Pascal, ou vivre dans la rue au temps du coronavirus

Il est dur de garder le fil de la conversation avec Pascal, il faut reconnaître que ces deux décennies passées à la rue n’ont pas épargné la cohérence de sa réflexion et de ses paroles. (Photo fournie).
Il est dur de garder le fil de la conversation avec Pascal, il faut reconnaître que ces deux décennies passées à la rue n’ont pas épargné la cohérence de sa réflexion et de ses paroles. (Photo fournie).
Short Url
Publié le Vendredi 30 octobre 2020

Pascal, ou vivre dans la rue au temps du coronavirus

  • Pascal est triste, trop triste même, de voir «son territoire» comme il l’appelle, vide et muet
  • La librairie devant laquelle il a élu domicile lui donne un peu de boulot: dépoussiérer les rayons et vider les caisses de livres fraîchement arrivées

PARIS: Il est 21 heures, rue de Buci dans le VIe arrondissement de Paris. Le couvre-feu sanitaire vient d’entrer en vigueur dans la capitale comme dans toute l’Île-de-France. Les trottoirs de cette artère particulièrement animée de jour comme de nuit sont déserts.

Tous les commerces – cafés, restaurants et autres –, qui grouillent habituellement d’activité et font de cette rue proche du boulevard Saint-Germain un cauchemar pour les automobilistes, ont baissé leur rideau.

Le silence est total, presque menaçant quand soudain un cri s’élève: «C’est la crise… C’est la crise!»

Un coup d’œil dans la rue suffit pour constater qu’il vient de Pascal, le sans-abri et mascotte de cette rue particulièrement prisée par les jeunes.

Pascal est triste, trop triste même, de voir «son territoire» comme il l’appelle, vide et muet.

Il regarde dans toutes les directions, personne à part lui, et Pascal qui vit dans cette rue depuis vingt ans n’aime pas la voir dans cet état: figée, silencieuse et sombre. Alors il crie pour atténuer sa solitude.

La rue de Buci, c’est son chez-lui. Son matelas et sa table de chevet sont installés sur le trottoir à leur place habituelle, devant la prestigieuse librairie Taschen.

À côté, le banc public qui lui sert de salon quand il a des visiteurs et sur lequel il accroche un grand balluchon en plastique qui contient ses affaires.

pascal
C'est ici que dort Pascal chaque nuit depuis 20 ans. (Photo fournie).

Mais quand la rue commence à se désemplir peu avant le couvre-feu, il a l’impression qu’on lui a interdit les visites, et ça il ne l’apprécie pas.

«Quand je vois la rue abandonnée par ses habitués, j’ai le cafard», nous dit-il, alors, «avec les sans-abri des rues voisines, on se serre les coudes pour ne pas trop sentir la solitude.»

Né en Espagne en 1976, Pascal s’est installé à Paris pour oublier les années de prison qu’il a purgées pour des braquages et insiste: «J’ai fait des braquages, mais je n’ai tué personne.»

Ces propos sont décousus, parfois même vagues, mais toujours empreints d’une grande courtoisie, un «merci» précède chaque début de réponse à une question, et les phrases sont souvent entrecoupées par un «avec tout le respect que je vous dois, Madame».

Il est dur de garder le fil de la conversation avec Pascal, il faut reconnaître que ces deux décennies passées à la rue et l’alcool n’ont pas épargné la cohérence de sa réflexion et de ses paroles.

Les journées passent vite, de nombreux passants s’arrêtent pour discuter un peu avec lui, et «souvent on a de belles conversations», confie-t-il. Souvent les gens «nous traitent de zonards», mais «nous, on n’est pas méchants. Ce que nous aimons plus que tout c’est parler avec les autres.»

Et puis Pascal a une occupation qui le passionne, la librairie devant laquelle il a élu domicile lui donne un peu de boulot: dépoussiérer les rayons et vider les caisses de livres fraîchement arrivées. Il traîne aussi dans la librairie où il est autorisé à feuilleter les œuvres qui lui plaisent.

«Les livres, c’est ma passion, j’adore la lecture.» Il assure lire toutes sortes de livres, et «il m’arrive même d’écrire quand je suis triste».

Les livres qu’il préfère sont ceux du père de la psychanalyse, Sigmund Freud. «J’adore Freud, c’est un homme très intelligent. Il connaît la nature humaine.»

«Il y a des romans que j’aime bien aussi comme Tom Sawyer (le livre de Mark Twain), oui, je suis quelqu’un d’instruit, Madame.»

La pandémie de la Covid-19 est une vraie catastrophe. «Les gens ont peur de tout, ils viennent vers moi moins souvent.» Alors, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il s’installe sur son banc et fume les quelques cigarettes qu’il a réussi à récupérer des passants.

pascal
Pascal sur le banc public qui lui sert de salon. (Photo fournie). 

