L'espionnage russe en Europe: agressif, visible, perfectible

cette capture d'écran tirée d'une documentation fournie par le bureau de presse du tribunal de district de Babushkinsky le 20 février 2021 montre le chef de l'opposition russe Alexei Navalny dans une cellule de verre lors d'une audience au tribunal à Moscou. Photo d'illustration MOSCOW'S BABUSHKINSKY DISTRICT COURT PRESS SERVICE / AFP
cette capture d'écran tirée d'une documentation fournie par le bureau de presse du tribunal de district de Babushkinsky le 20 février 2021 montre le chef de l'opposition russe Alexei Navalny dans une cellule de verre lors d'une audience au tribunal à Moscou. Photo d'illustration MOSCOW'S BABUSHKINSKY DISTRICT COURT PRESS SERVICE / AFP
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Publié le Mardi 06 avril 2021

L'espionnage russe en Europe: agressif, visible, perfectible

  • Les services de renseignement russes ont connu ces dernières années un fort regain d'activité en Europe, une tendance paradoxalement médiatisée qui témoigne notamment de l'usage de l'espionnage dans les joutes diplomatiques entre Moscou et les Occidentaux
  • Nombre de diplomates russes accusés d'espionnage ont ainsi été expulsés ces derniers mois de Bulgarie, des Pays-Bas, d'Autriche, de France, de la République tchèque...

PARIS : Déjà auréolés d'une solide réputation, les services de renseignement russes ont connu ces dernières années un fort regain d'activité en Europe, une tendance paradoxalement médiatisée qui témoigne notamment de l'usage de l'espionnage dans les joutes diplomatiques entre Moscou et les Occidentaux.

L'Italie a annoncé la semaine dernière l'expulsion de deux fonctionnaires russes après l'arrestation en flagrant délit d'un officier de la marine italienne qui remettait à un militaire russe des documents classifiés.

Nombre de diplomates russes accusés d'espionnage ont ainsi été expulsés ces derniers mois de Bulgarie, des Pays-Bas, d'Autriche, de France, de la République tchèque...  A chaque fois, Moscou a réagi de manière symétrique tout en dénonçant des accusations infondées et "russophobes".

"Le renseignement russe a adopté une mentalité de guerre. Il pense avoir affaire à une bataille existentielle pour la place de la Russie dans le monde", estime Mark Galleotti, auteur d'une "Brève histoire de la Russie". "Cela s'est cristallisé en 2014. La révolution en Ukraine, aux yeux de Vladimir Poutine, était une opération de la CIA et du MI6" britannique.

Confirmation d'Andreï Soldatov, rédacteur en chef du site russe Agentura.ru, spécialisé dans les affaires de renseignement. "Ils pensent que la moindre action occidentale, comme la critique des violations des droits humains ou le travail de journalistes étrangers, peut entraîner une révolution". 

De fait, les services russes vont bien au delà du retournement d'espion et de la corruption de fonctionnaires étrangers, auxquels se livrent toutes les grandes puissances. En 2018, l'ex-agent double Sergueï Skripal a fait l'objet d'une tentative d'assassinat par empoisonnement à Londres. L'année suivante, c'est à Berlin qu'un ex-combattant rebelle tchétchène a été tué par un homme soupçonné d'agir sur ordre de Moscou.

"En confiance"

Aujourd'hui, les Occidentaux accusent la Russie d'avoir empoisonné Alexeï Navalny au Novitchok, un agent neurotoxique. Le premier opposant de Poutine a survécu après cinq mois de convalescence en Allemagne, avant d'être incarcéré à son retour.

Tout puissants, les services russes ? Pas vraiment. Navalny et Skripal ont survécu et leurs agresseurs ont été démasqués. Il n'était pas prévu qu'une femme décède et qu'un policier soit grièvement atteint dans l'agression de Skripal. 

Pire, la plateforme de journalisme d'investigation Bellingcat a identifié une douzaine d'agents, après avoir détecté des pratiques récurrentes dans la création de fausses identités du GRU (renseignement militaire) ou du FSB (services de sécurité).

Mikhaïl Lioubimov, colonel à la retraite des services soviétiques (KGB), regrette la "dégradation idéologique" des agents et pointe un contexte géopolitique défavorable. 

Avant la chute du Mur, se souvient-il, il y avait "de puissants syndicats et des partis de gauche sur lesquels on pouvait s'appuyer". 

Andreï Soldatov décrit pour sa part des services corrompus et fragilisés par la crainte des purges. "En misant sur le dévouement des agents au détriment du professionnalisme -- quand le plus important est d'exécuter les ordres, même les plus stupides -- vous obtenez des espions dociles mais incompétents".

