Paris dénonce une vaste campagne de désinformation russe visant notamment de grands médias

Les hackers produisaient de faux articles sur une page en tout point identique à celles du site officiel de ces médias, mais avec un nom de domaine différent, par exemple .ltd au lieu de .fr (Photo, AFP).
Les hackers produisaient de faux articles sur une page en tout point identique à celles du site officiel de ces médias, mais avec un nom de domaine différent, par exemple .ltd au lieu de .fr (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 14 juin 2023

Paris dénonce une vaste campagne de désinformation russe visant notamment de grands médias

  • La campagne a visé plusieurs sites de médias, mais aussi celui du ministère des Affaires étrangères
  • Jusqu'ici, la France a suivi une doctrine prudente en matière d'attribution d'attaques numériques

PARIS: La France a accusé mardi la Russie d'être derrière une vaste opération d'ingérence numérique à travers notamment la publication de faux articles de grands quotidiens français hostiles à l'Ukraine, des agissements relevant de la "guerre hybride" de Moscou.

"Les autorités françaises ont mis en évidence l'existence d'une campagne numérique de manipulation de l'information contre la France impliquant des acteurs russes et à laquelle des entités étatiques ou affiliées à l'Etat russe ont participé en amplifiant de fausses informations", a dit la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna.

Paris est en "lien étroit" avec ses alliés "pour mettre en échec la guerre hybride menée par la Russie", a-t-elle ajouté.

La campagne a visé des sites de médias, du ministère des Affaires étrangères et d'autres institutions gouvernementales en créant des sites miroirs, a précisé la porte-parole du ministère Anne-Claire Legendre.

La détection le 29 mai d'un site miroir du ministère affirmant, à tort, que la France instaurerait une taxe pour financer l'aide à l'Ukraine a accéléré la décision des autorités de rendre l'affaire publique, selon une source gouvernementale.

Jusqu'ici, Paris a suivi une doctrine prudente en matière d'attribution d'attaques numériques. D'ailleurs, cette déclaration française "ne constitue pas une attribution" aux autorités russes, uniquement accusées pour l'instant d'avoir participé à l'amplification du phénomène, a précisé la source gouvernementale. Mais "nous voulons envoyer un message clair que nous sommes en mesure de détecter", a-t-elle ajouté.

Les investigations mettent en lumière "l'implication d'individus russes ou russophones et de plusieurs sociétés russes dans la réalisation et la conduite de la campagne", selon une note de synthèse de Viginum, l'organisme de lutte contre les ingérences numériques étrangères créé en 2021, qui a conduit l'enquête.

La ministre a souligné "l'implication d'ambassades et de centres culturels russes qui ont activement participé à l'amplification de cette campagne".

Opération «Doppelgänger»

L'opération est plus précisément "la seconde phase d'une campagne déjà connue, mais avec des modes d'action plus sophistiqués", a expliqué à l'AFP une source sécuritaire impliquée dans le dossier.

Il s'agit de l'opération Doppelgänger, terme folklorique désignant le double maléfique d'une personne, déjà documentée en 2022 notamment par le géant américain Meta.

Fin septembre, la maison mère de Facebook a  annoncé avoir démantelé sur sa plateforme une opération " d'influence secrète" provenant de Russie pour amplifier la visibilité de ces articles issus de sites pirates, pour laquelle ses promoteurs, deux sociétés de conseil, avaient dépensé 105.000 dollars.

"Meta espérait que son rapport mettrait fin aux opérations, ce ne fut pas le cas", explique la source sécuritaire.

Au moins quatre quotidiens français, le Parisien, Le Figaro, Le Monde et 20 minutes, ont été victimes de l'opération mais d'autres grands médias ont aussi été visés, notamment allemands (Der Spiegel, Bild, Die Welt...) ou italiens.

Utilisant la pratique du "typosquattage", les hackers produisaient de faux articles sur une page en tout point identique à celles du site officiel de ces médias, mais avec un nom de domaine différent, par exemple .ltd au lieu de .fr.

Ces faux articles sont ensuite diffusés via les réseaux sociaux en essayant de pousser leur viralité, qui semble faible pour l'instant.

«Processus d'industrialisation»

"Le Monde ne peut que condamner ces agissements intolérables et se féliciter que les auteurs de ces tentatives de manipulation soient désormais identifiés", a commenté son directeur Jérôme Fenoglio.

"Nous prenons cette affaire très au sérieux et nous agirons de manière résolue pour faire face à cette usurpation de l'identité de notre marque" a réagi pour l'AFP Ronan Dubois, directeur de la publication de 20 Minutes.

