L'armée française prête pour un conflit de haute intensité ? Oui, mais…

Les forces de l'armée française défilent alors qu'elles participent à une répétition du défilé du 14 juillet sur les Champs-Elsysées à Paris le 12 juillet 2021 (Photo, AFP).
Les forces de l'armée française défilent alors qu'elles participent à une répétition du défilé du 14 juillet sur les Champs-Elsysées à Paris le 12 juillet 2021 (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 04 mars 2022

L'armée française prête pour un conflit de haute intensité ? Oui, mais…

  • L'invasion russe de l'Ukraine a été déclenchée quelques semaines après l'annonce par Paris de son retrait du Mali
  • «Le choix de la France de conserver un modèle d’armée complet et en pointe ne s’est pas toujours accompagné des investissements budgétaires nécessaires»

PARIS : L'armée française s'est préparée depuis des années aux conflits à haute intensité. Est-elle prête alors que l'Histoire s’accélère en Ukraine ? Oui, répondent experts et officiers, mais elle ne pourrait assumer un conflit long et dépend profondément de ses alliés.

Vertige de l'Histoire: l'invasion russe de l'Ukraine a été déclenchée quelques semaines après l'annonce par Paris de son retrait du Mali et de la réorganisation complète de son combat asymétrique contre les djihadistes du Sahel, liés à Al-Qaïda ou au groupe Etat islamique (EI).

Un symbole qui illustre un virage amorcé par l'armée française dès le Livre blanc sur la défense de 2008, qui s'appuyait sur l'adage selon lequel s'"il n’y a plus de menaces aux frontières, il n'y a plus de frontières aux menaces".

En 2020, le général Thierry Burkhard, alors chef d’état-major de l’armée de terre - devenu depuis chef d'état-major des armées - posait un diagnostic sans équivoque. 

"Nous arrivons peut-être à la fin d’un cycle de la conflictualité qui a duré vingt ans où l’effort de nos armées s’est concentré sur le combat contre le terrorisme militarisé", estimait-il devant la commission défense de l’Assemblée nationale. "Il nous faut réapprendre la grammaire de la guerre de haute intensité".

Derrière ce vocable, un affrontement entre grandes puissances, des combats très violents avec de lourdes pertes, leur caractère multinational ainsi que des effets majeurs sur le territoire en termes sécuritaires, économiques, informationnels etc... 

«Pas de lacunes énormes»

La France est-elle prête ? La réponse est forcément complexe.

"L'armée française a les compétences précises dont les Russes semblent manquer, la capacité pour des unités relativement petites d'agir indépendamment de façon très coordonnée et intelligemment", explique à l'AFP Michael Shurkin, expert américain de l'armée française.

"Il n'y a pas de lacunes énormes dans l'inventaire (des équipements) français" mais "il lui manque les volumes pour poursuivre le combat longtemps", ajoute-t-il. "Les Russes ont déjà perdu en Ukraine à peu près le nombre de chars dont la France dispose au total, environ 200, si on croit les chiffres".

L'analyse vaut pour les munitions, les hélicoptères de combats, la plupart des grands systèmes d'armes et le volume des troupes qui ne manqueraient pas d'être gravement et rapidement amputées par les combats. Et la France, pas plus qu'aucun pays dans le monde, ne peut augmenter rapidement les volumes de production de ses usines d'armement, ni embaucher à tour de bras. 

Elle a choisi une voie médiane, pour assumer en même temps le combat asymétrique et la haute intensité, la défense du territoire et la capacité expéditionnaire. Mais la pluridisciplinarité a ses limites.

Les autorités politiques et militaires, tout en affirmant être prêtes, en conviennent. "Le choix de la France de conserver un modèle d’armée complet et en pointe ne s’est pas toujours accompagné des investissements budgétaires nécessaires", relève un rapport parlementaire publié la semaine dernière. 

"Le maintien de notre armée au plus haut niveau a été obtenu au prix d’une réduction progressive et substantielle de sa masse, au point que ses capacités ont pu être qualifiées +d'échantillonnaires+, tant elles sont parfois limitées en nombre", ajoute-t-il.

Et si la Loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 tente de rattraper le retard accumulé pendant de nombreuses années, elle se fonde sur une "+hypothèse d’engagement majeur+ qui impliquerait d’abandonner toutes les autres opérations et ne pourrait être déployée qu’avec six mois de préavis et pour une durée de six mois".

«Digne de confiance»

Les officiers généraux eux mêmes ne s'en cachent pas. La France a pris du retard, comme ses voisins européens. "Pour tenir dans la durée, l’armée de Terre devra être sophistiquée et résiliente, capable de régénérer à la fois ses effectifs, ses matériels et ses stocks", écrivait l'an passé le colonel Michel Pesqueur dans une étude de l'Institut français des relations internationales (IFRI). 

