Après le crash des régionales, Macron joue la relance avant la présidentielle

Le président français Emmanuel Macron écoute un employé de Renault à Douai, où l'entreprise fabrique des véhicules électriques. (AFP).
Le président français Emmanuel Macron écoute un employé de Renault à Douai, où l'entreprise fabrique des véhicules électriques. (AFP).
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Publié le Lundi 28 juin 2021

Après le crash des régionales, Macron joue la relance avant la présidentielle

  • «Le problème c'est que les résultats des régionales», qui ont requinqué droite et gauche, «fragilisent notre attractivité»
  • Balayant l'idée d'un grand remaniement, M. Macron doit également préciser son projet pour la rentrée

DOUAI: Occultant les mauvais résultats de la majorité aux régionales, Emmanuel Macron prépare le tournant de l'après-crise, en mettant l'accent dès lundi sur la relance, lors d'un déplacement à Douai (Nord) au parfum de campagne présidentielle, avant un forum "Choose France" dans la soirée.

Certes les objectifs de départ n'étaient guère élevés pour M. Macron, dans ce scrutin promis aux sortants qui ont géré la crise sanitaire. Mais l'incapacité de la majorité à troubler le moindre match, doublée des scores flatteurs obtenus par de potentiels rivaux à droite pour 2022, encouragent le chef de l'Etat à clore rapidement le chapitre et à se tourner vers la suite, avec la relance post-Covid.

C'est donc un président à la manoeuvre sur le front économique qui s'est affiché lundi matin à Douai sur le site de Renault pour annoncer l'implantation d'une méga-usine de batteries sino-japonaise, avec deux milliards d'euros d'investissements et 1.000 emplois à la clé d'ici 2024, lançant une semaine axée sur le thème de l'attractivité française.

Lundi soir, il recevra également 150 patrons à Versailles pour "Choose France", inaugurera mardi les locaux de la banque JP Morgan puis terminera vendredi par l'exposition de produits "Made in France" à l'Elysée, l'occasion d'insister sur le rebond des créations d'emplois et de valoriser son bilan.

Signe que le coup d'envoi de la présidentielle du printemps 2022 est donné, il a retrouvé lundi matin dans le Nord Xavier Bertrand, président réélu des Hauts-de-France et surtout adversaire à droite pour 2022. M. Bertrand, qui compte faire des régionales sa rampe de lancement, ne s'est pas privé de chiper à M. Macron la primeur de l'annonce de l'arrivée du groupe sino-japonais Envision à Douai, nouvelle preuve que "la guerre est déclarée depuis un moment", dit aux Echos celui qui espère chambouler le duel Macron-Le Pen.

Balayant l'idée d'un grand remaniement, M. Macron doit également préciser son projet pour la rentrée. "Je crois qu'il fait encore des allers-retours dans sa tête", assure ainsi un proche.

"Le pays étant à un tournant, le président de la République s'exprimera (...) dans le courant du mois de juillet (...) sur le cap qui va nous amener dans les 10 prochains mois jusqu'à l'élection présidentielle", a indiqué le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal lundi sur FranceInfo.

Wauquiez refuse de participer à une «course de vitesse»

Laurent Wauquiez, qui a décroché dimanche un second mandat à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a indiqué lundi qu'il n'était "pas dans une course de vitesse", après l'appel de son homologue des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, également réélu, à "former une belle équipe" pour 2022.

"Evidemment ce qu'on fait dans notre Région est lié à ce qui se passe au niveau national. (...) Mais pour moi, c'est très important qu'il y ait de la constance. (...) Ce matin, je suis là comme président de région sur le terrain et je ne veux pas de ces espèces de course de vitesse où à peine élu, on passe à autre chose", a déclaré l'ancien président des Républicains devant la presse lors d'une visite d'un centre de surveillance de la sûreté ferroviaire à la gare Part-Dieu.

"Je pense qu'il n'y a pas d'avenir pour la politique ni au niveau local, ni au niveau national, si on bascule dans une espèce de course de petits chevaux de bois où à peine on a sauté une haie, on passe à une autre", a-t-il insisté, en se fixant d'abord "l'impératif d'honorer" ses engagements.

Lundi matin, Xavier Bertrand, en route vers la présidentielle après avoir été aisément réélu avec un score de 52,37%, a appelé M. Wauquiez et Valérie Pécresse, également réélue en Ile-de-France, à former "une belle équipe" pour 2022.

Meilleur espoir de la droite en 2022 selon les sondages, en dépit de son départ de LR en 2017, Xavier Bertrand a annoncé dès mars sa volonté d'être "le troisième homme" de la présidentielle, à condition de remporter un second mandat régional. 

La question des retraites

Parmi les sujets laissés en suspens par la crise sanitaire, la réforme des retraites, qui divise l'entourage du chef de l'Etat tant sur sa forme que sur le calendrier.

"Il faut la faire, mais il faut aussi choisir le bon moment", a résumé Jean Castex auprès de Figaro, tout en affirmant que "ce ne sera pas la même" que celle initiée par son prédécesseur Edouard Philippe. 

