Les arabes brésiliens comptent sur Lula pour forger des liens solides avec les pays du Moyen-Orient

Luiz Inacio Lula da Silva, centre gauche, a battu de justesse Jair Bolsonaro, gauche, et devient président du Brésil (AFP)
Luiz Inacio Lula da Silva, centre gauche, a battu de justesse Jair Bolsonaro, gauche, et devient président du Brésil (AFP)
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Publié le Samedi 05 novembre 2022

Les arabes brésiliens comptent sur Lula pour forger des liens solides avec les pays du Moyen-Orient

  • Suite à la campagne, les membres de la communauté ont été tiraillés entre les intérêts commerciaux et les liens avec leur patrimoine
  • Les hommes d’affaires ont soutenu Boslonaro alors que les intellectuels, les enseignants et les artistes ont probablement voté pour son rival

SAO PAULO : Le 30 octobre, les Brésiliens ont élu l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva après une campagne fortement polarisée contre le président sortant Jair Bolsonaro.

Les résultats ont reflété la division dans le pays sud-américain : Lula a obtenu 50,9% des voix tandis que Bolsonaro a obtenu 49,1%.

L’importante communauté arabo-brésilienne, estimée à plus de 10 millions de personnes, était également divisée.  

Lula a obtenu 50,9% des voix (AFP)
Lula a obtenu 50,9% des voix (AFP)

Ceci a d’ailleurs été le cas à Foz do Iguacu, une ville à la frontière avec le Paraguay et l’Argentine, où vivent des milliers de Brésiliens arabes.

En août, une partie de la communauté a organisé un diner avec Lula. Or, dès que l’invitation a été publiée sur les réseaux sociaux, les partisans arabes de Bolsonaro ont commencé à manifester et le dîner a fini par être annulé.

Selon les analystes, ce genre de controverse a été assez courant dans l’atmosphère politiquement chargée du Brésil au cours des derniers mois et cela n’a pas été différent avec la communauté arabe.

Tufy Kairuz, un chercheur titulaire d’un doctorat en histoire de l’Université York au Canada a déclaré que le premier aspect à considérer est que la communauté ne constitue pas un groupe d’influence organisé.

« Les immigrants libanais et syriens ont commencé à arriver au Brésil à la fin du XIXe siècle. Les européens au Brésil étaient généralement méditerranéens, donc les Arabes ont toujours été considérés comme blancs ici. Ils se sont bien adaptés », a déclaré Kairuz à Arab News, ajoutant qu’en tant que blancs, chrétiens et membres d’une élite économique, les brésiliens arabes ont tendance à voter comme l’élite brésilienne non-arabe.

Selon Murched Omar Taha, président de l’institut de la culture arabe, c’est pourquoi tellement d’Arabes ont voté pour Bolsonaro.

Il a affirmé à Arab News que « de nombreux Arabes brésiliens sont des hommes d’affaires et que cette catégorie de la société a effectivement soutenu Bolsonaro »

En parallèle, parmi les Arabes il y a des enseignants, des intellectuels et des artistes qui auraient, eux, voté pour Lula.

Mamede Jarouche, fils d’immigrés libanais et professeur de littérature arabe à l’Université de Sao Paulo a déclaré qu’une grande partie de la communauté arabe est tellement intégrée à la société brésilienne que l’héritage arabe ne joue plus aucun rôle lorsqu’il s’agit de voter. 

Il ajoute à Arab News que « les descendants des premières vagues d’immigrants ne se sentent généralement pas très accrochés à leurs racines. »

AFP, Carl de Souza
Bolsonaro a obtenu 49,1% des voix (AFP)

Cependant, il a ajouté que les Arabes brésiliens de première ou deuxième génération ont tendance à suivre l’actualité politique du Moyen-Orient et à se sentir plus proches du monde arabe.

Selon lui, « la plupart des musulmans concernés par la cause palestinienne s’opposent à Bolsonaro ».

Depuis la campagne présidentielle de 2018, Bolsonaro s’était engagé à déplacer l’ambassade du Brésil en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem.

Il a été fortement soutenu par la communauté brésilo-israélienne et cette idée de déménagement de l’ambassade a d’ailleurs été discutée avec elle.

