En France, un sommet pour mobiliser les États en faveur de l'océan

Photo non datée publiée par l'ONG Oceana et prise par la Pacific Whale Foundation le 18 novembre 2020, montrant un Spinner Dolphin qui saute hors de l'eau avec du plastique autour du nez. (Jackson Kowalski / Pacific Whale Foundation / AFP)
Photo non datée publiée par l'ONG Oceana et prise par la Pacific Whale Foundation le 18 novembre 2020, montrant un Spinner Dolphin qui saute hors de l'eau avec du plastique autour du nez. (Jackson Kowalski / Pacific Whale Foundation / AFP)
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Publié le Mardi 08 février 2022

En France, un sommet pour mobiliser les États en faveur de l'océan

  • Le sommet «Un océan» réunira scientifiques, ONG, politiques et entrepreneurs du 9 au 11 février en France
  • Ce sommet, voulu par le président français Emmanuel Macron, sera le premier d'une série d’événements internationaux autour de l'océan

PARIS : Placer l'océan au cœur des préoccupations: c'est l'ambition du sommet «Un océan» qui réunira scientifiques, ONG, politiques et entrepreneurs du 9 au 11 février en France, espérant donner un coup d'accélérateur sur plusieurs dossiers internationaux cruciaux autour des mers.

Les océans occupent 70% de la surface du globe et jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ils nourrissent les populations, abritent de nombreuses espèces. Pour autant, ils restent mal connus et mal protégés.

«Nous n'avons pas idée de ce qu'est l'océan», constate Françoise Gaill, directrice de recherche émérite au CNRS.

Ce sommet, voulu par le président français Emmanuel Macron, sera le premier d'une série d’événements internationaux autour de l'océan: une réunion de l'ONU sur l'environnement fin février qui abordera la question d'un accord international sur le plastique, des négociations en mars à l'ONU sur un traité pour la haute mer, des COP biodiversité et climat et une conférence de l'ONU sur les océans à Lisbonne en juin.

Mercredi et jeudi se tiendront des ateliers et des forums, en ligne et en présentiel. Vendredi, une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernement, se réuniront autour du président français. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel sont annoncés.

Côté entreprises, les dirigeants des géants européens du transport maritime par conteneurs CMA CGM, Maersk, Hapag-Lloyd et MSC sont annoncés.

«La présidence française de l'Union européenne est une occasion qu'il ne fallait pas rater», explique Olivier Poivre d'Arvor, ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes. «Plutôt que d'organiser un sommet européen classique, nous avons choisi de prendre un groupe de dirigeants engagés», poursuit-il.

Pétition pour les dauphins

La France espère que de nouveaux pays ratifieront l'Accord du Cap, destiné à renforcer la sécurité des navires de pêche et à lutter contre la pêche illégale, pour qu'il puisse entrer en vigueur.

Les ONG espèrent des annonces fortes, tout en regrettant que des questions aussi essentielles que la surpêche ne soient pas à l'ordre du jour.

La France possède la deuxième plus grande zone économique exclusive (ZEE) au monde, qui recouvre les eaux jusqu'à 200 milles nautiques au large de ses côtes, grâce aux outre-mer. Avec 23% de ses eaux protégées, mais seulement 1,6% en protection stricte, «la France n'est pas forcément un modèle», commente Jérôme Petit de l'ONG Pew.

Il espère que le gouvernement confirmera l'extension de la réserve naturelle nationale des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sur un million de km2, dont une zone de protection forte de 250.000 km2.

Pew espère également la création de zones exclusivement dédiées à la pêche artisanale autour des îles de Polynésie française. Le président de la Polynésie française Edouard Fritch fera le déplacement à Brest, dans le nord-ouest de la France.

Une coalition d'ONG demande des avancées sur le traité international pour mieux protéger la haute mer, au-delà des juridictions nationales, qui couvre près de la moitié du globe. «Les discussions sont retombées à un niveau très juridique, il n'y a pas de portage politique», reconnaît Olivier Poivre d'Arvor, qui promet que le One Ocean Summit permettra de remobiliser les Etats. Les négociations doivent se conclure en mars.

