Eric Turquin, «l'oeil» qui reconnait un Caravage ou un Cimabue

L'expert d'art français Eric Turquin lors d'une séance photo à Paris, le 18 novembre (Martin Bureau/AFP)
L'expert d'art français Eric Turquin lors d'une séance photo à Paris, le 18 novembre (Martin Bureau/AFP)
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Publié le Lundi 23 novembre 2020

Eric Turquin, «l'oeil» qui reconnait un Caravage ou un Cimabue

  • Eric Turquin parle de "connaisseurship", ce flair qu'il montrait devant la densité du rouge d'une tenture sur le tableau de Judith et Holopherne, en s'exclamant : "ce rouge, il ne peut être que du Caravage!"
  • Comme la musique: quand vous savez comment elle est composée, vous la comprenez", dit ce mélomane

PARIS : Le regard tranchant mais l'air timide et amusé, l'expert des maîtres anciens Eric Turquin est "l'oeil" reconnu par toutes les maisons de ventes françaises pour découvrir les dernières oeuvres disparues des grands peintres, de Caravage à Poussin.

"C'est un des rares métiers où l'on s'améliore en vieillissant! Mais pas un métier d'intelligent. Plutôt un métier de mémoire et de sensibilité", observe cet homme de 68 ans de petite taille, formé au métier chez Drouot puis chez Sotheby's à Londres.

Tiré à quatre épingles, avec quelque chose d'un gentleman britannique, Eric Turquin juge l'entraînement de la mémoire la condition sine qua non de ce métier de précision. "Quand je prends trois semaines de vacances sans voir de tableaux, note-t-il, je suis malheureux. Et c'est comme un joueur de ping pong, ça réagit moins vite!".

Il revendique la sensibilité qui n'est pas le fort de tous les experts, assure-t-il, et qui implique la curiosité historique. L'iconographie le passionne: "ça force à s'intéresser à l'histoire, la mythologie, la religion. Peut-on comprendre Caravage si on ne le voit pas comme protagoniste de la Contre-Réforme?", interroge-t-il.

Hors confinement, viennent à son cabinet de la rue Sainte-Anne à Paris maisons de ventes, assureurs, notaires, restaurateurs, antiquaires, galeristes, brocanteurs, qui lui amènent des tableaux. Il a découvert ainsi des oeuvres rarissimes de Cimabue, Caravage, Ribeira, Gentileschi, Boucher... L'une de ses fiertés est la découverte en 1997 de la "Sainte Françoise Romaine" de Nicolas Poussin, aujourd'hui au Louvre. 

Les mêmes professionnels continuent à le consulter depuis leur écran, y compris des Etats-Unis: "on travaille à plein volume, j'ai même dû embaucher quelqu'un!"

"Collectionnite"

"La Madeleine pénitente", tableau de Salai, élève de Léonard de Vinci, passé par son cabinet, a été vendu mercredi pour 1,7 million d'euros chez Artcurial.

L'attribution à Caravage du tableau trouvé dans un grenier de Toulouse, "Judith décapitant Holopherne", contestée durant plusieurs années par certains experts italiens, avant d'être vendu à un collectionneur américain en 2019, a fait couler beaucoup d'encre mais a accru sa notoriété.

"Dès que c'est Caravage ou Vinci, tout devient irrationnel. A cause du prix, du battage médiatique", s'irrite-t-il.

Dès ses 15 ans, l'expert dit avoir eu "la collectionnite, pour l'argenterie, la porcelaine". A l'Ecole du Louvre, Turquin étudiera l'art contemporain. Mais depuis "j'en ai décroché", admet-il, "je me suis arrêté à 1960" dans l'art.

Ses débuts ont été "très difficiles, surtout ce premier stage, en 1975, mal rémunéré". "J'ai été obligé de vendre la collection de timbres de mon arrière grand-mère pour payer mes dernières années d'études".

"Il m'a fallu quinze ans pour devenir expert. Plus nous avançons dans notre métier, plus nous percevons que nous savons très peu. L'histoire de l'art a très peu de documents. Contrairement à notre réputation d'establishment, notre profession, c'est l'humilité en permanence".

