«Je retrouve ma vie d'avant»: à Paris, la renaissance des immigrés artisans d'art

L'association Fabrique nomade accueille une douzaine de migrants de tous horizons en quête d'une passerelle vers des emplois qu'ils maîtrisent mais qui leur sont fermés. Capture d'écran video AFP
L'association Fabrique nomade accueille une douzaine de migrants de tous horizons en quête d'une passerelle vers des emplois qu'ils maîtrisent mais qui leur sont fermés. Capture d'écran video AFP
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Publié le Vendredi 11 juin 2021

«Je retrouve ma vie d'avant»: à Paris, la renaissance des immigrés artisans d'art

  • Fichu noué sur la tête et marteau en main, Faten Al-Ali brise de petits morceaux de mosaïque, qui formeront bientôt une œuvre
  • Voilà cinq ans que la Syrienne est arrivée en France et, enfin, elle touche du doigt son rêve: renouer avec sa vie d'artiste

PARIS: Fichu noué sur la tête et marteau en main, Faten Al-Ali brise de petits morceaux de mosaïque, qui formeront bientôt une œuvre. Voilà cinq ans que la Syrienne est arrivée en France et, enfin, elle touche du doigt son rêve: renouer avec sa vie d'artiste.

"Je retrouve ma vie d'avant. Le travail, c'est pas juste l'argent, c'est quelque chose d'intime. Etre artiste, j'ai ça dans le sang, je ne peux rien faire d'autre", exulte en français l'ancienne Damascène de 48 ans, dans l'atelier parisien de la Fabrique nomade, une association qui tente de remettre le pied à l'étriller des immigrés artisans d'art.

Poussée à l'exil par la guerre civile, cette mosaïste autodidacte qui travaillait depuis quinze ans le vitrail, la fusion de verre et la céramique avant de quitter la Syrie en 2011, a dû attendre quatre ans en Egypte de pouvoir rejoindre son mari à Paris.

"J'ai beaucoup souffert pour reprendre mon travail, pour apprendre la langue française... Mais maintenant j'apprends de nouvelles choses, les goûts des Français. Il y a de nouveau l'espoir", dit-elle.

L'association accueille une douzaine de migrants de tous horizons en quête, comme elle, d'une passerelle vers des emplois qu'ils maîtrisent mais qui leur sont fermés. 

"Ils rencontrent tous les mêmes freins: la langue, la méconnaissance du marché, l'absence de reconnaissance de l'expérience professionnelle dans le pays d'origine et, surtout, l'orientation vers les secteurs comme le ménage, le BTP, la restauration, l'hôtellerie", regrette Inès Mesmar, fondatrice de la Fabrique nomade. 

«Gâchis»

L'ambition, explique-t-elle, est de "valoriser leurs compétences, leur permettre de s'insérer grâce à leur savoir-faire".

En cinq ans d'existence, l'association s'enorgueillit d'un taux d'insertion professionnelle de 76%, dont 56% dans les métiers d'art. 

Des chiffres d'autant plus encourageants que l'insertion a encore "beaucoup de progrès à faire", selon un rapport parlementaire sur le sujet présenté en septembre dernier, et que l'artisanat "fait face à des besoins importants, avec des métiers pour lesquels il n'y a plus de transmission en France", résume Inès Mesmar.

Son engagement lui vient d'une histoire personnelle: en 2015, au pic de la crise migratoire, l'ethnologue de formation découvre que sa mère était autrefois brodeuse dans la médina de Tunis, avant d'abandonner son métier lorsqu'elle a émigré en France. 

"J'ai pris conscience du gâchis que ça représente, ces personnes obligées d'oublier qui elles sont pour gagner leur vie", raconte la fondatrice de l'initiative, soutenue notamment par le géant LVMH.

Un nom qui fait rêver Hemantha Kuragamage, bijoutier srilankais de 50 ans, qui en paraît dix de moins.

Lui a tout tenté pour revenir à ses premières amours, depuis qu'il a atterri en France en septembre 2016. En vain. "Toutes les entreprises me demandaient un diplôme français", souffle celui qui a tout appris avec son oncle à Colombo, où il a exercé près de vingt-cinq ans.

Il a dû alors se rabattre sur un emploi alimentaire, trois ans comme pizzaïolo.

S'adapter au marché

"Joailler, j'aime ce métier, c'est celui que je connais", dit-il entre deux coups de chalumeau pour façonner une bague. Le reprendre "me permettrait d'avoir une vie meilleure, de gagner plus d'argent, et c'est une façon d'être plus intégré en étant vu comme un vrai professionnel".