"On a trouvé des dizaines de noms de domaines achetés par les Russes. On n'a pas affaire à des gens qui agissent à dose homéopathique. Ils sont au début d'un processus d'industrialisation", explique à l'AFP la source sécuritaire.

La structure initiale de l'opération est baptisée RRN, du nom du site pro-russe RRN.world (Reliable Recent News) créé quelques mois après le début de la guerre en Ukraine et qui a partagé de nombreuses intox.

Outre le typosquattage, l'opération se traduit par d'autres actions d'influence comme la production de dessins animés anti-Zelensky ou de narratifs pro-russes.

"Il n'y a pas de doute que l'objectif était de mener une campagne de désinformation d'ampleur contre l'opinion française", selon la source gouvernementale.

Cette opération "s'inscrit dans une pensée stratégique russe de long cours", explique à l'AFP le chercheur de l'Ifri, Dimitri Minic, auteur de "Pensée et culture stratégiques russes" (Editions de la Maison des sciences de l'homme).

"Tout cela n'est pas un délire de quelques gens perdus, mais a été mis en doctrine",  "la guerre informationnelle, est le concept qu'ils ont le plus étudié depuis 30 ans", précise-t-il à l'AFP. "Je ne pense pas que cela va avoir beaucoup de succès, mais cela va consolider la base de leurs aficionados en France et en Allemagne, qu'ils surestiment probablement, mais qui existe vraiment".


Mort de Nahel: une reconstitution aura lieu dimanche

La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes. (AFP).
La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes. (AFP).
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  • Le policier mis en examen pour homicide volontaire et ses collègues présents, des témoins... "Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène du crime
  • La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes

NANTERRE: Près d'un an après la mort de Nahel, tué par un tir de policier à Nanterre le 27 juin 2023, la justice réunit dimanche les principaux protagonistes du dossier pour une reconstitution des faits, a appris l'AFP de sources concordantes.

Le policier mis en examen pour homicide volontaire et ses collègues présents, des témoins... "Pour la première fois, toutes les parties seront confrontées à leur déposition sur la scène du crime, c'est un moment fort", souligne Nabil Boudi, avocat de la mère de Nahel.

La diffusion sur les réseaux sociaux d'une vidéo montrant un policier tirant sur l'adolescent de 17 ans à bout portant lors d'un contrôle routier avait engendré plusieurs nuits d'émeutes violentes.

A travers la France, les incendies de bâtiments publics et d'infrastructures ou les pillages de magasins ont causé des dégâts représentant un milliard d'euros, selon le Sénat.

A Nanterre, non loin du rond-point où Nahel a été tué et où aura lieu la reconstitution, certains bâtiments en portent encore les traces.

L'enquête sur la mort de Nahel, devenue un symbole du débat sur les violences policières, doit notamment établir si l'usage de l'arme à feu était légitime.

Une première version policière, selon laquelle l'adolescent aurait foncé sur le motard, a rapidement été infirmée par la vidéo des faits, diffusée sur les réseaux sociaux.

Policier libéré

Pendant cinq mois, le policier auteur du tir, Florian M., âgé de 38 ans au moment des faits, avait été placé en détention provisoire.

Mais en novembre, il a été libéré et placé sous contrôle judiciaire après plusieurs demandes de son conseil.

Les juges qui ont décidé de sa remise en liberté avaient reconnu qu'il existait encore "des divergences entre les différentes versions données", mais que "le risque de concertation" apparaissait désormais, "dans cette configuration, moins prégnant" et "ne saurait justifier la poursuite de la détention provisoire à ce titre".

"L'information judiciaire a progressé", les parties civiles et les deux policiers ayant été auditionnés, ont indiqué les magistrats.

Ils soulignent également que "si le trouble à l'ordre public demeure", "il est moindre qu'à la date du placement en détention provisoire".

Après la libération de Florian M., Mounia, la mère de Nahel qui l'élevait seule, avait appelé à un rassemblement auquel quelques centaines de personnes s'étaient rendues dans le calme.

"Un policier tue un enfant, arabe ou noir, devient millionnaire et sort de prison, retrouve sa famille tranquillement pour les fêtes", avait-elle déploré dans une vidéo, en référence à la cagnotte qui a récolté plus de 1,6 million d'euros en soutien à la famille du policier.

"Elle est très stressée, ça ravive de mauvais souvenirs", estime Me Boudi, son conseil.

L'avocat de Florian M. n'a pas donné suite aux sollicitations de l'AFP.