De même, le fait que ces évènements sortent sur la place publique interroge: il fut un temps où les scandales d'espionnage se réglaient entre initiés, dans des chorégraphies millimétrées à l'abri des caméras. Mais ce dont il s'agit là n'est plus de la faiblesse, mais de la communication. 

"Mise en garde"

"Le Novitchok est une méthode plus lourde que celles utilisées en Russie, où dissidents et opposants +tombent par la fenêtre+ régulièrement", ironise le Soufan Center, un think-tank américain. Mais Moscou "envoie un message clair à ceux qui osent défier Poutine". Et la Russie réaffirme se sentir "suffisamment en confiance pour tuer des figures de l'opposition à l'étranger". 

"Quand on utilise un agent innervant comme le Novitchok pour assassiner quelqu'un, c'est qu'on veut que ça devienne public", renchérit Damien Van Puyvelde, expert en renseignement à l'université de Glasgow (Ecosse).

Face à ces velléités, les Européens choisissent eux aussi de sortir du bois. Certains épisodes fuitent, comme lorsque le quotidien français Le Monde révélait fin 2019 que quinze officiers du GRU avaient utilisé les Alpes comme base arrière pour opérer en Europe pendant quatre ans. 

"Il arrive qu'on décide de rendre publiques les entraves qu'on pratique. C'est une mise en garde", explique un haut responsable français, bon connaisseur du milieu. "La posture est d'afficher clairement qu'on ne tolèrera plus ces agissements".

Après l'affaire Skripal, après le vol MH17 de la Malaysia Airlines abattu dans l'est de l'Ukraine, pour lequel sont poursuivis trois Russes et un Ukrainien, après les scandales d'ingérences russes dans des élections occidentales, "il y a peut-être eu une sorte de ras-le-bol collectif et un besoin des Européens de faire de la communication politique", confirme Damien Van Puyvelde. "Il reste des lignes rouges". 


Des députés britanniques exhortent le gouvernement à désigner le CGRI comme un groupe terroriste

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  • Les signataires de la lettre ouverte affirment que l’organisation iranienne «n’a jamais représenté une aussi grande menace pour le Royaume-Uni»
  • La désignation du CGRI comme groupe terroriste le mettrait sur un pied d’égalité avec Daech et Al-Qaïda

LONDRES: Un groupe multipartite formé de plus de 50 députés et de pairs à la Chambre des lords au Royaume-Uni a exigé que le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien soit désigné comme une organisation terroriste.

Ce groupe, qui comprend les anciennes secrétaires d’État à l’intérieur Suella Braverman et Priti Patel, a formulé cette demande dans une lettre ouverte publiée dans le quotidien The Times.

Le CGRI constitue un élément clé des capacités militaires et de projection de puissance de l’Iran. Plus de 125 000 personnes servent dans ses rangs, réparties dans des unités telles que la force Al-Qods, l’unité d’outre-mer chargée d’assurer la liaison avec les milices au Yémen, au Liban, en Irak et en Syrie, et de les soutenir. Ces dernières années, le CGRI a également établi des relations avec le Hamas dans la bande de Gaza.

La lettre ouverte, signée par 134 personnes, intervient après l’attaque iranienne du week-end dernier contre Israël, que les signataires ont décrite comme le «dernier chapitre de la terreur destructrice du CGRI».

«Le gouvernement lutte contre le terrorisme et l’extrémisme en considérant le Hamas et le Hezbollah comme terroristes, mais ce n’est pas suffisant», indique le document.

«Le CGRI est la principale source de radicalisation idéologique, de financement, d’équipement et de formation de ces groupes.»

«Le gouvernement doit agir contre la racine même du problème et considérer le CGRI comme une organisation terroriste.»

L’Iran a riposté à l’attaque israélienne contre son consulat à Damas, qui a fait onze morts, dont des commandants de haut rang.

L’ancien président américain Donald Trump a désigné le CGRI comme une organisation terroriste en 2019, un an avant l’assassinat de Qassem Soleimani, commandant de la force Al-Qods.

Le Royaume-Uni s’est toutefois montré réticent à faire de même par crainte de rompre les canaux de communication diplomatiques avec Téhéran.

Cependant, dans le cadre des sanctions imposées à l’Iran en raison de son programme nucléaire, le Royaume-Uni a sanctionné le CGRI; il a gelé les avoirs de ses membres et a mis en œuvre des mesures d’interdiction de voyager.

