À Beyrouth, l’emblématique Métro al-Madina rouvre ses portes après le confinement 

Au pays du Cèdre, le coronavirus a aggravé la plus importante crise économique qu’a connue le pays depuis 1990. (Photo fournie).
Au pays du Cèdre, le coronavirus a aggravé la plus importante crise économique qu’a connue le pays depuis 1990. (Photo fournie).
Métro al-Madina a donné une place à l'art underground libanais. (Photo fournie).
Métro al-Madina a donné une place à l'art underground libanais. (Photo fournie).
Hichik Bichik a célébré cette année ses huit ans. Le spectacle est présenté au moins une fois tous les quinze jours à Métro al-Madina. (Photo fournie).
Hichik Bichik a célébré cette année ses huit ans. Le spectacle est présenté au moins une fois tous les quinze jours à Métro al-Madina. (Photo fournie).
L'art pour garder une place au rêve et à l'imagination. (Photo fournie).
L'art pour garder une place au rêve et à l'imagination. (Photo fournie).
L'art pour garder une place au rêve et à l'imagination. (Photo fournie).
L'art pour garder une place au rêve et à l'imagination. (Photo fournie).
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Publié le Vendredi 17 juillet 2020

À Beyrouth, l’emblématique Métro al-Madina rouvre ses portes après le confinement 

  • « Il faut laisser de la place à l’art, à l’imagination, c’est la seule chose qui nous sauvera ! »
  • Depuis le début du mois de juillet, le Liban connaît des coupures de courant draconiennes

Dans un Beyrouth qui tente de survivre à la crise économique, des artistes veulent faire parler l’imagination et l’espoir. 

Une scène de music-hall, des rideaux rouges, des lustres géants et des tables où de nombreux convives sont réunis. Une troupe de musiciens, chanteurs et danseurs se produit sur scène. Nous sommes au troisième sous-sol d’un immeuble de la rue Hamra, au Métro al-Madina (« le métro de la ville » en français), un lieu parmi les plus éclectiques de Beyrouth, qui fait à la fois office de cabaret, de bar et de salle de concert. Inauguré le 1er janvier 2012, Métro al-Madina a pour vocation de faire connaître au monde les talents des artistes underground libanais. À l’époque, comme à Berlin en Europe, Beyrouth avait la côte en matière de créativité, avec l’émergence d’une riche scène artistique, constituée de jeunes en quête d’expériences nouvelles. Métro al-Madina a participé activement à cette ébullition culturelle, en produisant plusieurs revues musicales comme Hichik Bichik et Bar Farouk.

Respectant la distanciation sociale, les tables bien espacées l’une de l’autre, Métro al-Madina a recommencé à recevoir les amateurs d’art et de musique depuis le début de la semaine. En juillet et en août, le théâtre donnera huit spectacles gratuits : une forme de résistance artistique contre la crise économique qui frappe durement le Liban.

Au pays du Cèdre, le coronavirus a aggravé la plus importante crise économique qu’a connue le pays depuis 1990. En quelques mois, la valeur de la livre libanaise a chuté de façon vertigineuse sur le marché des changes. De 1 500 livres en octobre dernier, le dollar US est passé à 9 000 livres aujourd’hui. Le constat est terrible : plus de 50 % de la population libanaise vit désormais dans la pauvreté.

« On ne peut pas penser uniquement à ce qu’on va manger, à ce qu’on va boire ou à la façon dont on va pouvoir payer le loyer. Il faut laisser de la place à l’art, à l’imagination, c’est la seule chose qui nous sauvera ! », souligne d’emblée Hicham Jaber, directeur artistique de Métro al-Madina, assis dans la salle de spectacle entre un oud et un kanoun.

« De plus, la place naturelle d’un artiste est d’être sur la scène. On ne peut pas garder ainsi les théâtres fermés. Déjà, en tant qu’artistes, nous avons à faire face à plusieurs problèmes dus à la situation dans le pays. Il vaut donc mieux que nous travaillions, que nous soyons dans notre environnement naturel, qui est le théâtre », ajoute-t-il.

La semaine dernière, alors que Hicham Jaber venait de décider de rouvrir son théâtre, un homme s’est suicidé à l’entrée des lieux. Âgé de 61 ans, il a mis fin à ses jours au beau milieu de la rue Hamra. Il s’est tiré une balle dans la tête après avoir écrit sur sa poitrine : « Je ne suis pas un mécréant, c’est la faim qui est mécréante », une phrase tirée d’une chanson de Ziad Rahbani, auteur-compositeur libanais. 

