Emotion et récupération politique après le meurtre d'une joggeuse américaine

Une joggeuse passe devant une maison avec des panneaux de campagne pour le candidat démocrate à la présidence Joe Biden, le 19 octobre 2020 à Nashville, Tennessee. (Justin Sullivan/Getty Images/AFP)
Une joggeuse passe devant une maison avec des panneaux de campagne pour le candidat démocrate à la présidence Joe Biden, le 19 octobre 2020 à Nashville, Tennessee. (Justin Sullivan/Getty Images/AFP)
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Publié le Vendredi 16 septembre 2022

Emotion et récupération politique après le meurtre d'une joggeuse américaine

  • L'enseignante en maternelle de 34 ans, mère de deux enfants, a été enlevée aux alentours de 04H20 le 2 septembre par un homme qui l'a forcée à entrer dans son véhicule
  • Certains internautes, assurant que le meurtre d'Eliza Fletcher n'avait pas eu assez de retentissement parce qu'elle n'était pas noire, ont-ils repris à leur compte l'un des cris de ralliement de «Black Lives Matter», «Say Her Name» (Dites son nom)

WASHINGTON : Eliza Fletcher était sortie faire un jogging à l'aube à Memphis, dans le Tennessee, quand elle a disparu. Son corps sans vie a été retrouvé quelques jours plus tard et depuis, ce drame a ravivé deux débats distincts: l'un sur la sécurité des femmes dans l'espace public, l'autre reflétant les crispations sur les questions raciales aux Etats-Unis.

L'enseignante en maternelle de 34 ans, mère de deux enfants, a été enlevée aux alentours de 04H20 le 2 septembre par un homme qui l'a forcée à entrer dans son véhicule, selon les autorités.

Son agresseur présumé a été arrêté le lendemain. La jeune femme a été retrouvée morte le 5 septembre derrière un bâtiment abandonné.

L'affaire a suscité émoi et colère à travers le pays. En fin de semaine dernière, des centaines de joggeurs se sont retrouvés dans plusieurs villes à l'heure où elle a été kidnappée pour lui rendre hommage, «finir sa course» et affirmer que «les femmes devraient pouvoir courir en toute sécurité à tout moment de la journée», selon les mots des organisateurs.

Face à ceux qui laissent entendre qu'Eliza Fletcher a tenté le diable en sortant seule et aussi tôt, dans une ville considérée comme peu sûre, «il est temps d'arrêter de blâmer les femmes tuées pendant qu'elles courent», a exhorté dans une tribune Christa Sgobba, du magazine Self. Melissa Sullivan, une marathonienne, a elle décrit dans le Washington Post son ras-le-bol de devoir être sur le qui-vive.

«Comme tant d'autres femmes, je suis en colère. Je suis frustrée. Je suis épuisée par l'idée selon laquelle la responsabilité d'empêcher le harcèlement et l'intimidation des joggeuses est, devrait être et sera toujours de notre ressort», a-t-elle écrit.

- Guerres culturelles -

La mort violente d'Eliza Fletcher, mère au grand sourire décrite comme une chrétienne exemplaire, a très vite été brandie par certains commentateurs de droite comme le signe de la déliquescence sociale sous la houlette de la gauche.

Tucker Carlson, présentateur vedette de Fox News, la chaîne de prédilection des conservateurs, en a par exemple fait une allégorie de «la chute de Memphis et de l'état de droit».

L'influenceuse conservatrice (plus de 4 millions d'abonnés sur Instagram) Candace Owens, connue pour son combat contre le «wokisme» entre autres, a appelé les téléspectateurs de Fox News vivant dans les zones défavorisées de villes dirigées par les démocrates, infestées de criminels selon elle, à fuir.

«Ce n'est pas une blague (...). N'attendez pas que les hommes politiques viennent à votre rescousse. Sauvez votre peau et quittez ces villes contrôlées par les démocrates», a-t-elle lancé.

L'affaire a pris une autre dimension chez certains sympathisants conservateurs, reflet des «guerres culturelles» qui agitent le pays dans la foulée du mouvement antiraciste Black Lives Matter («Les vies noires comptent») de 2020.

Car Eliza Fletcher était blanche, et le suspect, Cleotha Henderson - également connu sous le nom de Cleotha Abston - est noir.

- Autre débat -

Aussi certains internautes, assurant que le meurtre d'Eliza Fletcher n'avait pas eu assez de retentissement parce qu'elle n'était pas noire, ont-ils repris à leur compte l'un des cris de ralliement de «Black Lives Matter», «Say Her Name» (Dites son nom). Ces mots étaient scandés par les militants antiracistes pour ne pas oublier les victimes noires de la brutalité policière.

