En pleine croissance, l'Afrique face au besoin de transports en commun

Des personnes en pirogues se frayent un chemin dans le bidonville de Makoko à Lagos, la capitale commerciale du Nigeria, le 19 octobre 2022. (Photo de PIUS UTOMI EKPEI / AFP)
Des personnes en pirogues se frayent un chemin dans le bidonville de Makoko à Lagos, la capitale commerciale du Nigeria, le 19 octobre 2022. (Photo de PIUS UTOMI EKPEI / AFP)
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Publié le Lundi 07 novembre 2022

En pleine croissance, l'Afrique face au besoin de transports en commun

  • Lagos a beau être une puissance économique et abriter les superstars de l'afropop, ses habitants bricolent pour avoir accès à l'eau et l'électricité
  • Depuis des années, les autorités de Lagos peinent à finaliser une ligne ferroviaire, longtemps retardée

LAGOS: A Lagos, Tade Balogun doit planifier ses déplacements bien en avance pour s'éviter le calvaire d'attendre des heures dans des embouteillages monstres qui paralysent la ville de 20 millions d'habitants aux services publics quasi-inexistants.

Chaque jour, M. Balogun part au travail avant l'aube, finit sa journée et attend jusqu'à 21H pour éviter les monstrueux "go-slow" (embouteillages en pidgin nigérian), faits de milliers de voitures et de camions sur des routes abimées où les vendeurs à la sauvette se faufilent dangereusement entre les voies.

Comme ce consultant de la capitale économique du Nigeria, beaucoup en Afrique doivent jongler avec l'absence ou l'inefficacité des transports en commun que les autorités locales essaient de développer, un défi immense mais vital à l'heure où le continent est confronté à une urbanisation croissante et à une explosion démographique.

Selon les Nations unies, la planète comptera bientôt 8 milliards d'humains. A la fin du siècle, les trois villes les plus peuplées au monde seront Africaines.

Déjà l'une des villes abritant le plus d'âmes sur le continent, Lagos deviendra la plus peuplée au monde en 2100, selon une étude.

La façon dont elle gèrera cette explosion démographique pourrait inspirer les autres mégapoles africaines, comme Kinshasa (RD Congo) ou Dar Es Salaam (Tanzanie), qui complèteront le podium des villes les plus peuplées au monde en 2100.

L'Etat de Lagos assure avoir des plans ambitieux - que les sceptiques qualifient de "fantaisistes" -, notamment la création d'un nouvel aéroport et d'un réseau de transports publics (trains, bus, ferry).

Futures mégapoles

Mais comment intégrer les vastes réseaux informels de transports dont dépendent des millions de personnes? Comment fournir des logements et de l'électricité ? Autant de questions posées par les urbanistes tant les défis sont immenses.

Effectuer un recensement serait une première étape, rendu compliqué par le nombre de quartiers informels, explique Muyiwa Agunbiade, professeur de développement urbain à l'université de Lagos.

"Si vous ne connaissez pas le nombre d'habitants, c'est difficile pour nous de planifier".

L'Institut des "Global Cities" de l'université de Toronto estime que les trois villes les plus peuplées au monde en 2025 seront situées en Asie: Tokyo, Bombay et Delhi.

Progressivement, les villes africaines prendront ensuite le relais.

Le mois dernier, la présidente de la Tanzanie Samia Suluhu Hassan a alerté sur les défis posés par cette démographie galopante, la population de Dar Es Salaam, capitale économique, devant doubler pour atteindre les 10 millions d'ici 2030.

De son côté, Lagos, économie majeure en Afrique de l'Ouest, devrait abriter 88 millions d'habitants dans 80 ans seulement, soit plus que la population actuelle de l'Allemagne.

"Pour que l'économie de n'importe quelle ville prospère, votre système de transport doit être adéquat et efficace", insiste auprès de l'AFP la directrice de l'autorité des Transports de l'Etat de Lagos, Abimbola Akinajo.

"C'est une grande partie de ce que nous devons mettre en place pour que la ville fonctionne correctement".

Mais certains de ses quartiers se transforment en une masse chaotique de véhicules s'évitant les uns les autres, en particulier les minibus jaunes Danfo omniprésents, réseau informel de transport public.

