Dana Hassan: art, narration et Beyrouth

L'œuvre de Dana Hassan, bien que centré autour de la figure de Beyrouth, porte en elle un message universel. (Photo fournie)
L'œuvre de Dana Hassan, bien que centré autour de la figure de Beyrouth, porte en elle un message universel. (Photo fournie)
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Publié le Mardi 31 janvier 2023

Dana Hassan: art, narration et Beyrouth

  • «J'ai toujours envie de déconstruire l'art»
  • La narration pour Dana Hassan précède la peinture

BEYROUTH: Les œuvres de Dana Hassan intriguent. La narration y précède le visuel. Si Beyrouth est au cœur de son travail, il n'en demeure pas moins qu'il s'en dégage une dimension universelle qui plaît énormément aux quatre coins du monde. Arab News en français a rencontré la créatrice libanaise qui vit actuellement à Chypre.

La centralité de Beyrouth

Le départ forcé de la capitale libanaise durant la guerre civile libanaise a provoqué chez Dana Hassan une déchirure à laquelle elle continue de faire écho dans son œuvre.

Après des études de commerce à l'université américaine de Beyrouth (AUB), elle complète son cursus en suivant un Bachelor of Arts (BA) en illustration et bande dessinée au sein de l'Académie libanaise des beaux-arts (Alba), car elle sent qu’il manque quelque chose dans sa vie. À Alba, ses professeurs sont contents de sa technique, «une technique basée sur l'expérimentation et la remise en question de ce que je perçois comme art. J'ai toujours envie de déconstruire l'art», précise-t-elle.

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Dana Hassan. (Photo fournie)

Cette déconstruction n'est pas le fruit du hasard, mais d'un travail méticuleux. En octobre 2019, elle reçoit les honneurs de la Banque mondiale en étant sélectionnée avec quatorze autres artistes internationaux pour exposer son œuvre If Not Now, When? à Washington. Elle aime questionner les normes. Elle a ainsi demandé que son œuvre soit exposée horizontalement sur une surface plane et non suspendue verticalement. C'est grâce aux concours d’art internationaux que son nom a pu émerger de Washington jusqu'à Nicosie en passant par Londres et Venise.

Le départ forcé de la capitale libanaise durant la guerre civile libanaise a provoqué chez Dana Hassan une déchirure à laquelle elle continue de faire écho dans son œuvre.

La centralité de Beyrouth dans son œuvre s’est accentuée après l'explosion du port le 4 août 2020. «Cette explosion m'a plongée dans mon enfance et dans des blessures que je pensais enfouies à jamais.» Elle écume les rues de Beyrouth afin de mettre en lumière les tissus urbains représentés comme des strates de mémoire. La métaphore de Beyrouth en tant que mère est prégnante notamment dans la pièce Ode to a Mother exposée au Venice International Art Fair en 2020.

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Beyrouth et les strates de mémoire. If Not Now, When? a été exposé au quartier-général de la Banque mondiale à Washington en octobre 2019. (Photo fournie)

La primauté de la narration

La narration est au cœur de son processus artistique. Véritable fil conducteur, elle précède la peinture et indique implicitement un mode d'expression. Lors de l'exposition baptisée «Wall Calls for Peace» au Line Contemporary Art Space à Londres, son œuvre avait pour ambition de montrer une ville qui unit les habitants sous un même toit. 

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Beyrouth et le tissu urbain. Cette œuvre met en lumière tout le travail de terrain entrepris par Dana Hassan. Comme son nom l'indique Under the Same Roof vise à transformer symboliquement la capitale libanaise en un seul bâtiment. (Photo fournie)

Si son œuvre se cristallise autour de Beyrouth, le message qui en découle est universel. Elle en a fait le constat lors de la dernière exposition à laquelle elle a participé, à Nicosie. «Lors de l’exposition baptisée “Under the same roof”, les gens ont su s'identifier à mon œuvre. Ils ont considéré mon œuvre comme étant un reflet de leur propre pays.» Ses sentiments pour la capitale libanaise ont été amplifiés depuis son départ vers l'île d'Aphrodite. Elle se sent parfois comme déracinée. L'art lui permet d'exprimer ce sentiment si amer. «J'ai récemment peint un tableau dont j'ai déchiré la toile que j'ai ensuite tissée au fur et à mesure.»

