Dix ans après la mort de Mandela, un héritage à débattre et à dépasser

Un monument composé de 50 colonnes en acier et intitulé «Libération» de l'artiste sud-africain Marco Ciafanelli, représentant les 27 années derrière les barreaux du premier noir et ancien président sud-africain Nelson Mandela, est visible sur le site de capture de Nelson Mandela à Howick (Photo, AFP).
Un monument composé de 50 colonnes en acier et intitulé «Libération» de l'artiste sud-africain Marco Ciafanelli, représentant les 27 années derrière les barreaux du premier noir et ancien président sud-africain Nelson Mandela, est visible sur le site de capture de Nelson Mandela à Howick (Photo, AFP).
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Publié le Vendredi 01 décembre 2023

Dix ans après la mort de Mandela, un héritage à débattre et à dépasser

  • Beaucoup de ses concitoyens continuent de s'interroger: «Que penserait-il, que ferait-il, la réalité politique serait-elle différente?»
  • «Il est peut-être temps de le laisser partir», estime son archiviste Verne Harris

JOHANNESBURG: Dix ans après la mort de Nelson Mandela, premier président noir d'Afrique du Sud et héros du combat contre l'apartheid, beaucoup de ses concitoyens continuent de s'interroger: "Que penserait-il, que ferait-il, la réalité politique serait-elle différente?"

Mais cette "nostalgie profonde", constatée régulièrement dans le pays où son visage s'affiche encore partout sur les murs, les billets de banque et des dizaines de statues, et le fait de "s'accrocher à ce symbole" peuvent se transformer en "énergie destructrice": "Il est peut-être temps de le laisser partir", estime son archiviste Verne Harris, président par intérim de sa fondation à Johannesburg.

Dans ses locaux s'ouvre vendredi une exposition intitulée sobrement "Mandela est mort", où les visiteurs sont invités à réfléchir à la trace qu'il a laissée.

"Ces dix dernières années, nous avons ressenti le poids de la perte subie et les significations symboliques et pratiques de son absence", cite la présentation. En amont, ses organisateurs ont posé des panneaux dans plusieurs universités pour recueillir des paroles sur ce deuil, mis en perspective.

Cela donne des déclarations éclectiques.

"Son héritage n'a fait que maintenir les pauvres dans la pauvreté et les riches, riches, la liberté n'a rien de gratuit", grince un anonyme sur un panneau entreposé dans le quartier étudiant de Braamfontein à Johannesburg.

"Si chacun ne s'efforce pas de réaliser le rêve d'une Afrique du Sud véritablement libre et progressiste, ce rêve mourra avec Mandela", met en garde un autre message. "Tant de ses rêves restent inaccomplis", critique un autre.

La fondation insiste sur cette nécessité du débat alors qu'une partie de la jeunesse et des partis de gauche reprochent régulièrement à Mandela de n'avoir pas fait assez en mettant fin à l'apartheid, estimant qu'il aurait dû, notamment, s'attaquer à une réforme agraire pour redistribuer des terres aux Noirs.

«Pas un saint»

"Nous encourageons la confrontation des points de vue. Son héritage n'est pas celui d'un saint", recadre Morongwa Phukubye, responsable de la communication de la Fondation Mandela.

L'exposition, qui a vocation à voyager dans le pays, ne cherche ainsi pas à "imposer un récit mais plutôt créer un espace pour écouter ce que les autres ont à dire", souligne Verne Harris, 65 ans, longue tignasse blanche et silhouette filiforme.

Dans les townships, les universités, "nous entendons toutes sortes de discours: +Mandela était un vendu, c'est pour ça que nous avons tant de problèmes aujourd'hui+, +Madiba (son nom de clan) était un grand leader, dommage que ses successeurs aient été si médiocres". Ou encore "Si seulement Madiba avait été plus jeune lorsqu'il a été relâché de prison, nous n'en serions peut-être pas là".

Il est temps de se défaire de la "profonde nostalgie" pour cette figure fondatrice, suggère l'archiviste. Et "chercher de nouveaux modèles".