Le facteur iranien

Un rapport du 11 mars 2021 de l’Unité de recherche et d’études d’Arab News a examiné le rôle du Brésil en tant que partenaire commercial stratégique important de l’Iran en Amérique latine.

L’auteur du rapport, Hamdam al-Shehri, a noté que les relations entre l’Iran et le Brésil ont traversé des phases distinctes, reflétant parfois les changements généraux dans la politique étrangère de ce dernier. Ces relations faisaient preuve à certains moments d’une relation mal définie, basée principalement sur des intérêts commerciaux mutuels.

Un travailleur vérifie les grains de café sur une machine de nettoyage dans une usine de transformation à Brasilia (AFP)
Un travailleur vérifie les grains de café sur une machine de nettoyage dans une usine de transformation à Brasilia (AFP)

Il a déclaré : « La dynamique de cette relation a également été influencée par les dirigeants successifs des deux États, leurs tendances idéologiques et leurs perceptions de l’Occident. »

En tant que président, Luiz Inacio Lula da Silva « accordait une grande valeur à la relation avec l’Iran parce qu’il voulait déplacer l’accent de sa politique étrangère des pays d’Amérique du Nord et d’Europe vers les pays en développement d’Amérique latine, d’Afrique et du Moyen-Orient. »

En revanche, Al-Shehri a ajouté : « La chaleur de la relation a disparu après que Dilma Rousseff est devenue présidente du Brésil entre 2011 et 2016. »

Lire le rapport complet sur Arab News Research & Studies en cliquant ici.

« L’élection de Jari Bolsonaro en 2018 n’a guère amélioré les relations. Le président de droite s’est rapproché de l’ancien président américain Donald Trump, devenant l’un des rares dirigeants mondieux à soutenir ouvertement l’élimination, le 3 janvier 2020 de Qassem Soleimani, commandant de la Force extraterritoriale Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique.

Contrairement à ses réalisations diplomatiques, l’Iran, actuellement secoué par des manifestations anti-gouvernementales, a eu un succès limité dans la conquête des publics d’Amérique latine.

Selon les données d’un sondage de 2015 du Pew Research Center impliquant 45 435 personnes interrogées dans 40 pays, près de 70% des Brésiliens ont déclaré avoir une opinion négative de l’Iran face à 11% qui le considéraient favorablement.

Al-Shehri a déclaré : « Les relations avec les pays d’Amérique latine restent principalement le moyen du régime iranien de contrer l’impact des sanctions internationales et de diversifier ses moyens de survie. »

« Grâce à ces connexions, l’Iran espère projeter l’image d’une puissance mondiale, surmonter l’isolement diplomatique, gagner un soutien pour son programme nucléaire et potentiellement répondre à la pression américaine de près. »

Il a d’ailleurs souligné que l’excédent commercial Brésil-Iran en 2018 a atteint 2,2 milliards de dollars (1$=1,01 euro) en faveur du premier.

Il a ajouté : « Indépendamment de qui est au pouvoir, les intérêts économiques et commerciaux ont été et resteront un moteur constant des relations bilatérales entre les deux pays, notamment dans les domaines du pétrole, du gaz, de l’exploration minière et de l’agriculture. »

Pourtant, « il a dû abandonner cette idée après avoir subi une forte pression des pays arabes, considérés comme des partenaires commerciaux importants pour le Brésil» a déclaré Taha.

Le Brésil est le premier exportateur de viande et volaille halal. Taha a ajouté que « le secteur agroalimentaire, qui a massivement soutenu Bolsonaro, a également fait pression sur lui afin qu’il ne déplace pas l’ambassade à Jérusalem « mais s’il avait encore 4 ans, il le ferait peut-être. »

La rhétorique pro-israélienne de Bolsonaro qui a déplu à de nombreux arabes brésiliens a été amplifiée par ses alliés évangéliques.

Michelle, son épouse, est membre d’une église baptiste et porte généralement les couleurs du drapeau israélien. Le 30 octobre, elle a été photographiée en train de voter avec un t-shirt portant le drapeau israélien.

