Comment Igor Coronado est devenu le joueur le plus cher de l’histoire du football du Golfe

Le Brésilien s’apprête à enflammer la ligue professionnelle saoudienne en signant un contrat de de 12 millions de dollars pour effectuer un transfert du club de Sharjah à celui de Djeddah. (Fourni)
Le Brésilien s’apprête à enflammer la ligue professionnelle saoudienne en signant un contrat de de 12 millions de dollars pour effectuer un transfert du club de Sharjah à celui de Djeddah. (Fourni)
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Publié le Jeudi 08 juillet 2021

Comment Igor Coronado est devenu le joueur le plus cher de l’histoire du football du Golfe

  • Le joueur brésilien a été transféré du club émirati de Sharjah à celui d’Al-Ittihad, club de ligue professionnelle saoudienne pour un montant record de 12 millions de dollars
  • Le jeune footballeur, âgé de 26 ans est monté sur le podium à la fin de la saison 2018-2019 pour recevoir le Ballon d’Or du meilleur joueur étranger des Émirats arabes unis

RIYAD: «C’est étrange, mais je ne soutiens pas vraiment de club local», a confié Igor Coronado à la chaîne YouTube officielle de l’Arabian Gulf League, peu après avoir mené Sharjah à la victoire lors du championnat des Émirats arabes unis pour la première fois en vingt-trois ans.

Sa réponse, exprimée dans un anglais parfait avec un accent difficile à cerner, est un autre signe de l’éducation mixte de ce meneur de jeu de petite taille, qui a battu cette semaine le record du transfert le plus cher entre clubs du Conseil de coopération du Golfe (CCG), soit 12 millions de dollars (10,13 millions d’euros), pour passer du club de Sharjah à celui d’Al-Ittihad, club de ligue professionnelle saoudienne.

Né à Londrina, ville située dans l’État du Paraná au sud du Brésil, Coronado a commencé sa vie dans le Buckinghamshire, en Angleterre, où ses parents avaient déménagé à la recherche d’opportunités professionnelles. Il a intégré l’académie MK Dons à l’âge de 15 ans. Après trois ans dans les rangs des jeunes, aux côtés de Dele Alli, le club décide qu’il n’est pas assez bon pour faire le saut dans l’équipe première, et le libère à la fin de la saison 2010-11, alors qu’il n’a que 18 ans.

Au lieu de rentrer au Brésil, ou d’abandonner son rêve de devenir footballeur professionnel, Coronado trace sa propre voie. Il rejoint Banbury United, qui joue dans la septième division du football anglais, avant de quitter l’Oxfordshire pour Malte en novembre 2012, signant pour Floriana, une équipe de Premier League, dans l’espoir de percer dans une division supérieure.

Dans l’un des clubs les plus performants de l’île méditerranéenne, le talent de Coronado explose enfin, puisqu’il marque pour le plaisir, ce qui lui vaut d’être transféré dans le club italien de Trapani en août 2015.

«Lorsqu’on intègre une nouvelle ligue, on veut toujours montrer ses qualités. J’ai marqué lors de mon premier match avec Trapani, et ce but a allégé la pression qui pesait sur mes épaules. C’est un moment de ma carrière que je ne peux pas oublier», raconte Coronado en évoquant le premier de ses 20 buts en Série B, un championnat qu’il domine pendant les deux saisons suivantes, avant d’évoluer à nouveau.

Le 9 septembre 2017, au Stadio Renzo-Barbera, Coronado intercepte le ballon sur l’aile droite, à 27 mètres du but. À première vue, il semble prêt à dribbler le défenseur adverse en faisant quelques petits pas en avant. Au lieu de cela, il envoie le ballon directement dans les filets, laissant le gardien d’Empoli impuissant.

Deux ans après ses débuts en deuxième division italienne, le jeune homme talentueux du Paraná est devenu le talisman de Palerme, remplaçant des joueurs comme Fabrizio Miccoli et Javier Pastore. Ce but contre Empoli a été suivi de huit autres au cours d’une saison record pendant laquelle il a illuminé la division, Palerme manquant de peu la montée en première division, s’inclinant en finale des play-offs contre Frosinone.

Coronado devient un grand joueur, et les prétendants se multiplient. Le club anglais de Watford lui fait une offre, mais comme toujours, le magicien est maître de son destin. Il conclut un contrat de 5 millions de dollars (4,2 millions d’euros) avec Sharjah et en 2018.