Verne Harris a participé aux travaux de la Commission de vérité et de réconciliation mise en place après l'apartheid pour examiner les violations des droits de l'homme les plus graves. Plus tard, en 2001, le bureau de Mandela l'appelle pour faire le ménage dans quelques boîtes de documents.

Dans les années qui suivent, il travaille au plus près du géant sud-africain pour organiser le lieu de mémoire aujourd'hui hébergé par le fondation.

Comment vit-il cet anniversaire de sa mort? De manière "profondément ambivalente".

"Je me souviens avoir souhaité, les dernières années, qu'il lâche prise. Sa vie était devenue un fardeau pour lui". Mais "il reste une inspiration" majeure pour l'historien.

La leçon la plus importante retenue auprès de l'ancien prisonnier de Robben Island reste que "l'espoir ne suffit pas", dit-il. "Nous devons être profondément convaincus que même si l'avenir est pire que le présent, il faut continuer à se battre. C'est ce qui permet de tenir bon".


Biden va prononcer un discours axé sur la dénonciation de l'antisémitisme

Le président américain Joe Biden (Photo, AFP).
Le président américain Joe Biden (Photo, AFP).
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  • Son silence pendant plusieurs jours avait attiré des critiques des camps républicain comme démocrate en pleine année électorale
  • Son adresse au Congrès se fait dans le cadre de la cérémonie annuelle des Jours du souvenir, organisée par le musée américain de l'Holocauste au Capitole

WASHINGTON: Joe Biden doit s'exprimer mardi lors d'une cérémonie de commémoration de l'Holocauste pour condamner l'antisémitisme, au moment où la tension demeure sur les campus américains autour d'une vaste mobilisation propalestinienne.

Depuis le Capitole, siège du Congrès américain à Washington, le discours du président américain intervient quelques jours après ses premières remarques sur les protestations estudiantines contre la guerre d'Israël à Gaza.

Son silence pendant plusieurs jours avait attiré des critiques des camps républicain comme démocrate en pleine année électorale.

Son adresse au Congrès se fait dans le cadre de la cérémonie annuelle des Jours du souvenir, organisée par le musée américain de l'Holocauste au Capitole. Le démocrate va se "réengager à tenir à l'esprit les leçons de ce chapitre sombre" de l'Histoire, selon la Maison Blanche.

«Hausse alarmante»

"Il évoquera les horreurs du 7 octobre, quand le Hamas a été à l'origine du jour le plus meurtrier pour le peuple juif depuis l'Holocauste", a déclaré lundi la porte-parole de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre.

"Et il s'exprimera sur le fait que --depuis le 7 octobre-- nous avons constaté une hausse alarmante de l'antisémitisme aux Etats-Unis, dans nos villes, nos quartiers et nos campus", a-t-elle ajouté.

Des étudiants juifs s'alarment d'une augmentation des actes et de la rhétorique antisémite depuis le 7 octobre, et le président israélien Isaac Herzog a dénoncé la semaine dernière "des universités réputées" qui sont selon lui "contaminées par la haine".

Joe Biden "va réaffirmer que nous respectons et protégeons le droit fondamental qu'est la liberté d'expression, mais que l'antisémitisme ne doit être toléré ni sur les campus, ni ailleurs", a déclaré Karine Jean-Pierre.

Nombreux étudiants juifs ont pris part à la mobilisation propalestinienne contre les actions du gouvernement israélien.

Le président américain a évoqué lundi la question de l'antisémitisme lors d'un appel avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Appel au cours duquel Joe Biden a également réitéré sa "position claire" contre une offensive terrestre israélienne à Rafah, selon le compte-rendu de leurs échanges.

Les deux dirigeants ont discuté de l'"engagement partagé" des Etats-Unis et d'Israël à se souvenir des six millions de morts juifs du fait de l'Holocauste perpétré par les nazis" et "à agir avec force contre l'antisémitisme et toutes les formes de violence alimentées par la haine".

«L'ordre doit prévaloir»

Les campus américains sont secoués depuis plusieurs semaines par des manifestations s'opposant à la guerre menée par Israël à Gaza.

A travers le pays, la police a été appelée à plusieurs reprises pour démanteler des campements et déloger manu militari des manifestants.

