Les gauches en ordre dispersé face au défi sécuritaire

Les policiers agitent les drapeaux de leurs syndicats lors de leur rassemblement à Paris le 19 mai 2021, pour exiger des sanctions plus sévères contre les attaques dont ils sont victimes. (Photo, AFP)
Les policiers agitent les drapeaux de leurs syndicats lors de leur rassemblement à Paris le 19 mai 2021, pour exiger des sanctions plus sévères contre les attaques dont ils sont victimes. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 20 mai 2021

Les gauches en ordre dispersé face au défi sécuritaire

  • Plusieurs personnalités de gauche étaient présentes au rassemblement de policiers à l'appel de syndicats, mercredi devant l'Assemblée nationale
  • Symbole d'une fracture à gauche sur la sécurité, le rassemblement n'a pas rallié les Insoumis et les écologistes

PARIS : Les responsables socialistes, écologistes, communistes et insoumis tentent tous à leur manière d'être présents sur la sécurité, un thème qu'ils savent incontournable à moins d'un an de la présidentielle.

Est-ce la peur d'un nouveau 21 avril 2002, lorsque Lionel Jospin manqua la qualification au second tour pour, aux dires de certains, n'avoir pas assez parlé de sécurité ? 

Plusieurs personnalités de gauche étaient présentes au rassemblement de policiers à l'appel de syndicats, mercredi devant l'Assemblée nationale : le premier secrétaire du PS Olivier Faure, la maire socialiste de Paris Anne Hidalgo, le candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel ou encore le probable candidat à la primaire écologiste Yannick Jadot.

Au PS, la réflexion sur la sécurité est relancée depuis plusieurs mois, affirme à l'AFP David Habib, secrétaire national chargé de cette question. Le député des Pyrénées Atlantiques a profité de la pandémie pour s'entretenir avec la majeure partie des syndicats de police, une démarche qui a culminé dans un atelier « dense » à l'université d'été de Blois, à la rentrée 2020.

« La sécurité n'est ni de droite ni de gauche, c'est une préoccupation exprimée par les Français, quel que soit leur bord politique », explique David Habib. « Nous la vivons comme une revendication sociale ».

Le PS s'appuie sur une nouvelle génération de maires portés sur le thème de la sécurité, comme les maires de Saint-Denis Mathieu Hanotin et de Montpellier Michaël Delafosse, qui a dit assumer en mars avoir fait campagne sur la sécurité parce que « les classes moyennes et populaires sont les premières victimes de l'insécurité ».

Olivier Faure s'est cependant attiré les foudres des Insoumis et des écologistes pour avoir déclaré pendant la manifestation qu'il fallait ne pas « déposséder la police des peines administrées », et « qu'elle puisse avoir un avis sur la question, jusqu'aux aménagements de peine ».

« Le fond est-il atteint ? Faure propose de rétablir les tribunaux d'exception supprimés par François Mitterrand. Un tribunal contrôlé par les policiers. Au secours, Jaurès », s'est offusqué Jean-Luc Mélenchon.

« Réalistes »

Côté communiste, leur chef Fabien Roussel a consacré à la sécurité ses premières déclarations publiques de candidat à la présidentielle, souhaitant par exemple que l'auteur de l'assassinat de « tout détenteur d'une autorité » soit puni d'une peine de « 30 ans de prison ».

Mais il insiste sur le lien entre la défense des policiers et la défense des services publics en général, thème traditionnel de son parti. « Les fonctionnaires de l'Etat sont souvent mal payés et ce sont eux qui prennent les coups », selon Fabien Roussel.

Symbole d'une fracture à gauche sur la sécurité, le rassemblement policier de mercredi n'a pas rallié les Insoumis et les écologistes, qui ont déploré les revendications de peine minimale, mais aussi plus généralement le climat de surenchère sécuritaire.

Dénonçant le « caractère factieux de la manifestation », Jean-Luc Mélenchon en a aussi profité mercredi pour livrer sa vision des réformes à mener dans la police: « Au quotidien, dans la lutte contre la délinquance, les choses sont mal organisées, le matériel est insuffisant, les locaux désastreux ».

Il avait pris le sujet à bras le corps dès septembre 2020 avec l'organisation d'un colloque sur le sujet, où il a estimé qu'il fallait « changer de pied » par rapport à la « résistance » historique de la gauche de rupture « à la poussée qui s'exerce » sur la sécurité dans le débat public.

Le patron des députés Insoumis a même revendiqué être un « réaliste » en la matière, brocardant l'inefficacité des nombreuses lois jugées répressives des gouvernements successifs, et prônant davantage de police de proximité.

Quant aux écologistes, ils se sont démarqués de l'eurodéputé EELV Yannick Jadot qui s'est rendu mercredi au rassemblement pour, a-t-il expliqué sur France 2, ne pas que « la police soit livrée aux manipulations de l'extrême droite et du gouvernement ».