La désignation du CGRI comme groupe terroriste au Royaume-Uni le mettrait sur un pied d’égalité avec Daech et Al-Qaïda et rendrait illégal tout soutien au groupe, avec une peine maximale de quatorze ans d’emprisonnement.

Les 134 signataires affirment que le CGRI «n’a jamais représenté une aussi grande menace pour le Royaume-Uni». Ils accusent des «voyous» qui appartiennent au groupe d’avoir poignardé un dissident iranien à Londres le mois dernier.

La lettre a été coordonnée par le Groupe parlementaire multipartite Royaume-Uni-Israël, dont fait partie l’ex-ministre de l’Immigration Robert Jenrick.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Washington et Londres imposent des sanctions contre l'Iran, visant des fabricants de drones

Un camion militaire iranien transporte des pièces d'un missile Sayad 4-B devant un portrait du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, lors d'un défilé militaire dans la capitale Téhéran, le 17 avril 2024. (AFP)
Un camion militaire iranien transporte des pièces d'un missile Sayad 4-B devant un portrait du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, lors d'un défilé militaire dans la capitale Téhéran, le 17 avril 2024. (AFP)
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  • Elles concernent également trois filiales du constructeur automobile iranien Bahman Group et le ministère iranien de la Défense
  • L'Iran a lancé dans la nuit de samedi à dimanche plus de 350 drones et missiles contre Israël, dont la quasi-totalité ont été interceptés en vol

WASHINGTON: Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont imposé jeudi des sanctions contre l'Iran, ciblant "le programme iranien de drones, l'industrie sidérurgique et les constructeurs automobiles", après l'attaque du week-end dernier contre Israël.

Les sanctions de Washington visent "16 personnes et deux entités permettant la production de drones iraniens" dont les Shahed qui "ont été utilisés lors de l'attaque du 13 avril", a annoncé le département du Trésor dans un communiqué.

Elles concernent également trois filiales du constructeur automobile iranien Bahman Group et le ministère iranien de la Défense.

Le président américain Joe Biden a déclaré que les Etats-Unis allaient continuer à faire "rendre des compte" à l'Iran avec ces nouvelles sanctions visant la République islamique.

Il a assuré que les sanctions étaient destinées à "limiter les programmes militaires déstabilisateurs de l'Iran", selon un communiqué de la Maison Blanche.

Les sanctions imposées par Londres ciblent, elles, "plusieurs organisations militaires iraniennes, individus et entités impliqués dans les industries iraniennes de drones et missiles balistiques", a précisé le Trésor.

L'Iran a lancé dans la nuit de samedi à dimanche plus de 350 drones et missiles contre Israël, dont la quasi-totalité ont été interceptés en vol.

Téhéran a présenté son attaque comme une riposte à la frappe meurtrière imputée à Israël visant le consulat iranien à Damas début avril.

Eviter l'escalade 

En réponse, les pays occidentaux ont promis de renforcer leurs sanctions contre l'Iran, mais veulent aussi éviter une escalade de la violence dans la région.

L'Union européenne a ainsi décidé, mercredi lors d'un sommet à Bruxelles, d'imposer de nouvelles sanctions visant les producteurs iraniens de drones et de missiles.

Et jeudi, la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock a indiqué que les dirigeants des pays du G7, en réunion sur l'île italienne de Capri, discutent "de mesures supplémentaires", tout en insistant sur la nécessité d'éviter "une escalade".

Les pays du G7 (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon et Italie) devraient appeler à des sanctions individuelles contre des personnes impliquées dans la chaîne d'approvisionnement iranienne en missiles et en drones, selon une source au sein du ministère italien des Affaires étrangères.

Et les ministres des Finances et banquiers centraux du G7, réunis à Washington, avaient promis, dans un communiqué mercredi soir, d'assurer "une coordination étroite de toute mesure future visant à affaiblir la capacité de l'Iran à acquérir, produire ou transférer des armes pour soutenir ses activités régionales déstabilisatrices".

Ils avaient par ailleurs appelé "à la stabilité dans l'ensemble de la région, au vu des risques économiques posés par une escalade régionale, notamment les perturbations du transport maritime international".


