Al-Qaïda au Sahel: un nouveau chef, une stratégie en suspens

Le chef d'Al-Qaida, Ayman al-Zawahiri (G), a prêté allégeance au nouveau chef des talibans afghans Haibatullah Akhundzada (D), dont le prédécesseur, le mollah Mansour, a été tué lors d'une attaque de drones américains. (STR / SITE Groupe de renseignement / Talibans afghans / AFP)
Le chef d'Al-Qaida, Ayman al-Zawahiri (G), a prêté allégeance au nouveau chef des talibans afghans Haibatullah Akhundzada (D), dont le prédécesseur, le mollah Mansour, a été tué lors d'une attaque de drones américains. (STR / SITE Groupe de renseignement / Talibans afghans / AFP)
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Publié le Mardi 24 novembre 2020

Al-Qaïda au Sahel: un nouveau chef, une stratégie en suspens

  • Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a désigné ce week-end son nouveau chef, une figure du djihad algérien connue pour ses interventions publiques
  • «Il est plus connu comme un propagandiste et un pseudo-religieux qu'une figure opérationnelle», écrit Alex Thurston, professeur de sciences politiques

Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a désigné ce week-end son nouveau chef, une figure du djihad algérien connue pour ses interventions publiques, mais dont les objectifs à la tête de la franchise sahélienne du groupe demeurent obscurs. 

Plusieurs mois après la mort de son chef historique, Abdelmalek Droukdal, tué en juin par les forces armées françaises dans le nord du Mali, Aqmi a annoncé la nomination d'Abou Oubaïda Youssef al-Annabi, à la tête de son «conseil des notables» qui tient lieu de comité directeur du groupe.

L'annonce n'a guère surpris, tant Annabi occupait un rang de choix dans l'organisation. 

Outre sa place dans l'organigramme, «c'était aussi l'un de ses responsables médias», relève pour l'AFP Laurence Bindner, co-fondatrice de JOS Project, une plateforme d'analyse de la propagande extrémiste en ligne. «C'est lui qui avait prêté allégeance au chef d'Al-Qaïda centrale Ayman Al-Zawahiri en 2011 au nom du groupe. Et il a fait un nombre important de communiqués, ces dernières années».

Cet ancien membre du GSPC algérien (Groupement salafiste pour la prédication et le combat), né en 1969 dans le nord-ouest du pays, est inscrit sur la liste noire américaine depuis 2015, sur celle des Nations Unies depuis 2016.

Mais sa légitimité en interne n'est pas acquise, face à une jeune génération pas forcément en phase avec la mouvance algérienne d'Aqmi. 

«Il est plus connu comme un propagandiste et un pseudo-religieux qu'une figure opérationnelle», écrit Alex Thurston, professeur de sciences politiques à l'université de Cincinnati (Etats-Unis). Sa prise de pouvoir, écrit-il, traduit aussi une organisation «qui se bat pour trouver une pertinence et manque d'autorité charismatique». 

Depuis des années, l'ambition d'Annabi a fait l'objet de multiples conjectures. Selon le think-tank américain Counter Extremism Project (CEP), on lui prêtait des relations tendues avec son prédécesseur. 

Des sources proches d'Aqmi affirment qu'il avait témoigné de sa volonté de «prendre le pouvoir sur Droukdal dans une vidéo de recrutement en 2010, dans laquelle il appelait, au nom d'Aqmi, la jeunesse musulmanne du Sahara à rejoindre le djihad», fait valoir le CEP. 

Tensions entre terrain et sommet 

Mais les informations sont rares sur cette rivalité. Et ce que deviendra Aqmi dans un avenir proche reste affaire de suppositions.

A commencer par la nature des relations entre l'émir et le touareg malien, Iyad Ag Ghaly. Ce dernier, chef du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Aqmi, jouit en effet d'une grande autonomie d'action et d'une connaissance inégalée des dynamiques locales.

«Il y a toujours eu des tensions entre les hommes du terrain au nord Mali et un émir d'Aqmi qui est très isolé en Algérie», constate à cet égard pour l'AFP, Elie Tenenbaum, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri).

«Est-ce qu'il va changer les noms des chefs de katibas (unités de combattants, ndlr) dans le Sud ? Est-ce qu'il va être tenté de placer des proches ? Est-ce qu'il va changer la donne politique sur le lien avec les alliés locaux d'Aqmi ?», s'interroge-t-il.

Annabi devra aussi se positionner sur les négociations que les autorités maliennes appellent de leurs voeux, mais que Paris, qui déploie plus de 5.000 hommes au Sahel pour la lutte antidjihadiste, dénonce avec force.

En 2019, il avait accordé une interview au journaliste de France 24, Wassim Nasr, expert reconnu du djihadisme. Annabi évoquait notamment des négociations pour la libération de l'otage française, Sophie Pétronin, demandant indirectement la libération de prisonniers, «des vieux, des blessés et des mineurs», détenus au Sahel.