"Avant de songer à massifier, il faut cependant redonner aux militaires les moyens de s’entraîner correctement ainsi que combler les vides capacitaires". Les constats sont similaires dans la marine ou l'aviation, où sont aussi cités les besoins en formation face à une mutation technologique vertigineuse.

"On n'aura jamais tout ce qu'on veut, mais on est prêt", affirme pour autant un haut gradé à l'AFP. D'autant que, comme le rappelait mardi la ministre des Armées Florence Parly, "il y a peu d'hypothèses où la France serait engagée seule dans un conflit de haute intensité".

Et de ce point de vue, l'armée tricolore, qui s'appuie sur le paradigme fondamental de la dissuasion nucléaire, est considérée par ses alliés comme solide. 

"On peut globalement avoir confiance en la France pour jouer un rôle significatif dans des opérations de l'OTAN ou des Nations unies", estime le think-tank américain RAND Corporation.

"La France pourrait-elle soutenir un effort de guerre américain en Europe de l'Est, maintenant ou dans les dix prochaines années ? La réponse est oui", assurait-il sans détour dans une étude publiée l'an passé.   


S&P dégrade la note de la France, avertissement au nouveau gouvernement

Cette photo d'illustration prise à Toulouse le 29 mars 2025 montre un écran affichant le logo de l'agence de notation Standard and Poor's. (AFP)
Cette photo d'illustration prise à Toulouse le 29 mars 2025 montre un écran affichant le logo de l'agence de notation Standard and Poor's. (AFP)
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  • L’agence S&P a abaissé la note de la France à A+, invoquant une incertitude persistante sur les finances publiques malgré la présentation du budget 2026 et un déficit prévu à 5,4 % du PIB en 2025

PARIS: L'une des plus grandes agences de notation a adressé un avertissement au nouveau gouvernement Lecornu en dégradant la note de la France vendredi, invoquant une incertitude "élevée" sur les finances publiques en dépit de la présentation d'un budget pour 2026.

Moins d'une semaine après la formation de la nouvelle équipe gouvernementale et trois jours après la publication d'un projet de loi de finances (PLF) pour l'année prochaine, S&P Global Ratings a annoncé abaisser d'un cran sa note de la France à A+.

"Malgré la présentation cette semaine du projet de budget 2026, l'incertitude sur les finances publiques françaises demeure élevée", a affirmé l'agence, qui figure parmi les trois plus influentes avec Moody's et Fitch.

Réagissant à cette deuxième dégradation par S&P (anciennement Standard & Poors) en un an et demi, le ministre de l'Economie Roland Lescure a dit "(prendre) acte" de cette décision.

"Le gouvernement confirme sa détermination à tenir l'objectif de déficit de 5,4% du PIB pour 2025", a ajouté son ministère dans une déclaration transmise à l'AFP.

Selon S&P, si cet "objectif de déficit public de 5,4% du PIB en 2025 sera atteint", "en l'absence de mesures supplémentaires significatives de réduction du déficit budgétaire, l'assainissement budgétaire sur (son) horizon de prévision sera plus lent que prévu".

L'agence prévoit que "la dette publique brute atteindra 121% du PIB en 2028, contre 112% du PIB à la fin de l'année dernière", a-t-elle poursuivi dans un communiqué.

"En conséquence, nous avons abaissé nos notes souveraines non sollicitées de la France de AA-/A-1+ à A+/A-1", écrit-elle. Les perspectives sont stables.

"Pour 2026, le gouvernement a déposé mardi 14 octobre un projet de budget qui vise à accélérer la réduction du déficit public à 4,7% du PIB tout en préservant la croissance", a répondu le ministère de l'Economie.

"Il s'agit d'une étape clef qui nous permettra de respecter l'engagement de la France à ramener le déficit public sous 3% du PIB en 2029", a ajouté Bercy.

"Il est désormais de la responsabilité collective du gouvernement et du Parlement de parvenir à l'adoption d'un budget qui s'inscrit dans ce cadre, avant la fin de l'année 2025", selon la même source.

- "Plus grave instabilité" depuis 1958 -

Mais le gouvernement qui, à peine entré en fonctions, a échappé de peu cette semaine à la censure après une concession aux socialistes sur la réforme des retraites, va devoir composer avec une Assemblée nationale sans majorité lors de débats budgétaires qui s'annoncent houleux, alors même que le Premier ministre Sébastien Lecornu s'est engagé à ne pas recourir à l'article 49.3 pour imposer son texte.

Cette nouvelle dégradation de la note de la France par S&P intervient avant une décision de Moody's attendue le 24 octobre. Elle a lieu un mois après que Fitch a elle aussi abaissé la note française à A+.

Les agences comme Fitch, Moody's et S&P Global Ratings classent la qualité de crédit des Etats - soit leur capacité à rembourser leur dette -, de AAA (la meilleure note) à D (défaut de paiement).

Les dégradations de note par les agences sont redoutées par les pays car elles peuvent se traduire par un alourdissement de leurs intérêts.

