Abou Bakr Al-Baghdadi

Nationalité:

Irakienne

Lieu de Résidence:

Inconnu

Statut juridique:

S’est suicidé lors d'un raid américain le 26 octobre 2019

Occupation:

Chef autoproclamé de Daech

Médias:

Sermons vidéo et audio par l'intermédiaire de l'agence de presse de Daech, Al-Amaq

Bio

Ibrahim Awwad Ibrahim Ali al-Badri al-Samarrai, mieux connu sous le nom d'Abou Bakr Al-Baghdadi, naît en 1971 près de la ville irakienne de Samarra.

On rapporte qu'il fréquente dans les années 1990 l'Université islamique de Bagdad, qui porte aujourd’hui le nom d'Université irakienne, où il étudie le droit et la théologie islamiques. Par la suite, il rejoint des groupes salafistes et terroristes dans le pays après l'invasion américaine de 2003. Il est plus tard arrêté puis détenu avec des commandants d'Al-Qaïda ; c’est alors qu’aurait lieu sa première rencontre avec le groupe.

Baghdadi rejoint l'organisation terroriste en Irak et en gravit les échelons jusqu'à accéder au plus haut rang lorsqu’il devient émir en 2010. Par la suite, le groupe est restructuré et rebaptisé sous le nom d’État islamique en Irak.

Bien que le dirigeant d'Al-Qaïda, Ayman Al-Zawahiri, lui ait dit de ne pas le faire, Baghdadi étend les activités de son groupe en Syrie et, en 2014, rompt officiellement tout lien avec Al-Qaïda et se déclare premier calife de l'État islamique (Daech).

Après la formation d’une coalition internationale pour combattre Daech, de multiples rumeurs circulent au sujet de la mort de Baghdadi, alimentées par le fait qu’il n’a pas reparu depuis plusieurs années, mais aucune n’est confirmée.

Le 27 octobre 2019, les États-Unis annoncent que Baghdadi s’était suicidé après avoir fait exploser une ceinture d’explosifs lors d’un raid dans la province syrienne d’Idlib.

Audio

Les documents qui suivent contiennent des informations qui peuvent être considérées comme étant inappropriées ; Arab News n’approuve pas ce contenu mais croit fermement qu’il est important d’être conscient de son influence destructrice.

Photos

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Analyse

Abou Bakr Al-Baghdadi: l'idéologue terroriste qui a construit et perdu un État

Suadad Al-Salhy, Bagdad

Assis en tailleur, l'homme parle lentement et posément. Avec sa barbe striée de gris, son embonpoint et ses vêtements presque militaires, il pourrait passer pour l’un des milliers de combattants attirés par les champs meurtriers des récents conflits du Moyen-Orient, de Tripoli à Raqqa.

Mais ce n'est pas un paramilitaire ordinaire. Cet homme, c’est Abou Bakr Al-Baghdadi, chef autoproclamé du califat de Daech. On ne l’avait pas revu depuis près de cinq ans. La rumeur courait que le chef terroriste avait été tué lors d'une frappe aérienne en 2017. Avec cet enregistrement vidéo, il veut faire passer deux messages très clairs : je ne suis pas mort et je mène toujours une campagne terroriste mondiale dont les partisans tuent sans regret et meurent sans peur.

Rien ne semblait conduire Baghdadi à détenir tant de pouvoir. Quand il prend la tête de Daech en 2010, ses perspectives semblent limitées. Les troupes irakiennes ont tué son prédécesseur dans sa propre résidence. Le groupe est infesté d’espions. L’idée qu'il puisse un jour diriger une colonne de djihadistes brandissant un drapeau noir dans les grandes villes et occuper un territoire presque aussi grand que la Jordanie ou le Portugal aurait alors semblé absurde. C’est pourtant bien ce qui s’est produit.

De son vrai nom Ibrahim Awwad Ibrahim Al-Badrin, le futur dirigeant est né en juillet 1971. Parmi ses proches, certains travaillent pour le compte des services de renseignement et de l’armée redoutés de Saddam Hussein, force militaire qu’il n’a pas pu rejoindre en raison de sa myopie.

Baghdadi est un étudiant moyen qui suit les cours de l'Université Saddam d'études islamiques. Au milieu des années 1990, il rejoint les Frères musulmans. Ceux qui le connaissaient à l’époque disent qu'il quitte l'organisation pour se mêler à des djihadistes déterminés au tournant du siècle – transition opérée par bien d’autres partisans.

Les experts ne s’accordent pas sur son implication exacte dans l'insurrection et la guerre civile qui ont frappé l'Irak dans les années qui ont suivi l'invasion américaine. Il est arrêté à Falloujah et détenu au tristement célèbre centre de détention de Bucca début 2004. L'idéologie qui anime ce qui deviendra par la suite Daech remonte à des siècles, mais c’est dans cette prison que sont posées les bases opérationnelles du groupe au milieu des années 2000. Le camp conduit des djihadistes et d’anciens officiers du renseignement militaire de Saddam Hussein à se rencontrer et à planifier ensemble l’ascension du groupe que l’on connaît. Quand il entre en prison, Baghdadi n’est qu’un djihadiste de plus ou moins grande importance ; il en sort muni d’un réseau considérablement renforcé et d’une solide réputation de savant religieux au sein des cercles terroristes.

Pendant le séjour de Baghdadi en prison, un changement fondamental se produit parmi les groupes terroristes djihadistes qui opèrent en Irak.

