Les EAU interdisent « Buzz l’Éclair », mais la promotion des LGBTQ+ par Disney irrite partout ailleurs

Scène extraite du film « Buzz l’Éclair » qui a suscité un débat au sujet des intentions de Disney+ (Photo fournie)
Scène extraite du film « Buzz l’Éclair » qui a suscité un débat au sujet des intentions de Disney+ (Photo fournie)
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Publié le Samedi 18 juin 2022

Les EAU interdisent « Buzz l’Éclair », mais la promotion des LGBTQ+ par Disney irrite partout ailleurs

  • La décision de la société américaine de lancer le service de streaming Disney Plus dans la région MONA suscite le débat
  • Les critiques à l'égard de Disney ne se limitent pas à la région. Un sondage américain récent montre que 70 % des Américains rejettent l’agenda de Disney pour des raisons similaires

DUBAI : Le dernier film de Disney et Pixar, « Buzz l’Éclair », qui devait sortir le 16 juin, a été interdit aux Émirats arabes unis – l'un des pays les plus libéraux du monde arabe – en raison de son contenu, notamment une scène d’intimité entre deux personnes du même sexe.

Près de 14 autres pays du Moyen-Orient et d'Asie, dont le Liban, l'Égypte, le Koweït et la Malaisie, ont également interdit le film.

Alors que les autorités saoudiennes chargées des médias n'ont pas encore publié de déclaration officielle, le Bureau de réglementation des médias des Émirats arabes unis a déclaré que le film serait interdit pour avoir enfreint les « normes de contenu médiatique du pays ».

Selon le magazine Variety, « Buzz l’éclair » n'a jamais été soumis à la censure en Arabie saoudite, sans doute parce que les producteurs ont supposé qu'il ne passerait pas.

La véritable raison de la controverse entourant le film serait une scène présentant un baiser homosexuel entre le personnage d'Alisha Hawthorne et sa partenaire féminine – une scène qui a failli ne pas être intégrée au film.

Le 9 mars, des employés et des militants LGBTQ+ de Pixar Animation Studios ont transmis une déclaration commune à la direction de Walt Disney Co dans laquelle ils affirmaient que les dirigeants de Disney avaient volontairement censuré « l'affection ouvertement gay » dans ses longs métrages, rapporte Variety. Selon une source proche de la production, la scène du baiser avait été coupée du film mais réintégrée après la lettre.

Dans un reportage vidéo largement diffusé, la chaîne d'information publique saoudienne Al-Ekhbariya s'est lancée dans une chasse aux jouets portant le drapeau arc-en-ciel à destination des enfants saoudiens.

Le reporter pose la question suivante : « Pourquoi les producteurs de films, comme Disney, s'obstinent-ils à ne pas supprimer une scène avec un baiser entre personnes du même sexe qui ne dure que quelques secondes ? Et pourquoi prennent-ils le risque de s’attirer les foudres de tout un marché qui, de toute évidence, n'est pas favorable à cela ? »

Si l'interdiction a suscité des réactions négatives de la part des publics potentiels, elle n’en trouve pas moins d'ardents défenseurs.

« Umm Lilly », mère saoudienne d’une fille de 9 ans, explique qu'elle ne sait plus trop ce qu'elle doit permettre à sa fille de regarder.

Elle déclare à Arab News : « Je ne sais même pas par où commencer. Je veux que ma fille dessine des arcs-en-ciel et regarde des films Disney en toute innocence – il ne faut pas qu’il y ait des messages subliminaux dans ces films, ce n'est qu'une enfant. »

Comme l'ont fait remarquer certains utilisateurs de Twitter, il existe d'énormes différences culturelles entre les pays occidentaux et ceux du Moyen-Orient et d’Asie – des différences qui devraient être respectées, surtout par une société aussi influente que Disney.

« Il y a des sujets qui sont très sensibles pour les populations de la région, et je m'attends à ce que cela devienne plus courant. En effet, les producteurs de contenu mondiaux promeuvent des idées qui ne sont ni soutenues ni défendues au Moyen-Orient », explique à Arab News Alex Malouf, un professionnel de la communication.