« En tant que cheikh, je pense qu’elle manque de sensibilité et de bon sens. Il s’agissait d’une vraie provocation » a déclaré Jihad Hammadeh à Arab News, ajoutant que les photos s’étaient immédiatement propagées.

« Beaucoup de personnes qui ne savaient pas encore à qui accorder leur voix ont fini par voter pour Lula par la suite. Ceci a été ressenti comme une insulte. »

Hammadeh a déclaré que de nombreux Arabes brésiliens se souviennent que Lula entretenait des relations étroites avec les pays arabes et jouait un rôle central dans le soutien aux palestiniens. En 2010, peu avant la fin de sa présidence, il a reconnu la Palestine comme un état souverain.

Selon Hammadeh, sur le plan intérieur, Lula a également plus d’ouverture envers les musulmans que Bolsonaro.

Il a ajouté : « Lorsque le président vous ouvre lui-même les portes et établit un dialogue, vous vous sentez automatiquement plus à l’aise. »

Selon Hammadeh, sur le plan intérieur, Lula a également plus d’ouverture envers les musulmans que Bolsonaro (AFP)
Selon Hammadeh, sur le plan intérieur, Lula a également plus d’ouverture envers les musulmans que Bolsonaro (AFP)

« Dans le gouvernement de Bolsonaro, nous n’avions même pas la proximité que nous avions avec Lula. »

Kairuz le chercheur prédit qu’au cours de son second mandant, Lula fera en sorte de renforcer les liens du Brésil avec les nations arabes et musulmanes. Il déclare d’ailleurs : « Lula a une réputation solide dans ces pays. »

« C’est en effet pourquoi beaucoup d’entre eux ont envoyé des messages pour le féliciter immédiatement après la publication du résultat des élections le 30 octobre »

Le 1er novembre, le prince héritier Mohamed ben Salmane a envoyé un télégramme à Lula dans lequel il a exprimé « ses sincères félicitations d’avoir été élu président, souhaitant plein de succès au gouvernement et au peuple ami du Brésil, ainsi que des progrès constants et de la prospérité. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Un nouveau directeur pour le British Museum, secoué par une affaire de vols

Des visiteurs admirent les marbres du Parthénon, également connus sous le nom de marbres d'Elgin, au British Museum de Londres le 9 janvier 2023. (AFP)
Des visiteurs admirent les marbres du Parthénon, également connus sous le nom de marbres d'Elgin, au British Museum de Londres le 9 janvier 2023. (AFP)
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  • Nicholas Cullinan, 46 ans, a été nommé après l'approbation unanime des administrateurs du musée et l'accord du Premier ministre Rishi Sunak
  • Nicholas Cullinan a salué l'«honneur» que représente la direction de «l'un des plus grands musées du monde»

LONDRES: L'actuel directeur de la National Portrait Gallery de Londres, Nicholas Cullinan, a été nommé directeur du British Museum, a annoncé jeudi l'institution secouée par le scandale du vol de 2 000 pièces et le feuilleton au long cours des marbres du Parthénon.

Le précédent directeur Hartwig Fischer, de nationalité allemande et premier non Britannique à diriger le musée, avait démissionné fin août 2023 après la révélation des vols.

L'intérim était depuis assuré par l'ex-directeur du Victoria & Albert Museum Mark Jones.

Nicholas Cullinan, 46 ans, a été nommé après l'approbation unanime des administrateurs du musée et l'accord du Premier ministre Rishi Sunak.

A la tête de la National Portrait Gallery depuis 2015, il a mené à bien un réaménagement complet des collections et du musée, dont l'espace ouvert au public a augmenté d'un cinquième, selon le communiqué annonçant sa nomination.

L'historien de l'art a notamment été commissaire au Metropolitan Museum of Art de New York et à la Tate Modern de Londres. Il prendra ses fonctions au British Museum cet été.

Nicholas Cullinan a salué l'"honneur" que représente la direction de "l'un des plus grands musées du monde".

Il a évoqué "un nouveau chapitre" qui "englobera les transformations les plus importantes, architecturales et intellectuelles, qui se déroulent dans tout musée dans le monde, pour continuer à faire en sorte que le British Museum soit aussi engagé et collaboratif que possible".