L'université Columbia à New York, épicentre de ce mouvement estudiantin propalestinien, a annoncé lundi "renoncer" à sa cérémonie en grande pompe de remise de diplômes.

Le prestigieux établissement va privilégier des événements plus modestes pour des raisons de sécurité selon lui, après trois semaines de colère condamnée par Joe Biden et réprimée par la police.

A six mois de la présidentielle, dans des Etats-Unis polarisés, le président démocrate a pris la parole la semaine dernière pour affirmer que "l'ordre devait prévaloir" sur les campus.

"Nous ne sommes pas un pays autoritaire qui réduit les gens au silence", a néanmoins assuré Joe Biden lors d'une courte allocution.

Auparavant, son adversaire républicain Donald Trump l'avait accusé d'inaction face au mouvement propalestinien. "Ce sont des tarés de la gauche radicale et il faut les arrêter maintenant", avait-il lancé à son arrivée à son procès à New York.


Contestation propalestinienne: Columbia à New York annule sa cérémonie de remise de diplômes

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  • Ce mouvement pour la cause palestinienne - qui compte des jeunes arabo-musulmans mais aussi des juifs de gauche antisionistes - cherche dorénavant un nouveau souffle
  • Cette prestigieuse université, financée par de riches donateurs et des investissements, a été secouée des jours durant par des manifestations

NEW YORK: L'université Columbia, épicentre de la contestation propalestinienne sur les campus américains, a annoncé lundi "renoncer" à sa cérémonie en grande pompe de remise de diplômes, après trois semaines de colère étudiante condamnée par Joe Biden et réprimée par la police.

Ces cérémonies constituent le grand rendez-vous institutionnel de la vie universitaire et scolaire des Etats-Unis, où, à la fin du printemps, étudiants et élèves en robe sont mis à l'honneur devant leurs familles.

L'établissement new-yorkais privé et huppé du nord de Manhattan, d'où des militants et des étudiants ont été délogés manu militari le 30 avril au soir par des centaines de policiers anti-émeute, a annulé "la grande cérémonie de l'université prévue le 15 mai".

"Toutes les cérémonies programmées" sur le campus -- désormais sous bonne garde de la police -- seront "déplacées" vers un complexe sportif fermé, a indiqué Columbia, qui compte 37.000 étudiants et des milliers de professeurs et membres du personnel.

Des remises de diplômes plus informelles et "festives" se tiendront du 10 au 16 mai car pour "nos étudiants (...) ces cérémonies à plus petite échelle sont les plus importantes pour eux et leurs familles", s'est justifiée l'université en rappelant que "ces dernières semaines ont été incroyablement difficiles".

Une centaine de personnes furieuses ont protesté à l'extérieur du campus et une pétition a recueilli 1.400 signatures. Ally Woodward, qui étudie les sciences politiques, s'est dite "en colère" contre Columbia qui "a plein d'argent et choisit la plus mauvaise des solutions".

«Tourmente»

Cette prestigieuse université, financée par de riches donateurs et des investissements, a été secouée des jours durant par des manifestations et l'occupation d'une pelouse puis d'un bâtiment.

Avant que la police ne déloge ces militants et étudiants non violents, à la demande écrite de la présidente de Columbia, Minouche Shafik.

Leur "village", un campement de tentes, a été démantelé, comme dans nombre d'universités à travers les Etats-Unis.

Ces images d'interventions policières musclées ont fait le tour du monde.

Columbia est un foyer historique de contestation étudiante depuis la guerre du Vietnam et le mouvement des droits civiques des années 1960-1970. Elle a été l'une des premières universités à gronder au début de la guerre d'Israël contre le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza.

Très critiquée pour avoir appelé la police, la présidente Minouche Shafik, économiste américaine d'origine égyptienne, a invoqué la "tourmente" et l'"acte violent" de protestataires qui ont selon elle déstabilisé Columbia.

Ce mouvement pour la cause palestinienne - qui compte des jeunes arabo-musulmans mais aussi des juifs de gauche antisionistes - cherche dorénavant un nouveau souffle, après que 2.000 personnes ont été interpellées et certaines poursuivies en justice pour "délit d'intrusion".

