Niger: loin des horreurs djihadistes, des enfants de retour à l'école

Des élèves assistent à un cours dans une école près d'un site pour personnes déplacées à la périphérie de Ouallam, au Niger, le 26 octobre 2022 (Photo, AFP).
Des élèves assistent à un cours dans une école près d'un site pour personnes déplacées à la périphérie de Ouallam, au Niger, le 26 octobre 2022 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 01 novembre 2022

Niger: loin des horreurs djihadistes, des enfants de retour à l'école

  • Au Niger, 817 écoles totalisant 72 421 élèves dont 34 464 filles ont fermé, principalement dans la région de Tillabéri
  • Quelque 17 000 élèves ont déjà pu réintégrer le système éducatif et bientôt plus de 55 300 autres vont aller dans une vingtaine de ces centres dédiés dans plusieurs villes du sud-ouest abritant des déplacés

OUALLAM: Cartables bleus estampillés Unicef au dos, des centaines d'enfants dévalent de petites dunes de sable pour aller étudier dans la périphérie de Ouallam, ville du sud-ouest du Niger, région en proie à la violence djihadiste depuis cinq ans.

Ces enfants ne sont cependant pas des élèves comme les autres et gardent en eux les souvenirs des horreurs commises par les djihadistes auxquelles ils ont assisté.

Ils viennent en effet de 18 villages proches du Mali, dont les habitants ont trouvé refuge fin 2021 à Ouallam, fuyant les tueries des groupes djihadistes liés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique (EI) qui ont entraîné la fermeture des écoles.

Au Niger, 817 écoles totalisant 72 421 élèves dont 34 464 filles ont fermé, principalement dans la région de Tillabéri, cette zone dite des "trois frontières" entre Mali, Niger et Burkina Faso, selon le Fonds des Nations unies pour l'enfance (Unicef).

Cette situation "a poussé les autorités à créer" des Centres de regroupement scolaires pour les enfants de déplacés "afin qu'ils puissent poursuivre leur cursus", explique à l'AFP Mahamadou Illo Abarchi, un responsable de l'éducation de Ouallam où une centaine d'écoles ont dû fermer.

Quelque 17 000 élèves ont déjà pu réintégrer le système éducatif et bientôt plus de 55 300 autres vont aller dans une vingtaine de ces centres dédiés dans plusieurs villes du sud-ouest abritant des déplacés, selon le gouvernement nigérien.

A Ouallam, près de 1 600 écoliers, dont certains avaient décroché depuis trois ans, sont inscrits dans trois centres construits à proximité d'un site de déplacés.

Les cours ont lieu dans des hangars ou des classes en dur, équipés de tables et de bancs offerts par des ONG, mais aussi à même le sol.

"Nous sommes contentes de reprendre le chemin de l'école", jubilent, ardoises à la main, Fatima et Aïssa, deux fillettes originaires de Ngaba, localité proche du Mali.

L'euphorie d'un retour sur les bancs de l'école n'a cependant pas effacé les souvenirs des horreurs dont certains enfant ont été témoins.

"Mon oncle était chef de village, il a été tué (en 2020, ndlr) par les bandits" djihadistes "sous nos yeux, il y avait beaucoup de sang", se souvient Mariama, qui habitait également Ngaba.

Nassirou, Malick, Hasane, Abdou et leurs parents ont "marché des kilomètres à pied" pour fuir Adabdab, village de la commune de Banibangou, plusieurs fois ciblée par des attaques djihadistes, dont la dernière a coûté la vie à 11 civils le 22 octobre.

"Ce sont les bandits qui nous avaient chassés, ils ont tué beaucoup d'hommes", chuchote Nassirou, croisé dans la cour de récréation.

«Signes de détresse»

La voix étouffée par les bruits du chantier de construction de nouvelles classes, Moussa, également venu d'un hameau de Banibangou exulte: "je n'ai plus peur, je ne me cache plus quand j'entends les bruits des motos" qu'utilisent le plus souvent les djihadistes pour attaquer les villages.