Depuis l’hiver dernier, la crise économique a poussé de nombreux Libanais à mettre fin à leurs jours. Une dizaine de ces suicides ont été largement couverts par les médias. « J’étais ici au théâtre avec l’acteur et scénariste Ziad Itani, qui prépare une nouvelle pièce de théâtre. Nous nous sommes précipités... mais il était déjà trop tard. Nous ne pouvions pas rouvrir, par respect pour cet homme », note Hicham Jaber, ajoutant que « Métro al-Madina avait fermé ses portes durant un mois et demi à la suite de la révolution du 17 octobre 2019, car nous avions activement participé aux manifestations. Quand nous avions rouvert en décembre, la situation économique était tellement mauvaise que nous avions décidé de laisser les spectateurs payer ce qu’ils voulaient. Je vous l’ai déjà dit, il faut toujours, et malgré tout, laisser dans nos vies une place à l’art. Et puis, il y a eu ensuite le confinement en raison du coronavirus… », raconte-t-il. 

« Pendant les mois de fermeture, nous avons utilisé les taxes que nous devions au gouvernement pour payer le personnel. Nous venons de déposer une demande auprès d’AFAC et d’al-Mawred al-Thakafi (fonds qui financent l’art et la culture au Liban et dans le monde arabe) ; si nous recevons leur soutien, nous pourrons tenir encore sept mois, si jamais la situation du pays ne s’améliorait pas », explique de son côté Sarah Nohra, directrice de la production.

« En 2012, nous avons réussi notre pari de financer des productions et de donner la parole à de jeunes talents. Les exemples les plus probants sont les revues Hichik Bichik et Bar Farouq », relève de son côté Hicham Jaber. Hichik Bichik est un spectacle de cabaret égyptien présenté depuis 2012, au moins deux fois par mois, au Métro al-Madina. Ce spectacle, qui rassemble une vingtaine d’artistes, a déjà tourné en Égypte, en Tunisie, en France, en Belgique et en Espagne. Haut en couleurs avec ses chanteurs, ses danseurs et ses musiciens de diverses générations, il avait été sélectionné il y a trois ans pour être proposé en tant qu’opérette au festival international de Byblos. 

Avec pratiquement la même équipe, le spectacle Bar Farouq rejoue les tubes libanais des années 1980. Il a été sélectionné il y a deux ans par le festival international de Beiteddine, où il avait été créé. Ces deux festivals font partie depuis de longues années des rendez-vous artistiques incontournables des étés libanais. Crise économique et pandémie du coronavirus obligent, leur édition 2020 a été annulée.  « Nous avons pu ouvrir le grand public à l’art underground libanais. Je suis sûr qu’à l’étranger de nombreuses institutions sont intéressées par nos artistes et nos productions. Mais, jusqu’à présent, nous n’avons pas opté pour l’exil », martèle le directeur artistique de Métro al-Madina. Il s’insurge contre le pessimisme affiché d’un grand nombre de ses compatriotes. « On ne peut pas jouer continuellement les Cassandre, il faut laisser une place à l’espoir », estime-t-il.

En plein milieu de l’entretien avec le directeur artistique et la directrice de la production, l’électricité est subitement coupée. Hicham Jaber et Sarah Nohra continuent de répondre aux questions dans l’obscurité, avant d’allumer les torches de leurs téléphones portables et quelques bougies utilisées habituellement pour éclairer les tables des noctambules amateurs d’art.

Depuis le début du mois de juillet, le Liban connaît des coupures de courant draconiennes, Beyrouth n’étant alimenté en électricité que deux heures sur vingt-quatre. Les habitants comptent sur les groupes électrogènes privés pour continuer à s’éclairer. « Je ne sais pas si nous avons connu de pire période mais, depuis l’ouverture du théâtre en 2012, les événements se sont enchaînés : attentats à la voiture piégée, attentats suicides perpétrés par des militants du groupe État islamique, manifestations de toutes sortes. Cela n’a pas été facile ! Nous vivons dans un pays instable, sur un volcan, mais il ne faut pas pour autant baisser les bras. Il faut privilégier l’art, laisser une place à l’imagination. C’est un moyen pour survivre mais peut-être, aussi, pour trouver des solutions », conclut Hicham Jaber. 


 


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi. 


L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle

L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
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  • Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif.
  • « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018.

RIYAD : Ce mois-ci, l'artiste saoudienne Ahaad Alamoudi fait monter la température au Basel Social Club qui se tient jusqu'au 21 juin dans la ville suisse avec sa dernière installation, « The Social Health Club ». 

Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif. Elle marque également une première pour l'artiste avec un élément de performance en direct.