Cependant, selon un conseiller de plusieurs commissions médiatiques du gouvernement saoudien, une telle analyse, faite par ce qu'il décrit comme des prétendus experts en médias et utilisateurs de Twitter, est à la fois « superficielle et déconnectée ».

Le conseiller médiatique a déclaré à Arab News : « Tout d'abord, le problème ne porte pas uniquement sur un baiser entre personnes du même sexe. Le problème avec la plupart des censeurs dans le monde arabe et au-delà est le thème général de la normalisation des relations homosexuelles et des questions de transgenre pour les enfants qui ne sont pas assez âgés pour comprendre pleinement ce qu’il en est et se faire leur propre opinion.

« Les prétendus experts en médias et les utilisateurs de Twitter qui affirment que Disney devrait être plus sensible à cette idée, parce que le monde arabe ou musulman a des valeurs différentes, sont à la fois superficiels et déconnectés de la réalité de ce qui se passe en Amérique même.

Un enfant saoudien déguisé en Simba du film d'animation de Disney « Le Roi Lion » (1994) assiste à la première édition du Comic-Con Arabia qui s'est tenue à Riyad. (AFP/ Photo d’archive)
Un enfant saoudien déguisé en Simba du film d'animation de Disney « Le Roi Lion » (1994) assiste à la première édition du Comic-Con Arabia qui s'est tenue à Riyad. (AFP/ Photo d’archive)

« Une étude récente a montré que jusqu'à 70 % des Américains s'opposent à la politique de Disney en matière de wokisme ; les citoyens américains ont eu tendance à résilier leur abonnement à Disney+ et de nombreuses familles non-arabes et non-musulmanes estiment désormais que Disney n'est plus une plateforme sûre pour leurs enfants », a-t-il conclu, ajoutant que cela montre que le débat suscité par le contenu de Disney n'est pas exclusif à la région MONA.

Les observations du conseiller médiatique saoudien sont vraies, en particulier aux États-Unis.

La récente étude à laquelle il fait référence a été réalisée par le Trafalgar Group, une société de sondage, qui a montré que près de 70 % des Américains désapprouvent la promotion des LGBTQ+ par Disney et ne feront probablement pas affaire avec la société.

Il y a deux jours à peine, une campagne dénonçant Disney a érigé un énorme panneau d'affichage sur Times Square à New York, avec le slogan « No Mouse In My House ».

La campagne, intitulée Rock the Woke, appelle les gens à boycotter Disney pour son « idéologie politique gauchiste qui n'a rien à voir avec le divertissement des enfants et des familles. »

Par ailleurs, en Floride, un projet de loi interdisant l'éducation sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre de la maternelle à la troisième année a été adopté en mars.

L'opposition à la promotion des LGBT par Disney ne se limite pas au Moyen-Orient, un sondage américain montre que 70 % des Américains rejettent cette plateforme pour des raisons similaires. (Photo fournie)
L'opposition à la promotion des LGBT par Disney ne se limite pas au Moyen-Orient, un sondage américain montre que 70 % des Américains rejettent cette plateforme pour des raisons similaires. (Photo fournie)

Le projet de loi a été fortement contesté par les défenseurs de la cause LGBTQ+ et les professionnels de l'industrie du divertissement, sans compter les politiciens démocrates et même la Maison Blanche.

Disney a toutefois choisi de garder le silence. Ses employés, cependant, ont pris la parole sur les médias sociaux pour exprimer leur indignation et ont même quitté leurs bureaux à travers les États-Unis face à l'absence de réponse du PDG Bob Chapek.

La position de la société par rapport au projet de loi – ou plutôt l’absence de position –  est assez singulière étant donné que des dizaines de milliers d'employés de Disney sont en Floride, où se trouvent le plus grand parc à thème et le plus grand complexe touristique de Disney au monde.

Plusieurs films ont déjà été interdits ou censurés au Moyen-Orient. Le film « Eternals » de Marvel a été lourdement édité au Liban pour couper les scènes de relations homosexuelles, et interdit de projection dans les cinémas des Émirats arabes unis et du Koweït.

Des films tels que « West Side Story » et « Doctor Strange in the Multiverse of Madness » ont également été interdits dans plusieurs pays de la région, dont les Émirats arabes unis, pour avoir inclus des personnages trans et homosexuels.