A leur arrivée, de nombreux enfants présentaient "des signes de détresse et de traumatisme, certains s'isolaient, d'autres étaient très agressifs", raconte Morou Chaïbou, responsable pédagogique. Certains ont relaté avec force détails comment "leurs parents ont été fusillés devant eux", soupire-t-il.

"Pour stabiliser ces enfants face aux chocs vécus, nous leur assurons, en plus du programme officiel, un suivi psycho-social", atteste Adamou Dari, le directeur des centres de la région.

"Désormais, ils se concentrent en classe et les résultats sont encourageants", confirme une enseignante qui joue dans la cour avec une dizaine d'élèves.

Des "cas mineurs" d'absentéisme inquiètent toutefois les responsables des centres de Ouallam qui disposent de cantines gratuites. Des enfants sèchent les cours pour aller "travailler en ville et nourrir leur famille", constate Adamou Dari.

Très pauvres, des "familles ont tendance à faire travailler les enfants" ou "à déclencher des mariages précoces de jeunes filles", déplore l'ancien secrétaire d'Etat français Harlem Désir, vice-Président Europe de l'ONG International Rescue Committee (IRC) qui a visité récemment le site des déplacés de Ouallam.

Morou Chaïbou prévient: "Si ces enfants sont délaissés, ils risquent de se faire enrôler par les groupes armés".

En 2021, Amnesty International a sonné l'alerte sur le recrutement de jeunes garçons de 15 à 17 ans, principalement par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al Qaïda, en particulier dans la zone de Torodi près du Burkina Faso, en accord avec les parents.


En Tunisie, un millier de personnes accueillent la flottille partie de Barcelone vers Gaza

Plus d'un millier de personnes, parmi lesquelles l'eurodéputée Rima Hassan, ont accueilli dimanche à Tunis la flottille partie de Barcelone avec à son bord des militants et de l'aide humanitaire pour Gaza. (AFP)
Plus d'un millier de personnes, parmi lesquelles l'eurodéputée Rima Hassan, ont accueilli dimanche à Tunis la flottille partie de Barcelone avec à son bord des militants et de l'aide humanitaire pour Gaza. (AFP)
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  • La flottille dit avoir pour objectif  "d'ouvrir un corridor humanitaire et de mettre fin au génocide en cours du peuple palestinien"
  • A Sidi Bou Saïd, près de Tunis, plus d'un millier de personnes munies de drapeaux palestiniens, de banderoles de soutien à la flottille et de fumigènes se sont rassemblées pour accueillir les bateaux dans la ferveur

TUNIS: Plus d'un millier de personnes, parmi lesquelles l'eurodéputée Rima Hassan, ont accueilli dimanche à Tunis la flottille partie de Barcelone avec à son bord des militants et de l'aide humanitaire pour Gaza.

Plusieurs bateaux devaient quitter Tunis dimanche pour rejoindre la "Global Sumud Flotilla", mais leur départ a été reporté à mercredi pour des "raisons techniques et logistiques" selon les organisateurs.

La flottille dit avoir pour objectif  "d'ouvrir un corridor humanitaire et de mettre fin au génocide en cours du peuple palestinien".

A Sidi Bou Saïd, près de Tunis, plus d'un millier de personnes munies de drapeaux palestiniens, de banderoles de soutien à la flottille et de fumigènes se sont rassemblées pour accueillir les bateaux dans la ferveur.

Lors d'une conférence de presse sur la plage, Rima Hassan a insisté sur "le rôle que jouent aujourd'hui les peuples face à la lâcheté des Etats (...) qui empêchent toute solidarité envers le peuple palestinien".

"Quand nous étions sur le Madleen, on a été interceptés par plusieurs dizaines de militaires, et on s'est fait la promesse dès notre arrivée de renvoyer immédiatement un maximum de bateaux", a ajouté l'eurodéputée.

Le voilier Madleen, avec 12 militants à bord, avait été intercepté le 9 juin par les forces israéliennes à environ 185 kilomètres à l'ouest des côtes de Gaza.