Il est proche du but, à en croire Nicolas Tappou, joailler de la prestigieuse maison Chaumet, qui vient une demi-journée par semaine pendant six mois pour accompagner Hemantha et son compatriote Beragama Saman, un taiseux de 45 ans, dont trente à travailler les bijoux.

"Ils connaissent déjà leur métier. Moi j'essaie de leur apporter de nouvelles façons de faire, des touches française et parisienne, sur la haute joaillerie", explique-t-il. Objectif: "adapter leurs techniques" au marché français.

Le formateur en est convaincu, les entreprises ont intérêt à recruter ces profils, qui peuvent "apporter leurs propres techniques et cultures".

Pour Ahmed Ly, Sénégalais longiligne de 35 ans, l'équation est différente. L'industrie du textile manque de main d'œuvre et, avant même d'intégrer la promotion, le couturier a commencé à collaborer avec une styliste parisienne spécialisée dans le tissu wax, aux motifs africains.

"Je veux surtout me faire un carnet d'adresses", anticipe-t-il. "Et si les gens sont épatés par ce que je fais, peut-être que j'arriverai à me faire une vraie place."


L'Arabie saoudite participe à la troisième édition de la parade internationale des chameaux à Paris

Les participants saoudiens au défilé de chameaux de Paris souligneront le rôle du Royaume dans la promotion de la valeur des chameaux en tant que symbole culturel associé à la société saoudienne depuis l'Antiquité. (Photo SPA)
Les participants saoudiens au défilé de chameaux de Paris souligneront le rôle du Royaume dans la promotion de la valeur des chameaux en tant que symbole culturel associé à la société saoudienne depuis l'Antiquité. (Photo SPA)
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  • L'événement de cette année célèbre la décision de l' Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture de faire de 2024 l'Année internationale des camélidés
  • Les représentants saoudiens souligneront le rôle du Royaume dans la promotion de la valeur des chameaux en tant que symbole culturel associé à la société saoudienne depuis l'Antiquité

RIYAD : L'Arabie saoudite participe à une parade spéciale de chameaux en France samedi, pour célébrer la désignation par l'ONU de 2024 comme Année internationale des camélidés.

L'événement à Paris a été organisé par la Fédération française pour le développement des camélidés en France et en Europe, sous l'égide de l'Organisation internationale du chameau, et est parrainé par le ministère saoudien de la Culture et le Club des chameaux du Royaume.

C'est la troisième année que l'événement a lieu.  L'événement a eu lieu pour la première fois en janvier 2019 et s'est répété en 2022. 

Les participants au défilé de chameaux, lamas, alpagas et autres membres de la famille des camélidés devraient comprendre plus de 50 représentants d'organisations liées aux chameaux provenant de plus de 30 pays, ainsi que des éleveurs de chameaux, des fonctionnaires, d'autres parties intéressées par ces animaux et des artistes de diverses branches des arts du spectacle.

Outre l'Arabie saoudite, les pays représentés sont les États-Unis, les Émirats arabes unis, le Qatar, Oman, Bahreïn, le Canada, l'Inde, le Maroc, la Tanzanie, le Pérou, l'Algérie, la République tchèque, le Pakistan, la Tunisie, l'Autriche, l'Espagne, le Burundi, le Sénégal, la République démocratique du Congo, la Mauritanie, la France, le Soudan, le Tchad, l'Angola, le Royaume-Uni et l'Ouganda.

Les représentants saoudiens souligneront le rôle du Royaume dans la promotion de la valeur des chameaux en tant que symbole culturel associé à la société saoudienne depuis l'Antiquité et « qui jouit toujours d'un grand prestige », a rapporté l'agence de presse saoudienne.

Vendredi, la veille du défilé, des discussions publiques ont eu lieu au centre historique du château de Janvry sur l'héritage culturel associé aux chameaux dans le monde et sur les contributions spécifiques des pays participants à l'événement annuel à Paris.

Le défilé sera suivi d'une réception pour les invités, dont les représentants des pays participants, des organisations internationales, des universités, des centres de recherche et du secteur privé, a rapporté l'APS.

L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture a proclamé 2024 Année internationale des camélidés afin d'honorer et de promouvoir ce secteur et de souligner le rôle important qu'il joue dans les efforts déployés pour assurer la sécurité alimentaire et la croissance économique dans de nombreux pays.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com

 


Eurovision: l'Arménie et son choix «surréaliste» du groupe Ladaniva, du nord de la France

