Le procès Theranos fait trembler les start-up américaines

Elizabeth Holmes avec son partenaire Billy Evans et ses parents Christian et Noel Holmes, quittant le tribunal fédéral à Californie, le 3 janvier 2022. (Photo, AFP)
Elizabeth Holmes avec son partenaire Billy Evans et ses parents Christian et Noel Holmes, quittant le tribunal fédéral à Californie, le 3 janvier 2022. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 06 janvier 2022

Le procès Theranos fait trembler les start-up américaines

  • Les investisseurs, emballés par l'argumentaire et la force de conviction de Mme Holmes, avaient injecté des centaines de millions de dollars dans ce qui promettait d'être le futur Apple ou Google
  • Mme Holmes a d'ailleurs maintenu durant son procès qu'une nouvelle génération de machines pour des tests sanguins était sur le point d'aboutir et aurait bien tenu ses promesses

SAN FRANCISCO : La condamnation cette semaine en Californie de la fondatrice de Theranos, Elizabeth Holmes, reconnue coupable d'escroquerie envers ses investisseurs, est un coup de semonce pour les entrepreneurs de la Silicon Valley qui savent désormais qu'ils risquent la prison si leurs trop belles promesses ne se réalisent pas.

Mais l'industrie des nouvelles technologies brasse des centaines de milliards de dollars dans sa course au nouveau concept révolutionnaire et il est peu probable qu'elle change sa façon de faire. Pour de nombreux experts, le mantra "fake it till you make it" ("fais semblant jusqu'à ce que tu y arrives") a encore de beaux jours devant lui pour courtiser les investisseurs.

"N'importe quel créateur de start-up qui pense que sa technologie n'est pas encore au point mais qu'elle finira par l'être devrait se sentir très nerveux", estime Aron Solomon, responsable juridique chez Esquire Digital.

"Je vous parie que beaucoup d'entrepreneurs ont suivi le procès et se sont dit qu'ils avaient probablement fait certaines choses qu'on reproche à Elizabeth Holmes", poursuit-il.

La patronne déchue a été reconnue coupable de plusieurs chefs de fraude pour avoir menti à ses investisseurs: elle promettait de révolutionner le marché des tests sanguins avec ses machines capables selon elles de dépister une kyrielle de maladies, du cancer au VIH, à l'aide de quelques gouttes de sang.

Les investisseurs, emballés par l'argumentaire et la force de conviction de Mme Holmes, avaient injecté des centaines de millions de dollars dans ce qui promettait d'être le futur Apple ou Google.

Sauf que les fameuses machines de Theranos n'ont jamais réellement fonctionné et que le pot-aux-roses a fini par être dévoilé par une enquête du Wall Street Journal en 2015.

Les trois mois du procès organisé à San José, au coeur de la Silicon Valley, ont mis en lumière la limite parfois très ténue entre le culot commercial et le mensonge pur et simple dans le monde de la "tech".

Pour M. Solomon, ceux qui lancent des start-up ont besoin de faire briller les yeux de leurs interlocuteurs s'ils veulent obtenir leur soutien, et parlent volontiers au présent de technologies qui n'existent pas encore.

"Vous faites toujours semblant, vous essayez d'embellir votre produit en en rajoutant constamment", dit-il.

Mme Holmes a d'ailleurs maintenu durant son procès qu'une nouvelle génération de machines pour des tests sanguins était sur le point d'aboutir et aurait bien tenu ses promesses.

Le problème avec ce modèle se pose lorsque le succès promis s'avère n'être qu'un mirage, comme dans le cas de Theranos, relève l'analyste Patrick Moorhead, spécialisé dans les nouvelles technologies.

"Il y a une différence entre avoir une vision audacieuse et mentir aux investisseurs. Je pense que c'est ce que nous voyons dans ce cas", dit-il.

Capital-risque

Dans la Silicon Valley, on ne compte plus les histoires de jeunes étudiants brillants devenus milliardaires après avoir délaissé leurs cours pour développer une bonne idée. Les fleurons du capitalisme mondial, du Microsoft de Bill Gates à l'Amazon de Jeff Bezos en passant par Steve Jobs et sa firme Apple, ont tous suivi cette voie.

Mais pour chaque Steve Jobs, des centaines d'autres aspirants milliardaires voient leur idée lumineuse disparaître dans les limbes.

