DUBAÏ: La céramiste libanaise, qui habite Paris, revient sur une œuvre qu’elle a créée en 2020, alors que le pays du Cèdre traversait une grave crise socio-économique.
Je n’ai pas suivi de formation en art. Je possède un doctorat en anthropologie et j’ai travaillé au Muséum national d’histoire naturelle, en France. Quand mon mari a eu la possibilité d’emménager en Chine, nous nous y sommes installés, avant de nous rendre à Singapour. J’ai travaillé pendant longtemps dans le domaine intellectuel. Je voulais m’essayer au travail manuel.
J’ai pris quelques cours d’art et, après ma première leçon de céramique, je me suis dit: «OK, ça y est. C’est ce que je veux vraiment faire.» Ce que j’aime dans la poterie, c’est la façon dont on peut toucher l’argile, la déplacer. On entame un véritable dialogue avec elle. C’est très apaisant, très naturel. Le cerveau ne fonctionne pas. Enfin, si, mais pas de la même manière.
Mon objectif est de modeler l’argile autant que possible. Je la déchire, je fais des trous dedans, puis je la répare. C’est toujours comme un jeu. L’argile est, pour moi, une métaphore de la vie: elle n’est jamais régulière, il y a toujours des accidents, des fissures, et il faut aller de l’avant.

J’ai grandi au Liban jusqu’à l’âge de 17 ans. L’histoire de ce pays, c’est qu’il faut toujours le quitter. Quand je n’y vivais pas, j’en avais une image idéale. Je me souviens des montagnes du Liban et de leurs couleurs – rouge, jaune, violet. Elles m’ont toujours émue. Elles se profilent les unes derrière les autres à l’horizon, on dirait des lignes. Quand j’ai commencé à faire de la poterie artistique, je mélangeais différentes argiles pour modeler des horizons, un peu comme des paysages.
Mes œuvres ont une forme circulaire, mais celle-là est un peu plus ouverte. C’est beaucoup plus déstructuré. Je pense que c’est directement lié à l’ambiance du Liban. Je n’avais pas de projet en tête. C’est venu tout à fait naturellement. Quand j’ai regardé mon œuvre, j’ai bien vu que c’était le chaos, nettement plus que dans mes autres créations – le chaos qui régnait au Liban depuis deux ans. Il y a une part de violence dans cet ouvrage.
J’aime particulièrement cette sculpture. Elle marque un changement dans mon travail. Elle tisse des liens avec les moments que j’ai passés au Liban. Je ne veux pas la vendre. Je veux la garder pour moi.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com