Mohammed VI relance le chantier de la réconciliation avec l’Algérie

L’actualité marocaine à l’international a été des plus denses: crise avec l’Espagne, tension avec l’Allemagne, frictions avec la France. Et pourtant, Mohammed VI avait consacré une grande partie de son discours du trône à évoquer l’indispensable réconciliation avec le voisin algérien. Si l’Algérie a toujours été présente dans les traditionnels discours royaux, ce pays occupait cette fois une place qui, sans doute, trahit la dangereuse escalade atteinte par les relations entre Alger et Rabat.

Sur le plan de l’affect politique, ce discours choc restera dans les annales comme l’un des plus importants dans les relations entre l’Algérie et le Maroc. Il est clair qu’un tournant a été pris et qu’une nouvelle et grande perspective est tracée: celle de la réconciliation totale entre Alger et Rabat, de la pacification absolue des esprits que des décennies de tensions et d’escarmouches ont paralysée.

Mais, aujourd’hui, Mohammed VI formule cette indispensable réconciliation avec des arguments qui résonnent dans les esprits et dans les intelligences et touchent également les cœurs.

Mustapha Tossa

La main généreusement tendue par Mohammed VI au régime algérien n’est pas nouvelle. À plusieurs reprises, le roi du Maroc a déjà eu l’occasion de faire part de la nécessité de dépasser les malentendus entre les deux pays pour le bien de ses deux peuples. Depuis son accession au trône, cela a toujours été sa conviction.

Mais, aujourd’hui, Mohammed VI formule cette indispensable réconciliation avec des arguments qui résonnent dans les esprits et dans les intelligences et touchent également les cœurs.

Une approche que le roi du Maroc sait passionnément partagée par ces deux peuples qui, selon lui, ont dépassé dans la profondeur de leurs liens la simple fraternité pour accéder à une gémellité exceptionnelle.

Cette allocution royale destinée à ouvrir les frontières – les raisons initiales de leur fermeture étant dépassées – intervient alors que les escalades politiques et médiatiques entre les deux nations avaient atteint une dangereuse crête.

Devant cet inquiétant état de fait, Mohammed VI joue avec justesse et pertinence la carte de la raison, celle de la sécurité collective qu’imposent la géographie et l’histoire. Cette phrase prononcée par le souverain marquera durablement l’opinion: «Nous considérons que la sécurité et la stabilité de l’Algérie, et la quiétude de son peuple, sont organiquement liées à la sécurité et à la stabilité du Maroc. Corollairement, ce qui touche le Maroc affecte tout autant l’Algérie.» 

Avec ce discours lucide, volontaire et déterminé, Mohammed VI interpelle ouvertement la présidence algérienne; il lui donne rendez-vous afin de tourner cette triste page et d’écrire une nouvelle histoire.

Pour convaincre les réticents, le souverain marocain a en outre affirmé que, contrairement à certaines allégations politiciennes dont l’intention malveillante est manifeste, aucun mal en provenance du Maroc n’atteindra l’Algérie, car «le Maroc […] n’est nullement un danger ou une menace pour vous. En réalité, ce qui vous affecte nous touche et ce qui vous atteint nous accable».

Dans ce discours de Mohammed VI, dont une grande partie était consacrée à la relation avec l’Algérie, le souverain marocain a déployé toutes les gammes de la persuasion, du destin commun entre les deux peuples jusqu’à leur sécurité collective en passant par les immenses opportunités économiques que permettra la normalisation de leurs relations et l’ouverture de leurs frontières.

Si un large écho et une grande résonance sont promis à ce discours au sein de l’opinion algérienne, qui ne peut rester indifférente à l’argumentation royale, il n’est acquis que la direction militaire du pays réagira favorablement à cette main une nouvelle fois tendue par Mohammed VI. 

Le roi du Maroc a indiqué au camp algérien que la balle était dans son camp, prenant à la fois à témoin les peuples algérien et marocain et la communauté internationale.

La question qui taraude tous les esprits, aussi bien au Maghreb qu’en Europe, est la suivante: le président algérien, nommément invité par le roi du Maroc à une rencontre de sa convenance, aura-t-il l’intelligence de saisir cette précieuse perche tendue par le Maroc, permettant ainsi que se déploie une nouvelle dynamique régionale, ou continuera-t-il à s’enfermer dans un autisme politique qui obère les chances des peuples de la région de vivre et de coopérer?

Aujourd’hui se dresse devant le monde un tableau particulièrement clair. Un pays, le Maroc, tente de dépasser les malentendus, de réaliser les rêves légitimes des populations, de sceller les destins communs; un autre, l’Algérie, se trouve dirigé par un régime militaire qui hésite et dont on se demande quelles suites il donnera à cette invitation royale. Ou il l’accepte et ouvre la voie à une nouvelle ère, ou il la refuse et devra continuer à assumer devant l’histoire la responsabilité morale des échecs, des paralysies et des frustrations économiques d’une région de plus de cent millions d’habitants qui voit ses énergies dépérir dans des combats futiles et d’arrière-garde.

Mustapha Tossa est un journaliste franco-marocain. En plus d’avoir participé au lancement du service arabe de Radio France internationale, il a notamment travaillé pour Monte Carlo Doualiya, TV5 Monde et France 24.
Mustapha Tossa tient également deux blogs en français et en arabe où il traite de la politique française et internationale à dominance arabe et maghrébine.

Twitter : @tossamus

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.