Présidentielle 2022: l'abstention, la grande inconnue qui pèsera lourd

Son niveau pèsera lourd sur l'issue de ce scrutin, mais aussi sur la légitimité du régime. LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
Son niveau pèsera lourd sur l'issue de ce scrutin, mais aussi sur la légitimité du régime. LUDOVIC MARIN / POOL / AFP
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Publié le Vendredi 16 juillet 2021

Présidentielle 2022: l'abstention, la grande inconnue qui pèsera lourd

  • A moins de dix mois du 1er tour, la question angoisse les politiques : l'élection présidentielle, «la seule qui compte vraiment pour les électeurs», sera-t-elle à son tour naufragée par l'abstention
  • Son niveau pèsera lourd sur l'issue de ce scrutin, mais aussi sur la légitimité du régime

PARIS : A moins de dix mois du 1er tour, la question angoisse les politiques : l'élection présidentielle, "la seule qui compte vraiment pour les électeurs", sera-t-elle à son tour naufragée par l'abstention, qui a atteint un niveau inquiétant sous le quinquennat Macron ?

Après l'abstention de deux électeurs sur trois aux régionales et départementales de juin, la participation sera en tout cas la grande inconnue de 2022. Son niveau pèsera lourd sur l'issue de ce scrutin, mais aussi sur la légitimité du régime.

Depuis la victoire d'Emmanuel Macron en 2017, plus de la moitié des électeurs ont boudé les urnes à chaque suffrage, des législatives de 2017 (51,3% et 57,3%) aux municipales de 2020 (55,25% et 58,6%), à l'exception notable du sursaut inattendu des européennes de 2019 (49,88%). Jusqu'à atteindre des records aux régionales en juin dernier (66,72% et 65,31%), un niveau proche du référendum sur le quinquennat en 2000, record absolu d'abstention sous la Ve République avec 69,8%.

«Election contaminée»

Pour le politologue Gérard Grunberg, "on ne peut écarter l'éventualité qu'en 2022 ce mouvement général affecte également la présidentielle".

L’élection présidentielle a jusqu'à présent très peu subi la baisse régulière de la participation qui a touché les autres types d’élection. Mais, après la très bonne participation de 2007 (83,7% et 83,9% aux deux tours), celle-ci a légèrement diminué en 2012 (79,4% et 80,3% aux deux tours) puis de nouveau en 2017 (77,7% et 74,5% aux deux tours).

"Le plus vraisemblable est que l'abstention sera plus élevée que lors de la présidentielle précédente. Une participation de 70% seulement du corps électoral n'est pas à exclure", avance le sondeur Frédéric Dabi (Ifop) dans le Figaro.

Mais nombre de politologues appellent à ne pas extrapoler hâtivement les résultats des régionales.

"La présidentielle, ça reste quand même un scrutin majeur très lisible, et on ne peut pas ignorer qu'elle a lieu, à la différence de ce qui s'est passé aux dernières élections", souligne la politiste Anne Jadot, de l'université de Lorraine.

«La seule qui compte»

2022 "sera une élection sans doute plus mobilisatrice, mais on n'a pas encore une offre claire pour le premier tour, et c'est déterminant pour la participation", ajoute-t-elle. 

"La présidentielle garde un statut à part aux yeux des électeurs, celui de la seule élection qui compte vraiment", souligne Pierre Lefébure, politiste de l'Université Sorbonne-Paris Nord, qui attend lui aussi de voir la "dynamique électorale" qui se mettra, ou non, en place en 2022.

Contrairement à ce qui s'est passé aux régionales, pour la présidentielle "il peut y avoir une campagne de forte intensité, clivée", approuve Céline Braconnier (Sciences Po Saint-Germain-en-Laye), qui a démontré dans ses travaux sur la "démocratie de l'abstention" l'importance d'un travail de mobilisation des partis et des médias pour faire revenir aux urnes les personnes les plus éloignées du vote, notamment parmi les jeunes et les classes populaires.

"Une baisse de la participation est possible mais il est peu probable qu'il s'agisse d’un effondrement comme aux élections locales si l'on part de l'hypothèse que la baisse de la participation à ces élections est due précisément au fait que l'élection présidentielle les a cannibalisées", fait aussi valoir Gérard Grunberg sur le site Telos.