Après l’angoisse du premier soir de couvre-feu, il essaye de s’adapter.

Quand les rues se vident, il se distrait du mieux qu’il peut: «Je marche, je chante puis je m’enroule dans mes couvertures» en attendant le lever du jour.

Quand les rues commencent à se remplir, il se sent joyeux et se dit que le monde est beau.

Dans la rue il est connu de tous, des restaurateurs, des serveurs des cafés, et des autres commerçants, quoi qu’il admette: «Il y en a qui me détestent.» Ceux-là, il les évite, «on ne peut pas être aimé par tout le monde non plus».

Au détour d’une phrase il décide soudainement de revenir sur son enfance: «Quand j’étais petit, mon père m’enfermait dans un cabanon, il battait ma mère. Moi j’étais tout seul dans le noir, je pleurais.»

«Alors un jour j’ai dit à mon père: “Tu vas voir…attends que je grandisse, tu sauras qui je suis.”»

«C’est comme ça que je me suis endurci.» Après, ce sont les séjours dans les foyers de délinquants. «Ils me maltraitaient tout le temps parce que j’étais quelqu’un!» assure-t-il.

«Les foyers, c’est dur, il n’y a que des malheurs. Si les gens voyaient les cicatrices que j’ai sur le corps…». Ça aussi, ça l’a endurci, mais «mon cœur est resté pur».

C’est pour cela qu’il y a des moments où il a peur, souvent la nuit: «Je fais des cauchemars alors je me réveille et je pleure» parce que «je sais moi que je vais mourir dans pas longtemps».

Les enfants, il en a deux, un fils de 22 ans et une fille de 20 ans. Le fils travaille dans la mécanique et la fille étudie pour devenir avocate mais «je ne les vois pas. On se parle parfois au téléphone. C’est mieux comme ça.»

Comme Pascal, ils sont des milliers disséminés dans les rues de Paris, ils ont des noms, des histoires à raconter et des émotions à partager.

De ceux-là, on ne saura rien.

Impossible d’apprivoiser tous ceux qui vivent dans les rues de la ville.


Troisième jour de grève au Louvre, le musée partiellement ouvert

Une délégation d'agents est par ailleurs reçue au ministère de la Culture pour tenter de trouver une issue à ce conflit qui avait conduit le Louvre à garder ses portes closes lundi, a appris l'AFP auprès du ministère. Cette mobilisation intervient alors que le musée peine à sortir de la crise provoquée par le cambriolage du 19 octobre. (AFP)
Une délégation d'agents est par ailleurs reçue au ministère de la Culture pour tenter de trouver une issue à ce conflit qui avait conduit le Louvre à garder ses portes closes lundi, a appris l'AFP auprès du ministère. Cette mobilisation intervient alors que le musée peine à sortir de la crise provoquée par le cambriolage du 19 octobre. (AFP)
Short Url
  • "On est déterminés mais en tant que syndicalistes responsables on a envie d'un apaisement. Il y a eu des avancées mais ça ne répond pas à nos revendications"
  • En première ligne dans ce dossier, le ministère de la Culture a jusqu'à présent notamment promis l'annulation d'une baisse de 5,7 millions d'euros des dotations publiques au Louvre et des recrutements que les syndicats jugent insuffisants

PARIS: Les agents du Louvre ont reconduit leur mouvement de grève jeudi au troisième jour de leur mobilisation contre leurs conditions de travail, contraignant de nouveau le musée à n'ouvrir qu'une partie de ses espaces, a-t-on appris de sources concordantes.

Une délégation d'agents est par ailleurs reçue au ministère de la Culture pour tenter de trouver une issue à ce conflit qui avait conduit le Louvre à garder ses portes closes lundi, a appris l'AFP auprès du ministère. Cette mobilisation intervient alors que le musée peine à sortir de la crise provoquée par le cambriolage du 19 octobre.

De nouveau réunis en assemblée générale jeudi matin, les salariés ont approuvé la poursuite de leur mobilisation contre les problèmes de sous-effectifs, la hausse des tarifs pour les non-Européens ou la dégradation du bâtiment, ont indiqué la CFDT et la CGT.

"On est déterminés mais en tant que syndicalistes responsables on a envie d'un apaisement. Il y a eu des avancées mais ça ne répond pas à nos revendications", a déclaré à l'AFP la déléguée CFDT Valérie Baud.

En première ligne dans ce dossier, le ministère de la Culture a jusqu'à présent notamment promis l'annulation d'une baisse de 5,7 millions d'euros des dotations publiques au Louvre et des recrutements que les syndicats jugent insuffisants.