Occupé par des étudiants pro-Gaza, Sciences Po ferme ses principaux locaux vendredi

Après une mobilisation émaillée de tensions en fin de semaine dernière à Sciences Po, le mouvement avait été suspendu après l'accord de la direction pour organiser un débat interne -- qualifié de "townhall", terme utilisé aux Etats-Unis pour une grande réunion publique. (AFP).
Après une mobilisation émaillée de tensions en fin de semaine dernière à Sciences Po, le mouvement avait été suspendu après l'accord de la direction pour organiser un débat interne -- qualifié de "townhall", terme utilisé aux Etats-Unis pour une grande réunion publique. (AFP).
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  • "Suite au vote de l'occupation des étudiants, les bâtiments du 25, 27, 30, rue Saint-Guillaume et du 56, rue des Saints-Pères, resteront fermés demain, vendredi 3 mai. Nous invitons à rester en télétravail"
  • Après un débat interne sur le Proche-Orient jeudi matin qu'ils ont jugé "décevant, mais sans surprise", les étudiants du comité Palestine de Sciences Po ont annoncé jeudi après-midi le lancement d'un "sit-in pacifique" dans le hall de l'école

PARIS: La direction de Sciences Po Paris a décidé la fermeture de ses principaux locaux vendredi en raison d'une nouvelle occupation par quelques dizaines d'étudiants mobilisés pour Gaza, au moment où le gouvernement redouble de vigilance face aux actions sur les campus français.

"Suite au vote de l'occupation des étudiants, les bâtiments du 25, 27, 30, rue Saint-Guillaume et du 56, rue des Saints-Pères, resteront fermés demain, vendredi 3 mai. Nous invitons à rester en télétravail", indique un message aux salariés, envoyé jeudi soir par la direction des Ressources humaines de Sciences Po.

Après un débat interne sur le Proche-Orient jeudi matin qu'ils ont jugé "décevant, mais sans surprise", les étudiants du comité Palestine de Sciences Po ont annoncé jeudi après-midi le lancement d'un "sit-in pacifique" dans le hall de l'école et le début d'une grève de la faim par six étudiants "en solidarité avec les victimes palestiniennes".

Jeudi soir, l'occupation du campus a été votée par une centaine d'étudiants réunis en assemblée générale, a indiqué à l'AFP une membre du comité Palestine, qui n'a pas donné son nom.

Les grèves de la faim continueront jusqu'à "la tenue d'un vote officiel non anonyme au conseil de l'Institut pour l'investigation des partenariats avec les universités israéliennes", a déclaré Hicham, du comité Palestine.

Après une mobilisation émaillée de tensions en fin de semaine dernière à Sciences Po, le mouvement avait été suspendu après l'accord de la direction pour organiser un débat interne -- qualifié de "townhall", terme utilisé aux Etats-Unis pour une grande réunion publique.

"Ça a été un débat dur, avec des prises de position assez claires, beaucoup d'émotion", a indiqué Jean Bassères, l'administrateur provisoire de Sciences Po, qui accueille quelque 2.000 étudiants à Paris selon le site de l'école. Il a appelé au "calme" avant le début des examens lundi.

300 personnes à la Sorbonne 

M. Bassères a indiqué avoir "pris des positions assez fermes sur certains sujets", en refusant "très clairement la création d'un groupe de travail qui était proposé par certains étudiants pour investiguer nos relations avec les universités israéliennes".

Il en a appelé "à la responsabilité de chacun", dans un contexte de plusieurs actions en France, en écho à la mobilisation des campus aux Etats-Unis où la police s'est déployée sur plusieurs sites.

Non loin de Sciences Po, devant la Sorbonne, où la police était déjà intervenue lundi pour évacuer des manifestants, près de 300 étudiants venus de différents campus se sont réunis jeudi après-midi et ont organisé un campement d'une vingtaine de tentes.

Ils ont été délogés une heure plus tard par plus d'une centaine de membres des forces de l'ordre, selon une journaliste de l'AFP.

La ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau a demandé jeudi matin aux présidents d'université de veiller au "maintien de l'ordre" public, en utilisant "l'étendue la plus complète des pouvoirs" dont ils disposent, lors d'une intervention en visioconférence au conseil d'administration de France Universités.

Actions de Lille à Lyon 

France Universités, qui fédère 116 établissements d'enseignement supérieur dont 74 universités, a "salué la détermination de la ministre à porter une voie équilibrée et ferme pour un retour au calme".