La coalition d'ONG pour la conservation des eaux profondes s'inquiète des velléités de la France à explorer les fonds marins à plus de 4.000 mètres de profondeur, mal connus mais qui contiennent des ressources minières.

L'exploration scientifique «donne les moyens de comprendre comment fonctionnent les écosystèmes», explique la spécialiste des organismes marins Françoise Gaill. «Exploiter ? Evidemment non», poursuit-elle. L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a adopté un moratoire sur l'exploitation des grands fonds marins, que la France n'a pas soutenu.

Plusieurs associations, dont France Nature Environnement (FNE), comptent par ailleurs remettre aux responsables français et européens une pétition signée par plus de 460.000 personnes contre les captures accidentelles de dauphins communs, tués dans des engins de pêche au large des côtes françaises.

Deux manifestations sont prévues vendredi à l'appel de l'association Pleine Mer, regroupant citoyens et pêcheurs artisanaux, et de Greenpeace. Des syndicats et des collectifs ont prévu de manifester de leur côté.


Inquiétude dans le «Petit Haïti» de Saint-Domingue après le plébiscite du président Abinader

Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier
  • Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937

SAINT-DOMINGUES: Johan Perez surveille les voitures garées dans une rue du "Petit Haïti", un quartier populaire commerçant et anarchique de Saint-Domingue, où vivent et travaillent des centaines de Haïtiens. Il est inquiet.

Après la réélection triomphale au premier tour du président Luis Abinader, qui a fait de la lutte contre l'immigration haïtienne un de ses chevaux de bataille, il craint que le sentiment "anti-haïtien" ne s'intensifie.

C'est une journée ordinaire. L'activité bat son plein dans ce secteur chaotique du centre-ville de la capitale dominicaine, avec des dizaines de boutiques informelles installées devant des entrepôts aux murs écaillés. Ici dans Le "Pequeno Haïti" pendant du "Little Haïti" de New York ou Miami, on vend de tout: de la canne à sucre aux appareils électriques usagés, en passant par les vêtements et les légumes.

La plupart des vendeurs préfèrent se taire, de peur que leur accent créole-français ne les trahisse. Les descentes de police sont monnaie courante. Malheur à celui qui se fait prendre. A chacune d'entre elles, la police embarque les sans-papiers pour les emmener dans un centre de rétention avant de les mettre dans un camion, direction Haïti.

"Les choses se durcissent un peu", explique Johan Perez, 32 ans, de mère dominicaine et de père haïtien, qui vit des pourboires des automobilistes fréquentant la zone. "Le +type+ (Abinader) est plus fort maintenant".

Il raconte que la police a arrêté plusieurs de ses amis il y a quelques jours à peine. Et au coin de la rue, les agents de l'immigration sont entrés dans un petit immeuble et en ont sorti les habitants sans papiers. "Ils les ont jetés la tête la première" dans un bus avec d'autres migrants.

Selon les experts et militants des droits de l'homme, le principal critère des contrôles est la couleur de la peau mais M. Perez souligne que la langue joue également un rôle.

Les expulsions sont passées de 122.000 en 2022 à 250.000 en 2023, selon les données officielles.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2020, le président Abinader a imposé une politique de fermeté à l'égard de la migration haïtienne. Outre les descentes et les expulsions, il a renforcé la présence des forces armées à la frontière et fait construire un mur de 164 km entre les deux pays.

Sa réélection conforte cette fermeté dans un pays où le racisme anti-haïtien s'est propagé et où l'immigration est souvent assimilée à la criminalité.

L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier. Haïti, ancienne colonie française qui s'est émancipée en 1804, a occupé l'actuelle République dominicaine pendant 22 ans jusqu'en 1856, massacrant des milliers de personnes.

«Acide»

Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937.

