Le Brexit, casse-tête de nombreuses entreprises britanniques

Le PDG de Ridgeview Winery, Tamara Roberts, pose pour une photo parmi leurs vignes dans leur vignoble près de Burgess Hill, dans le sud de l'Angleterre (AFP)
Le PDG de Ridgeview Winery, Tamara Roberts, pose pour une photo parmi leurs vignes dans leur vignoble près de Burgess Hill, dans le sud de l'Angleterre (AFP)
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Publié le Mercredi 23 juin 2021

Le Brexit, casse-tête de nombreuses entreprises britanniques

  • D'un côté, davantage de touristes britanniques et de demande intérieure, de l'autre, une pénurie de travailleurs saisonniers, une inflation des coûts et des tracasseries administratives
  • L'impact du Brexit reste d'autant plus flou qu'il dépendra des accords commerciaux signés individuellement par le Royaume-Uni avec les autres pays, comme ceux qui viennent d'être trouvés avec la Norvège ou l'Australie

BURGESS HILL : Une dizaine de visiteurs venus déguster le vin pétillant maison croisent une femme à genoux en train de couper les feuilles abîmées au milieu des vignes: une image qui résume le casse-tête du Brexit pour l'exploitation viticole anglaise Ridgeview.

D'un côté, davantage de touristes britanniques et de demande intérieure, de l'autre, une pénurie de travailleurs saisonniers, une inflation des coûts et des tracasseries administratives.

Ces problèmes bouleversent la vie de nombreuses entreprises à travers le pays depuis la sortie effective du marché unique européen par le Royaume-Uni début janvier, sans qu'il soit encore possible de savoir s'ils seront passagers ou durables.

"Nous n'avions pas de problème de recrutement, c'est seulement depuis cette année qu'on a vu des pénuries de main d'oeuvre", explique Tamara Roberts, la directrice générale de cette exploitation familiale située tout au sud de l'Angleterre.

"C'est vraiment compliqué avec la pandémie, les restrictions aux voyages, de voir d'où les pressions viennent mais on pense que le Brexit a incité les gens à rester chez eux car on n'a pas rendu les choses faciles pour qu'ils viennent".

Il y a pile cinq ans, lors du référendum sur le Brexit qui a déchiré le Royaume-Uni et dont les répercussions politiques et économiques sont loin d'être terminées, l'industrie viticole britannique n'avait pas pris position. Elle se débat à présent avec les conséquences de la sortie de l'UE.

"Nous avons un peu de temps pour évaluer nos options et travailler avec des agences de recrutement" pour trouver une vingtaine de saisonniers jusqu'aux vendanges en septembre et octobre, mais "nous n'avons pas de solution pour l'instant", déplore Mme Roberts.

"Nous n'avons pas non plus été en mesure de recruter un chef, et on n'a pas pu développer notre offre de ce côté-là comme on l'aurait souhaité", ajoute-t-elle. "Il y a une pression pour augmenter les salaires, car nous sommes tous en concurrence pour recruter les mêmes gens", admet-elle. 

Parallèlement, les coûts de logistique ont triplé, selon elle, car les procédures d'exportation de la production ou d'importation de machines, bouteilles et autres sont devenues si compliquées que Ridgeview doit maintenant passer par des intermédiaires.

Aux tracasseries administratives qui étaient la cibles des "Brexiters" fâchés contre Bruxelles et sa paperasserie s'ajoutent de nouvelles complications bureaucratiques: "que ce soit en Allemagne, en France ou en Hollande l'interprétation des règles" post-Brexit issues de l'accord commercial signé à Noël "est très différente".

«Menace existentielle»

Pour les petites entreprises, l'addition monte rapidement et compresse les marges.

"On aura probablement une idée d'ici la fin de l'année de ce qui est du long terme ou du court terme", estime Mme Roberts.

Le bon côté, c'est que la demande intérieure a bondi vu les difficultés d'importer du vin étranger, notamment les achats en ligne - comme en témoigne plus largement le net recul du commerce entre le Royaume-Uni et l'UE depuis le début de l'année.

"L'hôtellerie-restauration n'a pas totalement rouvert" à la suite de la pandémie, "et nous espérons voir une reprise de ce côté, nous pensons qu'elle arrivera avant celle des exportations", poursuit Mme Roberts.

La directrice remarque aussi que l'impact du Brexit reste d'autant plus flou qu'il dépendra des accords commerciaux signés individuellement par le Royaume-Uni avec les autres pays, comme ceux qui viennent d'être trouvés avec la Norvège ou l'Australie, ou celui négociations avec les Etats-Unis.

Plus au nord du pays, à Boston, Ian Collinson, patron d'une exploitation de production de fleurs, fait état des mêmes difficultés à trouver des saisonniers pour ses pics de demande: la Saint-Valentin, la Fête des mères, etc.

Le Brexit a été "positif du point de vue de la demande qui est forte en raison des difficultés nouvelles pour importer", mais la "question des travailleurs n'est pas résolue et c'est une menace existentielle pour notre industrie".

Il envisage de rationaliser sa production et de la cesser dans certains variétés qui demandent plus de travail manuel, au profit de "variétés plus mécanisées comme les lys".

A Londres, Sanjay Nairi, patron d'une société de BTP, déplore aussi des difficultés d'approvisionnement en matériaux.

"Le bois ou encore le ciment qui viennent du continent arrivent avec du retard, les chaînes d'approvisionnement ne sont plus fiables et les coûts augmentent", s'agace le dirigeant de Refurb-it-all. Et lui aussi se débat avec les pénuries de main d'oeuvre. "J'ai perdu sept ouvriers à cause du Brexit", sur une vingtaine d'employés.

Or la demande, notamment de particuliers propriétaires ayant mis de l'argent de côté pendant la crise et souhaitant rénover leur maison, est importante.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".