Son objectif: aider à redonner vie à un géant déchu. Malgré ses cinq titres de champion, le dernier sacre de Sharjah remonte à plus de vingt ans. Depuis lors, l’équipe de «l’émirat souriant» a connu des relégations, des promotions et de nombreuses saisons passées à se morfondre en milieu de tableau.

La saison précédente, l’équipe avait terminé à la sixième place, après que l’ancien capitaine Abdelaziz al-Anbari est devenu l’entraîneur à la mi-saison, remplaçant Jose Peseiro, qui a été licencié, dans une tentative désespérée de sauver une saison difficile.

Il n’a fallu que quinze minutes à Coronado pour effectuer sa première passe décisive pour l’équipe émiratie. Une passe en finesse dans la surface a permis à Ryan Mendes d’ouvrir le score contre Al-Dhafra.

Deux autres passes décisives et un but ont suivi, et une victoire de 4-0 a lancé ce qui était destiné à être une saison 2018-19 inoubliable de l’Arabian Gulf League pour Sharjah et Coronado.

Si ce début était impressionnant, c’est lors du deuxième match de la saison que Coronado est devenu une légende. Treize minutes après ses débuts à domicile, il récupère le ballon à la ligne médiane, laissant derrière lui les deux joueurs d’Al-Nasr, Tareq Ahmed et Mahmoud Khamis,  avant de courir vers la surface. Il tourne alors autour d’un défenseur, et contourne le gardien de but, qui n’a d’autre choix que de l’arrêter. Les supporters applaudissent encore à tout rompre, lorsqu’il s'avance et marque depuis le point de penalty. Coronado a joué un rôle décisif dans quatre des buts de Sharjah, qui s’est imposé avec un score de 6-3.

Les moments magiques lors de la saison 2018-2019 sont tellement nombreux qu’il est difficile d’en faire l’inventaire. Une saison historique pour Sharjah. Un seul échec 3-2 à Al-Wasl, à trois matchs de la fin de la saison, a privé l’équipe de l’étiquette d’«invincible». Lors du match suivant, face à Al Wahda, Coronado, auteur d’un doublé, s’est encore illustré comme l’homme du match, remportant ainsi le titre de champion.

Le jeune footballeur, âgé de 26 ans à l’époque, a accompli sa mission impossible. Il a remporté deux fois le titre de joueur du mois, et est monté sur le podium à la fin de la saison pour recevoir le Ballon d’Or du meilleur joueur étranger du pays. Huit ans après avoir été libéré par MK Dons, Coronado remporte ainsi son premier trophée, et devient un joueur incontournable.

Sharjah a assuré son retour à la Ligue des champions de l’AFC (d’Asie) pour la première fois en quinze ans, et Coronado a réalisé la meilleure performance du club dans la compétition en 2020. Le club a été éliminé en huitième de finale à la différence de buts.

Une saison annulée en raison de la pandémie, précédée d’une campagne interrompue par des blessures, n’enlèvent rien à la qualité d’un joueur qui a déjà marqué le folklore du football émirati.

Comme auparavant en Angleterre, à Malte et en Italie, Coronado a décidé qu’il était temps de découvrir de nouveaux horizons. Sharjah n’a donc eu d’autre choix que d’accepter une offre de 12 millions de dollars du club saoudien Al-Ittihad. Le fait que ses anciens employeurs aient fermement résisté à une offre qui représentait plus du double de ce qu’ils avaient payé pour lui trois ans auparavant en dit long sur le statut qu’avait acquis le joueur dans le club de Sharjah.

Le nouveau défi pour le Brésilien est de faire retrouver aux doubles champions d’Asie leur gloire d'antan, après une période de forte baisse de niveau. Ce que nous a appris l’histoire de Coronado jusqu’à présent, c’est qu’il est toujours prêt à relever de nouveaux défis.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Les stars et les créateurs arabes font sensation à Cannes

L’influenceuse saoudienne Yara Alnamlah pose sur le tapis rouge. (Getty Images)
L’influenceuse saoudienne Yara Alnamlah pose sur le tapis rouge. (Getty Images)
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  • L’animatrice de télévision et mannequin germano-américaine Heidi Klum a fait sensation sur le tapis rouge dans une robe rouge audacieuse du créateur libanais Saiid Kobeisy
  • La première standing ovation du festival a toutefois été réservée à Meryl Streep, qui a reçu une Palme d’or d’honneur lors de la cérémonie d’ouverture, mardi

DUBAÏ: Lors de la cérémonie d’ouverture de la 77e édition du Festival de Cannes, qui s’est déroulée dans le cadre glamour de la Côte d’Azur, les stars et les créateurs arabes ont une nouvelle fois fait sensation.