Les experts en "capital-risque" écoutent à longueur de journée les argumentaires de ces entrepreneurs, à charge pour eux de débusquer la pépite où placer sa mise.

Rien d'étonnant dans ces conditions à ce que les patrons de start-up exagèrent et enjolivent pour décrocher un financement.

"Rien ne va vraisemblablement changer sur ce point", pronostique Wesley Chan, de la société d'investissement Felicis Ventures. "Tout le monde considère qu'Elizabeth Holmes est l'exception, pas la norme, mais en réalité ce type de comportement est bien plus répandu dans notre secteur d'activité", assure-t-il.

Paddy Cosgrave, fondateur et dirigeant du salon technologique Web Summit, n'est pas de cet avis. "Avec toutes ces sociétés qui lèvent tellement d'argent, il faut partir du principe que certains vont finir par enfreindre la loi", déclare-t-il à l'AFP.

"Mais je ne pense pas que ce soit une question de culture. Je ne pense pas que le monde de la +tech+ soit fondamentalement pourri", insiste-t-il.

Fondatrice de la start-up Extended Reality Group, Kristin Carey s'attend à ce que la condamnation d'Elizabeth Holmes incite les investisseurs à demander davantage de garanties aux créateurs d'entreprises.

Et selon elle, ce n'est pas nécessairement une bonne chose: "Si on avait passé sur le grill certains des créateurs qui ont réussi aujourd'hui, est-ce qu'ils seraient là?"


Biden va prononcer un discours axé sur la dénonciation de l'antisémitisme

Le président américain Joe Biden (Photo, AFP).
Le président américain Joe Biden (Photo, AFP).
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  • Son silence pendant plusieurs jours avait attiré des critiques des camps républicain comme démocrate en pleine année électorale
  • Son adresse au Congrès se fait dans le cadre de la cérémonie annuelle des Jours du souvenir, organisée par le musée américain de l'Holocauste au Capitole

WASHINGTON: Joe Biden doit s'exprimer mardi lors d'une cérémonie de commémoration de l'Holocauste pour condamner l'antisémitisme, au moment où la tension demeure sur les campus américains autour d'une vaste mobilisation propalestinienne.

Depuis le Capitole, siège du Congrès américain à Washington, le discours du président américain intervient quelques jours après ses premières remarques sur les protestations estudiantines contre la guerre d'Israël à Gaza.

Son silence pendant plusieurs jours avait attiré des critiques des camps républicain comme démocrate en pleine année électorale.

Son adresse au Congrès se fait dans le cadre de la cérémonie annuelle des Jours du souvenir, organisée par le musée américain de l'Holocauste au Capitole. Le démocrate va se "réengager à tenir à l'esprit les leçons de ce chapitre sombre" de l'Histoire, selon la Maison Blanche.

«Hausse alarmante»

"Il évoquera les horreurs du 7 octobre, quand le Hamas a été à l'origine du jour le plus meurtrier pour le peuple juif depuis l'Holocauste", a déclaré lundi la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre.

"Et il s'exprimera sur le fait que --depuis le 7 octobre-- nous avons constaté une hausse alarmante de l'antisémitisme aux Etats-Unis, dans nos villes, nos quartiers et nos campus", a-t-elle ajouté.

Des étudiants juifs s'alarment d'une augmentation des actes et de la rhétorique antisémite depuis le 7 octobre, et le président israélien Isaac Herzog a dénoncé la semaine dernière "des universités réputées" qui sont selon lui "contaminées par la haine".

Joe Biden "va réaffirmer que nous respectons et protégeons le droit fondamental qu'est la liberté d'expression, mais que l'antisémitisme ne doit être toléré ni sur les campus, ni ailleurs", a déclaré Karine Jean-Pierre.

Nombreux étudiants juifs ont pris part à la mobilisation propalestinienne contre les actions du gouvernement israélien.

Le président américain a évoqué lundi la question de l'antisémitisme lors d'un appel avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Appel au cours duquel Joe Biden a également réitéré sa "position claire" contre une offensive terrestre israélienne à Rafah, selon le compte-rendu de leurs échanges.

Les deux dirigeants ont discuté de l'"engagement partagé" des Etats-Unis et d'Israël à se souvenir des six millions de morts juifs du fait de l'Holocauste perpétré par les nazis" et "à agir avec force contre l'antisémitisme et toutes les formes de violence alimentées par la haine".