"Le Nigeria est-il censé être OK comme ça ? Tous ces embouteillages", souffle Ayo Babatunde Ogunleyimu, conducteur d'un Danfo plein à craquer.

Enfin, un train ?

Lagos a beau être une puissance économique et abriter les superstars de l'afropop, ses habitants bricolent pour avoir accès à l'eau et l'électricité.

Dr Lindsay Sawyer, du département d'urbanisme de l'université de Sheffield, assure que pour offrir des transports durables à Lagos, il faut maintenir des coûts bas.

"Les Danfo sont toujours présents partout parce qu'ils restent l'option la plus abordable", estime M. Sawyer.

Depuis des années, les autorités de Lagos peinent à finaliser une ligne ferroviaire, longtemps retardée.

Mme Akinajo admet des problèmes de financement mais assure que la première partie de la "Blue Rail Line" sera terminée d'ici la fin d'année.

"Le plus gros problème est celui de la mise en oeuvre", insiste le professeur Agunbiade. Mais si la ligne fonctionne, "cela changera radicalement la donne".

En Tanzanie, Dar Es Salaam a déjà enregistré plusieurs succès avec ses lignes de bus rapides dédiées, qui, grâce à des routes élargies, ont réduit la congestion sur une artère principale.

"Les bus rapides nous aident", témoigne Saidi Jongo, habitant de "Dar". "Au moins, plus d'embouteillages".

«Maison de fous»

Pour ce qui est de Kinshasa, capitale de la RDC, la donne est tout autre. Une guerre civile au début des années 2000 et des violences en 2016 ont ajouté des déplacés à une population galopante.

Des masses de gens y "font les pieds" (marchent) sur de longues distances, tandis que les routes sont souvent bloquées en raison d'embouteillages monstres.

En mauvais état dans la plupart des cas, les transports en commun, assurés par des taxis et autres mini-bus sont surnommés "esprit de mort".

"Quand on voit la taille des embouteillages et la masse de gens qu'il y a autour (...), on se rend compte que le transport routier ne peut pas résoudre le problème de mobilité de la population", estime Martin Lukusa, directeur général de la société commerciale des transports et ports (SCTP), l'entreprise publique.

Lagos essaie par exemple de développer un réseau de ferry sur ses lagunes. Mais les financements sont quasi-introuvable car le coût de transport est plus élevé.

Alors, la plupart des habitants de la banlieue, harassés, attendent toujours de meilleures solutions.

"C'est une maison de fous", s'énerve Ochuko Oghuvwu, gérant d'un courtier en bourse, qui fait 20 heures de trajet par semaine. "A l'heure qu'il est, Lagos devrait avoir une ligne de métro".


Cyberattaques : Berlin a rappelé «pour consultations» son ambassadeur en Russie

L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff  (Photo, AFP).
L'ambassadeur allemand en Russie, Alexander Graf Lambsdorff (Photo, AFP).
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  • Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz
  • Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives

BERLIN: Berlin a indiqué lundi avoir rappelé pour consultations son ambassadeur en Russie, Alexander Graf Lambsdorff, après avoir accusé vendredi un groupe de hackeurs russes contrôlé par Moscou d'une récente campagne de cyberattaques.

L'ambassadeur "restera une semaine à Berlin puis retournera à Moscou", a indiqué lors d'un point presse régulier la porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Kathrin Deschauer, ajoutant que le gouvernement prenait "très au sérieux" cet "acte contre (notre) démocratie".

Les gouvernements allemand et tchèque ont accusé vendredi le groupe APT28, dirigé par les services de renseignement de la Russie, d'une récente campagne de cyberattaques dans leur pays respectif. Des accusations jugées "infondées" par la Russie.

Attaques ciblées 

Une cyberattaque a notamment ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate du chancelier Olaf Scholz, selon le gouvernement.

Berlin a annoncé vendredi la convocation du chargé d'affaires de l'ambassade de Russie, "pour faire comprendre au gouvernement russe que nous n'acceptons pas ces actions".

Les pays occidentaux sont depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, en février 2022, en alerte maximum contre le risque d'attaques informatiques massives et d'opérations de désinformation orchestrées par la Russie.


