A 110 ans passés, «je tiens le coup» : vies de supercentenaires

Soeur André, visage fin, voix alerte, mémoire abyssale, se présente toujours dans ses habits de religieuse, un fichu bleu sur les cheveux. (Photo, AFP)
Soeur André, visage fin, voix alerte, mémoire abyssale, se présente toujours dans ses habits de religieuse, un fichu bleu sur les cheveux. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 10 février 2022

A 110 ans passés, «je tiens le coup» : vies de supercentenaires

  • Pour ses 118 ans vendredi, soeur André, l'une des femmes les plus âgées au monde, souhaite «mourir rapidement»
  • Dans sa maison de retraite du sud de la France, elle laisse pourtant toujours sa porte ouverte, au cas où quelqu'un voudrait passer une tête

TOULON : Pour ses 118 ans vendredi, soeur André, l'une des femmes les plus âgées au monde, souhaite "mourir rapidement". Dans sa maison de retraite du sud de la France, elle laisse pourtant toujours sa porte ouverte, au cas où quelqu'un voudrait passer une tête.

Dans sa chambre: un lit une place, une Vierge et une radio, qu'elle n'écoute plus depuis quelques mois. La marche du monde l'inquiète trop.

Elle reste la plupart du temps à attendre, assise sur son fauteuil roulant, la tête penchée. Ses yeux devenus aveugles sont fermés. Elle pense, elle prie, elle somnole: on ne sait pas trop.

Soeur André, visage fin, voix alerte, mémoire abyssale, se présente toujours dans ses habits de religieuse, un fichu bleu sur les cheveux.

Sa journée commence tôt. "A 7H00, on me lève, on me met à table." Puis on l'emmène à la chapelle où Lucile Randon, devenue Soeur André à plus de 40 ans, ne manque jamais l'office du matin.

"Ca c’est terrible de pas pouvoir faire un geste seule", s'agace cette dame qui a travaillé jusqu'à la fin des années 70 et qui à 100 ans s'occupait encore de pensionnaires plus jeunes qu'elle.

Mais elle a conservé le plus précieux à ses yeux, l'envie des autres. "Je suis contente quand on vient me tenir compagnie, comme David. David, il est charmant, vous le connaissez?", lance-t-elle espiègle, sa main nouée à celle de son confident.

David Tavella, animateur dans cette maison de retraite de Toulon sur les bords de la mer méditerranée, est aussi devenu son attaché de presse, assailli de demandes de journalistes du monde entier, de courriers et boîtes de chocolats. Emmanuel Macron, son 18e président, a envoyé à la vieille dame célèbre des vœux manuscrits pour 2022 finissant par un "très respectueusement" de circonstance.

Car Lucile Randon, née le 11 février 1904 à Alès (Gard), est la doyenne des Français et des Européens, et la vice-doyenne du monde, derrière la Japonaise Kane Tanaka, 119 ans.

Jusqu'à 122 ans

Enfin, vraisemblablement. Car dans ces records, il est déjà arrivé que des personnes encore plus âgées viennent bousculer les données de la base scientifique IDL (International Database on Longevity) en se faisant connaître auprès du Guinness Book.

Lorsqu'il s'agit d'espérance de vie, le Japon ou les "zones bleues", ces régions isolées de Sardaigne, Grèce ou du Costa Rica qui comptent un grand nombre de centenaires, sont souvent cités. La France moins.

Pourtant c'est ici, en Provence, pays de lumière et d'oliviers, qu'a habité Jeanne Calment, l'être humain ayant vécu le plus longtemps dans l'histoire de l'Humanité et dont l'état civil a pu être validé. Elle est morte à 122 ans à Arles en 1997.

Toujours dans le Sud de la France vit André Boite, le probable nouveau doyen des Français, un des rares hommes dans le monde des "supercentenaires", c'est-à-dire ayant passé le cap des 110 ans. A 111 ans, il vit toujours chez lui à Nice, aime porter son costume trois-pièces mais préfère rester loin des journalistes.

Au total, quelque 30 000 centenaires sont désormais recensés en France selon l'Institut français des statistiques (Insee) et une quarantaine dépassent les 110 ans. Dans le monde, il y avait un demi-million de centenaires en 2015, selon les projections de l'ONU, et il pourrait y en avoir 25 millions en 2100.

Mais comment vivent-ils leur longévité ?