La narration continue de guider son pinceau. Elle a pour projet ultérieur de participer à une œuvre collective. «Je veux peindre une toile puis passer le relais à d'autres artistes et ainsi de suite jusqu'à ce que l'œuvre devienne la propriété de toute la communauté.» Dana Hassan, une exploratrice de l'art à sa façon!

 


L'Arabie saoudite annonce la Semaine de la mode de la mer Rouge

Parmi les moments forts, notons la participation de cent marques saoudiennes, une initiative lancée par la Commission de la mode afin de soutenir et de promouvoir les talents locaux émergents. (Photo Arab News).
Parmi les moments forts, notons la participation de cent marques saoudiennes, une initiative lancée par la Commission de la mode afin de soutenir et de promouvoir les talents locaux émergents. (Photo Arab News).
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  • Organisé par la Commission saoudienne de la mode, cet événement mettra en vedette des créateurs locaux et internationaux
  • L’Arabie saoudite avait accueilli sa première semaine de la mode en 2023 à Riyad

DUBAÏ: Le Royaume s’apprête à accueillir la toute première Semaine de la mode de la mer Rouge. Prévu en bord de mer sur l'île d'Ummahat, cet événement glamour se déroulera du 16 au 18 mai au St. Regis Red Sea Resort. Organisé par la Commission saoudienne de la mode, cet événement mettra en vedette des créateurs locaux et internationaux. Son objectif est de célébrer la fusion entre l'esthétique traditionnelle saoudienne et le design contemporain de pointe.

Parmi les moments forts, notons la participation de cent marques saoudiennes, une initiative lancée par la Commission de la mode afin de soutenir et de promouvoir les talents locaux émergents.

Rappelons que l'Arabie saoudite avait accueilli sa première semaine de la mode en 2023 à Riyad. L'événement, qui s’était déroulé dans le quartier financier du roi Abdallah du 20 au 23 octobre, a jeté les bases de la nouvelle capitale de la mode au Moyen-Orient.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com


La rappeuse afghane Sonita Alizada, voix des jeunes filles pour la liberté

Sonita Alizada elle-même a failli être vendue à un homme vers l'âge de 10 ans, puis à 14 ans pour 9.000 dollars. (AFP).
Sonita Alizada elle-même a failli être vendue à un homme vers l'âge de 10 ans, puis à 14 ans pour 9.000 dollars. (AFP).
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  • Non au travail des enfants, aux mariages forcés, au renoncement à ses rêves: à travers le rap, Sonita Alizada (ou Alizadeh) a trouvé un médium parfait pour crier ses combats et raconter son histoire démarrée sous le régime taliban
  • Postée sur internet, la vidéo est vue plus de 8.000 fois le premier jour, tant les mariages forcés sont répandus dans le monde avec 12 millions de mineures mariées chaque année, selon l'Unicef

ARROMANCHES-LES-BAINS: Non au travail des enfants, aux mariages forcés, au renoncement à ses rêves: à travers le rap, Sonita Alizada (ou Alizadeh) a trouvé un médium parfait pour crier ses combats et raconter son histoire démarrée sous le régime taliban.

"Comme toutes les filles, je suis en cage, je ne suis qu'un mouton qu'on élève pour le dévorer", chante-t-elle, en 2014 en Iran, dans "Brides for sale" (Mariées à vendre), en robe de mariée, code-barre et ecchymoses sur le visage. "Relis le Coran! Il ne dit pas que les femmes sont à vendre."

Postée sur internet, la vidéo est vue plus de 8.000 fois le premier jour, tant les mariages forcés sont répandus dans le monde avec 12 millions de mineures mariées chaque année, selon l'Unicef.

Sonita Alizada elle-même a failli être vendue à un homme vers l'âge de 10 ans, puis à 14 ans pour 9.000 dollars.

Repérée par la documentariste iranienne Rokhsareh Ghaem Maghami qui verse 2.000 dollars, elle a droit à six mois de sursis et saisit sa chance lorsqu'une ONG américaine lui propose d'étudier aux Etats-Unis.

Dans l'Utah, les débuts sont difficiles pour celle qui ne sait dire en anglais que "salut, je suis une rappeuse". Elle découvre aussi qu'aux Etats-Unis les mariages de mineures existent.