Le festival commençait avec la première du film Le Deuxième Acte, mais, avant cela, l’influenceuse saoudienne Yara Alnamlah a foulé le tapis rouge dans une tenue du créateur Rami Kadi. Elle portait des bijoux de la maison Chaumet, notamment le collier «Blé» de la collection de haute joaillerie Le Jardin de Chaumet.

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L’influenceuse saoudienne Yara Alnamlah pose sur le tapis rouge. (Getty Images)

Quant à Shanina Shaik, mannequin australien d’origine saoudienne, pakistanaise et lituanienne, elle était vêtue d’une étourdissante robe écarlate du couturier libanais Zuhair Murad. Sa robe sans bretelles, dotée d’un décolleté en cœur et d’une spectaculaire surjupe, est issue de la collection de prêt-à-porter automne 2024 du créateur.

Shanina Shaik n’était pas la seule star sur le tapis rouge à avoir opté pour un créateur arabe.

L’animatrice de télévision et mannequin germano-américaine Heidi Klum a fait sensation sur le tapis rouge dans une robe rouge audacieuse du créateur libanais Saiid Kobeisy. Il s’agissait d’une robe en soie, froncée à la taille et révélant une jambe.

De son côté, l’actrice américaine Jane Fonda a revêtu une combinaison noire ornée de broderies en cristal de la collection automne 2019 du créateur libanais Elie Saab. Pour compléter son look, elle a opté pour un pardessus imprimé léopard.

Le Deuxième Acte est une comédie française qui réunit Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel et Raphaël Quenard. Ils incarnent des acteurs qui se chamaillent sur le tournage d’un film réalisé par intelligence artificielle.

La première standing ovation du festival a toutefois été réservée à Meryl Streep, qui a reçu une Palme d’or d’honneur lors de la cérémonie d’ouverture, mardi. Après que Juliette Binoche l’a présentée, Streep a secoué la tête, s’est éventée et a dansé sous les applaudissements tonitruants de la foule.

«Je suis tellement reconnaissante du fait que vous ne vous soyez pas lassés de moi et que vous ne soyez pas descendus du train», a lancé Streep qui, peu après, a déclaré, en compagnie de Juliette Binoche, le Festival de Cannes officiellement ouvert.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'exil forcé et l'appel au secours du cinéaste iranien Mohammad Rasoulof

Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof pose le 19 mai 2017 lors d'un photocall pour le film "Lerd" (Un homme intègre) à la 70e édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France (Photo, AFP).
Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof pose le 19 mai 2017 lors d'un photocall pour le film "Lerd" (Un homme intègre) à la 70e édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France (Photo, AFP).
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  • Les festivals internationaux sont une forme de reconnaissance importante pour les cinéastes iraniens aux prises avec le régime
  • Amnesty International affirme que l'Iran, secoué par un mouvement de contestation fin 2022 après la mort de Mahsa Amini, a exécuté 853 personnes en 2023

CANNES: Le cinéaste Mohammad Rasoulof vient de fuir l'Iran mais pourra-t-il se rendre à Cannes ? Le symbole serait fort pour la liberté d'expression mais rien n'est moins sûr pour celui qui lance mardi un appel à l'aide au cinéma mondial.

Grande voix du cinéma iranien, dans le viseur du régime des mollahs depuis des années, condamné et incarcéré à plusieurs reprises, Rasoulof est en lice pour la Palme d'Or, qui sera remise le 25 mai au Festival de Cannes.

Programmé au dernier jour de la compétition, le 24, "Les graines du figuier sauvage" aurait dû être présenté en son absence, comme c'est souvent le cas pour les réalisateurs iraniens, longtemps tolérés tout en étant obligés de déjouer la censure. Et régulièrement empêchés de quitter leur pays, voire poursuivis en justice.

Lundi, coup de théâtre. Rasoulof, condamné en appel à huit ans de prison dont cinq applicables et qui s'est vu priver de son passeport, révèle qu'il est parvenu à fuir clandestinement l'Iran. Son avocat assure qu'il pourra participer au festival, ce dernier confirmant travailler avec le Quai d'Orsay pour parvenir à le faire venir sur la Croisette.

Mais le lendemain, à quelques heures de la cérémonie d'ouverture, Mohammad Rasoulof et son producteur Jean-Christophe Simon soulignent que rien n'est garanti à ce stade. Surtout, le réalisateur lance dans un communiqué transmis à l'AFP un vibrant appel au secours, dit son inquiétude pour ses équipes restées en Iran et règle ses comptes avec les censeurs de la République islamique.

