Réseaux sociaux : pourquoi les parents doivent apprendre à leurs enfants que «voir n’est pas toujours croire»

Les réseaux sociaux sont devenus un moyen important pour les adolescents d'interagir avec des individus et avec le monde en général. (Shutterstock)
Les réseaux sociaux sont devenus un moyen important pour les adolescents d'interagir avec des individus et avec le monde en général. (Shutterstock)
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Publié le Vendredi 25 juin 2021

Réseaux sociaux : pourquoi les parents doivent apprendre à leurs enfants que «voir n’est pas toujours croire»

  • Pendant leur adolescence, alors que les enfants commencent à devenir plus indépendants, il leur arrive d’être particulièrement vulnérables aux sentiments les plus négatifs
  • En Arabie saoudite comme partout ailleurs, il est courant que les influenceurs travaillent soigneusement l'image qu'ils présentent au monde

DJEDDAH: Les enfants peuvent subir de nombreuses formes d'influence au cours de leurs années de formation, bonnes ou mauvaises. Pendant leur adolescence, alors qu'ils commencent à devenir plus indépendants, il leur arrive d’être particulièrement vulnérables aux sentiments les plus négatifs.

Pour cette raison, il est important que les parents, en particulier dans les sociétés musulmanes relativement conservatrices comme l'Arabie saoudite, surveillent la vie et les relations de leurs enfants, afin de prévenir rapidement tout effet collatéral.

Dans notre monde moderne, cependant, ce n'est pas toujours facile.

Les réseaux sociaux sont devenus un moyen important – sans doute le moyen principal –pour les adolescents d'interagir avec d'autres individus et avec le monde en général, et il peut être difficile pour les parents de garder un œil sur les personnes que leurs enfants suivent.

Il existe de nombreux types d'influenceurs et de célébrités sur Internet dans des communautés en ligne qui couvrent un large éventail d'intérêts et de secteurs.

Les plus influents de tous sont sans doute ceux qui se concentrent sur le secteur de la mode et de la beauté.

Quête de la perfection physique

Avec un public souvent obnubilé par l'apparence et la quête de la perfection physique, ces domaines rencontrent logiquement un grand succès auprès de si nombreux internautes.

Mais les apparences peuvent être trompeuses. En Arabie saoudite comme partout ailleurs, il est courant que les influenceurs travaillent soigneusement l'image qu'ils présentent au monde.

Ils procèdent parfois à la manipulation numérique de leurs portraits photographiques pour apparaître aussi beaux que possible – parfois au point de devenir méconnaissables.

Cela crée une vision extrêmement peu réaliste de l'apparence et de la beauté. Voilà qui peut faire naître une pression sur des adolescents qui pourraient craindre de ne pas être à la hauteur de cette projection idéalisée et déformée de la perfection physique. Dans certains cas, cette pression peut entraîner des problèmes de santé physique et mentale.

«Ils retouchent tous leurs photos et ils y sont parfaits, mais, quand vous les voyez dans la vraie vie, ils ne ressemblent pas du tout à ça», déclare Céline Baroudi, 17 ans, à Arab News.

Une perfection irréaliste et inaccessible

Même si les adolescents savent peut-être que les influenceurs sont rarement aussi beaux dans la vraie vie que sur les photos qu’ils ont soigneusement choisies et retouchées sur les réseaux sociaux, il est toujours possible qu’ils soient affectés par des images d'une perfection irréaliste et inaccessible.

«Nous savons qu'elles ne ressemblent pas à ça; pourtant, je vois à quel point elles sont belles et je me demande toujours: “Pourquoi ne puis-je pas leur ressembler? Pourquoi est-ce que je ne peux pas être belle comme ça?”», raconte Baroudi.

«J'ai une amie absolument magnifique mais qui veut quand même leur ressembler [aux influenceuses]. Elle a donc arrêté de manger et s'entraîne jusqu'à ce qu'elle s'évanouisse. J'ai traversé une phase similaire pendant le Ramadan. Ce n'était pas agréable», ajoute-t-elle.

Certains pourraient se demander pourquoi, si les adolescents sont conscients que les photos d'influenceurs sont souvent manipulées et ne reflètent pas fidèlement la réalité, ils ne font pas tout simplement abstraction de ces normes irréalistes.

Selon Zeena Hachem, spécialiste en psychothérapie pour adolescents du Centre de thérapie pour adultes et enfants de Djeddah, ce n'est pas si simple. Elle rappelle les résultats d'une enquête nationale réalisée en 2017 par Oraynab Abou Abbas et Fadia al-Buhairan et qui porte sur le bien-être mental des adolescents du Royaume à l'ère des réseaux sociaux.

«G.I. Joe Fallacy»

«Ils ont interrogé 12 121 adolescents en Arabie saoudite et ils ont découvert que 60,4% d'entre eux n’étaient pas satisfaits de leur image corporelle, ce qui les rend tristes ou désespérés», déclare Hachem.