Les Dominicains parlent souvent de l'immigration haïtienne comme d'une "deuxième invasion".

De nombreux Haïtiens possédant des papiers en règle courent aussi le risque de devenir clandestins, en raison d'un parcours bureaucratique de plus en plus lent et onéreux

C'est le cas de Nicolas Legrand, 60 ans, qui vit à Saint-Domingue depuis 1987. Sa carte de résident a expiré en 2022 et depuis, il ne détient qu'une petite note indiquant que son processus est en cours.

"Si Dieu le veut, la situation s'améliorera à Haïti et j'y retournerai", dit M. Legrand en vendant ses mouchoirs. "Mais ici au moins je suis tranquille".


CPI: les droites françaises rejettent toute «équivalence» entre le Hamas et Israël

Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
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  • La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle «soutient la CPI»
  • «Cette équivalence est proprement insupportable», a renchéri le patron des sénateurs Républicains

PARIS: Les responsables des principaux partis de droite et d'extrême droite français ont dénoncé mardi une "équivalence insupportable" et un "parallèle honteux" après que le procureur de la Cour pénale internationale a réclamé des mandats d'arrêts contre des dirigeants du Hamas et du gouvernement israélien.

Ces réquisitions visent précisément le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant d'une part, et les trois plus hauts chefs du Hamas (Ismaïl Haniyeh, Mohammed Deif, Yahya Sinouar) d'autre part.

La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle "soutient la CPI". Une position dont le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, s'est dit "très étonné", estimant sur RTL "qu'on ne peut pas mettre ce signe égal" entre "un état démocratique agressé et des terroristes".

«Partialité»

"Cette équivalence est proprement insupportable", a renchéri le patron des sénateurs Républicains Bruno Retailleau sur Sud Radio, défendant le "droit d'Israël à se défendre" même si sa riposte à Gaza est "sans doute mal proportionnée".

La tête de liste de son parti aux élection européennes, François-Xavier Bellamy, a lui pointé sur Public Sénat la "partialité manifeste" du procureur de la CPI, dont la position "ressemble à une forme de militantisme inquiétant".

"Faire un parallèle entre les dirigeants israéliens et le Hamas (...) est une honte", a tranché sur CNews et Europe1 sa rivale d'extrême droite Marion Maréchal (Reconquête!), qui "réfute totalement ce qui est insinué à travers cette poursuite, à savoir qu'il y aurait un génocide à Gaza".

A l'inverse, les chefs de file de la gauche française - de l'insoumis Jean-Luc Mélenchon au socialiste Olivier Faure, en passant par le communiste Fabien Roussel - se sont félicités lundi de l'annonce du procureur de la CPI, en particulier à l'encontre de M. Netanyahu.


Crimes contre l'humanité: ouverture du procès de trois hauts responsables du régime syrien aux assises de Paris

Ali Mamlouk est l'ex-chef des renseignements syriens devenu en 2012 directeur du Bureau de la sécurité nationale, plus haute instance de renseignement en Syrie. (AFP).
Ali Mamlouk est l'ex-chef des renseignements syriens devenu en 2012 directeur du Bureau de la sécurité nationale, plus haute instance de renseignement en Syrie. (AFP).
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  • Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ce procès "jugera les plus hauts responsables du régime jamais poursuivis en justice depuis l'éclatement de la révolution syrienne en mars 2011"
  • Dans cette affaire, les trois hommes sont soupçonnés d'avoir joué un rôle, à des degrés divers, dans la disparition forcée et la mort de Mazzen Dabbagh et de son fils Patrick, deux Franco-Syriens qui vivaient à Damas

PARIS: Le premier procès en France sur les crimes du régime de Bachar Al-Assad s'est ouvert mardi devant la cour d'assises de Paris: trois hauts responsables syriens soupçonnés d'avoir joué un rôle dans la mort de deux Franco-Syriens sont jugés jusqu'à vendredi par défaut, notamment pour complicité de crimes contre l'humanité.