Les Émirats arabes unis ont par la suite levé l'interdiction de « Doctor Strange in the Multiverse of Madness », optant plutôt pour son interdiction aux moins de 21 ans.


Le Studio Ghibli recevra la Palme d'Or d'honneur à Cannes

Cette vue générale montre l'extérieur de la société d'animation japonaise Studio Ghibli dans ses bureaux de l'ouest de Tokyo, le 11 mars 2024. Le légendaire studio d'animation japonais Ghibli, cofondé par Hayao Miyazaki, recevra une Palme d'or honorifique lors du 77e Festival de Cannes en mai 2024, ont annoncé les organisateurs le 17 avril 2024 (Photo Richard A. Brooks / AFP)
Cette vue générale montre l'extérieur de la société d'animation japonaise Studio Ghibli dans ses bureaux de l'ouest de Tokyo, le 11 mars 2024. Le légendaire studio d'animation japonais Ghibli, cofondé par Hayao Miyazaki, recevra une Palme d'or honorifique lors du 77e Festival de Cannes en mai 2024, ont annoncé les organisateurs le 17 avril 2024 (Photo Richard A. Brooks / AFP)
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  • «Pour la première fois de notre histoire, ce n'est pas une personne mais une institution que nous avons choisi de célébrer», ont déclaré Iris Knobloch, présidente du Festival de Cannes, et Thierry Fremaux
  • Le Festival de Cannes a déclaré que Ghibli « a déclenché un vent nouveau sur les films d'animation au cours des quatre dernières décennies « depuis sa création en 1985

PARIS : Le studio Ghibli Inc., géant de l'animation japonaise, recevra une Palme d'Or d'honneur au 77e Festival de Cannes, a-t-on annoncé mercredi.

«Pour la première fois de notre histoire, ce n'est pas une personne mais une institution que nous avons choisi de célébrer», ont déclaré Iris Knobloch, présidente du Festival de Cannes, et Thierry Fremaux, délégué général, dans un communiqué.

Lors du festival, qui se tiendra en mai en France, le prix sera décerné pour les réalisations à long terme du studio, connu pour ses films du réalisateur Hayao Miyazaki.

«Je suis vraiment honoré et ravi que le studio reçoive la Palme d'Or d'honneur», a déclaré le producteur de Ghibli, Toshio Suzuki. « Je tiens à remercier du fond du cœur le Festival de Cannes. … Je suis sûr que le Studio Ghibli continuera à relever de nouveaux défis.

Le Festival de Cannes a déclaré que Ghibli « a déclenché un vent nouveau sur les films d'animation au cours des quatre dernières décennies « depuis sa création en 1985.

Le studio « a réalisé ce qui semblait être un exploit impossible : produire de manière indépendante de purs chefs-d’œuvre et conquérir le marché de masse «, indique le communiqué.


L'art est une "traduction des sentiments", affirme un artiste saoudien de 16 ans

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
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  • Jawad Al-Omair s'est imposé comme peintre, s'inspirant de la beauté et de la douleur qui l'entourent
  • Dans une œuvre récente, Al-Omair a peint un grand autoportrait inspiré par le style de John Singer Sargent, un artiste américain réputé pour ses portraits peints à la fin du 19e et au début du 20e siècle.

RIYADH : Pendant que ses camarades de classe participaient à des activités sportives, l'artiste saoudien Jawad Al-Omair rêvait de la prochaine fois où il prendrait un pinceau ou un crayon pour dessiner à nouveau.

Il a expliqué à Arab News que le moment où il a découvert ses talents d'artiste, il n'était qu'en troisième année primaire.

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie

"Tous les enfants allaient jouer. Je me retrouvais toujours à ouvrir mon cahier et à dessiner. Je me souviens d'un jour où j'ai dessiné quelque chose à l'école et, en rentrant, je l'ai montré à tout le monde. Je me suis dit que je devrais faire ça plus souvent."

Il utilise la peinture acrylique pour représenter ses idées vives sur la toile.