Ceux payés par la France sont estimés à environ 55 milliards d'euros en 2025, alors que depuis la dissolution de l'Assemblée nationale en juin 2024, la dette française se négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande.

"La France traverse sa plus grave instabilité politique depuis la fondation de la Cinquième République en 1958", a estimé S&P: "depuis mai 2022, le président Emmanuel Macron a dû composer avec deux Parlements sans majorité claire et une fragmentation politique de plus en plus forte".

Pour l'agence, "l'approche de l'élection présidentielle de 2027 jette un doute (...) sur la capacité réelle de la France à parvenir à son objectif de déficit budgétaire à 3% du PIB en 2029".

En tombant en A+ chez S&P, la France se retrouve au niveau de l'Espagne, du Japon, du Portugal et de la Chine.


France : l'ancien Premier ministre Philippe demande encore le départ anticipé de Macron

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  • Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu
  • "Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre"

PARIS: L'ancien Premier ministre français Edouard Philippe a à nouveau réclamé jeudi le départ anticipé du président Emmanuel Macron, pour lui "la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois" de "crise" politique avant la prochaine élection présidentielle prévue pour le printemps 2027.

Allié de M. Macron dont il fut le premier chef de gouvernement de mai 2017 à juillet 2020, Edouard Philippe avait lancé un pavé dans la mare la semaine dernière, après la démission éclair du premier gouvernement de Sébastien Lecornu - reconduit depuis -, en suggérant un départ anticipé et "ordonné" du chef de l'Etat, qui peine à trouver une majorité.

"Je n'ai pas pris cette position parce que je pensais que je serais populaire ou parce que j'espérais convaincre le président (Macron). Le président, il a envie d'aller au terme de son mandat, et je peux le comprendre. Je l'ai dit parce que c'est la seule décision digne qui permet d'éviter 18 mois d'indétermination et de crise, qui se terminera mal, je le crains", a déclaré l'ancien Premier ministre sur la chaîne de télévision France 2.

"Ca n'est pas simplement une crise politique à l'Assemblée nationale à laquelle nous assistons. C'est une crise très profonde sur l'autorité de l'Etat, sur la légitimité des institutions", a insisté M. Philippe.

"J'entends le président de la République dire qu'il est le garant de la stabilité. Mais, objectivement, qui a créé cette situation de très grande instabilité et pourquoi ? Il se trouve que c'est lui", a-t-il ajouté, déplorant "une Assemblée ingouvernable" depuis la dissolution de 2024, "des politiques publiques qui n'avancent plus, des réformes nécessaires qui ne sont pas faites".

"Je ne suis pas du tout pour qu'il démissionne demain matin, ce serait désastreux". Mais Emmanuel Macron "devrait peut-être, en prenant exemple sur des prédécesseurs et notamment le général De Gaulle, essayer d'organiser un départ qui nous évite pendant 18 mois de continuer à vivre dans cette situation de blocage, d'instabilité, d'indétermination", a-t-il poursuivi.

Edouard Philippe, qui s'est déclaré candidat à la prochaine présidentielle, assure ne pas avoir de "querelle" avec Emmanuel Macron. "Il est venu me chercher (en 2017), je ne me suis pas roulé par terre pour qu'il me nomme" à la tête du gouvernement et après avoir été "congédié" en 2020, "je ne me suis pas roulé par terre pour rester".


Motion de censure: Le Pen attend la dissolution avec une «impatience croissante»

 Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante". (AFP)
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  • Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu
  • Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver"

PARIS: Marine Le Pen a dénoncé jeudi à l'Assemblée nationale l'"année noire fiscale" que représentera pour les Français "l'année blanche" inscrite dans le budget du gouvernement, disant attendre "la dissolution avec une impatience croissante".

Ce budget est "l'acte ultime, nous l'espérons, d'un système politique à bout de souffle", a affirmé la présidente des députés Rassemblement national en défendant la motion de censure de son parti contre le gouvernement de Sébastien Lecornu. Elle a dénoncé au passage l'"insondable sottise des postures" qui pourrait le "sauver".

"Poursuite du matraquage fiscal" avec 19 milliards d'impôts supplémentaires, "gel du barème" de l'impôt sur le revenu qui va rendre imposables "200.000 foyers" supplémentaires, "poursuite de la gabegie des dépenses publiques", "absence totale d'efforts sur l'immigration" ou sur "l'aide médicale d'Etat", ce budget "est un véritable musée de toutes les horreurs coincées depuis des années dans les tiroirs de Bercy", a-t-elle estimé.

Raillant le premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui a accepté d'épargner le gouvernement en échange de la suspension de la réforme des retraites sans savoir par "quel véhicule juridique" et sans assurance que cela aboutisse, elle s'en est pris aussi à Laurent Wauquiez, le chef des députés LR, qui préfère "se dissoudre dans le socialisme" plutôt que de censurer.

"Désormais, ils sont tous d'accord pour concourir à éviter la tenue d'élections", "unis par la terreur de l'élection", a-t-elle dit.