"Nous savons tous pourquoi nous sommes ici. De l'autre côté de la mer, il y a un génocide en cours, une famine de masse provoquée par la machine à tuer d'Israël", a dénoncé la militante suédoise Greta Thunberg aux côtés de Rima Hassan, juste après son arrivée en bateau de Barcelone.

130 personnes de différents pays se sont inscrites pour monter à bord des bateaux de la flottille devant partir de Tunisie, ont déclaré les organisateurs à l'AFP.

Les Nations unies ont déclaré en août l'état de famine à Gaza, avertissant que 500.000 personnes se trouvent en situation "catastrophique".


Turquie: l'opposition convoque un congrès extraordinaire pour le 21 septembre

Turquie: l'opposition convoque un congrès extraordinaire pour le 21 septembre
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  • Le principal parti d'opposition de Turquie va convoquer un congrès extraordinaire le 21 septembre, après qu'un tribunal a destitué sa direction d'Istanbul sur des accusations de corruption

ISTANBUL: Le principal parti d'opposition de Turquie va convoquer un congrès extraordinaire le 21 septembre, après qu'un tribunal a destitué sa direction d'Istanbul sur des accusations de corruption, a rapporté une source du parti à l'AFP samedi.

Cette décision intervient dans un contexte de pression politique croissante sur le Parti républicain du peuple (CHP) après qu'un tribunal a annulé cette semaine les résultats de son congrès provincial d'Istanbul en octobre 2023, destituant son leader Ozgur Celik et 195 autres responsables.

Plus de 900 délégués du CHP ont soumis vendredi une pétition à une commission électorale locale de la capitale Ankara pour autoriser le congrès, a déclaré la source à l'AFP.

Ce congrès devrait définir la stratégie du parti alors qu'il est confronté à une incertitude juridique.

Le CHP, la principale force d'opposition au Parlement turc, a remporté une victoire majeure sur l'AKP du président Recep Tayyip Erdogan lors des élections locales de 2024. Depuis lors, le parti est devenu la cible d'une vague d'arrestations et de procédures judiciaires qui ont culminé en mars avec l'emprisonnement du populaire et puissant maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, pour des accusations de corruption qu'il dément.

L'arrestation et l'emprisonnement de M. Imamoglu, considéré comme un rival clé du président Erdogan, ont déclenché des manifestations de rue inédites depuis dix ans. Les autorités ont réprimé les manifestations en arrêtant près de 2.000 personnes, dont la plupart ont ensuite été libérées.

Mardi, un tribunal a destitué le leader du CHP d'Istanbul et des dizaines de délégués du parti, tout en nommant une équipe de cinq hommes pour les remplacer, ce qui a provoqué une chute de 5,5% du marché boursier turc.

Le CHP a fait appel contre cette décision judiciaire.

Pour l'analyste politique Berk Esen, cette affaire représente une "répétition" pour une affaire plus importante contre la direction nationale du parti, visant à l'affaiblir en tant que force d'opposition.

Une procédure judiciaire presque identique pèse en effet sur sa direction nationale, dans une affaire très suivie qui reprendra à Ankara le 15 septembre.

Gul Ciftci, vice-présidente du CHP responsable des affaires électorales et juridiques, a déclaré que le congrès extraordinaire "ne déterminera pas seulement l'avenir de notre parti, mais réaffirmera également la foi dans le pluralisme, la diversité et la politique démocratique en Turquie", dans un commentaire publié sur X vendredi.

Elle a salué la décision concernant le congrès, prise grâce à la volonté des délégués, comme "la preuve la plus forte que le CHP reste debout face à toutes les tentatives d'intervention du gouvernement".


Pour contrer Trump, le Canada mise sur des grands projets d'infrastructure

Le Premier ministre canadien Mark Carney s’exprime lors d’une conférence de presse, le 26 août 2025 à Berlin. (AFP)
Le Premier ministre canadien Mark Carney s’exprime lors d’une conférence de presse, le 26 août 2025 à Berlin. (AFP)
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  • Le gouvernement de Mark Carney engage une transformation économique historique, avec 500 milliards de dollars investis dans ports, autoroutes, et énergies pour réduire la dépendance aux États-Unis
  • Cette stratégie vise à faire du Canada une superpuissance énergétique, en misant sur ses ressources naturelles et de nouveaux partenariats, notamment avec l’Europe

MONTREAL: Ports, autoroutes, mines, pipelines... Bousculé par les attaques de Donald Trump, le Canada se lance dans une série de grands projets pour diversifier ses activités, rompre sa dépendance au marché américain et éviter une crise économique.