Jeudi, avec quelques heures de retard liées à la mobilisation, le musée a, comme mercredi, ouvert partiellement ses espaces aux visiteurs qui ont notamment accès au "parcours chefs d’œuvre" incluant la Joconde, la Vénus de Milo ou la Victoire de Samothrace, a indiqué la direction à l'AFP.

"Ce n'est pas un message positif par rapport aux grévistes", a réagi la CFDT.

Parallèlement à ce conflit social, la présidente du Louvre s'est de nouveau défendue jeudi matin, au lendemain d'une audition au Sénat où sa gestion de la sécurité du musée a été durement critiquée.

Interrogée sur France Inter, Laurence des Cars a affirmé disposer encore du crédit suffisant pour se maintenir à la tête du Louvre, qu'elle dirige depuis fin 2021.

"Je suis à la manoeuvre, je dirige ce musée dans une tempête, c'est très clair, mais je suis calme, déterminée pour accompagner les 2.300 agents du Louvre", a-t-elle assuré, ajoutant prendre sa "part quotidienne" de responsabilité dans les dysfonctionnements du musée.

 


«Marseille doit continuer à être debout», appelle Amine Kessaci, invité du conseil municipal

"Marseille a été debout, Marseille doit continuer à être debout face à la guerre de la drogue, face à celles et ceux qui veulent semer la terreur dans nos rues, qui veulent faire taire", a déclaré Amine Kessaci, 22 ans, endeuillé par la mort de deux de ses frères, dont un assassiné le 13 novembre sans doute pour le faire taire. (AFP)
"Marseille a été debout, Marseille doit continuer à être debout face à la guerre de la drogue, face à celles et ceux qui veulent semer la terreur dans nos rues, qui veulent faire taire", a déclaré Amine Kessaci, 22 ans, endeuillé par la mort de deux de ses frères, dont un assassiné le 13 novembre sans doute pour le faire taire. (AFP)
Short Url
  • Accueilli par des applaudissements nourris, le jeune homme a réclamé "des actions concrètes"
  • "Sans la rénovation des écoles, sans la création de services publics, sans l'action des centres sociaux, on ne pourra jamais sortir ces enfants des quartiers"

MARSEILLE: "Marseille doit continuer à être debout face à la guerre de la drogue", a appelé jeudi le militant écologiste Amine Kessaci, après le meurtre de son frère Mehdi en novembre, invité du dernier conseil municipal de la ville avant les prochaines élections municipales.

"Marseille a été debout, Marseille doit continuer à être debout face à la guerre de la drogue, face à celles et ceux qui veulent semer la terreur dans nos rues, qui veulent faire taire", a déclaré Amine Kessaci, 22 ans, endeuillé par la mort de deux de ses frères, dont un assassiné le 13 novembre sans doute pour le faire taire.

Accueilli par des applaudissements nourris, le jeune homme a réclamé "des actions concrètes". "Sans la rénovation des écoles, sans la création de services publics, sans l'action des centres sociaux, on ne pourra jamais sortir ces enfants des quartiers".

Pour le militant écologiste, "attaquer les petits jeunes au pied d'immeuble ne va pas stopper ces trafics internationaux". Il faut "exiger des pays comme l'Arabie Saoudite, comme le Qatar, comme la Thaïlande" d'extrader "les têtes de réseau qui vivent très bien de l'argent de la drogue, vivent loin du territoire et font couler le sang ici chez nous et nos enfants se retrouvent assassinés".

Mardi, lors de son déplacement à Marseille, le président de la République Emmanuel Macron a réaffirmé sa détermination à mener la "guerre" contre le narcotrafic.

Il a affiché sa volonté d'aller "chercher dans les pays où sont les têtes de réseau de la coopération, pour pouvoir saisir leurs biens, pour pouvoir arrêter les têtes de réseau, nous les restituer".

Le chef de l’Etat doit se rendre dimanche pour le Noël aux troupes aux Emirats arabes unis, où d'importants narcotrafiquants ont trouvé refuge, selon la justice française.


Pour le Noël des armées, Macron fait cette année le choix des Emirats

La ministre française de la Défense, Catherine Vautrin, quitte le palais présidentiel de l'Élysée à Paris après une réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, le 17 décembre 2025. (AFP)
La ministre française de la Défense, Catherine Vautrin, quitte le palais présidentiel de l'Élysée à Paris après une réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, le 17 décembre 2025. (AFP)
Short Url
  • En se rendant aux Émirats arabes unis pour le Noël des armées, Emmanuel Macron adresse un message de soutien aux militaires français tout en réaffirmant l’engagement stratégique de la France dans une région marquée par de fortes tensions géopolitiques
  • Ce déplacement met en lumière la solidité du partenariat de défense franco-émirien, pilier de la présence militaire française dans le Golfe et vecteur de stabilité régionale

En choisissant les Émirats arabes unis pour célébrer, les 21 et 22 décembre, le traditionnel Noël des armées françaises, le président Emmanuel Macron a voulu adresser un message clair à ses militaires engagés loin de leurs familles, mais aussi aux partenaires de la France dans une région marquée par de fortes turbulences géopolitiques.