Exercice américano-philippin contre une «invasion» en mer de Chine

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale (Photo, Fournie).
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  • Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines
  • La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan

LAOAG: Les troupes américaines et philippines ont tiré lundi des obus et des missiles sur une force d'"invasion" imaginaire pendant des exercices en mer de Chine méridionale, dans le nord des Philippines où les deux pays ont récemment accusé la Chine de "conduite dangereuse et déstabilisante".

Plus de 16.700 soldats américains et philippins participent à ces manoeuvres annuelles navales, terrestres et aériennes organisées jusqu'au 10 mai dans une zone où les incidents à répétition entre embarcations chinoises et philippines font craindre un conflit plus large.

Les soldats américains massés sur les dunes de la côte nord-ouest des Philippines, près de la ville de Laoag, à 400 kilomètres au sud de Taïwan, ont tiré plus de 50 obus de 155 millimètres sur des cibles flottantes à environ cinq kilomètres de la côte, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les troupes philippines ont enchaîné avec des tirs de roquettes vers les attaquants factices, avant que les deux forces ne finissent l'exercice avec des mitrailleuses, des missiles Javelin et d'autres salves d'artillerie.

Cet exercice à munitions réelles, baptisé "Balikatan" ("Epaule contre épaule" en tagalog, la langue philippine), vise à "se préparer au pire", a déclaré aux journalistes le commandant de la Première force expéditionnaire des Marines des Etats-Unis, Michael Cederholm.

"Il est conçu pour repousser une invasion", a-t-il ajouté sur le site de l'exercice, débuté le 22 avril dans plusieurs endroits des Philippines. "Notre flan nord-ouest est plus exposé", a détaillé à l'AFP le général philippin Marvin Licudine, dirigeant l'exercice pour la partie philippine. "A cause des problèmes régionaux, nous devons dès maintenant nous entraîner sur notre propre sol".

Pékin revendique la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, une importante route commerciale. Elle ignore un arbitrage international qui lui a donné tort en 2016, et y fait patrouiller des centaines de navires des garde-côtes et de la marine.

La semaine dernière, Manille a accusé les garde-côtes chinois d'avoir endommagé un bateau des garde-côtes philippins et un autre du bureau des pêches en tirant dessus au canon à eau près du récif de Scarborough, contrôlé par la Chine mais revendiqué par les Philippines.

Des exercices en forme de dissuasion 

Ces incidents font craindre un conflit plus large qui pourrait impliquer les Etats-Unis, allié des Philippines, et d'autres pays de la région, dans une période où la Chine renforce sa pression diplomatique et militaire autour de Taïwan.

La semaine dernière, les ministres de la Défense des Philippines, des Etats-Unis, du Japon et de l'Australie ont, à l'issue d'une réunion dans l'archipel américain d'Hawaï, publié un communiqué conjoint dénonçant la "conduite dangereuse et déstabilisante" de Pékin en mer de Chine méridionale.

"Les actions de la Chine dans les mers de Chine orientale et méridionale sont légitimes, légales et irréprochables", avait auparavant affirmé le 12 avril le ministère chinois des Affaires étrangères.

La semaine dernière, les forces américaines participant à Balikatan avaient tiré des roquettes de précision Himars depuis l'île occidentale de Palawan, face aux îles Spratleys également disputées.

Selon l'armée américaine, il s'agissait d'une répétition du déploiement rapide du système Himars sur les côtes philippines bordées par la mer de Chine méridionale afin de "sécuriser et de protéger le territoire, les eaux territoriales et les intérêts de la zone économique exclusive des Philippines".

"Les exercices militaires sont une forme de dissuasion", a déclaré le ministre philippin des Affaires étrangères, Enrique Manalo, dans un discours prononcé en son nom par un assistant lors d'un atelier public vendredi. "Plus nous simulons, moins nous agissons."

Le président philippin Ferdinand Marcos Jr. a quant à lui assuré lundi que son pays n'entendait pas "faire monter la tension" en mer de Chine méridionale.

