L'UE s'efforce de modifier la loi sur la négation du génocide en Bosnie

Le chef sortant du bureau du haut représentant en Bosnie, Valentin Inzko, a interdit la négation du génocide en juillet. (Photo, Getty Images)
Le chef sortant du bureau du haut représentant en Bosnie, Valentin Inzko, a interdit la négation du génocide en juillet. (Photo, Getty Images)
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Publié le Jeudi 23 décembre 2021

L'UE s'efforce de modifier la loi sur la négation du génocide en Bosnie

  • L'ancien Haut Représentant Valentin Inzko a criminalisé la négation du génocide en réponse au refus serbe de retirer les honneurs décernés aux criminels de guerre
  • La loi et les réactions qu’elle suscite menacent de briser la paix fragile en Bosnie-Herzégovine; des politiciens serbes ont menacé de se retirer des institutions étatiques

LONDRES: De hauts responsables de l'UE travaillent en coulisses pour «corriger» une loi récemment introduite en Bosnie-Herzégovine qui criminalise la négation du massacre de plus de 8 000 musulmans à Srebrenica en 1995.

Un responsable de l'UE a reconnu en privé que le différend relatif à cette loi risquait de déclencher un nouveau conflit dans la région.

Le pays, qui faisait autrefois partie de la Yougoslavie, est plongé dans l'une de ses pires crises diplomatiques depuis des décennies. Des politiciens serbes, dont leur leader Milorad Dodik, ont été accusés ces derniers mois de vouloir diviser le pays en retirant la participation serbe aux institutions étatiques, notamment l'armée.

Le conflit est centré sur la décision prise en juillet par le diplomate autrichien Valentin Inzko, à l'époque haut représentant pour la Bosnie-Herzégovine, d'interdire la négation du génocide. Le haut représentant supervise l'accord qui a ramené la paix dans le pays après la guerre de Bosnie.

Dodik affirme qu'il existe un déséquilibre des pouvoirs dans la présidence tripartite qui sert de chef d'État au pays, et que les actions d'Inzko font partie du problème et sont antidémocratiques.

Alors que les mesures prises par Dodik pour transférer le pouvoir aux Serbes et l'éloigner des institutions multiethniques ont été condamnées par la communauté internationale. Des documents divulgués révèlent qu'un haut responsable de l'UE a conclu que la loi sur la négation du génocide d'Inzko avait contribué à la crise.

Juste avant de quitter ses fonctions, Inzko a fait de la négation du génocide un délit passible d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison. Il a notamment invoqué le refus de l'assemblée des Serbes de Bosnie de retirer les honneurs décernés à trois criminels de guerre condamnés.

Oliver Varhelyi, le commissaire européen chargé de l'élargissement du voisinage, a donné une «évaluation franche» accusant Inzko d’être «responsable de la crise politique actuelle» dans le pays et de la «délégitimation» du Bureau du haut représentant. L'une des responsabilités de Varhelyi est de renforcer les relations de l'UE avec la Bosnie-Herzégovine, pays candidat à l’adhésion.

Il a déclaré le 25 novembre: «Bien que les amendements Inzko ne puissent être contestés du point de vue du fond de la loi, le fait qu'ils aient été imposés le dernier jour du mandat du haut représentant Inzko, a été problématique.

«Surtout parce qu’il s’agit d’une décision importante, elle aurait dû être basée sur un débat approfondi avec tout le monde à bord. La question est maintenant de savoir comment corriger cela.»

Le massacre de Srebrenica de plus de 8 000 musulmans bosniaques pendant la guerre de Bosnie en 1995 est considéré comme le génocide le plus récent sur le sol européen. Mais si le mot génocide est largement utilisé au niveau international pour décrire les événements, il reste une question controversée au sein de l'État.

Le processus compliqué de rétablissement de la paix qui a suivi la guerre a entraîné l'octroi d'un pouvoir important au Bureau du haut représentant chargé de la mise en œuvre de l'accord de paix, y compris le droit d'imposer des lois et de révoquer des fonctionnaires s'ils menacent de saper l'équilibre ethnique d'après-guerre et les efforts de réconciliation.

Dans les documents divulgués, Varhelyi a clairement indiqué qu'il voyait un moyen de sortir de la crise diplomatique. Il a exhorté les parlementaires serbes à suspendre leurs projets de reprise des pouvoirs de l'État dans les domaines de l'administration fiscale, du système judiciaire, des services de renseignement et de l'armée nationale pendant six mois afin de permettre aux négociations d'avoir lieu.