Pour la numéro 2 du parti Sandra Regol, la sécurité ne tolère pas « de positionnement émotionnel ». EELV est « très attachée à la police républicaine qui fait corps avec la nation », et à ce titre « on ne peut pas tout faire porter sur les policiers, ils ne sont pas formés à être assistants sociaux ou matons », raison pour laquelle la séparation des étapes de la chaîne pénale doit être maintenue.


Macron part «dès ce soir» en Nouvelle-Calédonie pour y installer «une mission»

Emmanuel Macron (Photo, AFP).
Emmanuel Macron (Photo, AFP).
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  • L'état d'urgence ne peut être prolongé au-delà de douze jours sans soumettre un texte au Parlement
  • Une éventuelle prorogation nécessiterait une saisine de l'Assemblée nationale et du Sénat avant le 27 mai

PARIS: Emmanuel Macron va se rendre "dès ce soir" en Nouvelle-Calédonie, secouée par une flambée de violences, pour y installer "une mission", a annoncé mardi la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot.

"Il a été annoncé par le président de la République, en Conseil des ministres, qu'il se rendra sur place (en Nouvelle-Calédonie). Il partira sur place dès ce soir pour y installer une mission", a affirmé Mme Thevenot à l'issue du Conseil des ministres.

Le président part "dans un esprit de responsabilité", a ajouté la porte-parole, sans détailler la "mission" évoquée ni préciser combien de temps le chef de l'Etat resterait sur l'archipel.

Elle a redit que "le retour à l'ordre était le préalable à tout dialogue", alors qu'une réforme électorale contestée par les indépendantistes doit être validée "avant la fin juin" par le Congrès réunissant sénateurs et députés, calendrier fixé par le chef de l'Etat lui-même.

Mais "l'exécutif poursuit (...) la construction de la solution politique pour le territoire", a-t-elle aussi souligné.

La prorogation de l'état d'urgence, décrété mercredi dernier, "n'a pas été abordée" lors de ce Conseil des ministres, a indiqué la porte-parole du gouvernement. "Si la situation doit être encore améliorée, elle est en voie de se normaliser", a-t-elle justifié.

L'état d'urgence ne peut être prolongé au-delà de douze jours sans soumettre un texte au Parlement. Une éventuelle prorogation nécessiterait une saisine de l'Assemblée nationale et du Sénat avant le 27 mai.

Le Premier ministre Gabriel Attal aura "aussi l'occasion d'y aller (dans l'archipel), pas immédiatement mais dans les semaines à venir", a précisé Mme Thevenot, alors que le dossier calédonien n'est plus piloté directement par Matignon depuis 2020 et que trois anciens Premiers ministres plaident pour qu'il soit de nouveau géré par le chef du gouvernement.

Après une semaine d'émeutes en réaction à une réforme du corps électoral qui ont fait six morts dont deux gendarmes, Emmanuel Macron avait constaté lors d'un Conseil de défense lundi "de nets progrès dans le rétablissement de l'ordre" en Nouvelle-Calédonie.

L'exécutif avait à cette occasion décidé de mobiliser "pour un temps" des personnels militaires pour "protéger les bâtiments publics" et soulager ainsi les forces de sécurité intérieure, selon l'Elysée.

«Réparer le dialogue»

L'aéroport international de Nouméa reste toutefois fermé aux vols commerciaux jusqu'à samedi 09H00 (00H00 à Paris), a indiqué mardi le gestionnaire de la plateforme.

Le député calédonien non indépendantiste Philippe Dunoyer (Renaissance), qui plaide aussi pour un report du Congrès, dit "espérer que cette initiative permette d'entreprendre de renouer les fils du dialogue" mais "on ne peut pas tout faire en un mois et le Congrès ne peut pas se tenir avant le 27 juin".

"Ce n'est pas une manière de dire aux indépendantistes +vous avez gagné+, c'est au contraire une opportunité pour le dialogue qu'il faut saisir", a-t-il estimé auprès de l'AFP.

"Maintenant, il faut rassurer, apaiser et réparer le dialogue vers un accord global. Suspendre la réforme et nommer rapidement une mission de dialogue", a réagi sur X le député PS Arthur Delaporte, fustigeant le "temps perdu".

Son collègue LFI Thomas Portes a qualifié au contraire cette visite d'"irresponsable". "La colère ne va faire qu'augmenter avec ce déplacement monarchique".


Inquiétude dans le «Petit Haïti» de Saint-Domingue après le plébiscite du président Abinader

Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier
  • Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937

SAINT-DOMINGUES: Johan Perez surveille les voitures garées dans une rue du "Petit Haïti", un quartier populaire commerçant et anarchique de Saint-Domingue, où vivent et travaillent des centaines de Haïtiens. Il est inquiet.

Après la réélection triomphale au premier tour du président Luis Abinader, qui a fait de la lutte contre l'immigration haïtienne un de ses chevaux de bataille, il craint que le sentiment "anti-haïtien" ne s'intensifie.