«Vietnam de Biden»

Ailleurs aux Etats-Unis, des remises de diplômes ont été perturbées comme samedi à l'université du Michigan, où une dizaine de manifestants portant keffiehs et drapeaux palestiniens ont chanté "vous financez un génocide".

D'autres ont brandi en réponse une banderole "les vies juives comptent".

Lundi soir, quelques centaines de personnes parties d'une université publique de Manhattan ont été tenues à distance de l'extravagant gala du Met, rendez-vous planétaire des stars et de la mode.

Outre la fin de la guerre à Gaza, de jeunes Américains exigent que les universités rompent leurs partenariats éducatifs avec Israël et se désengagent d'investissements économiques.

Ils dénoncent l'appui quasiment inconditionnel des Etats-Unis à leur allié israélien, engagé dans une offensive dévastatrice dans la bande de Gaza en représailles à l'attaque du Hamas le 7 octobre sur son sol.

Le président Biden, longtemps silencieux, avait martelé jeudi que "l'ordre devait prévaloir" face au risque du "chaos".

Dans un pays polarisé, à six mois de la présidentielle entre le démocrate et le républicain Donald Trump, la colère d'une partie de la jeunesse contre la guerre à Gaza a ravivé un débat tendu sur la liberté d'expression, l'antisionisme et ce qui constitue de l'antisémitisme.

Pour Donald Trump, les manifestants sont des "tarés de la gauche radicale" et le président républicain de la Chambre des représentants Mike Johnson a dénoncé lundi des "étudiants sympathisant avec le terrorisme".

Pour la sénateur de gauche Bernie Sanders, le mouvement "pourrait être le Vietnam de Biden" qui risque de perdre "non seulement les jeunes, mais aussi une grande partie de la base démocrate".


Une journaliste russe arrêtée pour «justification du terrorisme», selon son avocat

Son ex-mari Maxim Shevchenko, qui présente un talk-show à la télévision d'État, a rejeté les accusations portées contre elle (Photo, X).
Son ex-mari Maxim Shevchenko, qui présente un talk-show à la télévision d'État, a rejeté les accusations portées contre elle (Photo, X).
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  • Les accusations portent sur deux messages parus sur son compte Telegram entre 2018 et 2021
  • L'un de ces messages concernait l'Afghanistan et l'autre relayait une publication sur l'attaque meurtrière de Naltchik

MOSCOU: Une journaliste russe, Nadejda Kevorkova, a été placée en détention et inculpée de "justification du terrorisme", pour des messages qu'elle avait publiés sur les réseaux sociaux, a affirmé son avocat lundi.

Cette reporter de 65 ans, qui a notamment couvert le Moyen-Orient, a travaillé pour des médias russes comme Novaïa Gazeta et Russia Today.

Elle a été "placée en détention et sera emmenée dans un centre de détention provisoire aujourd'hui", a déclaré l'avocat Kaloï Akhilgov.

La question d'éventuelles "restrictions préalables au procès sera décidée demain", a-t-il ajouté.

La "justification du terrorisme" est un crime passible de sept ans d'emprisonnement en Russie.

Les accusations portent sur deux messages parus sur son compte Telegram entre 2018 et 2021, d'après lui.

Répression 

L'un de ces messages concernait l'Afghanistan et l'autre relayait une publication sur l'attaque meurtrière de Naltchik, une ville du Caucase russe où des groupes islamistes avaient donné l'assaut à des bâtiments publics en 2005.

L'ex-mari de Nadejda Kevorkova, Maxime Chevtchenko, qui présente une émission sur la télévision publique, a rejeté les charges pesant sur elle.

Cette dernière n'a "jamais justifié le terrorisme et n'a jamais justifié l'attaque de Naltchik", a-t-il dit.

"Mais en tant que journaliste, elle a certainement écrit sur la torture pendant l'enquête", a ajouté Maxime Chevtchenko.

La campagne de répression de toute voix dissidente, déjà en cours en Russie depuis des années, a pris un tour encore plus drastique depuis le début de l'offensive en Ukraine il y a plus de deux ans.