"Connaisseurship"

Eric Turquin parle de "connaisseurship", ce flair qu'il montrait devant la densité du rouge d'une tenture sur le tableau de Judith et Holopherne, en s'exclamant : "ce rouge, il ne peut être que du Caravage!".

Chaque peintre, explique Eric Turquin, a "une écriture" que seul l'oeil expérimenté reconnait. 

"Il nous faut voir beaucoup de tableaux, des milliers: c'est mécanique: la mémoire se travaille. Plus vous en voyez, plus vous faites des liens. Soudain, il y a cette petite sonnette qui résonne: ça rappelle..."

Pour ne pas faire fausse route, l'expert doit comprendre "le milieu qui a produit un artiste, la culture dont il est sorti. Comme la musique: quand vous savez comment elle est composée, vous la comprenez", dit ce mélomane.

Ce qui le passionne, c'est que "le monde n'est pas binaire en art" (soit authentique soit faux). Beaucoup de tableaux, dit-il, "sont de plusieurs mains". 

Avec le perfectionnement des radios, des infra-rouges, etc... et maintenant l'intelligence artificielle, sa hantise est que la machine relègue le "connaisseurship" et que "le faussaire s'y engouffre".

"Sans intuition pas de diagnostic ! C'est le médecin qui va détecter le faux, qui, en interrogeant le malade, découvre un malade imaginaire !"


Le 87ème prix Albert Londres sera remis le 25 octobre à Beyrouth

Le journaliste français et président du Prix Albert Londres, Hervé Brusini, s'exprime lors du dévoilement d'une plaque commémorative en hommage au caméraman de l'AFP Arman Soldin, tué en Ukraine, sur l'esplanade du Centre universitaire de Vichy, dans le centre de la France, le 7 mai. (AFP)
Le journaliste français et président du Prix Albert Londres, Hervé Brusini, s'exprime lors du dévoilement d'une plaque commémorative en hommage au caméraman de l'AFP Arman Soldin, tué en Ukraine, sur l'esplanade du Centre universitaire de Vichy, dans le centre de la France, le 7 mai. (AFP)
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  • La capitale libanaise devait l'an dernier accueillir les délibérations de la plus prestigieuse récompense de la presse francophone, mais les bombardements israéliens sur plusieurs régions du Liban ont obligé le jury à rapatrier ses travaux sur Paris
  • "Il y a d'abord Beyrouth, Beyrouth est une ville heureuse", écrit Albert Londres en novembre 1919, cité par le communiqué de l'association

PARIS: Le 87ème prix Albert Londres, qui récompense le meilleur reportage écrit et audiovisuel francophone de l'année, sera remis le 25 octobre à Beyrouth, a annoncé mercredi l'association.

La capitale libanaise devait l'an dernier accueillir les délibérations de la plus prestigieuse récompense de la presse francophone, mais les bombardements israéliens sur plusieurs régions du Liban ont obligé le jury à rapatrier ses travaux sur Paris.

"Il y a d'abord Beyrouth, Beyrouth est une ville heureuse", écrit Albert Londres en novembre 1919, cité par le communiqué de l'association.

"Mais l'histoire en décida autrement. Quand le journaliste est revenu dans la région dix ans plus tard, les mots massacres et assassinats se sont imposés sous sa plume. Le conflit israélo-palestinien voyait ses premières victimes", poursuit le texte.

"Déjà ! Près de cent ans plus tard, la tragédie est massive. Informer est un enjeu vital malgré les bombes, malgré les murs. Le Prix Albert Londres se devait d'aller y voir. Le propre du reportage, en somme".

L'association Albert Londres a dévoilé la liste des articles, films et livres pré-sélectionnés pour l'édition 2025, sur 134 candidatures.

Pour le 87ème prix de la presse écrite, ont été choisis : Eliott Brachet (Le Monde), Julie Brafman (Libération) , Emmanuel Haddad (L'Orient-Le Jour), Iris Lambert (Society, Libération), Ariane Lavrilleux (Disclose), Célian Macé (Libération), Matteo Maillard (Libération, Jeune Afrique) et Arthur Sarradin (Libération, Paris Match).