Basée à Djeddah, Alamoudi est connue pour créer des installations multimédias immersives s'inspirant de la dynamique complexe de son pays natal en pleine évolution. « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018, notamment divers équipements de sport, dont un rameur.

« Ce sont des pièces que j'ai chinées dans des brocantes. J'aime le fait qu'aucune instruction n'accompagne ces machines : je ne connais ni leur nom, ni leur provenance, ni leur fabricant. Mais elles font désormais partie du paysage urbain dans lequel j'évolue. J'ai essayé de créer un espace ludique », a-t-elle déclaré à Arab News. 

Dans « The Social Health Club », les équipements, peints principalement dans un jaune vif et saturé, restent intacts, symbolisant une culture obsédée par l'auto-optimisation. Au cœur de l'installation se trouve un caméo représentant un fer à repasser peint en jaune, déjà présent dans son œuvre vidéo de 2020 intitulée « Makwah Man » (Makwah signifie « fer à repasser » en arabe).

« Beaucoup de mes œuvres sont issues d'un récit que je crée dans une vidéo. Dans « Makwah Man », cet homme vêtu d'une thobe jaune repasse un long morceau de tissu jaune au milieu du désert. Et pendant qu'il repasse, il nous dit comment vivre notre vie. Mais en nous disant comment vivre notre vie, il commence aussi à remettre en question la sienne, à comprendre le rôle du pouvoir, à prendre conscience de la pression du changement et de l'adaptation », explique Alamoudi. 

« Le jaune est présent dans la vidéo, mais l'artiste porte également une thobe jaune. Il y a aussi, dans cette version présentée à Art Basel, un portant de thobes jaunes qui tournent dans l'exposition. Pour moi, la thobe jaune est un symbole unificateur. J'essaie de dire que nous vivons tous cela différemment. Ainsi, dans la performance (pour « The Social Health Club »), un culturiste local vêtu d'une thobe jaune fera des exercices sur ces machines. Il n'a pas de règles à suivre. Il ne connaît rien, ne sait pas comment utiliser « correctement » l'équipement. Il entrera dans l'espace et utilisera les machines comme il le pourra.

« La performance sera enregistrée. Mais je pense que c'est plutôt une activation », a-t-elle poursuivi. « Ce n'est pas l'œuvre elle-même. L'œuvre existe sous la forme des machines. 

« Le Social Health Club » a été créé en étroite collaboration avec la conservatrice Amal Khalaf. Ensemble, ils se sont rendus à Djeddah où Alamoudi a pu découvrir avec elle des « machines un peu inhabituelles, différentes des machines classiques que l'on trouve dans les salles de sport et dont tout le monde connaît immédiatement l'utilité », explique Alamoudi.

« Elle est vraiment incroyable », a-t-elle poursuivi. « Nous avons vraiment construit cet espace ensemble. En gros, j'ai principalement créé la vidéo ; tout le reste a été construit à partir de là. Elle m'a beaucoup aidée. Elle s'est vraiment intéressée aux changements sociaux et à la manière dont nous les abordons. Notre collaboration a été parfaite. »

Le jaune domine chaque centimètre carré de l'œuvre, de manière délibérée et intense. 

« Je suis obsédé par les symboles dans certaines de mes œuvres. Et cela s'accompagne également d'une couleur », explique Alamoudi. « Je voulais mettre en valeur quelque chose de luxueux, de coloré, presque comme de l'or, mais qui n'est pas de l'or. Son apparence est assez austère. » 

Le jaune est à la fois une invitation et un avertissement. « Je pense que le jaune est également assez trompeur. J'aime cette couleur qui incite les gens à s'approcher pour voir ce qui se passe, mais qui les amène en même temps à se demander ce que c'est  elle est si agressive qu'elle en devient un peu inconfortable. »

L'interaction du spectateur est essentielle à la signification de l'œuvre. 

« Je pense que les machines représentent quelque chose et qu'elles véhiculent quelque chose, mais elles sont en réalité activées par les gens, par ce que les gens font avec elles », explique Alamoudi. « C'est pourquoi j'encourage beaucoup de spectateurs à interagir avec les œuvres, à les utiliser ou à essayer de les utiliser sans aucune instruction. Beaucoup de personnes qui entrent dans l'espace peuvent avoir peur de les toucher ou d'interagir avec elles. La présence de l'artiste qui active les structures ajoute une autre dimension à l'œuvre elle-même. »

Elle espère que les visiteurs se sentiront libres d'explorer les œuvres, sans être encombrés par des attentes.

« Les gens sont censés les utiliser à leur guise. Ils peuvent s'asseoir dessus, se tenir debout dessus, les toucher — ils peuvent aussi les laisser tranquilles », conclut-elle en riant. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com