Sur l’Islam et les immigrés
C’est après l’épisode des « caricatures de Mahomet » dans Charlie Hebdo en 2015 que les sorties explicitement islamophobes de Ménard se succèdent. Sous le titre « Ils nous détestent », Ménard publie un texte affirmant que les musulmans exécreraient l’Occident. Sa thèse principale se résume en quelques mots : « L’Islam est insoluble dans la démocratie ». Il en conclut que ce qui motive les musulmans qui crient leur colère dans les rues, « c’est une détestation de l’Occident dans sa totalité. Ils sont de plus en plus nombreux à vomir nos valeurs, là-bas comme ici, à exécrer tout ce qui fonde nos sociétés : de la liberté d’expression au respect de la femme et même la liberté religieuse ».
Ménard représente le nouveau visage de l’extrémisme, ce racisme décomplexé qui n’a pas peur de se faire traiter d’islamophobe. Dans la conclusion de sa tribune à charge contre les musulmans, il vole au secours de la comédienne Véronique Genest, qui s’est elle aussi exprimée sur le sujet en se laissant aller à des amalgames douteux. Il déclare : « Elle a dit "Si être islamophobe, c’est avoir peur, alors je suis islamophobe, comme beaucoup de Français". Et si, décidément, elle avait raison ».
Robert Ménard se dit « à l’écoute » de Renaud Camus, penseur du concept du « grand remplacement ». Il s’inquiète du déséquilibre que pourrait créer selon lui une immigration incontrôlée. Il a notamment décrit Béziers, sa municipalité, comme étant une ville « occupée par des Maghrébins, des gitans et des pauvres ». Dans ses discours, il oppose démocratie et démographie. Selon lui, la démocratie occidentale serait menacée par le changement de population—et l’arrivée massive d’Africains—comme l’attestent ces propos recueillis par le magazine conservateur Causeur : « Avec le changement de population auquel nous assistons aujourd’hui, c’est la démographie qui finira par faire la loi. Un peu à la manière de ces pays d’Afrique où les ethnies majoritaires imposent tout aux minorités. Je ne veux pas de ça pour la France ! La démocratie nécessite une homogénéité minimale. Si, demain, dans un certain nombre de villes comme Béziers, les Français d’origine immigrée votaient aussi massivement que le reste de la population, cela changerait la donne politique de façon radicale. Et de cela, je ne veux pas ».
Dans son Abécédaire de la France qui ne veut pas mourir publié en 2016, il se pose en lanceur d’alertes et met en garde contre les mutations indéniables qui se dérouleraient en France. Ménard en appelle à un sursaut moral de la France, qui se trouverait face au devoir de sauver son identité et son héritage. Les responsables désignés de cette mort annoncée seraient les élites mondialisées, qui selon lui encouragent l’immigration de masse, ainsi que les islamistes, qui gagnent toujours plus de terrain en Occident.
Fidèle à la tendance populiste du personnage, son premier mandat est ponctué de mesures et de déclarations faisant polémique jusqu'au niveau national et dont certaines sont sanctionnées par la justice. Par exemple, bravant la loi sur la laïcité, il fait installer une crèche de la nativité dans le hall de l’hôtel de ville de Béziers. Il déclare à cette occasion que « la crèche en mairie, c’est la France qu’on aime. » Ménard est condamné une première fois en 2017 mais recommence les années suivantes en installant la crèche sur des roulettes sur le parvis de la mairie.
L’autre polémique qui met Ménard sur le devant de la scène nationale est sa campagne d’affichage anti-migrants. Des affiches représentant des hommes barbus au teint basané présentés comme des migrants qui « arrivent » dans le « centre-ville » de Béziers sont placardées un peu partout dans la ville. Cette campagne est signalée à la justice par le gouvernement et par SOS Racisme. Sur les affiches, on peut lire: « Ça y est ils arrivent... Les migrants dans notre centre-ville. » La photo, représentant des hommes de dos devant la cathédrale Saint-Nazaire de la ville, est surmontée de la phrase: « L’État nous les impose ».
A l’instar de nombreux personnages que compte l’extrême droite française, Ménard ne se définit pas comme un penseur ou un théoricien mais comme un homme d’action, un élu présent sur le terrain au quotidien auprès de ses administrés. C’est de là qu’il tire sa légitimité pour justifier le recours à la force dans le but de faire régner l’autorité dans sa ville. Plusieurs personnalités de droite et d’extrême droite—y compris Marine Le Pen— ont pris leurs distances par rapport aux campagnes d’affichage agressives anti-migrants et aux actions musclées contre les migrants orchestrées par Ménard. Quand les journalistes de Causeur (journal qu’on définirait pourtant difficilement comme étant de gauche) s’interrogent sur sa visite d’appartements occupés illégalement par des migrants et lui demandent s’il en veut personnellement aux migrants, il répond :
« Les migrants avaient été conduits là par des filières organisées, de véritables mafias. Ils étaient entrés par effraction dans des HLM, cassant les portes au pied de biche ! Face à de telles situations, j’emploie tous les moyens à ma disposition. Et je n’hésite pas à recourir à des affiches qui choquent nos grandes âmes ! Mais c’est la réalité qui est dure. Qu’à Paris, on fasse la grimace m’importe peu. A Béziers, l’immense majorité de mes concitoyens m’approuve. Ils ont enfin, disent-ils, un maire qui dit ce qu’ils ressentent ! ».