures organisationnelles et de l’écart salarial entre les sexes.
«L’entrepreneuriat offre aux femmes de meilleures possibilités d’emploi, si certains de ces défis sont éliminés», note Mme Kiwan. «Nous collaborons avec des entités régionales et internationales clés pour faire avancer notre programme d’égalité des sexes et garantir l’égalité des chances pour les femmes entrepreneures.»
L’approche de l’IFC pour faire progresser l’égalité des sexes dans la région est également axée sur l’amélioration de l’accès aux financements, aux compétences et aux technologies numériques pour les femmes entrepreneures, sur la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité pour les femmes, et sur la collaboration avec la Banque mondiale pour éliminer les obstacles juridiques à la participation économique des femmes.
De nombreuses réformes progressives ont été mises en place en Arabie saoudite depuis que le pays a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 2001. L’annonce du plan de réforme Vision 2030 en 2016 a insufflé un nouvel élan à l’autonomisation des femmes.
Outre les changements apportés aux lois et règlements régissant leur vie, les femmes saoudiennes sont désormais autorisées à travailler dans de nouveaux domaines tels que l’aviation commerciale, la sécurité de l’État, l’économie, le tourisme et les loisirs. En dehors de l’Arabie saoudite et des EAU, l’importance de l’égalité des sexes – représentation équitable ou juste des hommes et des femmes – est également prise en compte dans les pays arabes où elle est désormais considérée comme un impératif économique et stratégique par les dirigeants.
«Le soutien et le mentorat dont bénéficient les start-up dirigées par des femmes, qui reçoivent effectivement un financement et sont minoritaires dans la région, est une excellente initiative pour encourager davantage de femmes à se lancer dans l'entrepreneuriat», déclare Dana al-Jawder, directrice technique de MAGNiTT, une plate-forme de données sur les risques pour les start-up du Moyen-Orient, d’Afrique, du Pakistan et de Turquie.
«Le meilleur catalyseur pour améliorer la croissance dans ce secteur est la réalisation de nouveaux succès par de grandes femmes entrepreneures, comme Mona Ataya, fondatrice et PDG de Mumzworld.com, et Nadine Mezher, cofondatrice de Sarwa. Première plate-forme d’investissement et application de gestion des finances personnelles pour les jeunes professionnels de la région, Sarwa connaît la croissance la plus rapide de la région dans ce domaine», conclut-elle.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com