Le méga-plan européen sera-t-il bien utilisé? L'Espagne sceptique, l'Italie confiante

«Super Mario» Draghi, considéré comme le sauveur de la zone euro lors de la crise de la dette, a justement été appelé à la rescousse pour mettre en place le plan de relance. (Photo, AFP)
«Super Mario» Draghi, considéré comme le sauveur de la zone euro lors de la crise de la dette, a justement été appelé à la rescousse pour mettre en place le plan de relance. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 24 juin 2021

Le méga-plan européen sera-t-il bien utilisé? L'Espagne sceptique, l'Italie confiante

  • Beaucoup d'économistes craignent que ces fonds profitent surtout aux grandes entreprises alors que les PME sont ultra-majoritaires en Espagne
  • Les deux pays vont recevoir près de la moitié des 750 milliards d'euros prévus par Bruxelles pour relancer l'économie européenne, via un mécanisme inédit d'emprunt commun

MADRID: L'Italie et l'Espagne, principales bénéficiaires du massif plan de relance européen post-pandémie, réussiront-elles à utiliser efficacement ce déluge d'argent? A Madrid, la question suscite les doutes des économistes, alors qu'à Rome, la méthode Draghi fait l'unanimité.

Les deux pays vont recevoir près de la moitié des 750 milliards d'euros prévus par Bruxelles pour relancer l'économie européenne ébranlée par la Covid-19, via un mécanisme inédit d'emprunt commun.

L'Italie touchera 191,5 milliards d'euros sous forme de subventions et prêts, et l'Espagne jusqu'à 140 milliards.

"Nous sommes conscients que l'UE joue son avenir avec la mise en oeuvre correcte de ces fonds", a déclaré vendredi le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, soulignant que l'Italie et l'Espagne étaient "des pays clés".

"Nous avons tous une responsabilité envers les citoyens européens qui paient des impôts pour financer notre plan national", a renchéri Mario Draghi mardi.

La Commission européenne vient de donner son feu vert aux plans des deux pays, qui comptent investir l'argent dans la transition écologique et numérique ainsi que les infrastructures.

Mais en Espagne, les critiques sont nombreuses.

"Ces fonds sont survendus (...) et n'auront pas tant d'impact sur l'économie que cela", estime Fernando Fernandez, économiste de l'IE Business School.

Les premiers versements doivent intervenir en juillet mais la majeure partie des fonds prévus pour 2021 n'arrivera sans doute pas avant la fin de l'année, lorsque la reprise économique sera probablement déjà en marche, regrette-t-il.

optimisme simpliste

En outre, "le plan pêche parfois par un certain optimisme simpliste, tenant pour acquis qu'il suffit d'avoir la ferme intention d'être plus vert et plus digital pour que tous nos problèmes se règlent par magie", a estimé Angel de la Fuente, directeur du think tank Fedea, dans le quotidien El Pais.

Car les problèmes profonds de l'économie espagnole sont tout autres: précarité du marché du travail, chômage des jeunes, éducation à la traîne et système de retraites en péril.

Pedro Sanchez a beau répéter que son projet comprend "100 réformes structurelles", ces réformes sont "à la marge, suffisantes pour obtenir l'accord de la Commission européenne, mais pas pour impulser un réel changement de compétitivité en Espagne", juge Toni Roldan, directeur du centre de recherche en politique économique EsadeEcPol.

Pour Fernando Fernandez, "les investissements se résument à la rénovation énergétique de logement, la voiture électrique et la 5G. C'est très bien, mais cela ne crée pas d'emplois à long terme".

Beaucoup d'économistes craignent que ces fonds profitent surtout aux grandes entreprises alors que les PME sont ultra-majoritaires en Espagne.

Les critiques pointent aussi le manque de concertation politique autour du plan, conçu par Pedro Sanchez et sa ministre de l'Economie pratiquement sans consultation des autres forces politiques.

En Italie, la perception est très différente: "Super Mario" Draghi, considéré comme le sauveur de la zone euro lors de la crise de la dette, a justement été appelé à la rescousse pour mettre en place le plan de relance, qui avait cristallisé les tensions politiques, provoquant même la chute du précédent gouvernement en janvier.

Bureaucratie

"L'engagement politique fort et le leadership de Draghi, auxquels s'ajoutent les subventions et les prêts généreux de l'UE, peuvent donner à l'Italie une meilleure chance de mettre en œuvre son plan qu’auparavant", estime l’ancien économiste en chef du Trésor italien Lorenzo Codogno.

Si Rome s'est montré dans le passé peu efficace dans la gestion de fonds européens, l'arrivée de M. Draghi pourrait changer la donne, estiment les experts.

Le chef du gouvernement a nommé une trentaine de commissaires dotés de pouvoirs spéciaux pour ressusciter 57 projets d'infrastructures, enlisés dans les méandres de la légendaire bureaucratie italienne, et pris une série de décrets pour simplifier et accélérer les procédures.

Un pas "dans la bonne direction, pour débloquer le début des projets et démarrer les investissements", estime Carlo Altomonte, de l'université Bocconi à Milan.

"Le problème de la bureaucratie demeure, mais il semble que certains obstacles pourront être surmontés et certaines procédures rationalisées", espère Lucia Tajoli, de l’école Polytechnique de Milan.

La pression sur Rome est énorme: "Si le plan italien devait échouer, ça mettrait en cause toute la politique européenne de dette commune", affirme Carlo Altomonte.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.