«Elle passe au travers de tout»

Quand on rappelle à Hermine Saubion qu'elle a 110 ans, elle répond: "C'est vieux, c'est pas jeune, je tiens le coup".

La supercentenaire vient de se réveiller d'une sieste dans son fauteuil roulant à l'entrée du restaurant de sa maison de retraite de Banon, village perché au milieu des collines parsemées de chênes et de pins des Alpes-de-Haute-Provence.

Son beau visage s'anime, un large sourire, les yeux qui fixent intensément son interlocuteur. Elle n'a aucun problème de santé mais des incapacités physiques et une surdité lourde qui l'isole.

Elle ne comprend que des bribes de phrases. Mais elle ne renonce pas à la vie en société ici où elle vit depuis deux ans. Quand Annick, une autre pensionnaire, passe, elle l’interpelle: "Vas-y, assieds-toi !"

"Si elle reste trop longtemps seule à un endroit, elle ne manque pas de crier son désaccord", confirme Julien Fregni, l'animateur.

Pour cette Marseillaise, qui a connu un grand amour avant de se consacrer à sa mère veuve, la longévité n'a jamais été un but, c'est arrivé comme ça. Comme pour sa soeur Emilienne, 102 ans, l'autre centenaire de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées et dépendantes (Ehpad).

Soeur André non plus n'a pas de problème de santé hormis une raideur musculaire et articulaire liée à son immobilité et a très peu de traitements quotidiens ce qui est sans doute "un de ses secrets de longévité", rapporte son médecin Geneviève Haggai-Driguez.

Elle a survécu facilement au Covid-19 qui l'a juste un peu fatiguée. "Elle passe au travers de tout", "reprend le dessus de façon absolument incroyable", et "quand on échange avec elle, elle dit: +oh, de toutes les manières, j’ai connu la grippe espagnole+".

Les spécialistes ont d'ailleurs observé que les centenaires nés avant l'épidémie de grippe espagnole de 1918 avaient mieux résisté au Covid que les personnes âgées nées après.

Pas très loin, à Valréas, au pied des Barronies provençales, vit Aline Blaïn, une ancienne institutrice de 110 ans. Autoritaire et douce à la fois, la "star" de son Ehpad aime feuilleter l'hebdomadaire Paris Match. "Le plus important pour moi c'est la visite de ma fille, des petites", dit-elle. A 76 ans, sa fille Monique veille sur elle quasi-quotidiennement.

Si elles se montrent résistantes, ces personnes d'âge extrême ont vu beaucoup de leurs proches disparaître, elles n'ont plus personne avec qui partager la mémoire de leur vie.

Aline Blaïn aimerait "mieux qu'on ignore (son) âge": "Cela ne me fait pas plaisir d'être la doyenne du Vaucluse, de toutes les manières, je n'ai plus d'âge", lance-t-elle.

La mort, elles en parlent, sans tabou, c'est leur quotidien.

"On attend", dit Hermine, "on attend la fin, la mort, ça arrivera."

Soeur André aussi se sent prête. "Toute la journée seule avec sa douleur, c'est pas drôle", dit-elle. Mais "le bon Dieu ne m'entend pas, il doit être sourd d’oreille".

Passions et coquetterie

La science n'a toujours pas réussi à percer le secret de cette longévité.

"Nous n'avons aucune certitude mais des hypothèses. La longévité va avec la richesse économique, la démocratie voire les sociales-démocraties, les facteurs nutritifs avec deux grands régimes alimentaires: le japonais (poisson, légumes) et le régime méditerranéen", énumère Jean-Marie Robine, démographe et gérontologue.

Mais "la longévité ne vaut rien sans de bonnes conditions", ajoute-t-il.

Il y a aussi les critères propres à la personne, des gènes ou des absences de gènes liés à des facteurs de risque.

"Jeanne Calment cochait toutes les cases de la longévité, elle avait une hygiène de vie irréprochable. Elle a commencé à fumer à 25 ans mais un petit cigarillo par jour et buvait un doigt de porto le soir. C'était une dame qui est passée à côté des excès", raconte Catherine Levraud, cheffe du pôle de gériatrie du Centre hospitalier d'Arles.

"Face aux conditions de vie extrêmes qu'elles vivent, les personnes âgées font preuve d'une impressionnante résilience et on sait que l'optimisme est lié avec des mécanismes du système immunitaire", remarque Daniela S. Jopp, professeure de psychologie du vieillissement à l'Université de Lausanne et au pôle de recherche suisse LIVES. 

