PARIS: La chanteuse, danseuse et comédienne Nicole Croisille est décédée dans la nuit de mardi à mercredi à 88 ans, laissant son empreinte dans la mémoire populaire avec des tubes mais surtout l'entêtant "dabadabada" du film "Un homme et une femme".
Elue "plus belle de voix de 1975", elle incarnait les chanteuses dites à voix, dans un registre à contre-courant de la vague yéyé mais qui deviendra à la mode deux décennies plus tard avec ses cadettes Patricia Kaas ou Lara Fabian.
"Je n'ai chanté que des chansons d'amour et je sais ce que j'ai apporté aux gens", avait confié, en 2017 à Paris Match, cette célibataire convaincue, sans mari ni enfant.
Ses succès en chansons ont émaillé les années 1970 comme "Parlez-moi de lui" (1973), "Une femme avec toi" (1975) ou encore "Téléphone-moi" (1975).
Au total, une vingtaine d'albums studio sont à mettre son actif.
Sa rencontre avec le cinéaste Claude Lelouch et le compositeur Francis Lai en 1966 est décisive. La musique du film "Un homme et une femme", interprétée par Pierre Barouh et Nicole Croisille, devient culte pour son onomatopée entêtante et chaloupée, transformée au fil du temps en "chabada-bada".
Cet air va abonner Nicole Croisille aux génériques du réalisateur ("Vivre pour vivre", "Les uns et les autres", "Itinéraire d'un enfant gâté", "Il y a des jours et des lunes").
"Sa voix, si singulière, a été le souffle de mes films, la musique de mes émotions.
Ensemble, nous avons créé des instants d'éternité. Son timbre unique donnait vie aux images, transformant chaque séquence en un moment de grâce", a salué Claude Lelouch sur Instagram.
"Sa présence, sa sensibilité, son immense talent ont profondément marqué ma vie.
Nicole était une muse, une amie, une complice. Aujourd'hui, je perds bien plus qu'une voix.
Elle a été la voix de ma vie", a-t-il assuré.
Passion jazz
Née le 9 octobre 1936 à Neuilly-sur-Seine, Nicole Croisille a entamé sa carrière artistique comme danseuse, d'abord au sein du ballet de la Comédie-Française qu'elle intègre à 17 ans. Trois ans plus tard, elle décroche le premier rôle dans "L'Apprenti fakir", une comédie musicale de Jean Marais.
Artiste complète, elle appris à jouer à la Comédie-Française avec le sociétaire Jean Hervé, le mime avec Marcel Marceau, le chant à l'Opéra et la danse dans le cours où sa mère jouait au piano avant de devenir habilleuse chez les Barrault et aux Folies Bergères.
A ses débuts, c'est le jazz qui emporte la jeune Croisille: elle intègre, en 1958, la troupe de Joséphine Baker, qui a contribué à l'éclosion de ce courant musical à Paris, puis le touche du doigt aux Etats-Unis, en tournée avec Marcel Marceau.
Son premier 45 tours, en 1961, est d'ailleurs une adaptation de Ray Charles.
Avec le "Blues du businessman" - le tube de Starmania qu'elle adapte pour "Itinéraire d'un enfant gâté" -, elle signe son dernier grand succès populaire en 1985, avant de retourner à ses premières amours avec des titres jazz ou bossa nova ("Jazzille", 1987, "Black et Blanche", 1991, "Bossa d'hiver", 2008).
Sur sa fin de carrière, cette bosseuse adepte du twist était remontée sur les planches, cette fois comme comédienne dans les théâtres parisiens.
En 1992, elle avait réalisé "son rêve" en incarnant le rôle-titre de "Hello, Dolly!", comédie musicale américaine.
Après un rôle de "vieille dame dévergondée" - selon ses propres mots - dans "Hard", pièce loufoque sur l'industrie du porno, elle avait campé en 2019 une ex-maîtresse d'un riche antiquaire dans la comédie grinçante de Sacha Guitry "N'écoutez pas, Mesdames!", aux côtés de Michel Sardou.
"Je m'amuse comme une petite folle! A mon âge, je n'aime que les gageures!", avait-elle confié à l'AFP juste avant ses 83 ans.