En 2002, une organisation appelée Tawhid wal-Jihad commence à opérer dans le nord du pays. Elle est dirigée par un Jordanien, Abou Moussab Al-Zarqawi. À la suite de l’invasion de 2003, le groupe de Zarqawi se développe et devient membre d’Al-Qaïda en 2004, sous la bannière d’Al-Qaïda en Iraq. Ce groupe ultra-violent mène certaines des attaques les plus meurtrières pendant la période sombre de l’Irak du milieu des années 2000. En 2006, sans consulter le commandement d'Al-Qaïda, le groupe s'associe à huit autres formations djihadistes pour former l'État islamique d'Irak (ISI). Baghdadi, membre de l’un des groupes qui rejoint cette nouvelle alliance, est nommé à la tête de tous les comités de la charia dans les régions irakiennes fédérées au groupe.

Les ambitions de cette nouvelle organisation dépassent celles d’Al-Qaïda, dont l’objectif principal est de commettre des attentats terroristes spectaculaires, principalement en Occident. Elle veut voir la naissance d’un califat, régi par sa propre interprétation stricte de la loi islamique, auquel tous les musulmans de son territoire doivent allégeance. Et elle est prête à tout pour y parvenir.

Baghdadi gravit les échelons du groupe lorsque les Etats-Unis intensifient leurs offensives en 2007 et que les dirigeants successifs sont tués. Baghdadi, dont l’autorité et les capacités de meneur sont jugées suffisantes, est nommé chef en 2010.

Avec la montée du sectarisme violent en Irak, la guerre civile syrienne présente une nouvelle zone de chaos que le groupe peut exploiter. Il apparaît alors comme une force militaire crédible capable de contrôler un territoire. L'idéologie et les conditions de l'établissement d'un califat sont en place.

En 2011, Baghdadi crée Jabhat Al-Nosra (JN) pour combattre dans le conflit syrien et annonce plus tard que le groupe se joindra à l'État islamique élargi d'Irak et d’Al-Cham (Daech). Le nom n’est pas sans importance : « Al-Cham », ou « Grande Syrie », rappelle le souvenir des califats du passé. A la suite d’un différend, les dirigeants d'Al-Qaïda renient Daech.

Sous la direction de Baghdadi, Daech gagne rapidement du terrain et occupe un territoire plus vaste. Raqqa et Falloujah tombent aux mains de ses combattants début 2014, puis Mossoul et d'autres zones importantes sont saisies. Daech n'est alors plus un groupe terroriste ; c’est une armée qui occupe un territoire.

Le 4 juillet 2014, alors que le monde entier est saisi d’effroi devant l’avancée militaire fulgurante du groupe, Baghdadi marque ses victoires par un discours à la mosquée centrale de Mossoul dans lequel il utilise délibérément des tournures et des effets de style qui rappellent les califes du passé.

Avant de prendre la parole, il utilise un miswak (petit bâton) pour se nettoyer les dents de manière traditionnelle. Il porte un turban noir et s’exprime en arabe coranique classique en citant régulièrement le Coran et en prétendant appliquer la loi de Dieu. Le message est clair : il se déclare calife et appelle les musulmans du monde entier à soutenir Daech.

Au cours de l’établissement du soi-disant « califat », Baghdadi apparaît comme une personnalité menaçante et toujours présente, bien qu’on ne le voie presque jamais. Des enregistrements audio sont diffusés par intermittence. Au printemps 2015, il affiche ses opinions religieuses fantasques, affirmant que l'islam n'a jamais été une religion pacifique, mais au contraire « la religion du combat. »

En septembre 2017, il réitère son appel au djihad mondial, exhortant à ce qu’il y ait « des soldats de l'Islam à chaque endroit pour gagner du terrain coup par coup. »

Toutefois, en février 2019, soit seulement deux ans plus tard, Daech est réduit à un campement lugubre à Barghouz, en Syrie, où les combattants restants sont tués ou faits prisonniers. Les chars et les bombes ne parviennent cependant pas à tuer Baghdadi ni les idées de son groupe.

Malgré des revers et une défaite presque totale en Irak et en Syrie, Daech est alors le groupe terroriste le plus redouté au monde. Des attentats répétés, notamment au Sri Lanka, ajoutent à la notoriété du groupe. Cependant, Baghdadi demeure invisible. Des rumeurs se répandent selon lesquelles il serait malade, mort ou caché.

Le 29 avril 2019, la lumière est faite sur cette question. Le calife autoproclamé apparaît dans un nouvel enregistrement de Daech, s’exprimant cette fois sur un ton moins magistral.

En 2014, à Mossoul, le Baghdadi qui s’adresse à ses partisans est un chef d'État putatif. A présent, il se présente à eux en tant que commandant militaire, affirmant que l'idéal de Daech perdure, qu’ils ont certes perdu leur terre mais que leur vision reste la même - et que lui, Baghdadi, est toujours aux commandes.

Citant les récentes attaques de Daech, il manie subtilement le verbe et multiplie les métaphores visuelles. Si Baghdadi fait plus vieux que ses 47 ans, il n'a rien perdu de sa capacité à communiquer avec les djihadistes et les recrues potentielles.

L'AK-47 posé à côté de lui a été pris aux troupes soviétiques par les moudjahidines afghans dans les années 1980. C'est la même arme qu’utilisent Oussama ben Laden et Abou Mousab Al-Zarqawi comme accessoire dans leurs vidéos. Baghdadi a accès à toutes les armes possibles, mais c’est celle-là qu’il choisit.

Il évoque les campagnes terroristes de Daech à travers le monde en recourant au symbolisme pour faire savoir à ses partisans que le combat continue.

Pour les observateurs de la violence de Daech, c’est un rappel que même si le groupe ne contrôle plus de territoire, il reste une menace mondiale, dirigée par un idéologue qui utilise une fausse justification religieuse pour soutenir les crimes de l’organisation.