"Je suis arrivé en Europe il y a quelques jours après un voyage long et compliqué", témoigne le cinéaste de 51 ans. Celui qui veut représenter un Iran "loin du récit dominé par la censure (et) plus proche de la réalité" explique avoir décidé de partir lorsqu'il a appris que sa peine, "injuste", serait mise à exécution "dans les plus brefs délais".

Il craignait une condamnation supplémentaire à la suite de la présentation de son prochain film, dans un pays où la répression ne cesse de s'amplifier. "Je devais choisir entre la prison et quitter l'Iran. Le cœur lourd, j'ai choisi l'exil", relate Rassoulof. Sans passeport, il a dû "quitter l'Iran secrètement".

«Machine criminelle»

Le réalisateur s'alarme pour ses équipes restées en Iran, dans un pays où "l'ampleur et l'intensité de la répression ont atteint un degré de brutalité tel que les gens s'attendent à apprendre chaque jour un nouveau crime odieux commis par le gouvernement". "La machine criminelle de la République islamique viole continuellement et systématiquement les droits de l'homme", dénonce-t-il.

Lui-même juge "difficile" à croire que son pays vienne de condamner à mort le jeune rappeur Toomaj Salehi, détenu en prison.

Amnesty International affirme que l'Iran, secoué par un mouvement de contestation fin 2022 après la mort de Mahsa Amini, a exécuté 853 personnes en 2023, le nombre le plus élevé depuis 2015. Les cinéastes sont régulièrement accusés de propagande contre le régime.

Rasoulof a pu garder secrets "l'identité des acteurs et de l'équipe, ainsi que les détails de l'intrigue et du scénario". Certains acteurs "ont réussi à quitter l'Iran" à temps, se réjouit-il. Mais de nombreux autres membres de l'équipe y sont toujours "et les services de renseignement font pression sur eux. Ils ont subi de longs interrogatoires. Les familles de certains d'entre eux ont été convoquées et menacées".

"La communauté cinématographique mondiale doit assurer un soutien fort aux réalisateurs", implore le cinéaste, Ours d'or à Berlin en 2020 pour "Le Diable n'existe pas", sur la peine de mort. Un prix remis en son absence, ayant été empêché de quitter l'Iran.

Les festivals internationaux sont une forme de reconnaissance importante pour les cinéastes iraniens aux prises avec le régime, à l'image d'Ashgar Farhadi ("Une séparation"), Jafar Panahi ("Taxi") ou Saeed Roustaee ("Leila et ses frères"), régulièrement sélectionnés.

"La liberté d'expression doit être défendue haut et fort (...) Comme je le sais par expérience personnelle, ce soutien peut leur être d'une aide inestimable pour poursuivre leur travail vital", souligne Rasoulof. En France, la Société des réalisateurs de films (SRF) lui a apporté son soutien, ainsi que la coalition internationale pour les cinéastes en danger (ICFR), qui défend plusieurs Iraniens menacés.


Femmes puissantes en vue au 77e Festival de Cannes

La réalisatrice libanaise et membre du Jury du 77ème Festival de Cannes Nadine Labaki arrive sur scène lors de la cérémonie d'ouverture et de la projection du film "Le Deuxième Acte" à la 77ème édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France, en mai 14, 2024 (Photo, AFP).
La réalisatrice libanaise et membre du Jury du 77ème Festival de Cannes Nadine Labaki arrive sur scène lors de la cérémonie d'ouverture et de la projection du film "Le Deuxième Acte" à la 77ème édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France, en mai 14, 2024 (Photo, AFP).
L'actrice française Léa Seydoux (Photo, AFP).
L'actrice française Léa Seydoux (Photo, AFP).
L'actrice, réalisatrice, productrice et présidente du jury de la Caméra d'Or française Emmanuelle Beart pose lors de leur photocall à la 77e édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024 (Photo, AFP).
L'actrice, réalisatrice, productrice et présidente du jury de la Caméra d'Or française Emmanuelle Beart pose lors de leur photocall à la 77e édition du Festival de Cannes, dans le sud de la France, le 15 mai 2024 (Photo, AFP).
L'actrice française Judith Godrèche (Photo, AFP).
L'actrice française Judith Godrèche (Photo, AFP).
Les membres du Jury du 77e Festival de Cannes posent à leur arrivée pour la cérémonie d'ouverture (Photo, AFP).
Les membres du Jury du 77e Festival de Cannes posent à leur arrivée pour la cérémonie d'ouverture (Photo, AFP).
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  • Sur le tapis rouge, il y aura Anya Taylor-Joy, 28 ans, une guerrière qui fait mordre la poussière aux hommes sur grand écran dans «Furiosa»
  • C'est déjà un temps fort du Festival, sept ans après la chute du producteur américain Harvey Weinstein