Le musicien français Louis Thomas (à droite) et la chanteuse arméniennne Jaklin Baghdasaryan, membres du duo Ladaniva qui représentera l'Arménie à l'Eurovision 2024, posent lors d'une séance photo à Paris le 17 avril 2024. (Photo Joel Saget AFP)
Le musicien français Louis Thomas (à droite) et la chanteuse arméniennne Jaklin Baghdasaryan, membres du duo Ladaniva qui représentera l'Arménie à l'Eurovision 2024, posent lors d'une séance photo à Paris le 17 avril 2024. (Photo Joel Saget AFP)
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  • Jaklin Baghdasaryan, 26 ans, est arrivée à l'âge de 20 ans dans le nord de la France, «à la recherche de liberté et d'une vie meilleure, sans parler un mot de français», raconte-t-elle
  • En 2019, elle enregistre avec Louis Thomas une reprise d'une «vieille chanson arménienne» et la mettent en ligne sur YouTube «à l'arrache, sans préméditation»

PARIS  : Quelques années après un premier succès aussi foudroyant qu'inattendu, porté par la diaspora arménienne, Ladaniva va représenter l'Arménie à l'Eurovision en mai. Pour le duo de Lille, dans le nord de la France, participer n'avait pourtant rien d'une évidence.

Né à Lille en 2019, le groupe est composé de la chanteuse Jaklin Baghdasaryan, Arménienne de naissance mais élevée en Biélorussie, et de Louis Thomas, multi-instrumentiste lillois. Ils étaient loin de s'imaginer qu'ils se trouveraient un jour à porter les couleurs de l'Arménie.

Jaklin Baghdasaryan, 26 ans, est arrivée à l'âge de 20 ans dans le nord de la France, «à la recherche de liberté et d'une vie meilleure, sans parler un mot de français», raconte-t-elle lors d'un entretien avec l'AFP.

«Je ne parle même pas si bien arménien que ça !», ajoute la chanteuse.

Pendant une séance d'improvisation, elle fait la connaissance de Louis Thomas, qui est touché par sa voix. Suivent des voyages, notamment à la Réunion (île française de l'océan Indien) ou en Amérique du sud, sur la trace des «musiques du monde» (chant traditionnel arménien, maloya, reggae...) qui fusionnent dans leur répertoire.

En 2019, ils enregistrent une reprise d'une «vieille chanson arménienne» et la mettent en ligne sur YouTube «à l'arrache, sans préméditation».

Grâce au bouche-à-oreille, le nombre de vues décolle. Les diasporas arméniennes de tous les pays se donnent rendez-vous dans la section des commentaires pour les encourager.

«Alors, on a un peu bidouillé. J'ai écrit mon premier texte, on a mis une composition en ligne», se souvient Jaklin Baghdasaryan.

Rapidement, le clip cumule des millions de visionnages, passe à la télévision arménienne, se retrouve décliné à toutes les sauces sur TikTok en France, en Russie, en Arménie.

«C'était totalement surréaliste», souffle Louis Thomas, 36 ans. «Dès la fin du confinement, on s'est retrouvés signés sur un label (le label indépendant PIAS, NDLR), à jouer aux Trans Musicales (à Rennes, ouest) et au Printemps de Bourges» (centre), deux importants festivals en France.

- «Chevaux noirs» -

En 2022, l'opérateur national arménien de télévision AMPTV leur propose de représenter le pays à l'Eurovision.

«Je regardais l'Eurovision quand j'étais petite avec ma mère», se rappelle Jalkin Baghdasaryan. «Pour ma famille, c'est la réussite de ma vie».

Mais la proposition fait long feu: «on n'arrivait pas à se mettre d'accord au sujet de la chanson. On était d'accord pour que ce soit plus pop que d'habitude mais on voulait que ça reste notre morceau», rembobine-t-elle.

Il faudra s'y reprendre à trois fois pour que l'idée aboutisse, en 2024. Il est vrai que le répertoire du groupe tombe assez loin de l'esthétique du concours organisé cette année en Suède.

«En ligne, beaucoup de gens nous appellent +les chevaux noirs+ (les outsiders, NDLR) de la compétition», s'esclaffe la chanteuse, alors que le duo est classé 17e par les bookmakers, selon le site eurovisionworld.com, derrière le favori suisse Nemo et le Français Slimane (6e).

Fidèle à la spontanéité et à la joie de vivre de leurs débuts, Ladaniva aborde sereinement le concours.

«C'est un peu stressant mais, sur le moment, tu n'y penses pas, remarque Jaklin Baghdasaryan. Tu es comme un taureau dans l'arène, tu fonces». «On y va sans prise de tête, pour partager un bon moment», assure Louis Thomas, davantage emballé par leur projet d'album de reprises de chansons traditionnelles «plutôt dépouillé, minimaliste», loin des paillettes de la compétition.

«Les Arméniens adorent l'Eurovision», poursuit Jalkin Baghdasaryan. «Quand ils viennent nous encourager à la fin des concerts, on sent qu'ils ont plus envie que nous qu'on gagne !»