Ce déplacement présidentiel, à la fois militaire et diplomatique, illustre la solidité d’un partenariat stratégique noué de longue date entre Paris et Abou Dhabi.

Comme le veut la tradition, le président de la République partagera un moment privilégié avec les forces françaises déployées sur place, après une séquence bilatérale avec les autorités émiriennes.

Selon le palais de l’Élysée, Emmanuel Macron se rendra directement auprès des militaires : il dînera avec eux, avant de consacrer la matinée suivante à des échanges de terrain et à des démonstrations opérationnelles, au plus près de la réalité de leur engagement en période de fêtes.

Si le choix des Émirats arabes unis n’a rien d’anodin, c’est parce que la région concentre aujourd’hui un grand nombre de crises majeures : conflits persistants au Moyen-Orient, tensions maritimes affectant le commerce mondial, instabilité chronique de plusieurs États.

Un déplacement stratégique dans une région sous tension

Le Golfe est devenu un carrefour stratégique où se croisent enjeux sécuritaires, diplomatiques et économiques et, en s’y rendant, le chef de l’État entend rappeler que la France demeure un acteur militaire et diplomatique engagé à l’échelle mondiale.

Mais ce déplacement est aussi l’occasion d’incarner la relation de confiance qui lie Paris et Abou Dhabi depuis plus de trente ans.

Le partenariat de défense franco-émirien, formalisé et renforcé par un accord signé en 2009, s’est progressivement imposé comme l’un des piliers de la présence française dans la région. Il repose sur une coopération étroite, une interopérabilité accrue des forces et un partage d’objectifs communs en matière de stabilité régionale.

Les Émirats arabes unis accueillent en effet un dispositif militaire français structurant. À Abou Dhabi se trouve un état-major interarmées, à la tête duquel est placé un amiral commandant à la fois les Forces françaises aux Émirats arabes unis (FFAU) et les forces françaises déployées dans l’océan Indien.

Cette implantation est complétée par une base navale française, ainsi que par une base aérienne située à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de la capitale, où sont notamment stationnés des avions de combat Rafale.

À environ 70 kilomètres à l’ouest d’Abou Dhabi, dans une zone désertique, est également déployé le 5ᵉ régiment de cuirassiers, équipé de matériels de dernière génération, dont des chars Leclerc et des véhicules blindés de combat.

C’est sur ce site que se déroulera l’essentiel de la séquence militaire du déplacement présidentiel, avec une démonstration interarmées illustrant les capacités opérationnelles françaises.

Au total, près de 900 militaires français sont stationnés aux Émirats arabes unis. Ils jouent un rôle clé dans plusieurs opérations majeures.

Un partenariat militaire franco-émirien au cœur de la présence française dans le Golfe

Les moyens aériens basés aux Émirats contribuent notamment à l’opération Chammal de lutte contre le terrorisme, tandis que les capacités maritimes participent à l’opération européenne Aspides, destinée à sécuriser le trafic international en mer Rouge, récemment menacé par des attaques visant la navigation commerciale.

Au-delà de la dimension opérationnelle, la présence française aux Émirats arabes unis constitue un symbole fort de coopération stratégique et traduit la volonté partagée de renforcer la stabilité régionale, de sécuriser les grandes routes maritimes internationales et de soutenir les efforts de paix dans des zones fragilisées comme l’Irak, le Yémen, la Libye ou encore le Soudan.

Tous ces sujets pourraient être abordés lors des échanges entre le président français et le président émirien, Cheikh Mohamed ben Zayed.

En se rendant auprès des forces françaises à Noël, accompagné de la ministre des Armées, Emmanuel Macron entend surtout témoigner de son attachement personnel aux militaires engagés loin de la métropole.

Le message qu’il veut leur adresser est autant humain que politique, puisqu’il s’agit d’exprimer la reconnaissance de leur engagement et d’affirmer la crédibilité militaire française.

Dans un contexte international tendu, le choix des Émirats arabes unis pour le Noël des armées apparaît ainsi comme un signal fort : celui d’une France fidèle à ses alliances, pleinement investie dans la sécurité internationale et consciente que sa présence militaire est indissociable de relations diplomatiques durables et de partenariats stratégiques solides.