UE à Bruxelles : Négociations difficiles autour d’un énorme plan de relance post-pandémie

La chancelière allemande Angela Merkel, le président français Emmanuel Macron et le président du Conseil de l’Europe Charles Michel en conversation avant l’ouverture du premier sommet économique post-virus. (Stéphanie LECOQ/AFP)
La chancelière allemande Angela Merkel, le président français Emmanuel Macron et le président du Conseil de l’Europe Charles Michel en conversation avant l’ouverture du premier sommet économique post-virus. (Stéphanie LECOQ/AFP)
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Publié le Vendredi 17 juillet 2020

UE à Bruxelles : Négociations difficiles autour d’un énorme plan de relance post-pandémie

  • Plongés dans une crise économique sans précédent en raison de la crise du coronavirus, les 27 pays membres du Conseil de l’Europe négocient un plan de relance collectif
  • La chancelière allemande Angela Merkel a annoncé s'attendre à de "très difficiles négociations" au sommet de l'UE à Bruxelles

BRUXELLES : "Je dois dire que les différences (entre les positions des dirigeants européens, NDLR) sont encore très, très grandes. (....) Je m'attends à de très difficiles négociations", a déclaré la chancelière allemande Angela Merkel, dont le pays occupe la présidence tournante de l'UE, devant les caméras. Les 27 dirigeants de l'UE se retrouvent vendredi en chair et en os à Bruxelles, pour la première fois depuis près de cinq mois, avec pour objectif de s'entendre sur un plan de relance, pourtant loin de faire l'unanimité malgré la récession historique qui menace. "C'est un moment de vérité et d'ambition pour l'Europe", a affirmé le président français Emmanuel Macron, en arrivant au sommet. Il s'est dit "confiant mais prudent" sur la possibilité d'un accord pour soutenir l'économie face à la pandémie. Le chef d'orchestre du sommet, Charles Michel, s'est montré optimiste : "Je suis totalement convaincu qu'avec du courage politique il est possible d'obtenir un accord". Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a quelque peu douché son élan, estimant les chances d'un succès "à moins de 50%".

Les dirigeants sont arrivés tous masqués à la réunion, qui a lieu, pour la première fois de l'histoire, sans journaliste physiquement présent dans l'immense bâtiment. Une ambiance très particulière pour un jour où deux dirigeants fêtent leur anniversaire : l'Allemande Angela Merkel, 66 ans, et le Portugais, Antonio Costa, 59 ans. Sur la table des négociations : un plan de relance de 750 milliards d'euros, composé de 250 milliards de prêts, et surtout de subventions à hauteur de 500 milliards, qui n'auront pas à être remboursées par les États bénéficiaires. Il est adossé au budget de l'UE à long terme (pour la période 2021-2027) de 1.074 milliards d'euros. Lors de la dernière rencontre en face-à-face, le 20 février, ils s'étaient quittés sur un échec. Ils ne devaient alors que s'accorder sur le budget de l'UE pour 2021-2027. Mais la crise est passée par là et un plan de relance s'est invité à la table des négociations.

Solidarité oui...mais

Chaque pays ayant un droit de veto, les négociations s'annoncent longues et difficiles et ce sommet extraordinaire prévu pour deux jours pourrait ne pas être le dernier. Le dirigeant le plus difficile à convaincre devrait à nouveau être Mark Rutte, déjà considéré comme partiellement responsable de l'échec du sommet de février. Chef de file des États dits "frugaux" -outre les Pays-Bas, l'Autriche, le Danemark, la Suède, rejoints par la Finlande-, le Premier ministre néerlandais a émis de nombreuses réserves sur le plan de soutien qui devrait profiter avant tout aux pays du Sud, Italie et Espagne en tête. A Bruxelles, il a réaffirmé ses positions : "Solidarité, oui (…) Mais dans le même temps, on peut aussi demander à ces pays de faire tout ce qui est possible pour qu'ils résolvent leurs problèmes par eux-mêmes, la prochaine fois. Et cela, vous le faites via des réformes du marché du travail, du système de retraite...", a-t-il lancé.

Les "frugaux" sont partisans d'une réduction des subventions, leur préférant les prêts remboursables. En outre, ils réclament pour tout argent versé de solides réformes de la part des bénéficiaires. Des exigences qui font bondir leurs voisins du Sud, inquiets de se retrouver avec l'obligation de se soumettre à un programme imposé par d'autres, comme l'avait été la Grèce au plus fort de la crise de la zone euro, obligeant sa population à de douloureux sacrifices. Pour mieux contrôler ces pays, jugés laxistes sur le plan budgétaire, M. Rutte souhaite que leurs plans de réformes soient validés à l'unanimité des 27 (et non à la majorité qualifiée comme l'a prévu Charles Michel).

Autre sujet délicat : le lien entre le versement d'argent et le respect de l'État de droit, pour la première fois inscrit dans un budget de l'UE. Or, la Pologne et la Hongrie, qui font toutes deux l'objet de procédures au sein de l'Union en raison d'atteintes à l'indépendance de la justice ou aux droits fondamentaux, freinent des quatre fers.

Dans ce grand marchandage, la chancelière allemande Angela Merkel, suscite beaucoup d'espoirs. Elle n'a pas ménagé ses efforts pour convaincre ses pairs de l'urgence d'adopter le plan d'aide. Se rangeant à l'avis de la France, elle a accepté que des fonds soient empruntés à grande échelle au nom de l'Europe, brisant ainsi un tabou dans un pays jusqu'ici largement opposé à l'idée d'une dette commune.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".