Dans ses études auprès de centenaires allemands et américains, la chercheuse a relevé des traits communs: ils sont extravertis, avec du charisme, se réjouissent des interactions sociales, ont des passions, sont capables de maintenir un but dans la vie et développent des stratégies d'adaptation.

Elle en oublie peut-être un, la coquetterie: Hermine exige de jolies coiffures comme ses deux petits chignons, "les cornes du diable", blague-t-elle. Et Aline demande expressément des robes et gilets assortis.

Car, comme le dit Soeur André, le plus important dans la vie, c'est de "partager un grand amour et de ne pas transiger sur ses besoins". 


La Corée du Nord affirme que tout nouveau comité de surveillance des sanctions est voué à l'échec

L'ambassadeur de la Corée du Nord auprès des Nations Unies, Kim Song, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale des Nations Unies après que la Chine et la Russie ont opposé leur veto à de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord au Conseil de sécurité de l'ONU, au siège de l'ONU à New York, New York, États-Unis, le 8 juin. , 2022 (Photo, Reuters).
L'ambassadeur de la Corée du Nord auprès des Nations Unies, Kim Song, s'exprime lors d'une réunion de l'Assemblée générale des Nations Unies après que la Chine et la Russie ont opposé leur veto à de nouvelles sanctions contre la Corée du Nord au Conseil de sécurité de l'ONU, au siège de l'ONU à New York, New York, États-Unis, le 8 juin. , 2022 (Photo, Reuters).
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  • La Corée du Nord est soumise depuis 2006 à des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU liées à son programme nucléaire
  • Séoul et Washington affirment que Pyongyang envoie des armes à la Russie, possiblement en échange d'une aide technique

SEOUL: Les efforts visant à mettre en place un nouveau comité d'experts pour surveiller l'application des sanctions internationales visant la Corée du Nord sont voués à l'échec, a déclaré son ambassadeur à l'ONU dans des propos rapportés par un média d'Etat dimanche.

"Les forces hostiles pourraient installer (un) deuxième et (un) troisième comités d'experts à l'avenir mais ils sont tous destinés à connaître l'autodestruction", a lancé l'ambassadeur Kim Song dans un communiqué en langue anglaise diffusé par l'agence de presse officielle KCNA.

En mars, la Russie a mis son veto au Conseil de sécurité de l'ONU à un projet de résolution prolongeant d'un an le mandat du comité d'experts chargé de surveiller l'application des sanctions des Nations Unies visant Pyongyang.

Cette dissolution est un "jugement historique à l'encontre d'une organisation illégale et fomenteuse de complots (...) en vue d'éliminer le droit à l'existence d'un Etat souverain", selon Kim Song.

La Corée du Nord est soumise depuis 2006 à des sanctions du Conseil de sécurité de l'ONU liées à son programme nucléaire, renforcées plusieurs fois en 2016 et 2017. Depuis 2019, la Russie et la Chine, mettant notamment en avant la situation humanitaire en Corée du Nord, réclament l'allègement de ces sanctions, qui n'ont pas de date de fin.

Armes 

N'ayant pas obtenu gain de cause, Moscou a pris pour cible le comité d'experts chargé de surveiller l'application de ces mesures, comité dont les rapports font référence.

Séoul et Washington affirment que Pyongyang envoie des armes à la Russie, possiblement en échange d'une aide technique pour son programme de satellites espions.

Lors d'une visite en Corée du Sud en avril, l'ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Linda Thomas-Greenfield, a souligné l'importance de garantir l'application des sanctions en Corée du Nord.

D'après l'ambassadrice, Washington travaille avec Séoul, Tokyo et d'autres capitales à trouver "des moyens créatifs" pour reprendre la surveillance des sanctions.

En 2023, la Corée du Nord a conduit un nombre record d'essais de missiles en dépit des sanctions. L'année précédente, Pyongyang a déclaré son statut de puissance nucléaire "irréversible".


Attaque au couteau en Australie, un adolescent de 16 ans «radicalisé» abattu par la police

La police pense que l'adolescent a envoyé des messages à des membres de la communauté musulmane qui ont immédiatement prévenu la police (Photo, AFP).
La police pense que l'adolescent a envoyé des messages à des membres de la communauté musulmane qui ont immédiatement prévenu la police (Photo, AFP).
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  • L'homme «d'âge mûr» blessé par un unique coup de couteau lors de l'attaque se trouve dans un état «grave» mais stable
  • Deux jours après cette attaque dans un centre commercial, un évêque d'une église assyrienne avait également été poignardé

SYDNEY: Un adolescent de 16 ans "radicalisé" et atteint de troubles mentaux a été abattu samedi soir par la police dans la banlieue de Perth, dans l'ouest de l'Australie, après avoir blessé une personne lors d'une attaque au couteau, ont rapporté les autorités dimanche.