L'Union des étudiants juifs de France (UEJF) organise vendredi une "table du dialogue" place de la Sorbonne, pour "débattre avec les étudiants juifs", "lutter contre la polarisation du débat" et "montrer que l'on peut se mobiliser sans insulter et invectiver".

Les actions se sont multipliées ces derniers jours dans l'Hexagone, principalement sur les sites de Sciences Po à Paris et en régions, et dans quelques universités, dans un contexte politique électrique, La France insoumise étant notamment accusée par la droite d'"instrumentalisation" du mouvement.

Le campus Jourdan de l'Ecole normale supérieure (ENS) a été bloqué jeudi par des étudiants. A Lille, l'Institut d'études politiques a été fermé jeudi et les accès à l'Ecole supérieure de journalisme (ESJ) bloqués.

A Sciences Po Lyon, "une petite centaine" de personnes occupaient jeudi soir un amphithéâtre, a indiqué une représentante du syndicat étudiant Unef à l'AFP. La cheffe des députés LFI Mathilde Panot est venue leur "apporter son soutien" en fin de soirée après un meeting à Vénissieux, a-t-elle indiqué sur X. "Gloire à la jeunesse de ce pays qui défend notre humanité commune", a-t-elle ajouté.

A Saint-Etienne, une poignée d'étudiants ont bloqué jeudi matin les accès à un site universitaire, avant d'être évacués par la police.


Relations UE/Chine: Macron insiste sur la protection des «intérêts stratégiques» de l'Europe

Le président français Emmanuel Macron (CL) serre la main du Premier ministre japonais Fumio Kishida (Photo, AFP).
Le président français Emmanuel Macron (CL) serre la main du Premier ministre japonais Fumio Kishida (Photo, AFP).
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  • La visite d'Etat de XI Jinping vise à célébrer 60 ans de relations diplomatiques bilatérales
  • Les grandes crises internationales, et notamment la guerre en Ukraine, devraient également être au menu des discussions franco-chinoises

PARIS: L'Europe doit défendre ses "intérêts stratégiques" dans ses relations économiques avec la Chine, a déclaré jeudi le président Emmanuel Macron dans une interview à The Economist, à quelques jours d'une visite d'Etat en France du président chinois XI Jinping.

"Il faut être d'un grand pragmatisme et regarder cette question avec nos intérêts stratégiques", dit le chef d'Etat français, interrogé sur l'ouverture ou non du marché européen à la Chine.

"C'est un de mes objectifs principaux en accueillant le président Xi Jinping, il faut tout faire pour engager la Chine sur les grandes questions mondiales et avoir un échange sur nos relations économiques qui reposent sur la réciprocité", ajoute le président, qui accueillera son homologue chinois les 6 et 7 mai.

Et de citer le cas des voitures électriques chinoises, selon lui "taxées à 10%" sur le marché européen alors que leur production est "massivement aidée" par l'exécutif chinois. A l'inverse, les véhicules électriques européens, pour lesquels "l'Europe a des règles qui limitent les aides" à leurs producteurs, sont "taxés à 15%" sur le marché chinois.

Plan

"Aujourd'hui nous devons avoir sur le plan commercial avec la Chine un comportement respectueux, mais de défense de nos intérêts, de réciprocité et de sécurité nationale", insiste M. Macron, qui dit soutenir les enquêtes ouvertes par la Commission européenne sur le véhicule électrique, le photovoltaïque, l'éolien concernant des subventions chinoises soupçonnées de fausser la concurrence.

"Il ne faut pas oublier les enjeux de sécurité nationale", souligne M. Macron. "Il y a de nombreux secteurs pour lesquels la Chine exige que les producteurs soient chinois, parce qu'ils sont trop sensibles. Eh bien nous Européens, nous devons pouvoir faire la même chose."

La visite d'Etat de XI Jinping vise à célébrer 60 ans de relations diplomatiques bilatérales. Il s'agira du début de sa première tournée européenne depuis la pandémie de Covid-19, qui avait vu le géant asiatique couper longuement nombre d'interactions avec le reste du monde.

Les grandes crises internationales, et notamment la guerre en Ukraine, devraient également être au menu des discussions franco-chinoises.

"Notre intérêt est d'obtenir de la Chine qu'elle pèse pour la stabilité de l'ordre international. Ce n'est pas l'intérêt de la Chine aujourd'hui d'avoir une Russie déstabilisatrice de l'ordre international, d'avoir un Iran qui peut se doter de l'arme nucléaire et d'avoir un Moyen-Orient plongeant dans une forme de chaos. Il faut donc travailler avec la Chine pour construire la paix", affirme M. Macron.