Pour le 41ème prix audiovisuel, ont été retenus : Solène Chalvon-Fioriti pour "Fragments de guerre" (France 5), Marianne Getti et Agnès Nabat pour "Tigré : viols, l'arme silencieuse" (Arte), Jules Giraudat et Arthur Bouvart pour "Le Syndrome de La Havane" (Canal+), Julien Goudichaud pour "Calais-Douvres, l'exil sans fin" (LCP), Louis Milano-Dupont et Elodie Delevoye pour "Rachida Dati, la conquête à tout prix" (France 2) et Solène Oeino pour "Le Prix du papier" (M6).

Pour le 9ème prix du livre, ont été désignés Charlotte Belaich et Olivier Pérou pour "La Meute" (Flammarion), Siam Spencer pour "La Laverie" (Robert Laffont), Quentin Müller pour "L'Arbre et la tempête" (Marchialy) et Elena Volochine pour "Propagande : l'arme de guerre de Vladimir Poutine" (Autrement).

L'an dernier, la journaliste du Monde Lorraine de Foucher avait remporté le prix pour l'écrit pour ses reportages et enquêtes sur les viols de Mazan, les migrantes violées et encore les victimes de l'industrie du porno.

Le prix de l'audiovisuel avait été décerné à Antoine Védeilhé et Germain Baslé pour leur film "Philippines: les petits forçats de l'or" (Arte) et le prix du livre avait couronné Martin Untersinger pour "Espionner, mentir, détruire" (Grasset), une enquête sur les attaques dans le cyberespace.

Créé en 1933 en hommage au journaliste français Albert Londres (1884-1932), père du grand reportage moderne, le prix est doté de 5.000 euros pour chacun des candidats, qui doivent avoir moins de 41 ans.


Des projets architecturaux saoudiens parmi les 15 finalistes du nouveau prix RIBA

Le Wadi Safar Experience Center est une porte d'entrée vers le développement plus large de Wadi Safar et s'inspire du style vernaculaire Najdi. (Fourni)
Le Wadi Safar Experience Center est une porte d'entrée vers le développement plus large de Wadi Safar et s'inspire du style vernaculaire Najdi. (Fourni)
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  • Deux projets innovants situés à Riyad – le parc King Salman et le centre d’expérience de Wadi Safar – ont été sélectionnés parmi les 15 finalistes du nouveau prix RIBA
  • Ce prix célèbre des projets ayant un impact social fort et une vision durable

DUBAÏ : Riyad s'impose comme un centre du design de pointe, alors que le Royal Institute of British Architects (RIBA) a dévoilé les 15 finalistes de son tout premier prix des bâtiments les plus transformateurs du Moyen-Orient.

Cette nouvelle distinction récompense les projets architecturaux récents ayant le plus d’impact social et de transformation à travers le Golfe, et deux des candidats les plus remarquables se trouvent dans la capitale saoudienne.

Au cœur de la contribution de Riyad figure le parc King Salman, une vaste opération de réhabilitation de l’ancien aéroport de la ville, réalisée par Gerber Architekten, Buro Happold et Setec. Ce projet ambitieux transforme une relique de l’ère aérienne en une oasis urbaine immense, offrant aux habitants et visiteurs un réseau de jardins, de plans d’eau et d’espaces de loisirs. Il met en œuvre des techniques novatrices de régénération des sols désertiques, d’utilisation durable de l’eau et de plantation résistante au climat.

Non loin de là, le centre d’expérience de Wadi Safar sert de porte d’entrée au développement plus large de Wadi Safar. Conçu par Dar Al Omran – Rasem Badran, il s’inspire du style vernaculaire najdi, avec des cours intérieures et un aménagement paysager en bermes de terre créant une atmosphère fraîche et contemplative tout en valorisant le patrimoine régional.