L'adolescent, armé d'un couteau, "s'est précipité" sur les forces de l'ordre et a été mortellement touché par le tir d'un agent, a indiqué le Premier ministre de l'Etat d'Australie-Occidentale Roger Cook lors d'une conférence de presse.

"Il y a des indications selon lesquelles il s'était radicalisé en ligne. Mais je tiens à rassurer la population, à ce stade il semble qu'il ait agi seul", a déclaré M. Cook.

La police a reçu un appel samedi soir de la part d'un homme avertissant qu'il allait commettre "des actes de violence" mais sans donner son nom ni sa localisation, a fait part aux journalistes le responsable de la police de l'Etat, Col Blanch.

Quelques minutes plus tard, a-t-il ajouté, la police a reçu un appel d'urgence pour les avertir qu'un "homme avec un couteau courait" au niveau d'un parking de Willetton, dans la banlieue sud de Perth.

L'individu était armé d'un couteau de cuisine de 30 centimètres de long et d'après des images d'une caméra-piéton de la police, l'adolescent a refusé de le poser à terre comme le demandaient les forces de l'ordre, a indiqué M. Blanch.

Les agents ont tiré au moyen de deux pistolets à impulsion électrique mais "aucun des deux n'a eu totalement l'effet escompté", a-t-il relaté.

"L'homme a continué à avancer vers (un agent) muni d'une arme à feu qui a tiré un seul coup et mortellement blessé" l'individu, a raconté le responsable de la police. L'adolescent est décédé à l'hôpital plus tard dans la nuit.

«Radicalisation en ligne»

L'homme "d'âge mûr" blessé par un unique coup de couteau lors de l'attaque se trouve dans un état "grave" mais stable, a dit le responsable policier.

La police pense que l'adolescent a envoyé des messages à des membres de la communauté musulmane qui ont immédiatement prévenu la police, a-t-il expliqué sans divulguer d'informations sur leur contenu.

L'adolescent avait "des problèmes de santé mentale mais aussi des problèmes de radicalisation en ligne", d'après la même source.

Ces dernières années, l'assaillant était suivi dans le cadre d'un programme de lutte contre la violence et l'extrémisme.

"Il ne s'agit pas d'une approche fondée sur la dimension criminelle, c'est un programme visant à aider des individus qui expriment des idéologies préoccupantes pour notre communauté", a expliqué M. Blanch.

Le Premier ministre australien Anthony Albanese a expliqué avoir été tenu au courant des faits par la police et les services de renseignement selon qui il n'y a pas de "menace en cours".

"Nous sommes une nation attachée à la paix et il n'y a pas de place pour l'extrémisme violent en Australie", a écrit M. Albanese sur les réseaux sociaux.

Les crimes violents sont rares en Australie, mais cet incident survient moins d'un mois après une autre attaque au couteau qui a fait six morts dans un centre commercial de Sydney (sud-est).

L'auteur de cette attaque, Joel Cauchi, un homme de 40 ans souffrant de troubles mentaux, avait été abattu par la police. Ses parents ont indiqué que leur fils a été diagnostiqué schizophrène à l'âge de 17 ans, puis qu'il a quitté leur domicile du Queensland (nord-est) et abandonné son traitement.

Deux jours après cette attaque dans un centre commercial, un évêque d'une église assyrienne avait également été poignardé lors d'un sermon diffusé en direct dans une église de Sydney. La victime a survécu à ses blessures. Un adolescent de 16 ans a depuis été inculpé d'"acte terroriste".


Comme un «air de révolution» en Hongrie face au système Orban

Ervin Nagy lors d'un entretien avec l'AFP à Budapest, en Hongrie (Photo, AFP).
Ervin Nagy lors d'un entretien avec l'AFP à Budapest, en Hongrie (Photo, AFP).
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  • Jamais depuis le retour au pouvoir de Viktor Orban en 2010, la Hongrie n'avait connu pareil mouvement de contestation
  • Sans se laisser abattre, Peter Magyar a entamé depuis plusieurs semaines une tournée en province afin d'y récolter des voix

DEBRECEN: Acteur en vue en Hongrie, Ervin Nagy a délaissé les planches et studios de tournage pour battre le pavé. Comme des milliers d'autres, il est saisi par la fièvre Magyar, du nom de ce dissident qui défie Viktor Orban.