La polémiste très à droite Ann Coulter a renchéri en accusant les médias d'avoir pour leitmotiv «Pas d'articles qui mettent les personnes noires - ou plus exactement, les libéraux blancs - mal à l'aise».

Une lecture erronée de la situation, estime Kari Winter, professeure d'études américaines à l'université d'Etat de New York à Buffalo.

«Quiconque s'imagine que le meurtre d'Eliza Fletcher aurait reçu plus d'attention si elle avait été noire ou de couleur vit dans un monde imaginaire complètement déconnecté du monde réel», dit-elle à l'AFP, rappelant qu'«aux Etats-Unis, la violence contre les femmes noires et de couleur est bien plus habituelle, extrême et ignorée que la violence contre les femmes blanches».

Au-delà de ces tiraillements, un autre débat, plus récurrent, a refait surface.

Car il s'est avéré qu'un prélèvement effectué après un viol en septembre 2021, mais dont les résultats ne sont arrivés que tout récemment, correspondait à l'ADN de Cleotha Henderson. Sans ce retard, l'homme n'aurait peut-être jamais croisé la route d'Eliza Fletcher.


Conflit Israël-Iran: Trump quitte prématurément le G7

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  • Le président américain, dont le séjour dans les Rocheuses canadiennes devait se prolonger jusqu'à mardi en fin de journée et se conclure par une conférence de presse, "rentre à Washington pour s'occuper de nombreux sujets importants"
  • Cette annonce vient peu après que Donald Trump a écrit sur son réseau Truth Social: "Tout le monde devrait évacuer Téhéran immédiatement."

KANANASKIS: "A cause de ce qui se passe au Moyen-Orient, le président Trump va partir ce soir après le dîner" avec les autres dirigeants du sommet du G7 au Canada, un jour plus tôt que prévu, a annoncé lundi sa porte-parole Karoline Leavitt sur X.

Le président américain, dont le séjour dans les Rocheuses canadiennes devait se prolonger jusqu'à mardi en fin de journée et se conclure par une conférence de presse, "rentre à Washington pour s'occuper de nombreux sujets importants", a-t-elle déclaré par ailleurs dans un court communiqué.

Cette annonce vient peu après que Donald Trump a écrit sur son réseau Truth Social: "Tout le monde devrait évacuer Téhéran immédiatement."


Trump reproche à Macron de ne pas avoir « compris » ses intentions concernant le conflit Iran-Israël

Le président français Emmanuel Macron, le premier ministre canadien Mark Carney, le président américain Donald Trump et le premier ministre britannique Keir Starmer participent à une photo de groupe devant les Rocheuses canadiennes au Kananaskis Country Golf Course lors du sommet des dirigeants du G7, le 16 juin 2025 à Kananaskis, en Alberta.(Getty Images via AFP)
Le président français Emmanuel Macron, le premier ministre canadien Mark Carney, le président américain Donald Trump et le premier ministre britannique Keir Starmer participent à une photo de groupe devant les Rocheuses canadiennes au Kananaskis Country Golf Course lors du sommet des dirigeants du G7, le 16 juin 2025 à Kananaskis, en Alberta.(Getty Images via AFP)
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  • Donald Trump a assuré lundi que son départ anticipé du G7 n'avait « rien à voir avec un cessez-le-feu » entre Israël et l'Iran.
  • Il a reproché au président français Emmanuel Macron de ne pas avoir « compris » ses intentions.

CALGARY, CANADA : Donald Trump a assuré lundi que son départ anticipé du G7 n'avait « rien à voir avec un cessez-le-feu » entre Israël et l'Iran, et a reproché au président français Emmanuel Macron de ne pas avoir « compris » ses intentions.

« Le président Emmanuel Macron, de France, a dit par erreur, dans le but de faire de la publicité, que j'avais quitté le sommet du G7 au Canada pour retourner à Washington afin de travailler à un cessez-le-feu entre Israël et l'Iran. Faux ! Il n'a aucune idée de la raison pour laquelle je suis maintenant en route pour Washington, mais cela n'a certainement rien à voir avec un cessez-le-feu. C'est beaucoup plus gros que ça », a-t-il tempêté sur son réseau Truth Social.

« Emmanuel ne comprend jamais rien, que ce soit volontairement ou non », a asséné le président américain, peu après avoir quitté le rassemblement des chefs d'État et de gouvernement du G7 dans les Rocheuses canadiennes, un jour plus tôt que prévu.