La liste des finalistes met également en lumière l’excellence dans tout le Moyen-Orient. Aux Émirats arabes unis, le sanctuaire des tortues et de la faune de Khor Kalba (Hopkins Architects) soutient la réhabilitation des tortues et oiseaux en danger dans la mangrove ancestrale de Sharjah, avec des pavillons arrondis se fondant dans le paysage côtier. À Dubaï, le centre Jafar du Dubai College (Godwin Austen Johnson) offre un espace STEM flexible, baigné de lumière naturelle, où l’acoustique et l’efficacité énergétique sont prioritaires.

À Doha, le centre Al-Mujadilah et sa mosquée pour femmes (Diller Scofidio + Renfro) réinterprètent de manière contemporaine un espace sacré, avec un toit percé de plus de 5 000 puits de lumière diffusant une lumière naturelle apaisante dans les salles de prière et les espaces communautaires.

Plusieurs projets revisitent les formes patrimoniales dans un contexte contemporain. À Sharjah, The Serai Wing, Bait Khalid Bin Ibrahim (ANARCHITECT) transforme deux maisons familiales des années 1950, autrefois propriétés d’un marchand de perles, en un hôtel boutique alliant préservation du patrimoine et design contemporain.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Cate Blanchett sera à l’honneur au Festival du film d’El Gouna

Cate Blanchett sera l'invitée d'honneur de cette année et recevra le prix Champion de l'humanité. (Getty Images)
Cate Blanchett sera l'invitée d'honneur de cette année et recevra le prix Champion de l'humanité. (Getty Images)
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  • L’actrice australienne sera l’invitée d’honneur du festival égyptien et recevra le Champion of Humanity Award pour son engagement humanitaire auprès des réfugiés en tant qu’ambassadrice du HCR
  • Reconnue pour ses rôles marquants au cinéma et son implication sur scène, Blanchett est aussi saluée pour son action sur le terrain dans des camps de réfugiés, incarnant la vision du festival : le cinéma au service de l’humanité

DUBAÏ : L’actrice et productrice australienne Cate Blanchett sera mise à l’honneur lors de la 8e édition du Festival du film d’El Gouna, en Égypte, qui se tiendra du 16 au 24 octobre.

Elle sera l’invitée d’honneur de cette édition et recevra le Champion of Humanity Award (Prix de la Championne de l’Humanité).

« De ses rôles emblématiques dans Elizabeth, Blue Jasmine et TÁR, à ses collaborations remarquables avec les plus grands réalisateurs, Cate Blanchett a laissé une empreinte indélébile sur le cinéma mondial », a publié le festival sur Instagram.

« Au-delà de son art, elle continue de défendre des causes humanitaires urgentes en tant qu’ambassadrice de bonne volonté mondiale pour le HCR, reflétant ainsi la vision du festival : le cinéma au service de l’humanité », ajoute le communiqué. « Pour saluer son engagement en faveur des réfugiés et des personnes déplacées de force, Cate Blanchett recevra le Champion of Humanity Award du Festival du film d’El Gouna. »

Cate Blanchett est également connue pour son travail sur scène, ayant été co-directrice artistique de la Sydney Theatre Company. Elle est aussi cofondatrice de Dirty Films, une société de production à l’origine de nombreux films et séries récompensés.

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Depuis 2016, elle occupe le rôle d’ambassadrice de bonne volonté pour le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. À ce titre, elle utilise sa notoriété pour sensibiliser à la cause des réfugiés et encourager le soutien international. Elle a visité des camps de réfugiés et des communautés hôtes dans des pays comme la Jordanie, le Liban, le Bangladesh, le Soudan du Sud, le Niger et le Brésil.

En 2018, elle a reçu le Crystal Award lors du Forum économique mondial en reconnaissance de son engagement humanitaire.

Amr Mansi, fondateur et directeur exécutif du Festival d’El Gouna, a déclaré : « C’est un immense honneur d’accueillir une artiste du calibre de Cate Blanchett. Son talent exceptionnel fascine le public depuis des décennies, et son engagement humanitaire à travers le HCR est véritablement inspirant.

Ce partenariat avec le HCR et la Fondation Sawiris, ainsi que sa venue, illustrent parfaitement la mission essentielle de notre festival : utiliser la force du cinéma pour promouvoir un changement positif et soutenir l’humanité. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com