Dimanche, il participera à un grand rassemblement dans la ville de Debrecen (est), bastion du parti Fidesz du Premier ministre nationaliste, à un mois des élections européennes.

Depuis l'irruption en février sur la scène politique de Peter Magyar, ex-haut fonctionnaire entré en rébellion, le comédien de 47 ans s'est lancé à ses côtés dans ce combat "pour un renouveau" du pays d'Europe centrale.

Il a même mis à disposition son camion à plateau d'où le tribun s'est adressé à la foule un soir, de manière spontanée.

"Nous n'avions pas le temps de trouver un podium", raconte Ervin Nagy à l'AFP. "Il flottait comme un air de la révolution de 1956", s'enflamme-t-il, en allusion au soulèvement de la Hongrie contre la mainmise soviétique.

«Galvanisés»

Jamais depuis le retour au pouvoir de Viktor Orban en 2010, la Hongrie n'avait connu pareil mouvement de contestation, de l'avis des experts, qui évoquent un défi sans précédent pour le dirigeant.

Après le scandale provoqué par la grâce accordée à un homme condamné dans une affaire de pédocriminalité, Peter Magyar a su capitaliser sur la colère pour drainer des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Budapest.

"Apathiques et frustrés" par un pouvoir indéboulonnable, "ils ont été soudainement galvanisés par l'arrivée de cet homme sensé et téméraire", lance l'acteur.

S'il a adhéré par le passé à la cause des enseignants, il n'avait pas d'ambitions politiques jusqu'à ce que Peter Magyar le contacte. "Il m'a convaincu en une heure", se souvient-il.

En trois mois à peine, cette nouvelle figure de l'opposition a évincé les partis existants, avec son discours conservateur pourfendant la corruption qui ruine à ses yeux le pays.

Son mouvement Tisza (Respect et liberté), qui se veut "ni à gauche ni à droite", est désormais crédité de 25% d'intentions de vote auprès des électeurs sûrs de leur choix, selon un récent sondage réalisé par l'institut Median auprès de 1.000 personnes en vue du scrutin européen du 9 juin.

Sa force, pour ses partisans: connaître le système de l'intérieur. Longtemps diplomate à Bruxelles, le charismatique avocat de 43 ans a aussi partagé pendant des années la vie de Judit Varga, ancienne ministre de la Justice, avec laquelle il a eu trois enfants.

«Mini-dictature»

Si Viktor Orban balaie l'arrivée de ce concurrent d'un revers de la main, son parti "se démène pour tuer dans l'oeuf" cette vague de contestation, décrypte pour l'AFP l'analyste Zoltan Lakner.

Des affiches le taxant de "serviteur de Bruxelles" ont fleuri dans le pays, tandis que les journaux pro-gouvernementaux ont publié des dizaines d'articles pour salir sa réputation, d'accusations de violences conjugales - qu'il nie fermement - à des remarques sur ses "lunettes de soleil de femme".

Une nouvelle autorité de surveillance, créée pour prévenir "les interférences étrangères" dans le processus électoral, a également lancé une enquête à son encontre.

"Si Magyar parvient à unir les électeurs de l'opposition", aujourd'hui fragmentée en plusieurs partis sans envergure, il pourrait alors présenter un réel danger pour le pouvoir, estime le politologue.

Même si d'autres jugent le mouvement éphémère et incapable de déstabiliser la solide assise construite par le Premier ministre, qui a progressivement mis au pas les contre-pouvoirs en 14 ans et installé une redoutable propagande selon l'Union européenne, l'ONU et l'OSCE.

Sans se laisser abattre, Peter Magyar a entamé depuis plusieurs semaines une tournée en province afin d'y récolter des voix, son passage à Debrecen lui permettant tester sa popularité.

Sur scène, il sera entouré de plusieurs célébrités hongroises "suffisamment courageuses" pour s'afficher à ses côtés, souligne Ervin Nagy, qui affirme avoir été "placé sur une liste noire" pour avoir osé un jour critiquer un membre du Fidesz.

La Hongrie est devenue "une sorte de mini-dictature", assène-t-il. "Ils ne vous battent pas à mort, mais si vous vous élevez contre les autorités, il y aura des conséquences".