«L'ordre doit prévaloir»

Les campus américains sont secoués depuis plusieurs semaines par des manifestations s'opposant à la guerre menée par Israël à Gaza.

A travers le pays, la police a été appelée à plusieurs reprises pour démanteler des campements et déloger manu militari des manifestants.

L'université Columbia à New York, épicentre de ce mouvement estudiantin propalestinien, a annoncé lundi "renoncer" à sa cérémonie en grande pompe de remise de diplômes.

Le prestigieux établissement va privilégier des événements plus modestes pour des raisons de sécurité selon lui, après trois semaines de colère condamnée par Joe Biden et réprimée par la police.

A six mois de la présidentielle, dans des Etats-Unis polarisés, le président démocrate a pris la parole la semaine dernière pour affirmer que "l'ordre devait prévaloir" sur les campus.

"Nous ne sommes pas un pays autoritaire qui réduit les gens au silence", a néanmoins assuré Joe Biden lors d'une courte allocution.

Auparavant, son adversaire républicain Donald Trump l'avait accusé d'inaction face au mouvement propalestinien. "Ce sont des tarés de la gauche radicale et il faut les arrêter maintenant", avait-il lancé à son arrivée à son procès à New York.


Contestation propalestinienne: Columbia à New York annule sa cérémonie de remise de diplômes

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  • Ce mouvement pour la cause palestinienne - qui compte des jeunes arabo-musulmans mais aussi des juifs de gauche antisionistes - cherche dorénavant un nouveau souffle
  • Cette prestigieuse université, financée par de riches donateurs et des investissements, a été secouée des jours durant par des manifestations

NEW YORK: L'université Columbia, épicentre de la contestation propalestinienne sur les campus américains, a annoncé lundi "renoncer" à sa cérémonie en grande pompe de remise de diplômes, après trois semaines de colère étudiante condamnée par Joe Biden et réprimée par la police.

Ces cérémonies constituent le grand rendez-vous institutionnel de la vie universitaire et scolaire des Etats-Unis, où, à la fin du printemps, étudiants et élèves en robe sont mis à l'honneur devant leurs familles.

L'établissement new-yorkais privé et huppé du nord de Manhattan, d'où des militants et des étudiants ont été délogés manu militari le 30 avril au soir par des centaines de policiers anti-émeute, a annulé "la grande cérémonie de l'université prévue le 15 mai".

"Toutes les cérémonies programmées" sur le campus -- désormais sous bonne garde de la police -- seront "déplacées" vers un complexe sportif fermé, a indiqué Columbia, qui compte 37.000 étudiants et des milliers de professeurs et membres du personnel.

Des remises de diplômes plus informelles et "festives" se tiendront du 10 au 16 mai car pour "nos étudiants (...) ces cérémonies à plus petite échelle sont les plus importantes pour eux et leurs familles", s'est justifiée l'université en rappelant que "ces dernières semaines ont été incroyablement difficiles".

Une centaine de personnes furieuses ont protesté à l'extérieur du campus et une pétition a recueilli 1.400 signatures. Ally Woodward, qui étudie les sciences politiques, s'est dite "en colère" contre Columbia qui "a plein d'argent et choisit la plus mauvaise des solutions".

«Tourmente»

Cette prestigieuse université, financée par de riches donateurs et des investissements, a été secouée des jours durant par des manifestations et l'occupation d'une pelouse puis d'un bâtiment.

Avant que la police ne déloge ces militants et étudiants non violents, à la demande écrite de la présidente de Columbia, Minouche Shafik.

Leur "village", un campement de tentes, a été démantelé, comme dans nombre d'universités à travers les Etats-Unis.

Ces images d'interventions policières musclées ont fait le tour du monde.

Columbia est un foyer historique de contestation étudiante depuis la guerre du Vietnam et le mouvement des droits civiques des années 1960-1970. Elle a été l'une des premières universités à gronder au début de la guerre d'Israël contre le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza.

Très critiquée pour avoir appelé la police, la présidente Minouche Shafik, économiste américaine d'origine égyptienne, a invoqué la "tourmente" et l'"acte violent" de protestataires qui ont selon elle déstabilisé Columbia.