Le président français avait affirmé plus tôt, lors d'un point presse en marge du sommet, qu'« une offre avait été faite » de la part des Américains pour « une rencontre et des échanges » avec les Iraniens, ajoutant : « Si les États-Unis peuvent obtenir un cessez-le-feu, c'est une très bonne chose. » 

Ces dernières heures, Donald Trump a envoyé des signaux confus sur le conflit en cours entre Israël et l'Iran, alors que les spéculations vont bon train sur un éventuel engagement militaire direct des États-Unis.

Tout en exhortant l'Iran à conclure un « accord » sur son programme nucléaire « avant qu'il ne soit trop tard », il a aussi appelé à « évacuer » Téhéran dans un message particulièrement alarmiste sur Truth Social.

Le gouvernement américain a toutefois assuré que la posture des forces américaines dans la région restait « défensive ».

Selon le site Axios, l'exécutif américain n'a pas abandonné la voie diplomatique et discute d'une possible rencontre entre l'émissaire spécial pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, et le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi.  


Un médecin syrien condamné à perpétuité en Allemagne pour crimes contre l'humanité sous Assad

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
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  • Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups
  • "Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad"

FRANCFORT: Un médecin syrien, accusé de tortures d'opposants au régime de Bachar al-Assad, a été condamné à la prison à vie lundi par la justice allemande, après un procès fleuve de plus de trois ans à Francfort.

Arrivé en Allemagne en 2015, où il a exercé comme chirurgien orthopédique jusqu'à son arrestation en 2020 après avoir été reconnu par d'autres réfugiés syriens, Alaa Moussa était jugé pour de multiples crimes sur des détenus dans des hôpitaux militaires de Damas et de Homs durant la guerre civile en Syrie.

Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups.

"Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad" aux manifestations des opposants.

Dénonçant "une violation massive des droits de l'Homme" par l'accusé, le juge a souligné que le verdict était aussi une façon de montrer "que la souffrance des victimes n'est pas oubliée".

"Outre les difficultés inhérentes à un délai de 12 ans, le régime syrien a tenté jusqu'à sa chute (en décembre 2024, ndlr) d'exercer une influence sur la procédure" allemande, a-t-il poursuivi, évoquant des menaces sur des proches des témoins.

Etant donné la gravité des faits, la condamnation à la perpétuité d'Alaa Moussa a été assortie d'une peine de sûreté pour une durée non encore définie (qui sera décidée au bout de quinze ans d'incarcération).

Lors de son procès commencé le 19 janvier 2022, entouré de hautes mesures de sécurité, Alaa Moussa avait été confronté à plus d'une cinquantaine de témoins et d'anciennes victimes.

Certains avaient témoigné masqués et beaucoup avaient fait état de menaces et d'intimidation à l'encontre de leur famille restée au pays alors que l'ombre des services secrets syriens planait sur les audiences.

Une situation qui s'est détendue après la chute, durant le procès, du dictateur Bachar al-Assad, renversé en décembre 2024 et désormais réfugié en Russie.

Parmi les témoins, un ancien lieutenant d'Alep, âgé aujourd'hui d'une quarantaine d'années, emprisonné après avoir refusé de tirer sur des manifestants en novembre 2011.

"Puni pour ses actes" 

Il avait affirmé avoir vu Alaa Moussa infliger des injections à des malades allongés sur le sol, qui sont décédés peu après, dans l'hôpital militaire où il sévissait.

"Aucun tortionnaire, quel que soit le lieu où il a commis son crime, ne peut être certain d'échapper à la justice. Il devra toujours s'attendre à être puni pour ses actes", a asséné le juge Christoph Koller lors de son verdict.

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle.

Il y a deux semaines, la justice allemande avait ainsi condamné à la prison à vie un ancien chef d'une milice syrienne soutenant l'ex-président Bachar al-Assad, reconnu coupable notamment de meurtre, d'actes de torture et de séquestration entre 2012 et 2014.

Lors du premier procès au monde sur des exactions du régime de Bachar al-Assad tenu en Allemagne, Anwar Raslan, un ex-gradé des services de renseignement syriens, avait été condamné en janvier 2022 à la prison à vie pour le meurtre de 27 prisonniers et des faits de torture sur au moins 4.000 autres, en 2011 et 2012, dans la prison Al-Khatib.

Des procès sur les crimes commis en Syrie ont également eu lieu ailleurs en Europe, notamment en France et en Suède.

Le conflit en Syrie, déclenché par des protestations pacifiques violemment réprimées en 2011, a fait plus d'un demi-million de morts, déplacé des millions de personnes et ravagé l'économie et les infrastructures du pays.