A l'approche du retrait d'Afghanistan, des experts expliquent « l'échec » américain

 L'inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan, John Sopko. (Photo d'archives AFP).
L'inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan, John Sopko. (Photo d'archives AFP).
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Publié le Vendredi 30 juillet 2021

A l'approche du retrait d'Afghanistan, des experts expliquent « l'échec » américain

  • Les Etats-Unis ont eu "la vanité de croire que nous pouvions prendre ce pays qui était dans un état de désolation en 2001 et en faire une petite Norvège", s'est exclamé jeudi l'inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan
  • "Nous sommes arrivés en Afghanistan avec l'idée de créer un gouvernement central fort. C'était une erreur", a ajouté M. Sopko, l'inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan

WASHINGTON: Mensonges, vanité des généraux, stratégies à court terme, objectifs irréalistes... A l'approche du retrait des dernières forces étrangères d'Afghanistan, les conclusions des experts sur les raisons de l'échec américain après 20 ans de guerre sont sans appel.


Les Etats-Unis ont eu "la vanité de croire que nous pouvions prendre ce pays qui était dans un état de désolation en 2001 et en faire une petite Norvège", s'est exclamé jeudi l'inspecteur général spécial pour la reconstruction de l'Afghanistan, John Sopko, dans une tirade passionnée sur les raisons de la "sombre" situation du pays.


"Nous sommes arrivés en Afghanistan avec l'idée de créer un gouvernement central fort. C'était une erreur", a ajouté M. Sopko, chargé depuis 2012 par le Congrès de suivre l'utilisation des fonds américains dans cette guerre.


Les experts savaient que le pays n'était pas adapté à une telle structure de gouvernement mais "personne ne les a écoutés", a-t-il regretté.


Les généraux qui se sont succédé en Afghanistan se sont fixé des objectifs à court terme pour pouvoir revendiquer un succès à leur départ deux ou trois ans plus tard, alors qu'il aurait fallu donner du temps aux efforts de reconstruction en prêtant attention aux défis logistiques posés par ce pays où seulement 30% de la population a de l'électricité 24 heures sur 24, a-t-il ajouté.


L'inspecteur général a accusé les généraux d'avoir dissimulé l'étendue des problèmes. 


"A chaque fois que nous allions dans le pays, les militaires changeaient d'objectifs, pour que ce soit plus facile de revendiquer un succès", a-t-il ajouté. "Et quand ils n'ont plus pu le faire, ils ont classé les objectifs secret-défense".


"Ils savaient à quel point l'armée afghane allait mal", a-t-il poursuivi. Ceux qui avaient accès aux documents secret-défense le savaient aussi, "mais l'Américain moyen, le contribuable moyen, l'élu moyen, le diplomate moyen ne pouvaient pas savoir".

« Envahisseurs »

Pour Carter Malkasian, un ancien responsable du Pentagone qui vient de publier un livre sur l'histoire de la guerre en Afghanistan, "il ne fait aucun doute que nous avons perdu la guerre".


Pour cet expert qui a notamment conseillé l'ancien chef d'état-major Joseph Dunford, les talibans ont démontré leur volonté de combattre les "envahisseurs", tandis que l'armée afghane apparaissait comme vendue aux étrangers.


"La simple présence d'Américains en Afghanistan bafouait l'idée d'une identité afghane fondée sur une fierté nationale, une longue histoire de lutte contre les envahisseurs et un engagement religieux à défendre la patrie", écrit M. Malkasian dans son ouvrage.


"Nous pensions que certaines choses étaient possibles en Afghanistan: vaincre les talibans ou permettre au gouvernement afghan d'être indépendant", ajoute-t-il. "Elles ne l'étaient probablement pas".


De plus, note-t-il, "la police et les soldats ne voulaient pas risquer leur vie pour un gouvernement qui était corrompu et qui avait tendance à les négliger".

« Rancoeur » des Afghans 

Un récent rapport de l'organisation Human Rights Watch souligne qu'en ne se souciant pas suffisamment des victimes civiles des frappes aériennes ou des abus perpétrés par des chefs de guerre alliés des Occidentaux, la coalition s'est mis à dos le public afghan.


"La tendance des Etats-Unis à donner la priorité aux gains militaires à court terme et non à la création d'institutions véritablement démocratiques ou à la protection des droits humains a porté un coup mortel à la mission américaine et à tous les efforts de reconstruction de l'après 2001", selon HRW.


"La rancoeur et la méfiance de la population à l'égard des Etats-Unis et du gouvernement afghan ont largement permis aux talibans de gagner du terrain", ajoute l'organisation.


Pour John Sopko, les Etats-Unis se sont comportés en Afghanistan comme ils l'ont fait en Irak et comme ils l'avaient fait au Vietnam.


"Ne croyez pas les généraux, les ambassadeurs ou les responsables de l'administration qui vous disent: on ne le fera plus", a lancé l'inspecteur général.


"C'est exactement ce que nous avons dit après le Vietnam: on ne le fera plus. Ô surprise, on a fait l'Irak. On a fait l'Afghanistan", a-t-il conclu. "On le refera".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.