Fondé en 1753, le British Museum abrite une collection de huit millions d'objets, parmi lesquels la pierre de Rosette ou les frises du Parthénon, acquises à l'époque coloniale et revendiquées par la Grèce.

L'institution, dont la visite est gratuite, représente l'attraction touristique la plus prisée du Royaume-Uni, avec 5,8 millions de visiteurs en 2023, en augmentation de 42% par rapport à l'année précédent, selon l'association du secteur.

La révélation du scandale de vols à grande échelle a conduit au renvoi d'un employé, qui a été arrêté par la police sans qu'aucune poursuite ne soit engagée contre lui à ce stade.

Depuis leur découverte, le British Museum a indiqué avoir récupéré un peu plus de 350 objets.

Le nouveau patron du musée devra également mettre en oeuvre une rénovation majeure, estimée à plus d'un milliard d'euros, rendue nécessaire par l'état vétuste de certaines galeries.


Sénégal: la prise du pouvoir approche pour l'opposant antisystème Diomaye Faye

Le candidat de l'opposition sénégalaise à la présidentielle, Bassirou Diomaye Faye (Photo, AFP).
Le candidat de l'opposition sénégalaise à la présidentielle, Bassirou Diomaye Faye (Photo, AFP).
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  • L'opposant antisystème, M. Faye, qui était encore en prison il y a deux semaines, l'a emporté dès le premier tour dimanche avec 54,28% des voix, loin devant le candidat du pouvoir Amadou Ba (35,79%)
  • Au tour du Conseil constitutionnel maintenant d'examiner d'éventuels recours de candidats et de déclarer M. Faye définitivement vainqueur, ou d'annuler l'élection, hypothèse hautement invraisemblable

DAKAR: L'opposant sénégalais Bassirou Diomaye Faye pourrait être proclamé définitivement vainqueur de la présidentielle d'ici à la fin de la semaine, parachevant une ascension extraordinaire et express jusqu'au sommet de l'Etat.

Après des semaines de crise qui ont fait craindre un report de l'élection jusqu'à décembre ou une vacance du pouvoir, l'appareil s'emploie à rétablir à marche forcée la norme de transition réglée qui caractérise le pays et à rendre possible une passation conforme à la tradition entre le sortant Macky Sall et son successeur d'ici à la semaine prochaine.

L'organe chargé de proclamer les résultats finaux provisoires les a rendus publics mercredi alors qu'il avait jusqu'à vendredi pour le faire. L'opposant antisystème, M. Faye, qui était encore en prison il y a deux semaines, l'a emporté dès le premier tour dimanche avec 54,28% des voix, loin devant le candidat du pouvoir Amadou Ba (35,79%).

Au tour du Conseil constitutionnel maintenant d'examiner d'éventuels recours de candidats et de déclarer M. Faye définitivement vainqueur, ou d'annuler l'élection, hypothèse hautement invraisemblable.

Les candidats ont 72 heures pour saisir le Conseil, dit la Constitution. Mais le Conseil a décidé lui aussi de réduire les délais, probablement pour faire en sorte qu'une passation ait lieu avant le 2 avril, date officielle de fin du mandat de M. Sall.

Le Conseil a donné à tout contestataire jusqu'à jeudi minuit (vendredi 00H00 GMT) pour se manifester.

Il a invoqué "les circonstances exceptionnelles" ayant entraîné "la compression de tous les délais". Il fait référence au report de la présidentielle, initialement prévue le 25 février et finalement fixée au 24 mars.

L'ajournement décrété à la dernière minute par le président Sall a causé une grave crise et semé le doute sur la possibilité d'une passation avant l'expiration de son mandat.

Un transfert dans les temps importe dans un pays qui s'enorgueillit de ses pratiques démocratiques et qui est considéré comme l'un des plus stables en Afrique de l'Ouest secouée par les coups d'Etat.

En l'absence de contestation, "le Conseil proclame immédiatement les résultats définitifs du scrutin", dit la Constitution. En cas de recours, le Conseil a, théoriquement, cinq jours pour statuer.

