France: la participation s'effondre aux élections régionales

Le président français Emmanuel Macron salue un électeur au bureau de vote du Touquet, lors du premier tour des élections régionales françaises le 20 juin 2021 (Photo, AFP)
Le président français Emmanuel Macron salue un électeur au bureau de vote du Touquet, lors du premier tour des élections régionales françaises le 20 juin 2021 (Photo, AFP)
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Publié le Dimanche 20 juin 2021

France: la participation s'effondre aux élections régionales

Le président français Emmanuel Macron salue un électeur au bureau de vote du Touquet, lors du premier tour des élections régionales françaises le 20 juin 2021 (Photo, AFP)
  • Ces élections sont «un pas vers les présidentielles» analysait dans la matinée Yahia Decayeux, commerçant du marché de Saint-Denis
  • Pour 51% des Français, une victoire du RN aux régionales ne serait pas «un danger pour la démocratie»

PARIS: La participation s'effondrait dimanche pour le premier tour des élections régionales en France, un scrutin où l'extrême-droite pourrait réaliser une percée, à moins d'un an de la présidentielle. 

A 17H00 (15H00 GMT), elle n'était que de 26,72%, bien loin des chiffres supérieurs à 40% des précédentes élections régionales de 2015. 

Les bureaux de vote ont ouvert à 08H00 (06H00 GMT) pour ce scrutin retardé de trois mois en raison de la crise sanitaire, et qui se tient à la proportionnelle sur deux tours, les 20 et 27 juin. Les estimations de résultat seront rendues publiques à 18H00 GMT. 

Lors de ce scrutin qui n'attirent généralement pas les quelque 48 millions d'électeurs appelés à élire pour six ans les conseillers des treize régions de la France métropolitaine et de deux d'outre-mer, compétents dans des domaines comme les transports publics, les collèges et lycées, ou l'aménagement du territoire. 

« Ce dont j'ai peur, c'est surtout de l'abstention record », anticipait Marie-Claire Diaz, une électrice de Saint-Denis, commune limitrophe de Paris. 

Il « faut bien faire ce geste citoyen, c'est quand même important. Moi j'ai plein d'amis qui refusent d'aller voter, qui ne savent plus, qui sont perdus enfin qui se trouvent toutes les excuses du monde pour ne pas y aller », se désolait Pierre David, un électeur marseillais. 

Malgré cela, ces élections, régionales et départementales, sont inévitablement perçues dans la perspective de l'échéance capitale de l'élection présidentielle 2022, à laquelle devrait selon toute vraisemblance participer Emmanuel Macron, et alors que l'extrême-droite emmenée par Marine Le Pen n'a cessé de gagner de l'ampleur au fil des ans. 

 

La classe politique s'«inquiète» de l'abstention record

La classe politique dans son ensemble a déploré dimanche soir l'abstention record qui a marqué le premier tour des élections régionales et départementales, l'opposition en imputant la responsabilité à l'exécutif. 

Quelques secondes seulement après 20H, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a fait état sur Twitter d'un niveau d'abstention, compris entre 66,1% et 68,6% selon les estimations des instituts de sondage, «  particulièrement préoccupant ». 

« Notre travail collectif doit être tourné vers la mobilisation des Français pour le second tour », prévu dimanche prochain, a-t-il ajouté. 

Invitée sur France 2, la ministre déléguée à la Citoyenneté Marlène Schiappa a estimé que cette abstention invitait « toutes et tous à une forme d'humilité ». Le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a de son côté évoqué une abstention « abyssale ».  

La faute au gouvernement, ont répliqué en choeur le patron des Républicains (LR) Christian Jacob et le chef de file de la France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon qui n'ont pas mâché leurs mots.  

L'exécutif « a une responsabilité énorme », a dénoncé le premier sur TF1, jugeant « indigne d'une grande démocratie » le couac dans la distribution de la propagande électorale qui dans certaines régions n'a pas été faite. 