"Pour chaque peinture que je réalise, j'ai généralement une vision de la palette de couleurs et de la composition, et surtout du message et du sentiment que j'essaie de faire passer à travers le tableau".

Le jeune artiste considère la couleur comme un arsenal permettant de communiquer des émotions dans ses œuvres. "Si je voulais peindre quelque chose qui transmette le sentiment d'être perdu, j'utiliserais généralement des couleurs froides comme les gris et les bleus.

M. Al-Omair a déclaré qu'il avait remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art.

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)

"Dana Almasoud est l'une de mes meilleures amies qui m'a beaucoup aidé. Il y a trois ans, j'étais un artiste complètement différent. J'étais incapable de dessiner de petits portraits, mais elle m'a appris à le faire. Je ne peux pas imaginer ce que serait ma vie si je ne les avais pas rencontrées", a-t-il déclaré.

Dans une œuvre récente, Al-Omair a peint un grand autoportrait inspiré par le style de John Singer Sargent, un artiste américain réputé pour ses portraits peints à la fin du 19e et au début du 20e siècle.

Il décrit Sargent comme l'un de ses artistes préférés. "Si vous voyez son autoportrait, il est similaire au mien. J'ai regardé ses œuvres pendant que je peignais afin de capturer la même atmosphère.

Il a fallu environ 12 heures à Al-Omair pour réaliser son autoportrait, qui met en valeur ses traits proéminents.

Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)
Jawad Al-Omair a déclaré avoir remarqué un changement radical dans ses capacités artistiques après avoir été présenté à un groupe d'artistes locaux qui lui ont enseigné des techniques de peinture à appliquer dans ses œuvres d'art. (Fournie)

"On me fait souvent des commentaires sur mon nez, alors je l'ai peint au centre. Je voulais immortaliser mon moi de 16 ans, car qui sait à quoi je ressemblerai dans cinq ans ?

Le jeune artiste souhaite transformer toutes sortes d'expériences - même celles d'amis ou de membres de la famille - en œuvres d'art.

"Comment serait la vie si nous n'avions pas de musique ou de belles choses à regarder ? Quand on pense à un artiste, on imagine généralement quelqu'un avec un pinceau, mais c'est bien plus que cela.

"L'art consiste à traduire des sentiments avec une certaine habileté. Le cinéma a beaucoup appris à l'humanité parce qu'il permet d'en savoir plus sur les gens. L'écriture, les chansons et la musique sont des choses émotionnelles que nous partageons. L'art est l'une des parties les plus importantes de la vie. Chacun possède un côté artistique qu'il n'a peut-être pas encore découvert", a-t-il déclaré.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


A Milan, les icônes du design italien retrouvent leur splendeur d'antan

Des visiteurs regardent le canapé "La Bocca" (La Bouche) présenté par Gufram, au Palazzo Litta dans le cadre de l'événement Fuorisalone 2024, à la veille de la Semaine du design de Milan, à Milan, le 15 avril 2024. (Photo Gabriel Bouys AFP)
Des visiteurs regardent le canapé "La Bocca" (La Bouche) présenté par Gufram, au Palazzo Litta dans le cadre de l'événement Fuorisalone 2024, à la veille de la Semaine du design de Milan, à Milan, le 15 avril 2024. (Photo Gabriel Bouys AFP)
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  • «Pour Ponti, le mobilier avait sa dignité comme s'il s'agissait d'une sculpture, il avait sa propre vie et était libre, telle une œuvre d'art», dit M. Licitra, 71 ans, qui gère avec passion et minutie les archives de son illustre ancêtre
  • Dans un tout autre registre, le Groupe Memphis, mouvement éphémère du «design radical» et anticonformiste créé en 1981 par Ettore Sottsass, a refait surface

MILAN, Italie : Ancrées dans l'imaginaire collectif, les icônes créées par les grands maîtres du design italien comme Gio Ponti, Ettore Sottsass ou Mario Bellini ont retrouvé une nouvelle vie, grâce aux rééditions de ces meubles vintage omniprésentes au Salon du meuble de Milan.

Salvatore Licitra, petit-fils de Gio Ponti (1891-1979), fait glisser sa main délicatement sur le canapé en cuir vert, baptisé Due Foglie (Deux Feuilles) en raison de sa forme incurvée et douce, qui a été conçu en 1957 par le célèbre designer et revisité par le groupe Molteni.