Les adversaires de M. Faye ont reconnu sa victoire et aucun n'a jusqu'alors exprimé publiquement l'intention de soulever d'objection. Les résultats provisoires paraissent rendre la victoire de M. Faye irréfutable tout en confirmant la magnitude de ce qui s'apparente à un séisme politique.

«Dernier» Conseil 

Bassirou Diomaye Faye est le premier opposant à l'emporter dès le premier tour depuis l'Indépendance en 1960.

Jamais porté à une fonction élective nationale auparavant, il devrait devenir à 44 ans le cinquième et plus jeune président du pays de 18 millions d'habitants.

Son avènement pourrait annoncer une profonde remise en cause systémique. Il se présente comme l'homme de la "rupture" avec douze années de présidence Sall, du rétablissement d'une "souveraineté" bradée selon lui à l'étranger, et d'un "panafricanisme de gauche". Il fait voeu de combattre la corruption et l'injustice.

Face à l'éventualité d'une vacance de pouvoir, le président Sall a dit plusieurs fois qu'il serait parti le 2 avril, même si le Conseil constitutionnel a laissé la porte ouverte à une prolongation si nécessaire.

Le Conseil des ministres qu'il a présidé mercredi était le "dernier", selon le communiqué de ses services. Il a demandé au gouvernement de "prendre toutes les dispositions requises" pour préparer les dossiers de passation, en vue de "l’installation dans les meilleures conditions" du nouveau président, dit le communiqué.

Les trois dernières années de la présidence Sall ont été marquées par les retombées des crises globales, un farouche bras de fer avec l'opposition antisystème et les troubles intérieurs.

Le Sénégal a connu un nouvel accès de fièvre en février quand M. Sall a décrété l'ajournement de l'élection. Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées depuis 2021, et les lettres de créance démocratiques du Sénégal ont été examinées sous un autre jour.

M. Faye a lui-même été détenu des mois avant sa libération en pleine campagne électorale mi-mars.

Il a énoncé "la réconciliation nationale", la "refondation" des institutions et "l'allègement sensible du coût de la vie" comme ses "chantiers prioritaires". Il a pris soin de rassurer à l'étranger, attentif à ses promesses de reconsidérer ou renégocier les partenariats existants. Le Sénégal "restera le pays ami et l'allié sûr et fiable de tout partenaire qui s'engagera avec nous dans une coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive", a-t-il dit.


Pont effondré à Baltimore: les corps de deux des six ouvriers retrouvés

Le pont Francis Scott Key, effondré, se trouve au sommet du porte-conteneurs Dali à Baltimore, dans le Maryland, le 27 mars 2024. (AFP)
Le pont Francis Scott Key, effondré, se trouve au sommet du porte-conteneurs Dali à Baltimore, dans le Maryland, le 27 mars 2024. (AFP)
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  • Les corps repêchés ont été identifiés comme ceux de deux hommes âgés de 35 et 26 ans, originaires du Mexique et du Guatemala
  • En raison de la quantité de béton et de débris, «les plongeurs ne sont plus en mesure de se frayer un chemin en sécurité» vers «ce que nous pensons être les véhicules piégés», dit la police

BALTIMORE: Les corps sans vie de deux des six ouvriers recherchés ont été repêchés mercredi des eaux glacées du port de Baltimore, sur la côte Est américaine, ont annoncé les autorités, au lendemain de l'effondrement spectaculaire d'un pont percuté par un porte-conteneurs.

"Des plongeurs ont localisé un pick-up rouge à environ 7.6 mètres de profondeur", a annoncé lors d'un point presse, la police du Maryland, l'Etat où se situe Baltimore. "Deux victimes du drame étaient prisonnières du véhicule".

Les corps repêchés ont été identifiés comme ceux de deux hommes âgés de 35 et 26 ans, originaires du Mexique et du Guatemala, qui faisaient partie de l'équipe d'ouvriers présente sur la chaussée du pont Francis Scott Key au moment de l'accident.

Les corps de quatre de leurs collègues, tous présumés morts, n'ont eux pas encore été retrouvés, ont ajouté les autorités.