Résoudre le différend concernant la loi sur le génocide est vital, a-t-il ajouté, pour que Dodik reconnaisse le successeur d'Inzko.

Un porte-parole de la Commission européenne a déclaré: «Le processus de réconciliation nécessite de reconnaître ce qui s'est passé, d'honorer les victimes et de promouvoir véritablement la réconciliation en s’attaquant aux racines de la haine qui ont conduit au génocide. L'appropriation locale du processus est également essentielle.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Cyberattaques : Berlin a rappelé «pour consultations» son ambassadeur en Russie

L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff  (Photo, AFP).
L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff (Photo, AFP).
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  • Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz
  • Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives

BERLIN: Berlin a indiqué lundi avoir rappelé pour consultations son ambassadeur en Russie, Alexander Graf Lambsdorff, après avoir accusé vendredi un groupe de hackeurs russes contrôlé par Moscou d'une récente campagne de cyberattaques.

L'ambassadeur "restera une semaine à Berlin puis retournera à Moscou", a indiqué lors d'un point presse régulier la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Kathrin Deschauer, ajoutant que le gouvernement prenait "très au sérieux" cet "acte contre (notre) démocratie".

Les gouvernements allemand et tchèque ont accusé vendredi le groupe APT28, dirigé par les services de renseignement de la Russie, d'une récente campagne de cyberattaques dans leur pays respectif. Des accusations jugées "infondées" par la Russie.

Attaques ciblées 

Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, selon le gouvernement.

Berlin a annoncé vendredi la convocation du chargé d'affaires de l'ambassade de Russie, "pour faire comprendre au gouvernement russe que nous n'acceptons pas ces actions".

Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives et d'opérations de désinformation orchestrées par la Russie.


Exercice américano-philippin contre une «invasion» en mer de Chine

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
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  • Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines
  • La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan

LAOAG: Les troupes américaines et philippines ont tiré lundi des obus et des missiles sur une force d'"invasion" imaginaire pendant des exercices en mer de Chine méridionale, dans le nord des Philippines où les deux pays ont récemment accusé la Chine de "conduite dangereuse et déstabilisante".

Plus de 16.700 soldats américains et philippins participent à ces manoeuvres annuelles navales, terrestres et aériennes organisées jusqu'au 10 mai dans une zone où les incidents à répétition entre embarcations chinoises et philippines font craindre un conflit plus large.

Les soldats américains massés sur les dunes de la côte nord-ouest des Philippines, près de la ville de Laoag, à 400 kilomètres au sud de Taïwan, ont tiré plus de 50 obus de 155 millimètres sur des cibles flottantes à environ cinq kilomètres de la côte, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les troupes philippines ont enchaîné avec des tirs de roquettes vers les attaquants factices, avant que les deux forces ne finissent l'exercice avec des mitrailleuses, des missiles Javelin et d'autres salves d'artillerie.

Cet exercice à munitions réelles, baptisé "Balikatan" ("Epaule contre épaule" en tagalog, la langue philippine), vise à "se préparer au pire", a déclaré aux journalistes le commandant de la Première force expéditionnaire des Marines des Etats-Unis, Michael Cederholm.

"Il est conçu pour repousser une invasion", a-t-il ajouté sur le site de l'exercice, débuté le 22 avril dans plusieurs endroits des Philippines. "Notre flan nord-ouest est plus exposé", a détaillé à l'AFP le général philippin Marvin Licudine, dirigeant l'exercice pour la partie philippine. "A cause des problèmes régionaux, nous devons dès maintenant nous entraîner sur notre propre sol".

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, une importante route commerciale. Elle ignore un arbitrage international qui lui a donné tort en 2016, et y fait patrouiller des centaines de navires des garde-côtes et de la marine.

La semaine dernière, Manille a accusé les garde-côtes chinois d'avoir endommagé un bateau des garde-côtes philippins et un autre du bureau des pêches en tirant dessus au canon à eau près du récif de Scarborough, contrôlé par la Chine mais revendiqué par les Philippines.

Des exercices en forme de dissuasion 

Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines, et d'autres pays de la région, dans une période où la Chine renforce sa pression diplomatique et militaire autour de Taïwan.

La semaine dernière, les ministres de la Défense des Philippines, des Etats-Unis, du Japon et de l'Australie ont, à l'issue d'une réunion dans l'archipel américain d'Hawaï, publié un communiqué conjoint dénonçant la "conduite dangereuse et déstabilisante" de Pékin en mer de Chine méridionale.