La raison pour laquelle les jeunes ne peuvent tout simplement pas ignorer les images présentées par les influenceurs, même lorsqu'ils savent qu'elles ont été manipulées numériquement, est un phénomène connu en psychologie sous le nom de «G.I. Joe Fallacy» (qui peut se traduire par «idée fausse de G.I. Joe», NDLR), explique-t-elle. Il fait référence à l’illusion selon laquelle le simple fait de connaître un préjugé suffit à le surmonter. Le nom est dérivé de la série d'animation américaine G.I. Joe, dont chaque épisode comprenait une annonce d'intérêt public et se terminait par ces mots: “Maintenant, vous le savez. Et savoir, c’est une bataille à moitié gagnée.”»

«La conscience de la réalité de votre cerveau ne signifie pas qu'il l'accepte», affirme Hachem. «Donc, même si les adolescents savent que ces influenceurs ajoutent des filtres ou «photoshopent» leurs photos, cela ne les empêche pas de se sentir en insécurité.» Elle ajoute que le développement du cerveau pendant l'adolescence joue également un rôle dans la façon dont les jeunes réagissent aux images trompeuses.

«Dans leurs cerveaux, les connexions de la substance blanche (responsables du transport de l'influx nerveux entre les neurones) et les synapses (point de communication entre deux neurones voisins) augmentent», explique Hachem.

«Cela a un impact considérable sur la contrôle de leur comportement, car ils sont encore dans une phase d'apprentissage et de sensibilité. Toutefois, sur un plan psychologique, étant donné qu'ils deviennent lentement adultes, ils veulent se retrouver et se séparer de leurs parents. Alors, ils partent à la recherche de toute forme d'influence à l'extérieur de la maison – et les figures présentes sur les réseaux sociaux sont les plus accessibles», ajoute la spécialiste.

Nature trompeuse d'Internet

Hachem conseille fortement aux parents d’éduquer leurs enfants afin de les préparer psychologiquement à la nature trompeuse d'Internet et de prévenir tout effet néfaste sur leur bien-être mental.

Noha Ali confie qu'elle a du mal avec la façon dont elle perçoit son corps parce qu'elle se compare aux influenceuses qu'elle suit.

«Je sais que rien de tout cela n'est réel», déclare la jeune femme, âgée de 19 ans. «Mais, pour une raison quelconque, chaque fois que je vois leurs photos, je veux toujours leur ressembler. Cela m’affecte de manière inconsciente. Je me demande pourquoi je ne peux pas leur ressembler, et je finis par me sentir contrariée.»

Lara Kokandy, 16 ans, indique pour sa part: «Elles établissent des normes corporelles irréalistes. Et je dis “irréaliste” parce qu'elles “photoshopent” leur corps sans se rendre compte de l'impact que cela peut avoir sur les jeunes qui les suivent. Beaucoup de mes amis et moi nous sentons parfois tristes à cause de cela.»

De tels sentiments sont courants. La thérapeute Alia Mustafa, spécialiste de l'art-thérapie pour enfants, déclare que l'insatisfaction corporelle chez les adolescents peut être la source de nombreux problèmes.

Boulimie nerveuse, anorexie mentale

«Aujourd'hui, les adolescents appartiennent à une génération obsédée par l'image qui accompagne constamment des influenceurs “parfaits”. Cela peut conduire à de nombreux autres troubles: boulimie nerveuse, anorexie mentale, ainsi qu'un trouble dysmorphique corporel», prévient-elle.

«Ce n'est pas seulement l'apparence physique des influenceurs qui peut affecter le bien-être mental des adolescents», ajoute-t-elle, «mais également les modes de vie luxueux qu'ils incarnent et promeuvent. Par exemple, le désir d'une patiente adolescente d'imiter le mode de vie d'une influenceuse l’a menée à la dépression. À chaque séance, ma cliente discutait avec moi de toutes les nouvelles qu'elle avait lues au sujet d’une influenceuse qui l'obsédait, elle et ses amis. Elles avaient pris sa vie pour modèle et souhaitaient la reproduire», explique Mustafa.

«Au cours d’une séances, elle m’a révélé à quel point elle était en colère contre ses parents parce qu’ils ne lui avaient pas offert le même style de vie. Cela a accru sa dépression; elle se reprochait constamment de ne pas vivre comme son idole. Les adolescents admirent les influenceurs et cela les amène à vouloir imiter leur mode de vie.»

Lojain Ahmed ne cache pas son désir de vivre comme les influenceurs qu'elle suit. «Je regarde le style de vie fastueux de certains influenceurs», déclare cette jeune de 17 ans. «C'est bizarre de les voir voyager partout dans le monde et d’acheter tout ce qu’ils veulent, en particulier les influenceurs qui ont mon âge. Cela me fait penser à ma propre vie et ce que je n'ai pas ou ce que je ne fais pas, et aux raisons pour lesquelles je ne peux pas avoir ce qu'ils ont ni faire ce qu'ils font», raconte-t-elle.

Comme la plupart des choses dans la vie, Internet et les médias sociaux ont des aspects positifs et négatifs. Dans le cas de ces influenceurs, il est important de rappeler que voir n’est pas toujours croire.


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi. 