Un peu plus loin, sur le même stand, il retrouve avec émotion un autre de ses chefs-d'oeuvre, le fauteuil Continuum de 1963 dont la structure est façonnée dans une ligne continue en canne de rotin. Un meuble qui lui rappelle son enfance, car il trônait à l'entrée du studio de son grand-père à Milan.

«Je suis content que l'on redécouvre un patrimoine qui n'était pas très connu car à l'époque il n'y avait pas de réseau de distribution. Maintenant, ces meubles tombés dans l'oubli existent à nouveau, ont un nom, une histoire», confie Salvatore Licitra.

«Pour Ponti, le mobilier avait sa dignité comme s'il s'agissait d'une sculpture, il avait sa propre vie et était libre, telle une œuvre d'art», dit M. Licitra, 71 ans, qui gère avec passion et minutie les archives de son illustre ancêtre.

Suscitant un grand intérêt dans le monde, les oeuvres de Gio Ponti, qui cherchait à la fois «la fonctionnalité et la beauté», sont très appréciées des Japonais qui «me demandent toujours où se trouve sa tombe pour pouvoir la visiter», assure son héritier.

- Objets culte de Memphis -

Dans un tout autre registre, le Groupe Memphis, mouvement éphémère du «design radical» et anticonformiste créé en 1981 par Ettore Sottsass, a refait surface. Dissous peu après le départ de son fondateur en 1985, il a cassé les codes bourgeois de l'époque avec des objets pop frôlant le kitsch et des formes géométriques.

«Le monde vit un moment de grisaille et de guerres, et les gens cherchent donc à se rasséréner en achetant des produits qui les égaient», explique Charley Vezza, PDG de la société Italian Radical Design, qui regroupe les marques Memphis Milano, Gufram et Meritalia.

«Personne n'a jamais jeté un meuble de Memphis, il a une certaine valeur, c'est un objet culte qu'on revend aux enchères», assure ce jeune entrepreneur âgé de 37 ans.

La mythique bibliothèque Carlton d'Ettore Sottsass, une pièce de collection surréaliste aux allures de totem créée en 1981 qui rejette tout concept de fonctionnalité, vaut ainsi plus de 15.000 euros.

Gufram a réédité à son tour une série limitée de Cactus, portemanteau vert et ludique inventé en 1972 par Guido Drocco et Franco Mello, en violet, bleu et rouge.

Et Meritalia a relancé la production des oeuvres du designer visionnaire Gaetano Pesce décédé début avril à 84 ans. Parmi elles, son canapé ludique et modulable La Michetta de 2005, inspiré de ces petits pains soufflés milanais.

- Une histoire à raconter -

«Les rééditions apportent un certain réconfort» aux acheteurs, «psychologique par le lien avec les racines du passé, mais aussi par la valeur économique qu'elles acquièrent au fil du temps», commente Maria Porro, présidente du Salone del Mobile.

Les murs du stand de Tacchini sont tapissés de photos des maestros du design et de leurs oeuvres, assorties de notes retraçant leur histoire. Fille du fondateur de l'entreprise familiale et son PDG, Giusi Tacchini ne cache pas sa passion pour ces icônes.

«Nous recherchons des pièces du passé qui ont une histoire à raconter. Il ne s'agit pas toujours de créateurs célèbres, mais aussi de designers inconnus ou peu connus», raconte-t-elle.

«Ce sont des produits qui ne suivent pas les modes du moment, des grands classiques que l'on aime aujourd'hui et qui seront encore beaux dans dix, vingt ou cinquante ans», s'émerveille-t-elle.

Le canapé Le Mura (Les murs), créé en 1972 par le designer renommé Mario Bellini, 89 ans, a été ainsi réédité en 2022, en utilisant de nouveaux matériaux et revêtements, tout en respectant l'original.

«Le Mura a été choisi pour ses lignes pures et son caractère», explique Giusi Tacchini. «C'est un mélange parfait d'intemporalité et de sensualité qui, pour nous, fait le succès d'un produit».