Mali: autour de Gao et Ménaka, les civils meurent ou fuient devant la poussée de l'Etat islamique

Sur cette photo d'archive prise le 4 décembre 2021, des soldats français patrouillent dans les rues de Gao. (Photo de Thomas COEX / AFP)
Sur cette photo d'archive prise le 4 décembre 2021, des soldats français patrouillent dans les rues de Gao. (Photo de Thomas COEX / AFP)
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Publié le Jeudi 24 novembre 2022

Mali: autour de Gao et Ménaka, les civils meurent ou fuient devant la poussée de l'Etat islamique

  • Les régions de Gao et Ménaka sont le théâtre depuis mars d'une vaste offensive de l'Etat islamique au grand Sahara (EIGS)
  • Ménaka, Gao, Ansongo... les populations se déplacent en masse vers les villes, où leur arrivée cause des tensions, ou vers les camps, y compris de l'autre côté de la frontière avec le Niger

NIAMEY: Le pire est-il à venir ou sommes-nous déjà dedans ?", se demande un défenseur des droits humains devant la progression des jihadistes dans le nord-est du Mali et le déchaînement de violence qui l'accompagne.

Les régions de Gao et Ménaka sont le théâtre depuis mars d'une vaste offensive de l'Etat islamique au grand Sahara (EIGS). Elle donne lieu à d'intenses batailles avec les groupes armés implantés dans ces immenses étendues désertiques et au massacre de civils. Au moins 11 d'entre eux ont péri lundi dans l'attaque d'un camp de déplacés près de Gao.

"Si rien n'est fait, la zone entière va être occupée" par les jihadistes, écrit sur Whatsapp le défenseur des droits. Installé à Gao, il garde l'anonymat pour sa propre sécurité, comme de nombreux interlocuteurs.

De tels témoignages recueillis par l'AFP ainsi que les informations remontant de ces zones quasiment impossibles d'accès rendent compte d'une poussée continue de l'EIGS et de la désolation semée loin des regards, affligeante même aux standards d'un pays qui va d'épreuve en épreuve depuis dix ans.

Les habitants, en majorité des nomades vivant dans des campements épars, ont subi la guerre entre les indépendantistes touarègues et l'armée de 2012 à 2015. Ils sont à présent pris sous le feu des combats de l'EIGS contre les rivaux enrôlés sous la bannière d'Al-Qaïda, contre les anciens indépendantistes qui ont signé la paix en 2015, ou encore contre les loyalistes qui combattaient autrefois les indépendantistes.

L'ONU et les organisations non-gouvernementales rapportent des attaques répétées et des opérations punitives contre des communautés accusées d'aider l'ennemi ou de refuser de rejoindre les rangs jihadistes. Human Rights Watch relatait en octobre que les groupes ayant fait allégeance à l'EIGS avaient massacré des centaines de villageois.

Moussa Ag Acharatoumane, chef du Mouvement pour le salut de l'Azawad (MSA), l'un des groupes loyalistes combattant l'EI, dit que les violences ont pris de telles proportions que "Dieu seul sait" tout ce qui s'est passé depuis mars. Il parle de "climat de terreur".

L'appel du vide

"Toute l'économie est à l'arrêt, les axes sont détruits, (c'est) une crise humanitaire sans précédent, les déplacés s'entassent (à) Ménaka", dit-il.

Ménaka, Gao, Ansongo... les populations se déplacent en masse vers les villes, où leur arrivée cause des tensions, ou vers les camps, y compris de l'autre côté de la frontière avec le Niger.

Un maire de la région de Ménaka raconte que dans sa commune "il n'y a plus personne".

Près de 60.000 déplacés ont été enregistrés rien qu'à Gao, indiquait en novembre un document onusien.

Différents acteurs expliquent que les jihadistes se sont engouffrés dans le vide laissé par le départ de la force antijihadiste française Barkhane. Barkhane concentrait une partie de ses opérations contre l'EI dans ces régions avant d'être poussée vers la sortie par la junte nouvellement alliée à la Russie.

Bien que poreuse, la frontière Mali-Niger délimite les actions militaires. Du côté nigérien, l'armée nationale combat, soutenue dans les airs et au sol par des étrangers, dont les Français. Du côté malien, l'armée se cantonne à Ménaka, laissant le champ relativement dégagé pour les jihadistes.

Alliance de circonstance ?

"La voie est libre pour eux", dit un autre élu local, réfugié à Bamako. Lui-même a perdu son cousin dans une attaque de bus en septembre. "Ils l'ont soupçonné d'être avec lié au MSA et au Gatia", deux groupes armés de la zone qui combattent l'EI.

"Si vous n'êtes pas avec eux, vous êtes contre eux", dit-il au téléphone.