"Nous ne suivrons pas les garde-côtes chinois et les navires chinois dans cette voie", a-t-il dit. "Nous n'avons pas l'intention d'attaquer qui que ce soit avec des canons à eau ou tout autre équipement offensif", a-t-il poursuivi, ajoutant que Manille continuera à utiliser exclusivement la voie diplomatique pour régler les différends avec Pékin.


La mésaventure d'un proviseur américain, cas d'école des dangers de l'IA

Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
Les mots « Intelligence artificielle IA », miniature d’un robot et d’une main jouet sont représentés sur cette illustration prise le 14 décembre 2023 (Photo, Reuters).
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  • Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal
  • L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun

WASHINGTON: Après l'indignation provoquée dans un lycée américain par la diffusion de propos racistes attribués au proviseur, le vertige de découvrir que la bande sonore a été montée de toutes pièces. Cet épisode illustre les dangers d'une intelligence artificielle devenue accessible à tous.

Eric Eiswert, proviseur à Pikesville dans le Maryland, près de Washington, s'est retrouvé au coeur d'une violente polémique avec un enregistrement vocal -- qui se révélera un faux -- lui faisant prononcer des commentaires choquants contre des élèves juifs et des "enfants noirs ingrats".

L'affaire, qui survient en pleine année électorale aux Etats-Unis, met en lumière la facilité avec laquelle les outils d'IA générative peuvent être employés pour nuire à tout un chacun, et les difficultés auxquelles font face les autorités pour lutter contre de telles pratiques.

"Désormais, tout le monde est vulnérable", et non plus seulement les célébrités, alerte Hany Farid, professeur à l'Université de Californie à Berkeley (ouest).

"Il suffit d'une image pour ajouter une personne dans une vidéo, et 30 secondes d'audio pour cloner la voix de quelqu'un", poursuit le spécialiste en détection d'images et d'enregistrements manipulés numériquement, consulté par la police dans cette affaire.

Quand l'enregistrement fuite sur les réseaux sociaux en janvier, il devient rapidement viral. Une publication recueille des milliers de commentaires sur Instagram, et propulse l'école au coeur d'une polémique nationale.

Le militant des droits civiques DeRay McKesson réclame la démission du proviseur sur son compte X, suivi par près d'un million d'internautes. Il admettra s'être fait abuser.

Les messages haineux pleuvent sur les réseaux sociaux et les coups de fil menaçants se multiplient dans l'établissement. Le "monde serait meilleur si vous étiez sous terre", écrit ainsi un internaute au proviseur.

Ce dernier est placé en congés, son domicile mis sous protection. Contacté par l'AFP, il n'a pas répondu.

Vengeance 

"Je continue de m'inquiéter des dégâts provoqués par cette affaire", confie Billy Burke, directeur du syndicat représentant le proviseur.

Fin avril, Dazhon Darien, 31 ans, responsable sportif du lycée, a été arrêté par les autorités, accusé d'être à l'origine du faux. Les enquêteurs sont remontés jusqu'à lui grâce à l'adresse électronique qui a initialement partagé le fichier.

Il aurait agi pour se venger d'une enquête ouverte à son encontre par le proviseur sur des paiements suspects.

Le prévenu a mené des recherches sur des outils d'IA depuis le réseau informatique du lycée, selon l'acte d'accusation.

La bande sonore, selon l'analyse d'un expert consulté par la police, "contient des traces de contenu généré par l'IA, avec un montage humain a posteriori".

Cette affaire démontre la nécessité "d'adapter la loi aux avancées technologiques", a estimé le procureur local, Scott Shellenberger.

Les montages audio sont particulièrement difficiles à déceler. En janvier, un message diffusé par appels téléphoniques automatisés usurpant la voix du président Joe Biden incitait les électeurs démocrates de l'Etat du New Hampshire (nord-est) à s'abstenir lors des primaires pour du parti.

A Pikeville, l'affaire a secoué les habitants, "très proches les uns des autres", raconte Parker Bratton, l'entraîneur de golf du lycée.

"Il y a un seul président, mais il y a un million de proviseurs!", s'inquiète-t-il, "les gens se demandent +Que va-t-il m'arriver si quelqu'un décide tout simplement de détruire ma carrière?+".