Mme Pétronin a été libérée en octobre en même temps que deux Italiens et un homme politique malien, en échange d'environ 200 détenus, y compris des djihadistes. Paris a affirmé ne pas avoir été associée à l'opération. 

Enfin, Annabi devrait poursuivre les affrontements armés avec l'Etat islamique au grand Sahara (EIGS), en écho à la rivalité planétaire entre la centrale d'Al-Qaïda et celle du groupe Etat islamique.

Du point de vue malien, le GSIM «apparaît aujourd'hui comme le groupe avec lequel on peut parler, à l'inverse de l'EIGS», relève Elie Tenenbaum. La lutte fratricide «ne devrait pas être remise en cause. Le temps de la réconciliation est passé et ne semble plus à l'ordre du jour». 


Liban: deux morts dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud 

Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
Des équipes d'urgence libanaises bouclent le périmètre d'un incendie sur le site des frappes israéliennes suite à des ordres d'évacuation, dans la banlieue sud de Beyrouth, le 27 avril 2025. Photo d'illustration (Photo par AFP)
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  • Deux personnes ont été tuées jeudi dans une frappe israélienne contre un véhicule dans le sud du Liban
  • Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre

BEYROUTH: Deux personnes ont été tuées jeudi dans des frappes israéliennes sur une localité du sud du Liban, a annoncé le ministère libanais de la Santé.

Le ministère a indiqué dans un communiqué qu'une frappe "menée par un drone de l'ennemi israélien contre une voiture dans la localité de Maiss el-Jabal a tué un Libanais et blessé deux Syriens".

Une autre personne a été tuée dans une seconde frappe sur cette localité, a ajouté le ministère dans un autre communiqué.

Israël mène régulièrement des frappes au Liban, principalement dans le sud, affirmant cibler le Hezbollah pro-iranien, plus de cinq mois après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu le 27 novembre.

Au début de la guerre à Gaza en octobre 2023, déclenchée par une attaque sans précédent du Hamas, le Hezbollah a tiré des roquettes à partir du sud du Liban sur Israël, affirmant agir en soutien à son allié palestinien.

Israël a réagi en septembre 2024 par d'intenses bombardements sur le Liban, principalement contre les bastions du Hezbollah, qui est sorti très affaibli de la guerre.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les Etats-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire de cinq positions frontalières où il a maintenu des troupes, malgré l'accord.

Le Liban affirme respecter l'ensemble de ses engagements et impute à Israël la responsabilité du non-respect de l'accord.

Lundi, l'armée israélienne a indiqué avoir frappé plus de 50 "cibles terroristes" en un mois au Liban "après des violations du cessez-le-feu et des accords entre Israël et le Liban, posant une menace pour l'Etat d'Israël et sa population".

 


Les Emirats vont lever l'interdiction à leurs ressortissants de se rendre au Liban

Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi. (AFP)
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  • En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers Riyad
  • Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas

DUBAI: Les Emirats arabes unis vont lever l'interdiction faite à leurs ressortissants de se rendre au Liban, qui avait été imposée lors d'une querelle diplomatique en 2021, selon une déclaration conjointe des deux pays publiée jeudi.

Cette décision a été annoncée au lendemain d'une rencontre à Abou Dhabi entre le président libanais Joseph Aoun et son homologue émirati Mohammed ben Zayed Al-Nahyane.

"Les deux parties sont convenues d'autoriser les citoyens à voyager, après avoir pris les mesures nécessaires pour faciliter les déplacements entre les deux pays et mis en place les mécanismes appropriés", indique le communiqué.

En 2021, les Emirats arabes unis avaient interdit à leurs ressortissants de se rendre au Liban, et rappelé leurs diplomates en poste à Beyrouth en signe de solidarité avec l'Arabie saoudite, après les critiques d'un ministre libanais envers l'intervention militaire de Ryad au Yémen.

Ni Beyrouth ni Abou Dhabi n'avaient interdit les déplacements des Libanais aux Emirats arabes unis, bien que certains aient eu des difficultés à obtenir des visas.

Le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement, qui soutient des projets d'infrastructure dans les pays en développement, enverra une délégation au Liban pour étudier d'éventuels projets communs, ajoute le communiqué.

Les liens entre les deux pays se sont détériorés au cours de la dernière décennie en raison de l'influence du Hezbollah pro-iranien sur le Liban.

Mais depuis que le Hezbollah est sorti affaibli fin novembre de plus d'un an d'hostilités, dont deux mois de guerre ouverte, avec Israël, les Emirats arabes unis manifestent à nouveau leur intérêt pour le Liban, à la suite d'autres pays du Golfe.

En mars, l'Arabie saoudite avait déclaré qu'elle examinerait les "obstacles" à la reprise des importations libanaises et à la levée de l'interdiction faite à ses ressortissants de se rendre au Liban.