Elle décide de raconter son histoire dans les écoles, jusqu'au très prisé festival américain du film de Sundance où le documentaire qui lui est consacré, "Sonita", remporte en 2016 le prix du jury.

Ses jeunes années sont marquées par la peur des Talibans et la faim. Née à Herat en 1996, elle a environ cinq ans lorsqu'elle fuit avec ses parents et ses sept frères et sœurs, sans papiers, vers l'Iran.

"On pensait que la vie y serait plus facile, sans guerre mais c'était très difficile de se faire accepter à cause de l'image des Afghans", se rappelle Sonita Alizada, 27 ans, dans un entretien avec l'AFP.

Là aussi, interdiction d'aller à l'école: "Je cirais des chaussures avec mes frères puis je vendais des fleurs." Sa première bonne étoile est une femme qui apprend clandestinement aux filles à lire et à écrire dans une mosquée.

« Toujours en colère »

De retour en Afghanistan, son père, malade, meurt. Son mariage est planifié puis annulé lorsqu'elle retourne en Iran. Sonita y rencontre une association qui lui permet de prendre des cours de guitare en secret... et l'encourage à écrire après avoir remporté un prix de poésie.

Un jour l'artiste en devenir entend le rappeur star Eminem et, sans comprendre les paroles, pense que c'est "probablement la meilleure façon de partager une histoire".

La jeune fille écrit "Brides for sale" même si sa mère, mariée à 12 ans et illettrée, lui interdit de faire du rap. C'est le succès et le départ vers les Etats-Unis.

Devenue sa plus grande admiratrice, sa mère apparaît dans son clip "Run Boy", qui parle des Talibans essayant d'empêcher la scolarisation des filles.

Le 4 juin, elle sera à Caen, dans le nord-ouest de la France, pour le prix Liberté, qu'elle a remporté en 2021. La jeune artiste chantera "Stand up" avec des locaux et le clip de la chanson, filmé sur les plages du Débarquement, sera diffusé devant des vétérans de la Seconde Guerre mondiale.

"Toujours en colère", elle continue de défendre avec le rap et sur les réseaux sociaux la liberté sous toutes ses formes: à l'éducation, à s'exprimer, à choisir son partenaire. Elle a aussi mis en place deux projets en Afghanistan pour aider les enfants et les femmes.

Diplômée l'année dernière en droits humains et en musique à New York, Sonita Alizada veut maintenant étudier la politique à Oxford.

"L'art et la politique vont ensemble. Toute ma musique parle de politique, de faire la différence, de donner de l'espoir, de prendre conscience. Alors j'essaye d'éveiller les consciences à travers la musique", souligne celle qui espère, un jour, pouvoir prendre une part active dans l'avenir de son pays.


Des artistes français présentent une expérience artistique envoûtante à Djeddah

Les œuvres d’art immersives sont réalisées à partir des données biométriques de la danseuse Jeanne Morel, recueillies pendant qu’elle effectuait des mouvements dans des environnements extrêmes, y compris en apesanteur. (Photo fournie)
Les œuvres d’art immersives sont réalisées à partir des données biométriques de la danseuse Jeanne Morel, recueillies pendant qu’elle effectuait des mouvements dans des environnements extrêmes, y compris en apesanteur. (Photo fournie)
Les œuvres d’art immersives sont réalisées à partir des données biométriques de la danseuse Jeanne Morel, recueillies pendant qu’elle effectuait des mouvements dans des environnements extrêmes, y compris en apesanteur. (Photo fournie)
Les œuvres d’art immersives sont réalisées à partir des données biométriques de la danseuse Jeanne Morel, recueillies pendant qu’elle effectuait des mouvements dans des environnements extrêmes, y compris en apesanteur. (Photo fournie)
Les œuvres d’art immersives sont réalisées à partir des données biométriques de la danseuse Jeanne Morel, recueillies pendant qu’elle effectuait des mouvements dans des environnements extrêmes, y compris en apesanteur. (Photo fournie)
Les œuvres d’art immersives sont réalisées à partir des données biométriques de la danseuse Jeanne Morel, recueillies pendant qu’elle effectuait des mouvements dans des environnements extrêmes, y compris en apesanteur. (Photo fournie)
Les œuvres d’art immersives sont réalisées à partir des données biométriques de la danseuse Jeanne Morel, recueillies pendant qu’elle effectuait des mouvements dans des environnements extrêmes, y compris en apesanteur. (Photo fournie)
Les œuvres d’art immersives sont réalisées à partir des données biométriques de la danseuse Jeanne Morel, recueillies pendant qu’elle effectuait des mouvements dans des environnements extrêmes, y compris en apesanteur. (Photo fournie)
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  • «C’est un réel plaisir d’être ici, en particulier à Hayy Jameel, où nous mêlons l’art et la science pour créer une expérience sensorielle sans équivalent»
  • «Nous abordons les données non comme de simples codes, mais comme des sensations, ce qui nous permet de caractériser l’expérience et de la partager»