L'éventuelle aide américaine à l'Ukraine «ne changera rien», selon le Kremlin

Des piétons marchent vers un drapeau national ukrainien flottant en berne en raison du mauvais temps, à côté du monument de la Patrie au musée en plein air de la Seconde Guerre mondiale à Kiev, le 18 avril 2024 (Photo, AFP).
Des piétons marchent vers un drapeau national ukrainien flottant en berne en raison du mauvais temps, à côté du monument de la Patrie au musée en plein air de la Seconde Guerre mondiale à Kiev, le 18 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • L'heure est à l'optimisme à Moscou, plusieurs mois après l'échec de la contre-offensive de Kiev de l'été 2023
  • De son côté, épuisée par deux ans de combats, l'Ukraine est à la peine face à l'armée russe supérieure en nombre de soldats, en quantités d'armement et de munitions

MOSCOU: Le Kremlin a assuré jeudi que l'aide des Etats-Unis à l'Ukraine, bloquée au Congrès depuis plusieurs mois et sur laquelle les élus américains doivent se prononcer samedi, "ne pourra rien changer" à la situation sur le front, où l'armée russe est à l'offensive.

L'Ukraine réclame inlassablement à ses alliés occidentaux plus de munitions et de systèmes de défense antiaérienne, alors que les forces russes pilonnent toujours quotidiennement ses villes et ses infrastructures énergétiques.

Or, la Chambre américaine des représentants doit voter samedi sur un texte prévoyant près de 61 milliards de dollars d'aide militaire et économique à l'Ukraine, ce qui pourrait permettre à son armée de reprendre son souffle.

"Cela ne peut en aucun cas influencer l'évolution de la situation sur les fronts", a balayé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

"Cela ne pourra rien changer", a-t-il martelé devant la presse, affirmant que "tous les experts indiquent dorénavant que la situation sur le front est défavorable à la partie ukrainienne".

Vote à l'issue incertaine 

L'heure est à l'optimisme à Moscou, plusieurs mois après l'échec de la contre-offensive de Kiev de l'été 2023 et alors que l'armée russe grignote progressivement du terrain, notamment dans le Donbass, cible prioritaire du Kremlin.

De son côté, épuisée par deux ans de combats, l'Ukraine est à la peine face à l'armée russe supérieure en nombre de soldats, en quantités d'armement et de munitions.

Les forces ukrainiennes manquent notamment de systèmes de défense antiaérienne pour contrer les attaques quotidiennes russes de drones explosifs et de missiles, à l'instar de la triple frappe mercredi à Tcherniguiv, qui a fait 18 morts.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky déplore quasiment tous les jours le manque d'aide des Occidentaux, après plus de deux ans de conflit à haute intensité.

Mi-mars, le chef de l'Etat ukrainien avait jugé "d'importance critique" une décision rapide du Congrès américain sur le déblocage de l'aide à son pays, confronté simultanément à des difficultés pour enrôler des volontaires dans l'armée.

"Nous avions besoin de cet argent hier, pas demain, pas aujourd'hui", a appuyé le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal dans un entretien à la BBC.

Cette aide financière a déjà été approuvée par le Sénat à majorité démocrate, mais reste bloquée au Congrès, les représentants républicains, soutenant Donald Trump, faisant la sourde oreille à six mois de la présidentielle.

Le président américain Joe Biden, qui pousse pour l'adoption de ce texte, s'est lui à nouveau dit mercredi "très favorable" à cette enveloppe, évoquant dans les colonnes du Wall Street Journal "un moment charnière".

L'issue du vote n'en reste pas moins incertaine à ce stade.

Restrictions d'électricité 

Pourtant, sur le terrain, la dynamique n'est pas à l'avantage de l'Ukraine, dont près de 20% du territoire reste occupé par la Russie.

Deux personnes ont été tuées jeudi dans de nouveaux bombardements russes, selon les autorités locales.

Et les attaques russes visant les infrastructures énergétiques restent très fréquentes malgré les tentatives de l'armée ukrainienne de protéger ces sites.

Face à cette situation, le ministère ukrainien de l'Energie a appelé jeudi la population et les entreprises à limiter leur consommation d'électricité le soir "pendant les heures de pointe" (de 19h00 à 22h00), relayant la demande de l'opérateur privé d'électricité DTEK.

Le ministère a notamment justifié cette décision par "l'augmentation de la charge sur le réseau électrique qui découle" de ces frappes russes répétées.

En représailles, l'Ukraine vise régulièrement des raffineries ou des sites militaires sur le sol russe dans le but de perturber la chaîne logistique d'approvisionnement vers les troupes engagées sur le front.

Jeudi, le renseignement militaire ukrainien (GUR) a revendiqué une frappe "réussie" la veille sur un aérodrome militaire russe en Crimée annexée, "détruisant ou endommageant gravement" des lanceurs de systèmes S-400, des équipements radar et un centre de contrôle de défense antiaérienne.