Dans une compétition traditionnellement chargée d'un poids politique - comme en témoignent les polémiques sur la participation de la Russie après l'invasion de l'Ukraine en 2022 ou d'Israël, en guerre contre le Hamas à Gaza, en 2024 - et alors que l'Arménie et l'Azerbaïdjan sont opposés dans un conflit territorial au Haut-Karabakh, ils refusent toutefois de se voir comme des «représentants».

«Être là, chanter dans ma langue natale, c'est déjà une façon de prendre la parole», dit Jalkin Baghdasaryan. Quant à Louis Thomas, il décrit le moment comme «surréaliste» mais aussi «un honneur».

 


Des auteurs se retirent des prix littéraires PEN America pour protester contre la position de l’organisation sur Gaza

Dans une lettre ouverte adressée au conseil d'administration cette semaine, les écrivains ont demandé la démission de la directrice générale de l'organisation, Suzanne Nossel, de sa présidente, Jennifer Finney Boylan, ainsi que de l'ensemble du comité exécutif. (PEN America)
Dans une lettre ouverte adressée au conseil d'administration cette semaine, les écrivains ont demandé la démission de la directrice générale de l'organisation, Suzanne Nossel, de sa présidente, Jennifer Finney Boylan, ainsi que de l'ensemble du comité exécutif. (PEN America)
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  • Une trentaine d’écrivains ont signé une lettre ouverte qui critique l'organisation en raison de son «échec à dénoncer le génocide du peuple palestinien»
  • Ils appellent la directrice générale, Suzanne Nossel, la présidente, Jennifer Finney Boylan, et l'ensemble du comité exécutif à démissionner

DUBAÏ: Trente auteurs et traducteurs ont signé une lettre ouverte à PEN America dans laquelle ils ont décliné l’invitation ou retiré leurs œuvres de la course aux prix littéraires 2024 de l'organisation en signe de protestation contre son «échec à dénoncer le génocide du peuple palestinien et à défendre nos confrères écrivains à Gaza». 

Dans cette missive adressée au conseil d'administration cette semaine, les signataires «rejettent fermement PEN America pour son incapacité à dénoncer le génocide à Gaza» et réclament la démission de la directrice générale de l'organisation, Suzanne Nossel, de sa présidente, Jennifer Finney Boylan, et de l'ensemble du comité exécutif. 

Parmi les signataires figurent la cofondatrice du festival PEN World Voices, Esther Allen, ainsi que Joseph Earl Thomas, Kelly X. Hui, Nick Mandernach, Alejandro Varela, Maya Binyam et Julia Sanches. 

Allen a annoncé au cours de ce mois avoir décliné le prix PEN/Ralph Manheim de traduction. Dans un message publié sur X le 5 avril, elle a expliqué l’avoir fait en solidarité avec plus de 1 300 écrivains qui avaient critiqué PEN America pour son silence «sur le meurtre génocidaire des Palestiniens» et «en célébration, en mémoire et en deuil de tous les Palestiniens à jamais réduits au silence par les forces israéliennes soutenues par les États-Unis». 

De même, Binyam a récemment retiré son premier roman, Le Bourreau, de la course aux prix PEN/Jean Stein et PEN/Hemingway. 

Dans un courriel adressé à PEN America dont elle a publié une copie sur X le 11 avril, elle a expliqué qu'elle considérait comme «honteux que cette reconnaissance [de son travail] puisse exister sous la bannière de PEN America, dont la direction a été ferme dans son rejet du génocide en cours et de la lutte historique pour la libération de la Palestine». 

Dans leur lettre ouverte cette semaine, les signataires ont affirmé: «Les écrivains ont la responsabilité d’assumer leur rôle de gardiens attentifs de l'histoire pour mieux servir nos communautés». 

Ils ont ajouté qu'ils étaient «solidaires d'une Palestine libre» et qu’ils refusaient d'être «honorés par une organisation qui agit comme une façade culturelle pour l'impérialisme américain» ou «de participer à des célébrations qui serviront à occulter la complicité de PEN dans la normalisation du génocide». 

En réponse, PEN America a déclaré: «Les mots ont de l'importance et cette lettre mérite une attention particulière pour son langage et ses affirmations alarmantes.» 

«La guerre actuelle à Gaza est horrible. Mais nous ne pouvons pas accepter que la réponse à ses dilemmes déchirants et à ses conséquences réside dans la fermeture du dialogue et la suppression des points de vue.» 

«Nous respectons tous les écrivains pour avoir agi en leur âme et conscience et nous continuerons à défendre leur liberté d'expression.» 

Les prix seront remis lors d'une cérémonie qui se tiendra le 29 avril à Manhattan. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com