La réconciliation au prix de l'impunité? En Côte d'Ivoire, la frustration des victimes de violences

Dans ces conditions, au-delà du quartier d'Abobo, beaucoup s'interrogent sur la longévité de cette réconciliation. (Photo, AFP)
Dans ces conditions, au-delà du quartier d'Abobo, beaucoup s'interrogent sur la longévité de cette réconciliation. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 12 juin 2021

La réconciliation au prix de l'impunité? En Côte d'Ivoire, la frustration des victimes de violences

  • «Quand on connait la vérité, c'est plus facile de pardonner. (...). On risque de se réconcilier dans le mensonge»
  • Les anciens adversaires appellent aujourd'hui à la «réconciliation nationale»

ABIDJAN: Comment pardonner sans savoir à qui pardonner? En mars 2011, en pleine crise électorale, les obus pleuvaient sur le quartier d'Abobo, dans le nord d'Abidjan. Mathurin Kouassi ne s'est jamais remis de ses blessures et a encore du mal à accepter que personne n'ait été condamné pour ces violences.

L'abattement de Mathurin Kouassi contraste avec l'énergie qui se dégage de ce quartier populaire coloré. Il cherche ses mots, son regard dans le vide. 

Un obus est tombé près de sa modeste maison alors qu'il tentait de fuir; un éclat lui a fait perdre l'usage de sa main droite. "Je ne peux plus rien faire. La maçonnerie, impossible. Je ne trouve pas de petit boulot", raconte cet homme de 56 ans. 

Il n'a jamais été soigné. "C'était la débandade. A l'hôpital, ils n'opéraient que les cas très graves. Ils ne se sont pas occupés de moi". Il a plus tard touché 150 000 francs CFA (230 euros) du gouvernement.

Ces violences remontent à dix ans: la Côte d'Ivoire sombrait alors dans une crise électorale après le refus de Laurent Gbagbo de reconnaitre sa défaite face à Alassane Ouattara. Cinq mois de violences qui ont fait plus de 3 000 morts dans les deux camps. A Abobo, un quartier considéré comme pro-Ouattara, un marché a été bombardé et des femmes prises pour cible alors qu'elles manifestaient.

La crise a conduit Laurent Gbagbo devant la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, qui l'a jugé pour "crimes contre l'humanité" mais l'a définitivement acquitté en mars. Après une décennie loin de son pays, l'ancien président reviendra jeudi en Côte d'Ivoire. 

Les anciens adversaires appellent aujourd'hui à la "réconciliation nationale".

Loi d'amnistie

Peu de personnes ont été condamnées pour les violences. En avril, un ancien chef de guerre de l'ouest de la Côte d'Ivoire, Amadé Ouérémi, a été condamné à la perpétuité pour la mort en un seul jour, en mars 2011, de 817 personnes à Duékoué, dans une région considérée comme pro-Gbagbo. Mais ce procès a laissé des zones d'ombre sur les commanditaires du massacre. 

En 2018, une loi d'amnistie a conduit à plusieurs libérations dont celle de Simone Gbagbo, l'ex-Première dame, au nom de la "réconciliation nationale".

Le bombardement dont a été victime Mathurin Kouassi a donné lieu à un procès devant un tribunal militaire, mais les accusés ont été relaxés. "Tant qu'on ne connait pas le responsable, on ne peut pas pardonner", tranche-t-il.

Son voisin, Issa Bokoun, propriétaire de la mosquée de la rue, un bâtiment qui en impose avec ses dorures dans un quartier fait d'habitations sommaires, accuse les forces pro-Gbagbo. Elles ont visé la mosquée où il avait accueilli plusieurs personnes du quartier. Issa Bokoun était, explique-t-il, "soupçonné d'héberger des rebelles". 

Lui aussi a été touché par un éclat d'obus. Il n'a pas pu marcher pendant huit mois. 

Issa Bokoun a témoigné devant le tribunal militaire. "On ne sait pas pourquoi ils ont été relaxés. (...) La première semaine, ça m'a choqué". Peu après, avec d'autres victimes, il a été invité à la présidence par Alassane Ouattara. "Il nous a demandé de pardonner, pour la réconciliation nationale".

Préparer la réconciliation

"On ne saura jamais la vérité", déplore Aboubakari Sylla, de l'association de défense des victimes Jeruci à Abobo. "Or quand on connait la vérité, c'est plus facile de pardonner. (...). On risque de se réconcilier dans le mensonge". 

Dans ces conditions, au-delà du quartier d'Abobo, beaucoup s'interrogent sur la longévité de cette réconciliation. "En l'absence de véritables procédures judiciaires crédibles et d'un processus politique qui mette le doigt sur ce qui n'a pas fonctionné, (...) je crains qu'il n'y ait pas de raisons d'être optimiste sur la possibilité de maintenir la paix et la stabilité politique sur une longue durée", estime ainsi Gilles Yabi, fondateur du centre d'analyse politique ouest-africain Wathi.

La présidentielle du 31 octobre 2020, boycottée par l'opposition et qui a abouti à la réélection d'Alassane Ouattara pour un troisième mandat controversé, a ainsi été marquée par des violences ayant fait une centaine de morts.

En trente ans, il y a eu plusieurs lois d'amnistie, note Issiaka Diaby, du Collectif des victimes de Côte d'Ivoire. "Cela crée une impunité et ouvre la voie à d'autres crimes".

Pour le retour de Laurent Gbagbo, il compte aller à l'aéroport et manifester pour l'application de la condamnation de l'ex-président à 20 ans de prison pour le "braquage" de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) lors de la crise électorale. Les autorités ont laissé entendre que cette condamnation serait levée. 


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.