L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle

L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
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  • Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif.
  • « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018.

RIYAD : Ce mois-ci, l'artiste saoudienne Ahaad Alamoudi fait monter la température au Basel Social Club qui se tient jusqu'au 21 juin dans la ville suisse avec sa dernière installation, « The Social Health Club ». 

Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif. Elle marque également une première pour l'artiste avec un élément de performance en direct.

Basée à Djeddah, Alamoudi est connue pour créer des installations multimédias immersives s'inspirant de la dynamique complexe de son pays natal en pleine évolution. « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018, notamment divers équipements de sport, dont un rameur.

« Ce sont des pièces que j'ai chinées dans des brocantes. J'aime le fait qu'aucune instruction n'accompagne ces machines : je ne connais ni leur nom, ni leur provenance, ni leur fabricant. Mais elles font désormais partie du paysage urbain dans lequel j'évolue. J'ai essayé de créer un espace ludique », a-t-elle déclaré à Arab News. 

Dans « The Social Health Club », les équipements, peints principalement dans un jaune vif et saturé, restent intacts, symbolisant une culture obsédée par l'auto-optimisation. Au cœur de l'installation se trouve un caméo représentant un fer à repasser peint en jaune, déjà présent dans son œuvre vidéo de 2020 intitulée « Makwah Man » (Makwah signifie « fer à repasser » en arabe).

« Beaucoup de mes œuvres sont issues d'un récit que je crée dans une vidéo. Dans « Makwah Man », cet homme vêtu d'une thobe jaune repasse un long morceau de tissu jaune au milieu du désert. Et pendant qu'il repasse, il nous dit comment vivre notre vie. Mais en nous disant comment vivre notre vie, il commence aussi à remettre en question la sienne, à comprendre le rôle du pouvoir, à prendre conscience de la pression du changement et de l'adaptation », explique Alamoudi. 

« Le jaune est présent dans la vidéo, mais l'artiste porte également une thobe jaune. Il y a aussi, dans cette version présentée à Art Basel, un portant de thobes jaunes qui tournent dans l'exposition. Pour moi, la thobe jaune est un symbole unificateur. J'essaie de dire que nous vivons tous cela différemment. Ainsi, dans la performance (pour « The Social Health Club »), un culturiste local vêtu d'une thobe jaune fera des exercices sur ces machines. Il n'a pas de règles à suivre. Il ne connaît rien, ne sait pas comment utiliser « correctement » l'équipement. Il entrera dans l'espace et utilisera les machines comme il le pourra.

« La performance sera enregistrée. Mais je pense que c'est plutôt une activation », a-t-elle poursuivi. « Ce n'est pas l'œuvre elle-même. L'œuvre existe sous la forme des machines. 

« Le Social Health Club » a été créé en étroite collaboration avec la conservatrice Amal Khalaf. Ensemble, ils se sont rendus à Djeddah où Alamoudi a pu découvrir avec elle des « machines un peu inhabituelles, différentes des machines classiques que l'on trouve dans les salles de sport et dont tout le monde connaît immédiatement l'utilité », explique Alamoudi.

« Elle est vraiment incroyable », a-t-elle poursuivi. « Nous avons vraiment construit cet espace ensemble. En gros, j'ai principalement créé la vidéo ; tout le reste a été construit à partir de là. Elle m'a beaucoup aidée. Elle s'est vraiment intéressée aux changements sociaux et à la manière dont nous les abordons. Notre collaboration a été parfaite. »

Le jaune domine chaque centimètre carré de l'œuvre, de manière délibérée et intense. 

« Je suis obsédé par les symboles dans certaines de mes œuvres. Et cela s'accompagne également d'une couleur », explique Alamoudi. « Je voulais mettre en valeur quelque chose de luxueux, de coloré, presque comme de l'or, mais qui n'est pas de l'or. Son apparence est assez austère. » 

Le jaune est à la fois une invitation et un avertissement. « Je pense que le jaune est également assez trompeur. J'aime cette couleur qui incite les gens à s'approcher pour voir ce qui se passe, mais qui les amène en même temps à se demander ce que c'est  elle est si agressive qu'elle en devient un peu inconfortable. »

L'interaction du spectateur est essentielle à la signification de l'œuvre. 

« Je pense que les machines représentent quelque chose et qu'elles véhiculent quelque chose, mais elles sont en réalité activées par les gens, par ce que les gens font avec elles », explique Alamoudi. « C'est pourquoi j'encourage beaucoup de spectateurs à interagir avec les œuvres, à les utiliser ou à essayer de les utiliser sans aucune instruction. Beaucoup de personnes qui entrent dans l'espace peuvent avoir peur de les toucher ou d'interagir avec elles. La présence de l'artiste qui active les structures ajoute une autre dimension à l'œuvre elle-même. »

Elle espère que les visiteurs se sentiront libres d'explorer les œuvres, sans être encombrés par des attentes.

« Les gens sont censés les utiliser à leur guise. Ils peuvent s'asseoir dessus, se tenir debout dessus, les toucher — ils peuvent aussi les laisser tranquilles », conclut-elle en riant. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com