Suivant un schéma éprouvé, une violente reprise en main sociale, avec soumission des villageois et prélèvement de la taxe islamique, suit la victoire militaire.

Un couple non marié a été lapidé par l'EI Dans le village de Tin-Hama fin septembre. Une "punition pour fornication" illégale, selon l'ONU. "Ils ont creusé un trou le jour de la foire hebdomadaire le 18, ils ont mis l'homme de 50 ans et la femme de 36 ans dedans jusqu'aux hanches avant de leur jeter des cailloux", dit un humanitaire à Ansongo.

Devant une telle "misère", les groupes armés loyaux envers l'Etat malien essaient, "en privé, de rallier les autres acteurs à la cause", dit un responsable sécuritaire au Niger, envisageant l'éventualité d'une alliance avec les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA), mais aussi avec le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM, JNIM en arabe), la nébuleuse affiliée à Al-Qaïda.

Mais il y a peu de chances de voir se créer un "front commun", pense un diplomate africain à Bamako. "Politiquement, cela semble difficile que les uns et les autres s'affichent aujourd'hui ouvertement avec Al-Qaïda".


A l'ONU, l'enquêtrice en chef sur Gaza a encore espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés

Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
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  • Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide"
  • Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger"

GENEVE: Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés.

"La justice est lente", a affirmé l'ancienne juge sud-africaine, dans un entretien à l'AFP.

Mais "comme l'a dit (Nelson) Mandela, cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse. Je considère qu'il n'est donc pas impossible qu'il y ait des arrestations et des procès" à l'avenir, a-t-elle ajouté.

La commission d'enquête, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU, a établi qu'Israël commet un génocide à Gaza depuis le début de la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas du 7-Octobre.

Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide".

Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger".

La Cour pénale internationale (CPI) avait déjà émis des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant.

Mme Pillay reconnaît que la CPI dépend des Etats pour la mise en œuvre des mandats d'arrêt car elle n'a "ni shérif, ni forces de police".

Mais elle veut y croire, faisant une comparaison : "Je n'aurais jamais pensé que l'apartheid prendrait fin de mon vivant".

"Tellement douloureux" 

Jeune avocate d'origine indienne dans l'Afrique du Sud de l'apartheid, devenue juge et Haute-Commissaire aux droits de l'homme à l'ONU (2008-2014), Mme Pillay, 83 ans, a l'art de traiter des dossiers difficiles.

Sa carrière l'a menée des cours sud-africaines, où elle a défendu les activistes anti-apartheid et obtenu des droits cruciaux pour les prisonniers politiques, au Tribunal pénal international pour le Rwanda, en passant par la CPI.

Sa mission est des plus ardues depuis qu'elle préside, depuis sa création en 2021, la commission chargée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU d'enquêter sur les atteintes aux droits dans les territoires palestiniens et en Israël.

Elle déplore d'avoir été qualifiée d'"antisémite" depuis et dénonce les appels sur les réseaux sociaux de ceux qui réclament que les Etats-Unis la sanctionnent, comme Washington l'a fait pour une rapporteure de l'ONU, des juges de la CPI et des ONG palestiniennes.

Mais le plus dur, pour elle et son équipe, est de visionner les vidéos provenant de Gaza.

"Nous nous inquiétons pour notre personnel. Nous les surmenons et c'est traumatisant ces vidéos", dit-elle, citant "des violences sexuelles contre les femmes" et "les médecins qui sont dénudés par l'armée".

"C'est tellement douloureux" à regarder même si "on ne peut pas comparer notre souffrance à celle de ceux qui l'ont vécue", poursuit-elle.

Alors qu'elle présidait le Tribunal pénal international pour le Rwanda, des vidéos de civils abattus ou torturés l'ont aussi "marqué à vie".

Selon elle, la comparaison entre le Rwanda et Gaza ne s'arrête pas là : "Je vois des similitudes. Ce sont les mêmes méthodes".

Du Rwanda à Gaza 

"Dans le cas du Rwanda, c'était le groupe des Tutsi qui était visé. Ici, tous les éléments de preuve montrent que c'est le groupe palestinien qui est visé", dit-elle.

Elle mentionne aussi les propos de dirigeants israéliens qui "déshumanisent" les Palestiniens en les comparant à des "animaux". Comme lors du génocide rwandais, lorsque les Tutsi étaient "traités de cafards", ce qui revient à dire qu'"il est acceptable de les tuer", dénonce-t-elle.

Mme Pillay a indiqué qu'à l'avenir la commission entendait se pencher aussi sur des crimes supposés commis par d'autres "individus", expliquant qu'une grande partie des preuves a été publiée par les soldats israéliens eux-mêmes sur les réseaux sociaux.