C'est une journée ordinaire. L'activité bat son plein dans ce secteur chaotique du centre-ville de la capitale dominicaine, avec des dizaines de boutiques informelles installées devant des entrepôts aux murs écaillés. Ici dans Le "Pequeno Haïti" pendant du "Little Haïti" de New York ou Miami, on vend de tout: de la canne à sucre aux appareils électriques usagés, en passant par les vêtements et les légumes.

La plupart des vendeurs préfèrent se taire, de peur que leur accent créole-français ne les trahisse. Les descentes de police sont monnaie courante. Malheur à celui qui se fait prendre. A chacune d'entre elles, la police embarque les sans-papiers pour les emmener dans un centre de rétention avant de les mettre dans un camion, direction Haïti.

"Les choses se durcissent un peu", explique Johan Perez, 32 ans, de mère dominicaine et de père haïtien, qui vit des pourboires des automobilistes fréquentant la zone. "Le +type+ (Abinader) est plus fort maintenant".

Il raconte que la police a arrêté plusieurs de ses amis il y a quelques jours à peine. Et au coin de la rue, les agents de l'immigration sont entrés dans un petit immeuble et en ont sorti les habitants sans papiers. "Ils les ont jetés la tête la première" dans un bus avec d'autres migrants.

Selon les experts et militants des droits de l'homme, le principal critère des contrôles est la couleur de la peau mais M. Perez souligne que la langue joue également un rôle.

Les expulsions sont passées de 122.000 en 2022 à 250.000 en 2023, selon les données officielles.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2020, le président Abinader a imposé une politique de fermeté à l'égard de la migration haïtienne. Outre les descentes et les expulsions, il a renforcé la présence des forces armées à la frontière et fait construire un mur de 164 km entre les deux pays.

Sa réélection conforte cette fermeté dans un pays où le racisme anti-haïtien s'est propagé et où l'immigration est souvent assimilée à la criminalité.

L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier. Haïti, ancienne colonie française qui s'est émancipée en 1804, a occupé l'actuelle République dominicaine pendant 22 ans jusqu'en 1856, massacrant des milliers de personnes.

«Acide»

Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937.

Les Dominicains parlent souvent de l'immigration haïtienne comme d'une "deuxième invasion".

De nombreux Haïtiens possédant des papiers en règle courent aussi le risque de devenir clandestins, en raison d'un parcours bureaucratique de plus en plus lent et onéreux

C'est le cas de Nicolas Legrand, 60 ans, qui vit à Saint-Domingue depuis 1987. Sa carte de résident a expiré en 2022 et depuis, il ne détient qu'une petite note indiquant que son processus est en cours.

"Si Dieu le veut, la situation s'améliorera à Haïti et j'y retournerai", dit M. Legrand en vendant ses mouchoirs. "Mais ici au moins je suis tranquille".


CPI: les droites françaises rejettent toute «équivalence» entre le Hamas et Israël

Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
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  • La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle «soutient la CPI»
  • «Cette équivalence est proprement insupportable», a renchéri le patron des sénateurs Républicains

PARIS: Les responsables des principaux partis de droite et d'extrême droite français ont dénoncé mardi une "équivalence insupportable" et un "parallèle honteux" après que le procureur de la Cour pénale internationale a réclamé des mandats d'arrêts contre des dirigeants du Hamas et du gouvernement israélien.

Ces réquisitions visent précisément le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant d'une part, et les trois plus hauts chefs du Hamas (Ismaïl Haniyeh, Mohammed Deif, Yahya Sinouar) d'autre part.

La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle "soutient la CPI". Une position dont le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, s'est dit "très étonné", estimant sur RTL "qu'on ne peut pas mettre ce signe égal" entre "un état démocratique agressé et des terroristes".

«Partialité»

"Cette équivalence est proprement insupportable", a renchéri le patron des sénateurs Républicains Bruno Retailleau sur Sud Radio, défendant le "droit d'Israël à se défendre" même si sa riposte à Gaza est "sans doute mal proportionnée".

La tête de liste de son parti aux élection européennes, François-Xavier Bellamy, a lui pointé sur Public Sénat la "partialité manifeste" du procureur de la CPI, dont la position "ressemble à une forme de militantisme inquiétant".

"Faire un parallèle entre les dirigeants israéliens et le Hamas (...) est une honte", a tranché sur CNews et Europe1 sa rivale d'extrême droite Marion Maréchal (Reconquête!), qui "réfute totalement ce qui est insinué à travers cette poursuite, à savoir qu'il y aurait un génocide à Gaza".

A l'inverse, les chefs de file de la gauche française - de l'insoumis Jean-Luc Mélenchon au socialiste Olivier Faure, en passant par le communiste Fabien Roussel - se sont félicités lundi de l'annonce du procureur de la CPI, en particulier à l'encontre de M. Netanyahu.