CANNES: Judith Godrèche, voix du mouvement #MeToo, et son court-métrage très attendu, Anya Taylor-Joy, dans le rôle-titre de "Furiosa", déclinaison de "Mad Max": longtemps invisibilisées dans le 7e art, les femmes puissantes déboulent mercredi au Festival de Cannes.

Il faut aussi mentionner, dans la même journée, une masterclass avec Meryl Streep ("Sur la route du Madison", "Mamma mia"), 74 ans, légende de Hollywood qui a reçu une Palme d'Or d'honneur lors de la cérémonie d'ouverture 100% féminine, suivie par 2,3 millions de téléspectateurs.

Un record, s'est félicité France Télévisions.

"Tu as changé notre façon de voir les femmes, tu nous as donné une nouvelle image de nous-mêmes", l'a remercié, en pleurant, Juliette Binoche en lui remettant ce prix.

"Moi aussi", réalisé par Judith Godrèche, 52 ans, sera doublement présenté: en ouverture de la sélection Un Certain Regard, au Palais des Festivals, seulement pour les accrédités, et au Cinéma de la Plage, pour les touristes et les Cannois.

C'est déjà un temps fort du Festival, sept ans après la chute du producteur américain Harvey Weinstein, et cinq mois après la prise de parole marquante, en France, de l'actrice-réalisatrice qui a accusé de viols deux figures du cinéma d'auteur, Benoît Jacquot et Jacques Doillon.

Visages des victimes 

La comédienne a tourné ce court-métrage de 17 minutes pour dénoncer les violences sexuelles. Une façon de redonner un visage à un millier de victimes, a-t-elle confié à l'AFP.

"Il y a cette idée du +comme toi, ça aussi je l'ai vécu+, d'un lien, d'un écho, développe l'intéressée. L'idée, c'était de dire vous avez le droit de venir même si vous ne voulez pas être filmé, vous pouvez être de dos, vous pouvez être flouté".

"Ces personnes semblent partager un même sentiment de honte. Comment transformer la honte? Pas en fierté, personne n'est fier de s'être fait abuser sexuellement. Mais partager quelque chose dont on pourrait toutes et tous se dire, +on a fait ça ensemble et on peut en être fier+".

Pour Judith Godrèche, "le cinéma a une fonction symbolique, divine quasiment". "Me dire que les gens anonymes qui sont dans ce film vont être les acteurs principaux d'un film qui va à Cannes, c'est ce statut-là qui m'intéresse".

Le mouvement #MeToo alimente les discussions du Festival de Cannes. "Nous continuons à débattre de ces questions ensemble notamment la question ou nous voulons qu'aille le cinéma. Il y a énormément de changements aux Etats-Unis", a commenté devant la presse Greta Gerwig, réalisatrice et présidente du jury.

 Guerrière 

"La parole a été ouverte il y a quelques années", a dit en conférence de presse l'acteur Omar Sy ("Lupin"), membre du jury, qui se félicite qu'il y ait "de plus en plus de femmes qui ont le courage de dire les choses" dans une "industrie du cinéma très visible".

Et sur le tapis rouge, il y aura Anya Taylor-Joy, 28 ans, une guerrière qui fait mordre la poussière aux hommes sur grand écran dans "Furiosa", présenté hors compétition en avant-première mondiale.

C'est un nouvel épisode de la saga "Mad Max", plus précisément un prequel de "Fury Road" (2015), soit la jeunesse du personnage incarné alors par Charlize Theron.

"Il y a quinze ans, je n'aurais pu imaginer qu'il y aurait autant de femmes dans le cinéma", s'est réjoui Greta Gerwig, première réalisatrice à dépasser le milliard de dollars de recettes avec "Barbie". Il n'y a cependant que quatre réalisatrices dans les 22 films en compétition à Cannes cette année. "Quatre femmes téméraires", a glissé Camille Cottin, maîtresse de cérémonie du Festival.

Dont la Française Agathe Riedinger qui ouvre le bal de la compétition avec "Diamant brut", un premier film sur la télé-réalité et les aspirations d'une jeune fille vivant dans le sud de la France.