"Les actions de la Chine dans les mers de Chine orientale et méridionale sont légitimes, légales et irréprochables", avait auparavant affirmé le 12 avril le ministère chinois des Affaires étrangères.

La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan, face aux îles Spratleys également disputées.

Selon l'armée américaine, il s'agissait d'une répétition du déploiement rapide du système Himars sur les côtes philippines bordées par la mer de Chine méridionale afin de "sécuriser et de protéger le territoire, les eaux territoriales et les intérêts de la zone économique exclusive des Philippines".

"Les exercices militaires sont une forme de dissuasion", a déclaré le ministre philippin des Affaires étrangères, Enrique Manalo, dans un discours prononcé en son nom par un assistant lors d'un atelier public vendredi. "Plus nous simulons, moins nous agissons."

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale.

"Nous ne suivrons pas les garde-côtes chinois et les navires chinois dans cette voie", a-t-il dit. "Nous n'avons pas l'intention d'attaquer qui que ce soit avec des canons à eau ou tout autre équipement offensif", a-t-il poursuivi, ajoutant que Manille continuera à utiliser exclusivement la voie diplomatique pour régler les différends avec Pékin.


La mésaventure d'un proviseur américain, cas d'école des dangers de l'IA

Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
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  • Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal
  • L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun

WASHINGTON: Après l'indignation provoquée dans un lycée américain par la diffusion de propos racistes attribués au proviseur, le vertige de découvrir que la bande sonore a été montée de toutes pièces. Cet épisode illustre les dangers d'une intelligence artificielle devenue accessible à tous.

Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal -- qui se révélera un faux -- lui faisant prononcer des commentaires choquants contre des élèves juifs et des "enfants noirs ingrats".

L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun, et les difficultés auxquelles font face les autorités pour lutter contre de telles pratiques.

"Désormais, tout le monde est vulnérable", et non plus seulement les célébrités, alerte Hany Farid, professeur à l'Université de Californie à Berkeley (ouest).

"Il suffit d'une image pour ajouter une personne dans une vidéo, et 30 secondes d'audio pour cloner la voix de quelqu'un", poursuit le spécialiste en détection d'images et d'enregistrements manipulés numériquement, consulté par la police dans cette affaire.

Quand l'enregistrement fuite sur les réseaux sociaux en janvier, il devient rapidement viral. Une publication recueille des milliers de commentaires sur Instagram, et propulse l'école au coeur d'une polémique nationale.

Le militant des droits civiques DeRay McKesson réclame la démission du proviseur sur son compte X, suivi par près d'un million d'internautes. Il admettra s'être fait abuser.

Les messages haineux pleuvent sur les réseaux sociaux et les coups de fil menaçants se multiplient dans l'établissement. Le "monde serait meilleur si vous étiez sous terre", écrit ainsi un internaute au proviseur.

Ce dernier est placé en congés, son domicile mis sous protection. Contacté par l'AFP, il n'a pas répondu.

Vengeance 

"Je continue de m'inquiéter des dégâts provoqués par cette affaire", confie Billy Burke, directeur du syndicat représentant le proviseur.

Fin avril, Dazhon Darien, 31 ans, responsable sportif du lycée, a été arrêté par les autorités, accusé d'être à l'origine du faux. Les enquêteurs sont remontés jusqu'à lui grâce à l'adresse électronique qui a initialement partagé le fichier.

Il aurait agi pour se venger d'une enquête ouverte à son encontre par le proviseur sur des paiements suspects.

Le prévenu a mené des recherches sur des outils d'IA depuis le réseau informatique du lycée, selon l'acte d'accusation.

La bande sonore, selon l'analyse d'un expert consulté par la police, "contient des traces de contenu généré par l'IA, avec un montage humain a posteriori".

Cette affaire démontre la nécessité "d'adapter la loi aux avancées technologiques", a estimé le procureur local, Scott Shellenberger.

Les montages audio sont particulièrement difficiles à déceler. En janvier, un message diffusé par appels téléphoniques automatisés usurpant la voix du président Joe Biden incitait les électeurs démocrates de l'Etat du New Hampshire (nord-est) à s'abstenir lors des primaires pour du parti.

A Pikeville, l'affaire a secoué les habitants, "très proches les uns des autres", raconte Parker Bratton, l'entraîneur de golf du lycée.

"Il y a un seul président, mais il y a un million de proviseurs!", s'inquiète-t-il, "les gens se demandent +Que va-t-il m'arriver si quelqu'un décide tout simplement de détruire ma carrière?+".