M. Aoun avait auparavant rencontré le prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto de l'Arabie saoudite, à Ryad, où il effectuait son premier voyage à l'étranger depuis son entrée en fonction en janvier.

M. Aoun, qui a les faveurs de Ryad et de Washington, a été élu après que l'affaiblissement du Hezbollah et le renversement en Syrie de l'allié du mouvement, Bachar al-Assad, ont modifié l'équilibre des pouvoirs au Liban.

 


Syrie: l'un des principaux chefs religieux druzes dénonce une «campagne génocidaire» contre sa communauté

 Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
Au moins quinze combattants druzes ont été tués mercredi dans une embuscade près de Damas, a rapporté jeudi l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). (AFP)
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  • Des combats avaient opposé mercredi à Sahnaya, près de Damas, des groupes armés liés au pouvoir islamiste sunnite à des combattants druzes, avant un retour à un calme précaire
  • Les 15 combattants druzes, qui se rendaient à Sahnaya, ont été pris pour cible "par les forces de sécurité, et des hommes armés qui leur sont affiliés", selon l'ONG

DAMAS: La plus haute autorité spirituelle des druzes de Syrie a dénoncé jeudi une "campagne génocidaire" contre sa communauté et s'en est pris au pouvoir d'Ahmad al-Chareh, au lendemain de combats confessionnels ayant fait des dizaines de morts près de Damas.

Ces heurts entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite illustrent l'instabilité persistante en Syrie, près de cinq mois après le renversement du président Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite.

Dans un communiqué, cheikh Hikmat al-Hajri a dénoncé une "campagne génocidaire injustifiée" visant des "civils à leur domicile" et réclamé "une intervention immédiate de forces internationales".

"Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement (...) Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, prétend que ce sont des éléments incontrôlés". "Un gouvernement protège son peuple."

Les combats à Jaramana et Sahnaya, où vivent des chrétiens et des druzes, ont réveillé le spectre des massacres qui ont fait début mars plus de 1.700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite. Les violences avaient été déclenchées par des attaques des pro-Assad contre les forces de sécurité.

Affirmant vouloir défendre les druzes, Israël, pays voisin de la Syrie avec laquelle il est techniquement en guerre, a menacé de frapper le pouvoir syrien en cas de nouvelles violences contre cette minorité.

Les druzes sont une minorité ésotérique issue de l'islam chiite et ses membres sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël. Les alaouites sont une autre branche minoritaire de l'islam, tandis que le sunnisme et le chiisme en sont les deux principaux courants.

"Engagement ferme" 

Les combats près de Damas ont été déclenchés lundi soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d'un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l'égard du prophète Mahomet. L'AFP n'a pas pu vérifier l'authenticité du message.

Les heurts à Jaramana ont fait 17 morts mardi avant de s'étendre mercredi à Sahnaya où 22 combattants de deux camps ont péri, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Mercredi aussi, 15 combattants druzes ont péri dans une embuscade sur une route menant à Sahnaya, d'après l'ONG.

Des accords entre représentants des druzes et du pouvoir ont permis de rétablir le calme mardi soir à Jaramana, une banlieue de Damas, et mercredi soir à Sahnaya, à 15 km au sud-ouest de Damas, où des forces de sécurité ont été déployées.

Les autorités syriennes avaient averti qu'elles "frapperaient d'une main de fer tous ceux qui cherchent à saper la stabilité de la Syrie", accusant des "groupes hors-la-loi" d'avoir provoqué les violences.

Le pouvoir syrien a dans ce contexte réaffirmé son "engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze". Il a aussi exprimé "son rejet catégorique de toute ingérence étrangère" après l'intervention militaire israélienne.

"Etendre le chaos" 

Israël a mené plusieurs frappes affirmant cibler des objectifs du pouvoir syrien.

Les druzes d'Israël forment une minorité arabophone d'environ 150.000 personnes réputée pour son patriotisme, et sont surreprésentés dans l'armée et la police par rapport à leur nombre.

Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt, a accusé Israël d'instrumentaliser les druzes de Syrie. "Israël continue de vouloir appliquer son plan de toujours (...) consistant à morceler la région en entités confessionnelles et étendre le chaos", a-t-il déclaré fin mars.

Dès la chute de Bachar al-Assad le 8 décembre, renversé par une coalition de factions rebelles islamistes dirigée par M. Chareh après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a multiplié les gestes d'ouverture envers les druzes.

Mais les dignitaires druzes ont réaffirmé leur attachement à l'unité de la Syrie et rejeté les menaces israéliennes contre le pouvoir syrien.

"En se plaçant en protecteur de la communauté druze, Israël espère à la fois se trouver des alliés locaux, particulièrement dans le sud syrien, mais aussi peser dans la balance à un moment où le futur de la Syrie reste incertain (...)", estime Michael Horowitz, un analyste indépendant.