DJEDDAH: L’artiste Paul Marlier et la danseuse Jeanne Morel présentent une exposition d’art numérique interactive baptisée «ETH3R» au centre culturel de Djeddah, Hayy Jameel.

Les deux créateurs français exposent des œuvres immersives réalisées à partir des données biométriques de Jeanne Morel recueillies pendant qu’elle effectue des mouvements dans des environnements extrêmes, y compris en apesanteur.

Ce mélange unique de technologie et de créativité a captivé le public en raison de la réflexion qu’il offre sur la réalité et du contraste saisissant qu’il présente avec la nature souvent banale de la vie quotidienne.

Dans une interview accordée à Arab News, Paul Marlier évoque le processus créatif qui est à l’origine de cette œuvre numérique. Il explique également comment ces productions sont inspirées par les données humaines et scientifiques qu’il a recueillies.

«C’est un réel plaisir d’être ici, en particulier à Hayy Jameel, où nous mêlons l’art et la science pour créer une expérience sensorielle sans équivalent», déclare-t-il. «Cette expérience représente l’ADN du monde, la danse de nos âmes.»

«ETH3R présente des tableaux, mais aussi des installations dynamiques qui sont dérivées des données biométriques de ma femme, Jeanne Morel, qui danse dans des environnements divers et extrêmes, des profondeurs de l’océan jusque dans les hautes altitudes où s’entraînent les astronautes», poursuit-il.

Paul Marlier a fusionné ces données scientifiques sur la physiologie humaine avec d’autres informations comme la qualité de l’air, l’imagerie satellite et même des faits relatifs à la mer Rouge. «Ces œuvres d’art sont des empreintes émotionnelles qui rappellent des moments de grâce. Il s’agit d’un véritable travail de collaboration.»

Expliquant le processus, il précise: «Jeanne, équipée de capteurs semblables à un pinceau, est le catalyseur. Ses émotions lorsqu’elle danse sont traduites grâce à des codes en art numérique tel qu’on peut le voir dans les peintures. Nous explorons les thèmes de la fragilité, de la spiritualité et de l’unité inhérente entre l’homme et la nature – la danse universelle.»

«Nous abordons les données non comme de simples codes, mais comme des sensations, ce qui nous permet de caractériser l’expérience et de la partager. En recueillant une multitude d’informations de cette danseuse singulière, nous nous efforçons de matérialiser l’essence de la grâce», souligne Paul Marlier.

«La danse est le moyen d’exprimer ses émotions les plus profondes, de manière parfois plus simple qu’avec des mots», explique pour sa part Jeanne Morel.

«C’est l’allégorie de la vie. Elle me permet de rester vivante, connectée aux mouvements du monde. Nos corps sont constamment en train de danser, de bouger, sur cette terre qui elle-même danse autour du soleil et reste en équilibre grâce à la gravité», ajoute la danseuse.

À propos de leur première visite dans le Royaume, Paul Marlier livre cette observation: «Les gens sont très accueillants ici. La spiritualité et la poésie sont très présentes.»

«Nous admirons la spiritualité et l’ouverture d’esprit de ce pays pour tout ce qui touche l’art, notamment l’art numérique», ajoute son épouse.

«Observer des œuvres d’art qui dépassent les frontières a été un voyage envoûtant qui a captivé nos sens et a suscité l’émerveillement face à la fusion de l’art et de la technologie. Les démonstrations en direct et la danse ont été incroyablement relaxantes. Cela nous a permis de nous évader sereinement dans un autre monde, imaginaire», confie Walid Harthi, un passionné d’art.

L’exposition se tient jusqu’au 11 mai.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com