Ce mouvement pour la cause palestinienne - qui compte des jeunes arabo-musulmans mais aussi des juifs de gauche antisionistes - cherche dorénavant un nouveau souffle, après que 2.000 personnes ont été interpellées et certaines poursuivies en justice pour "délit d'intrusion".

«Vietnam de Biden»

Ailleurs aux Etats-Unis, des remises de diplômes ont été perturbées comme samedi à l'université du Michigan, où une dizaine de manifestants portant keffiehs et drapeaux palestiniens ont chanté "vous financez un génocide".

D'autres ont brandi en réponse une banderole "les vies juives comptent".

Lundi soir, quelques centaines de personnes parties d'une université publique de Manhattan ont été tenues à distance de l'extravagant gala du Met, rendez-vous planétaire des stars et de la mode.

Outre la fin de la guerre à Gaza, de jeunes Américains exigent que les universités rompent leurs partenariats éducatifs avec Israël et se désengagent d'investissements économiques.

Ils dénoncent l'appui quasiment inconditionnel des Etats-Unis à leur allié israélien, engagé dans une offensive dévastatrice dans la bande de Gaza en représailles à l'attaque du Hamas le 7 octobre sur son sol.

Le président Biden, longtemps silencieux, avait martelé jeudi que "l'ordre devait prévaloir" face au risque du "chaos".

Dans un pays polarisé, à six mois de la présidentielle entre le démocrate et le républicain Donald Trump, la colère d'une partie de la jeunesse contre la guerre à Gaza a ravivé un débat tendu sur la liberté d'expression, l'antisionisme et ce qui constitue de l'antisémitisme.

Pour Donald Trump, les manifestants sont des "tarés de la gauche radicale" et le président républicain de la Chambre des représentants Mike Johnson a dénoncé lundi des "étudiants sympathisant avec le terrorisme".

Pour la sénateur de gauche Bernie Sanders, le mouvement "pourrait être le Vietnam de Biden" qui risque de perdre "non seulement les jeunes, mais aussi une grande partie de la base démocrate".


Une journaliste russe arrêtée pour «justification du terrorisme», selon son avocat

Son ex-mari Maxim Shevchenko, qui présente un talk-show à la télévision d'État, a rejeté les accusations portées contre elle (Photo, X).
Son ex-mari Maxim Shevchenko, qui présente un talk-show à la télévision d'État, a rejeté les accusations portées contre elle (Photo, X).
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  • Les accusations portent sur deux messages parus sur son compte Telegram entre 2018 et 2021
  • L'un de ces messages concernait l'Afghanistan et l'autre relayait une publication sur l'attaque meurtrière de Naltchik

MOSCOU: Une journaliste russe, Nadejda Kevorkova, a été placée en détention et inculpée de "justification du terrorisme", pour des messages qu'elle avait publiés sur les réseaux sociaux, a affirmé son avocat lundi.

Cette reporter de 65 ans, qui a notamment couvert le Moyen-Orient, a travaillé pour des médias russes comme Novaïa Gazeta et Russia Today.

Elle a été "placée en détention et sera emmenée dans un centre de détention provisoire aujourd'hui", a déclaré l'avocat Kaloï Akhilgov.

La question d'éventuelles "restrictions préalables au procès sera décidée demain", a-t-il ajouté.

La "justification du terrorisme" est un crime passible de sept ans d'emprisonnement en Russie.

Les accusations portent sur deux messages parus sur son compte Telegram entre 2018 et 2021, d'après lui.

Répression 

L'un de ces messages concernait l'Afghanistan et l'autre relayait une publication sur l'attaque meurtrière de Naltchik, une ville du Caucase russe où des groupes islamistes avaient donné l'assaut à des bâtiments publics en 2005.

L'ex-mari de Nadejda Kevorkova, Maxime Chevtchenko, qui présente une émission sur la télévision publique, a rejeté les charges pesant sur elle.

Cette dernière n'a "jamais justifié le terrorisme et n'a jamais justifié l'attaque de Naltchik", a-t-il dit.

"Mais en tant que journaliste, elle a certainement écrit sur la torture pendant l'enquête", a ajouté Maxime Chevtchenko.

La campagne de répression de toute voix dissidente, déjà en cours en Russie depuis des années, a pris un tour encore plus drastique depuis le début de l'offensive en Ukraine il y a plus de deux ans.