Absents à l'audience, Ali Mamlouk, ancien chef du Bureau de la sécurité nationale, la plus haute instance de renseignement en Syrie, Jamil Hassan, ex-directeur des services de renseignements de l'armée de l'air, et Abdel Salam Mahmoud, ancien directeur de la branche investigation de ces services, sont aussi accusés de complicité de délit de guerre.

Ils sont visés par des mandats d'arrêt internationaux.

Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), il s'agit "des plus hauts responsables du régime jamais poursuivis en justice depuis l'éclatement de la révolution syrienne en mars 2011".

Des procès sur les exactions du régime syrien ont déjà eu lieu ailleurs en Europe, notamment en Allemagne. Mais les personnes poursuivies étaient de rang inférieur et présentes aux audiences.

Clémence Bectarte, avocate de plusieurs parties civiles, a salué avant le début de l'audience "l'aboutissement d'un long combat judiciaire".

Dans cette affaire, les trois accusés sont soupçonnés d'avoir joué un rôle, à des degrés divers, dans la disparition forcée et la mort de Mazzen Dabbagh et de son fils Patrick, deux Franco-Syriens vivant à Damas.

Les deux victimes, étudiant à la faculté de lettres et sciences humaines de Damas pour le fils et conseiller principal d'éducation à l'Ecole française de Damas pour le père, avaient été arrêtés en novembre 2013 par des officiers déclarant appartenir aux services de renseignement de l'armée de l'air syrienne.

«Système de tortures»

Selon le beau-frère de Mazzen Dabbagh, arrêté en même temps que lui mais relâché deux jours plus tard, les deux hommes ont été transférés à l'aéroport de Mezzeh, siège d'un lieu de détention dénoncé comme un des pires centres de torture du régime.

Puis ils n'ont plus donné signe de vie jusqu'à être déclarés morts en août 2018. Selon les actes de décès transmis à la famille, Patrick serait mort le 21 janvier 2014 et Mazzen le 25 novembre 2017.

Dans leur ordonnance de mise en accusation, les juges d'instruction jugent "suffisamment établi" que les deux hommes "ont subi, comme des milliers de détenus au sein des renseignements de l'armée de l'air, des tortures d'une telle intensité qu'ils en sont décédés".

Coups de barres de fer sur la plante des pieds, décharges électriques, violences sexuelles... Lors des investigations, plusieurs dizaines de témoins - dont plusieurs déserteurs de l'armée syrienne et des anciens détenus de Mezzeh - ont détaillé aux enquêteurs français et à l'ONG Commission internationale pour la justice et la responsabilité (CIJA) les tortures infligées dans la prison.

Parallèlement, en juillet 2016, l'épouse et la fille de Mazzen Dabbagh étaient expulsées de leur maison à Damas, qui était réquisitionnée par Abdel Salah Mahmoud. Des faits "susceptibles de constituer les délits de guerre, d'extorsion et de recel d'extorsion", selon l'accusation.

"C'est un dossier qui a été constitué au fil des ans, pendant sept années d'instruction, et qui permet de rassembler des éléments à charge considérables et de démontrer tout le système qui avait été mis en place, qui était un système de torture, un système de mauvais traitements et de traitements inhumains et de disparitions", a souligné avant l'audience Me Patrick Baudouin, qui représente la FIDH avec Me Bectarte.

Après la lecture du rapport qui retrace les grandes lignes du dossier d'instruction, la cour d'assises a commencé à entendre le chercheur Ziad Majed sur le système politique en Syrie, qui a souligné que l'univers carcéral était une véritable "colonne vertébrale du régime".

Interrogé sur les velléités de normalisation des relations diplomatiques avec Bachar al-Assad, Ziad Majed a mis en garde contre le fait que ce faisant, c'était "l'impunité" qu'on encourageait. C'est "ce qui contribue à la poursuite des crimes dans cette région ou ailleurs", a-t-il souligné.