Alors que les comptes sociaux ont été considérablement grevés par la Covid-19, une partie de la majorité plaide pour un relèvement de l'âge de départ, mesure qui pourrait être prise dès le vote du prochain budget à l'automne.

Les régionales à peine bouclées, la bataille présidentielle peut commencer

Les élections régionales sont à peine bouclées que la bataille pour la présidentielle démarre: Emmanuel Macron est dès lundi sur les terres de Xavier Bertrand, candidat déclaré pour 2022, qui appelle de son côté ses homologues de droite à le rallier.

L'une d'eux, la présidente de l'Ile-France Valérie Pécresse, n'exclut pas de se lancer elle-même après l'été.

Avec une abstention vertigineuse - autour de 66% -, difficile de tirer des enseignements du second tour de ce scrutin local pour la présidentielle, soulignent toutefois les politologues.

"Ce que certains vont présenter comme le retour de la gauche et de la droite ne se traduit pas dans les sondages pour 2022. Les élections sont de plus en plus déconnectées les unes des autres", souligne Chloé Morin, politologue associée à la Fondation Jean-Jaurès.

Les présidents sortants sont, eux, confortés, tous réélus dans les treize régions métropolitaines, qu'il s'agisse de la droite et du centre (sept régions) ou de la gauche (cinq régions), qui peut même se targuer de voir la Réunion basculer dans son escarcelle.

Pour LREM, c'est la déroute, le parti présidentiel ayant été absent au premier tour en Paca, éliminé dans les Hauts-de-France, en Auvergne-Rhône-Alpes ou en Occitanie, et n'affichant que de faibles scores là où il est parvenu à concourir.

«Match à trois»

Occupant le terrain économique, il a visité dès lundi matin une usine de batteries électriques à Douai (Nord), notamment en compagnie de... Xavier Bertrand.

M. Bertrand avait conditionné la concrétisation de ses ambitions présidentielles à sa réélection à la tête de sa région. Pari tenu, avec plus de 52% dimanche après avoir "plié le match" dès le 1er tour.

Dès dimanche soir, il a dit vouloir aller à "la rencontre de tous les Français", alors que pour lui "la présidentielle est désormais un match à trois", le match "à deux" Macron/Le Pen ayant "du plomb dans l'aile".

Et tôt lundi matin, il a appelé la présidente réélue de l'Ile-de-France Valérie Pécresse (Libres!, ex-LR) et son homologue en Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez (LR) à former "une belle équipe" avec lui pour 2022.

Réponse de Valérie Pécresse dans la foulée: "Pour moi tout commence aujourd'hui".

Notant qu'"il n'y a pas d'homme providentiel aujourd'hui", Mme Pécresse (45,9% dimanche contre 33,7% à la liste d'union de la gauche emmenée par l'écologiste Julien Bayou) veut "réfléchir cet été" et "consulter pour la suite" avant de décider d'une éventuelle candidature à la rentrée.

Elle prône d'ici là un travail "collectif" de la droite et du centre "pendant la période estivale" pour "définir ensemble les règles du jeu" qui permettront de choisir un candidat commun pour 2022.

«Plafond vert»

Autre prétendant possible à droite pour 2022, Laurent Wauquiez a été réélu haut la main en Auvergne-Rhône-Alpes, avec un score de 55,17% contre 33,65% à la liste d'union de la candidate écologiste Fabienne Grébert.

La droite peut enfin aussi se satisfaire des victoires de Jean Rottner (40,30%) dans le Grand Est et Hervé Morin (44,26%) en Normandie.

Au RN, qui espérait briser le plafond de verre et enclencher une dynamique en vue de la présidentielle, la présidente Marine Le Pen a donné "rendez-vous aux Français, dès demain, pour construire tous ensemble l'alternance dont la France a besoin".

Alain Rousset en Nouvelle-Aquitaine (39,5%), Carole Delga en Occitanie (57,8%), François Bonneau en Centre-Val de Loire (39,15%), Marie-Guite Dufay en Bourgogne-Franche-Comté (42,2%) et Loïg Chesnais-Girard en Bretagne (29,8%) ont tous fini en tête, même si ce dernier n'aura qu'une majorité relative.

"Là, il y a une bonne ambiance, les boîtes ont envie d’investir, les gens de bosser, de partir en vacances, de revivre. Il faut laisser cette dynamique prospérer, on ne peut pas faire ça maintenant", rétorque un proche du président.

Dans un calendrier parlementaire restreint, comprenant des textes toujours en navette comme la loi Climat, M. Macron n'a plus guère d'espace pour un projet de loi d'ampleur. Des avancées sur la prise en charge de la dépendance, des signaux en direction de la jeunesse comme l'extension de la "garantie jeunes" sont attendus, alors que l'exécutif cherche également à occuper le terrain sécuritaire face à la pression exercée sur sa droite.

Dans le même temps, M. Macron espère aussi oeuvrer à la consolidation, voire l'élargissement de sa majorité en vue de 2022. 

"Le problème c'est que les résultats des régionales", qui ont requinqué droite et gauche, "fragilisent notre attractivité", souligne un proche du président. Avant d'ajouter, inquiet: "et l'hypothèse que Macron n'est qu'une parenthèse dans l'histoire revient dans le jeu".


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.