Les politologues sont d'accord en tout cas pour estimer qu'une forte abstention à la présidentielle poserait "un problème au régime, à sa légitimité, à sa recevabilité", comme le dit Dominique Reynié. "Une forte abstention en 2022 signifierait que c'est l'ensemble du système politique qui est menacé d'une grave désaffection des électeurs", abonde Gérard Grunberg.

«Accident électoral»

Le sort de la présidentielle est aussi lié au niveau d'abstention, qui modifie de facto le corps électoral réel. 

"La question, c'est: qui s'abstient ?", résume Dominique Reynié sur LCI : "Si vous avez une abstention des électeurs plus modérés, les participants vont avoir plus de poids et ce sont parfois des protestataires qui sont déterminés, et donc on pourrait avoir un accident électoral".

"La présidentielle rassemblera un électorat plus de deux fois plus large que celui qui s'est mobilisé lors de ces élections intermédiaires, et surtout sur des bases sociologiques et politiques très distinctes, les résultats électoraux seront fondamentalement différents", anticipent dans une note de la Fondation Jean Jaurès Antoine Bristielle et Tristan Guerra.

La participation des jeunes, une des clés de la présidentielle de 2022

Après avoir massivement déserté les urnes aux municipales de 2020 comme aux régionales et départementales de juin 2021, les jeunes électeurs seront-ils au rendez-vous de la présidentielle de 2022 ? Leur niveau de participation sera une des clés du scrutin.

Si l'abstention a atteint des records lors des derniers scrutins locaux, elle a encore été plus élevée chez les jeunes, pas seulement les 18-24 ans, mais aussi les 25-34 ans.

Selon l'Ifop par exemple, à peine 16% des 18-24 ans et 19% des 25-34 ans se sont déplacés lors du premier tour des régionales le 20 juin, à comparer aux 47% des plus de 65 ans (et aux 33% des Français en moyenne).

Rien de très nouveau pour les spécialistes des élections en ce qui concerne la tranche des 18-24 ans, puisque, quel que soit le type de scrutin, le taux d'abstention, ces dernières années, est supérieur de dix points en moyenne à celui de l'ensemble de la population. Au premier tour de l'élection présidentielle de 2017, comme aux élections européennes de 2019, seul un petit tiers des 18-24 ans s'était rendu aux urnes.

Nouveau rapport au vote

Pour l'expliquer, la politologue Anne Muxel évoque notamment un "moratoire électoral" des années de jeunesse, "ce temps de latence avant le passage à l'exercice effectif du droit de vote" et la "mal-inscription" de jeunes restant inscrits près de chez leurs parents alors qu’ils sont déjà éloignés géographiquement par les études ou le travail.

Mais, complète son collègue Vincent Tiberj, il faut élargir la question à la génération précédente et un "changement de culture" politique générationnel.

Pour les générations postérieures au baby-boom, "voter ne suffit plus". Ces changements générationnels forment désormais une nouvelle donne structurelle des élections", précise-t-il dans une tribune publiée par Le Monde.

L'abstention ne veut pas dire que les jeunes "ne s'intéressent pas aux problèmes de la société. Ils ont simplement d’autres façons d’être présents sur la scène politique que par le vote", souligne Anne Muxel dans Libération.

Biais générationnel

"Les plus de 65 ans pèsent dans les urnes 1,4 fois leur poids dans la population tandis que les moins de 35 ans pèsent moins de 50% de leur poids démographique réel", a calculé Vincent Tiberj pour les régionales, pointant un "biais générationnel" qui n'est pas sans conséquence sur les politiques publiques.

Qu'en sera-t-il en 2022 ? Jusqu'à présent, "l'écart entre les générations se réduit lors des scrutins présidentiels qui mobilisent davantage les jeunes", relève Anne Muxel. 

Mais pour Pierre Léfébure (Université Sorbonne-Paris Nord), "voter, c'est aussi une habitude qui se prend et qui s'apprend", et on ne peut pas exclure que pour les jeunes arrivés en âge de voter depuis 2017 et qui ont pris "l'habitude de ne pas voter" lors de cette période de basses eaux, le chemin vers les urnes soit devenu "plus délicat".


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.