Elle déplore toutefois que, faute de financements, la commission n'ait pas pu encore examiner si certains Etats qui fournissent de l'armement à Israël pouvaient être considérés complices.

Un travail qu'elle laisse à son successeur. Elle quitte la commission le 3 novembre en raison de son âge et de problèmes de santé.

Avant cela, elle doit présenter un dernier rapport devant l'Assemblée générale de l'ONU à New York. "J'ai déjà un visa", confie-t-elle.


Gaza: Bruxelles propose de taxer des biens importés d'Israël dans l'UE et de sanctionner deux ministres

La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.  "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu. "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
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  • L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres
  • Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE

BRUXELLES: La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.

"Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas.

Les mesures commerciales devraient, si elles étaient adoptées par les pays de l'UE, renchérir de quelque 227 millions d'euros le coût de certaines importations israéliennes, principalement d'origine agricole.

La Commission européenne a également proposé de sanctionner deux ministres israéliens d'extrême droite, Itamar Ben-Gvir, chargé de la Sécurité nationale, et Bezalel Smotrich chargé des Finances, selon un responsable de l'UE.

L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres. Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE.

"Tous les États membres conviennent que la situation à Gaza est intenable. La guerre doit cesser", a toutefois plaidé mercredi Mme Kallas. Ces propositions seront sur la table des représentants des 27 Etats membres dès mercredi.

Les sanctions dans le domaine commercial ne nécessitent que la majorité qualifiée des Etats membres. Mais là encore, un accord sera difficile à obtenir, jugent des diplomates à Bruxelles.

Des mesures beaucoup moins ambitieuses, également présentées par la Commission européenne il y a quelques semaines, n'avaient pas trouvé de majorité suffisante pour être adoptées. Avait notamment fait défaut le soutien de pays comme l’Allemagne ou l'Italie.

Les exportations israéliennes vers l'UE, son premier partenaire commercial, ont atteint l'an dernier 15,9 milliards d'euros.

Seuls 37% de ces importations seraient concernés par ces sanctions, si les 27 devaient donner leur feu vert, essentiellement dans le secteur agro-alimentaire.


Trump s'en prend à des magistrats après l'assassinat de Charlie Kirk

Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
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  • Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X
  • Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre

WASHINGTON: Le président américain Donald Trump a de nouveau stigmatisé mercredi des magistrats qui l'avaient poursuivi et jugé durant le mandat de Joe Biden, prenant prétexte du récent assassinat de l'influenceur ultraconservateur Charlie Kirk.

Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X.

Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre.

"Pourquoi le merveilleux Turning Point a-t-il été mis sous ENQUÊTE par le +Dérangé+ Jack Smith et l'administration Biden Corrompue et Incompétente ?", s'interroge Donald Trump dans un message sur Truth.

"Ils ont essayé de forcer Charlie, ainsi que de nombreuses autres personnes et mouvements, à cesser leurs activités. Ils ont instrumentalisé le ministère de la Justice contre les opposants politiques de Joe Biden, y compris MOI!", s'offusque-t-il encore.

Jack Smith, lui-même visé par une enquête administrative depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, avait été nommé procureur spécial en 2022.

Il avait lancé des poursuites fédérales contre Donald Trump, pour tentatives illégales d'inverser les résultats de l'élection de 2020 et rétention de documents classifiés après son départ de la Maison Blanche.

Les poursuites avaient été abandonnées après la réélection de Trump, en vertu de la tradition consistant à ne pas poursuivre un président en exercice. Jack Smith avait ensuite démissionné du ministère de la Justice.

Sans jamais le citer nommément, le président Trump s'en prend également sur le réseau Truth à Juan Merchan, qui a présidé le procès Stormy Daniels. Le président avait été reconnu coupable de 34 chefs d'accusation, pour des paiements cachés de 130.000 dollars à l'ex-star du X.

Donald Trump exprime le souhait que le juge "corrompu" paie "un jour un prix très élevé pour ses actions illégales".

Depuis l'assassinat de Charlie Kirk, le camp républicain redouble de véhémence contre les démocrates et organisations progressistes, accusés de promouvoir la violence politique.

"La gauche radicale a causé des dégâts énormes au pays", a affirmé le président républicain mardi, avant son départ au Royaume-Uni. "Mais nous y remédions".

Selon le Washington Post, un élu républicain du Wisconsin a déposé une proposition de loi visant à bloquer les fonds fédéraux aux organisations employant des personnes "qui tolèrent et célèbrent la violence politique".

Le New York Times précise pour sa part que sont notamment dans le viseur l'Open Society Foundation du milliardaire George Soros ainsi que la Ford Foundation, qui toutes deux financent des organisations de gauche.