« Le gouvernement a une responsabilité », a abondé Jean-Luc Mélenchon sur Twitter, épinglant une « mauvaise organisation : tantôt les professions de foi qui n’arrivent pas, tantôt les bulletins pas présents dans les bureaux de vote. » 

« À ceux qui pourraient se satisfaire de cette situation, je rappellerai qu’une démocratie sans électeur n’est pas une démocratie », a ajouté M. Mélenchon, réclamant une commission d'enquête sur les conditions dans lesquelles s'est déroulé le vote.  

Côté Ecologistes, l'eurodéputé EELV Yannick Jadot s'est inquiété d'une « forme de schisme qui s'installe », selon lui, « entre la classe politique et les Françaises et les Français. » 

Sur France 2, l'écologiste a expliqué la forte abstention par « une incroyable incompréhension de ce que sont aujourd'hui nos collectivités ». 

L'ancien numéro deux du Rassemblement national (RN) et maire de Perpignan Louis Aliot a également estimé qu'au-delà des résultats « la plus grosse inquiétude » restait « l'abstention ». 

Concernant les premiers résultats, qui donnent la droite largement en tête, le RN en recul et signe une déconvenue pour la majorité présidentielle, Christian Jacob s'est réjoui que LR soit « de très loin le parti qui recueille le plus de voix ». 

Dans les Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qui est arrivé nettement devant le candidat RN Sébastien Chenu, s'est quant à lui félicité d'être parvenu à « desserrer pour les briser les mâchoires du FN, leur démagogie, leurs propositions stériles, leur intolérance ». 

« Un pas vers les présidentielles »  

Ces élections sont « un pas vers les présidentielles » analysait dans la matinée Yahia Decayeux, commerçant du marché de Saint-Denis. 

Le Rassemblement national (RN, extrême droite) de la finaliste de la présidentielle de 2017, Marine Le Pen, a le vent en poupe, surtout que l'abstention tend à faire le jeu des extrêmes, tandis que le parti du président Emmanuel Macron, La République en marche, tout jeune et sans réelle assise territoriale n'est pas dans une posture favorable. 

La gauche est quant à elle éclatée, sans leader et la droite historique divisée sur l'attitude à adopter face au RN: le Rassemblement national ambitionne bel et bien de briser le front républicain qui lui avait barré la route en 2015. 

Pour la première fois, il pourrait diriger plusieurs régions, favorisé par le scrutin à la proportionnelle qui donne une prime de 25% des sièges à la liste recueillant le plus grand nombre de voix. 

Il est donné en tête au premier tour dans six régions, notamment en Provence-Alpes-Côte-d'Azur où l'extrême droite est un acteur important depuis plus de trente ans.  

Pour 51% des Français, une victoire du RN aux régionales ne serait pas « un danger pour la démocratie ». 

De quoi inquiéter Emmanuel Macron qui, sans être officiellement candidat pour 2022, est déjà talonné par son ancienne adversaire de 2017. Mais « il faut prendre d'énormes pincettes pour tirer des conclusions nationales et présidentielles », met en garde Antoine Bristielle, directeur de l'Observatoire de l'opinion à la Fondation Jean-Jaurès. Le président a voté avec sa femme Brigitte dans la station balnéaire du Touquet, dans le Nord, où ils ont une résidence. 

Le scrutin, doublé d'élections départementales, s'ouvre au terme d'une campagne très atypique: les mesures sanitaires ont empêché meetings et porte-à-porte, les candidats ont arpenté les marchés, tracts à la main mais masques sur le visage...  

Les rares retrouvailles avec les électeurs ont été émaillées d'incidents dans un pays où les tensions sociales semblent avoir été exacerbées par la crise sanitaire. Au moins trois personnalités politiques ont été enfarinées tandis que le chef de l'Etat lui-même a été giflé lors d'un déplacement. 

Ce premier tour a aussi été marqué par quelques incidents dans l'organisation, comme des bureaux de vote qui n'ont pas ouvert à l'heure ou des bulletins manquants. 


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.