Mais, en raison notamment de la quantité de béton et de débris, "les plongeurs ne sont plus en mesure de se frayer un chemin en sécurité" vers "ce que nous pensons être les véhicules piégés", a déclaré Roland Butler, de la police du Maryland.

Les secours vont donc chercher à retirer la structure de l'eau pour faciliter l'accès aux plongeurs, a-t-il précisé.

Les autorités avaient averti mardi soir qu'elles ne pensaient pas pouvoir "retrouver ces individus encore en vie", alors que deux membres de leur équipe avaient été secourus peu après le drame.

Les victimes, originaires d'Amérique latine selon la presse américaine, réparaient des nids de poule sur le pont lorsqu'il s'est écroulé dans le fleuve Patapsco.

«Pas conçu pour résister»

L'agence américaine de sécurité des transports (NTSB) a fourni mercredi une chronologie détaillée de la tragédie, basée sur l'analyse préliminaire de l'enregistreur de données du porte-conteneurs.

Long de 300 mètres pour 48 mètres de largeur, le Dali, battant pavillon singapourien, a quitté le quai du port de Baltimore mardi à 0H39 (04H39 GMT) à destination de l'Asie, a indiqué Marcel Muise, enquêteur du NTSB, lors d'une conférence de presse.

À 1H24 locales, des alarmes ont commencé à retentir à bord du navire, signalant des problèmes de propulsion. Le pilote a rapidement informé les autorités portuaires par radio que le navire se dirigeait vers le pont, et a demandé l'intervention de remorqueurs.

L'appel à l'aide a été également reçu par deux équipes de l'autorité locale des transports qui se trouvaient sur le pont en raison des travaux. Ces dernières ont alors fermé toutes les voies de circulation, sauvant ainsi probablement des vies.

Puis, à 1H29, l'enregistreur du navire a enregistré des "sons correspondant à la collision".

Le pont, emprunté chaque jour par des dizaines de milliers de véhicules, s'est alors effondré tel un château de cartes, des pans entiers de la structure se retrouvant sur le bateau.

Des images impressionnantes de vidéosurveillance montrent le porte-conteneurs dévier de son cap, heurter une pile du pont inauguré en 1977 puis s'écrouler.

Pour le ministre américain des Transports Pete Buttigieg, "ce type de pont (...) n'a tout simplement pas été conçu pour résister à un choc direct contre pilier de soutien essentiel".

L'équipage avait tenté en vain de ralentir la course du navire en jetant l'ancre.

L'enquête préliminaire montre qu'il s'agit d'un accident, selon les autorités.

«Coût de la reconstruction»

Le président Joe Biden s'est engagé à ce que "l'Etat fédéral paie la totalité du coût de la reconstruction" du pont, qui porte le nom de l'auteur des paroles de l'hymne national américain, en admettant que cela prendrait du temps.

"Nous serons aux côtés des habitants de Baltimore aussi longtemps qu'il le faudra", a-t-il encore assuré mercredi soir sur le réseau social X.

Car l'enjeu est aussi économique: ce pont à quatre voies, long de 2,6 km, est situé sur un axe nord-sud crucial pour l'économie de la côte Est des Etats-Unis.

Pour l'heure, le transport maritime y est "suspendu jusqu'à nouvel ordre", selon les autorités. Le port de Baltimore est le neuvième du pays en termes d'activité et génère plus de 15.000 emplois.

Le Dali est "stable" et ne représente pas de danger pour l'environnement et le public, en dépit de la présence à bord de 5,6 milliards de litres de diesel et de quelques conteneurs de matières dangereuses, a assuré mercredi Peter Gautier, responsable des gardes-côtes.

Deux conteneurs, sur un total de 4,700, sont tombés à l'eau.

Le navire est exploité par la société maritime Synergy Group et affrété par le géant danois du transport maritime Maersk.

Les autorités portuaires de Singapour ont déclaré mercredi qu'il avait passé avec succès deux inspections en 2023 et qu'une jauge de contrôle de la pression du carburant défectueuse avait été réparée en juin.

Les autorités chiliennes avaient signalé en 2023 un défaut dans les machines du navire, une anomalie rapidement réparée selon elles.