Dès son élection en avril, le Premier ministre Mark Carney avait annoncé la couleur: "Construisons à tout-va" ("build, baby, build"), avait-il lancé, détournant un célèbre slogan du président américain et promettant la plus grande transformation de l'économie canadienne depuis la Seconde Guerre mondiale.

Dans cette optique, fin août, le gouvernement a annoncé la création d'un bureau spécial dédié à la mise en œuvre des grands projets après avoir fait passer une loi en juin pour accélérer les processus d'approbation.

Et dans quelques jours, la liste des projets prioritaires sera rendue publique.

Le point de départ de cette nouvelle politique: la dégradation soudaine de la relation avec les Etats-Unis depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche.

L'imposition de droits de douane par le président américain et ses menaces d'annexion du pays ont provoqué un électrochoc au Canada qui a pour premier partenaire économique son unique voisin du sud.

Le gouvernement libéral de Mark Carney, élu sur la promesse qu'il saurait tenir tête à Donald Trump, veut donc relancer les grands travaux tout en diversifiant ses partenaires économiques et en se rapprochant de l'Europe notamment.

- "Réflexion profonde" -

"Notre gouvernement est en voie de débloquer 500 milliards de dollars pour investir dans des infrastructures, entre autres énergétiques et portuaires", a précisé fin août Mark Carney au côté du chancelier allemand avec lequel il venait de conclure une entente sur les minéraux critiques.

Pour Jay Kohsla, expert du secteur énergétique, le Canada est à un moment charnière.

"On sait que notre économie est en péril", explique à l'AFP cet ancien haut fonctionnaire, ajoutant que Donald Trump a fourni une occasion unique pour "une réflexion profonde".

Selon lui, les deux à trois prochaines années seront déterminantes pour le pays "pris au piège", alors que le taux de chômage a atteint 7,1 % en août, le niveau le plus élevé depuis 2016, hors pandémie.

Mark Carney compte notamment s'appuyer sur les immenses richesses du sous-sol canadien pour faire du pays une "superpuissance énergétique" en développant les énergies renouvelables mais aussi fossiles.

Quatrième pays exportateur de pétrole, le Canada possède les troisièmes réserves d'or noir au monde. Ses ressources se trouvent surtout en Alberta (ouest), d'où les hydrocarbures sont principalement exportés vers les Etats-Unis, faute d'infrastructures suffisantes pour atteindre d'autres marchés.

- "Prenons le temps" -

Mark Carney, qui a pris sur ce sujet le contre-pied des décisions de son prédécesseur Justin Trudeau, se dit maintenant favorable à l'idée d'exporter du gaz naturel liquéfié (GNL) vers l'Europe.

Les "acheteurs et utilisateurs allemands de GNL" sont particulièrement intéressés, a affirmé la semaine dernière le ministre de l'Energie, Tim Hodgson, lors d'une conférence de presse à Berlin.

Cet été, le Canada a inauguré deux énormes projets énergétiques en construction depuis des années: la toute première installation d'exportation de GNL à grande échelle, LNG Canada, et l'agrandissement du pipeline Trans Mountain, qui transporte le pétrole des sables bitumineux de l'Alberta vers la côte ouest.

Mais cette transformation inquiète les ONG, dont Greenpeace qui dénonce les reculs environnementaux et demandent au gouvernement "de privilégier les solutions climatiques et non pas les pipelines de pétrole et de gaz".

Les communautés autochtones, elles, redoutent que le développement économique ne prime sur les droits des Premiers peuples.

"Nous savons ce que ça fait d'avoir Trump à nos frontières. Ne reproduisons pas des politiques à la Trump chez nous. Prenons le temps de bien faire les choses", a demandé Cindy Woodhouse, la cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations.