PARIS : L'an dernier, le gouvernement avait fait de la lutte contre le tabagisme sa priorité. En effet, ce fléau est responsable de 75 000 morts par an et coûte 156 milliards d'euros. Il prévoyait de généraliser les espaces publics sans tabac. Cependant, faute de décrets d'application, ces espaces ne voient le jour que localement, au gré de la volonté des maires.
À ce jour, les espaces sans tabac réglementaires tels que les lieux de travail, les établissements et lieux couverts accueillant du public, les transports collectifs, les écoles, les aires de jeux pour enfants (depuis 2015) et les espaces affectés au transport (depuis 2019), « sont à peu près bien respectés », dit à l'AFP Philippe Bergerot, président de la Ligue contre le cancer.
Cependant, il existe encore des « zones grises » : parvis des écoles, abribus non fermés, abords des hôpitaux, etc. Selon un sondage réalisé pour la Ligue contre le cancer, six Français sur dix (62 %) se disent favorables à une interdiction plus stricte de la cigarette dans l'espace public.
En novembre 2023, Aurélien Rousseau, alors ministre de la Santé, a présenté le Programme national de lutte contre le tabac (PNLT) 2023-2027, avec pour ambition de « relever le défi d'une génération débarrassée du tabac dès 2032 ».
Parmi les mesures prévues, la généralisation des espaces sans tabac sur les plages, dans les parcs publics, les forêts et aux abords extérieurs des lieux publics, en particulier les établissements scolaires. Des amendes financières étaient prévues en cas de non-respect de cette interdiction.
« Nous attendions beaucoup de ce PNLT, mais les décrets d'application prévus pour 2024 n'ont toujours pas été publiés », affirme M. Bergerot. « Nous disons régulièrement au ministère : "Ce n'est pas très coûteux, les Français y sont favorables"… Nous ne comprenons pas pourquoi ça bloque. »
« Les espaces sans tabac ont pour objectif principal de protéger les non-fumeurs du tabagisme passif, qui est également meurtrier. Cela permet également de dénormaliser la consommation de tabac et d'amener les fumeurs à envisager d'arrêter progressivement. C'est efficace, ça a été démontré », explique à l'AFP Yves Martinet, président du Comité national contre le tabagisme (CNCT).
En France, l'exposition passive à la fumée du tabac provoque 3 000 à 5 000 morts par an, selon les chiffres officiels. Les enfants, qui sont très sensibles, voient augmenter leurs risques d'infections respiratoires, d'otites, d'asthme, etc. Le risque de mort subite est multiplié par deux pour les nourrissons.
Le 20 février, le CNCT avait dénoncé des propos « indignes d'un cardiologue, et a fortiori d'un ministre de la Santé », à la suite des déclarations de Yannick Neuder. Interrogé sur Sud Radio sur la nécessité d'interdire de fumer sur les terrasses, celui-ci avait déclaré n'être « ni pour, ni contre », ajoutant « Ça fait partie des discussions. Il faut des mesures qui soient acceptables et compatibles avec tout le monde », avant de conclure : « Arrêtons d'emmerder les Français ».
Désireuses d'agir, 1 600 communes volontaires ont élargi l'interdiction de fumer dans les lieux publics à des parcs, plages, pistes de ski, abords d'écoles, etc., soit 7 000 espaces sans tabac, dans le cadre d'expérimentations locales accompagnées par la Ligue.
Celle-ci souhaite également que la cigarette électronique soit bannie, car elle provoque une dépendance à la nicotine similaire à celle des cigarettes et constitue une « dangereuse porte d'entrée vers le tabac ».
La hausse des prix du tabac, l'une des mesures les plus efficaces pour réduire la consommation selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), est également prévue par le PNLT 2023-2027, mais n'a pas été concrétisée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025.
Selon un porte-parole, la ministre Catherine Vautrin (Travail, Santé, Solidarité et familles) devrait « s'exprimer sur le sujet du tabac dans les jours à venir ».
Selon l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), le tabac coûte 156 milliards d'euros par an à la société française (vies perdues, qualité de vie réduite, productivité amoindrie, dépenses publiques de prévention, répression, soins, etc.), et l'alcool 102 milliards.