Un coup pour (presque) rien

Des soldats de l'armée française de l'opération Barkhane défilent lors du défilé militaire sur l'avenue des Champs-Élysées à Paris le 14 juillet 2021. Ludovic MARIN / AFP
Des soldats de l'armée française de l'opération Barkhane défilent lors du défilé militaire sur l'avenue des Champs-Élysées à Paris le 14 juillet 2021. Ludovic MARIN / AFP
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Publié le Samedi 17 juillet 2021

Un coup pour (presque) rien

Un coup pour (presque) rien
  • Au Mali, le gouvernement français a entrepris une remise en cause d’envergure de sa stratégie antiterroriste
  • Rester ou partir? La France est désormais à la recherche du meilleur compromis possible

Au Mali, le gouvernement français a entrepris une remise en cause d’envergure de sa stratégie antiterroriste. Il s’y est résolu pour plusieurs raisons. La réalité de terrain, d’abord: l’armée française est engagée, voire enlisée, depuis huit ans au Mali sans que la menace djihadiste faiblisse. Au contraire, des attentats jettent aujourd’hui le trouble au Niger, au Burkina Faso, et même au nord de la Côte d’Ivoire. En même temps, des signes se multiplient qui montrent que la présence de la France, accueillie avec enthousiasme à Bamako en 2013, n’est plus désormais vraiment la bienvenue.

Mais ce qui a emporté la décision de Paris, c’est le vif mécontentement ressenti par les autorités françaises à l’égard des dirigeants maliens, qui ne cachent plus leurs désaccords avec la stratégie Barkhane, mais qui, néanmoins, s’avèrent incapables de sortir leur pays du chaos dans lequel il s’enfonce irrésistiblement.

En France, l’engagement au Sahel fait débat depuis de longs mois. Des voix de plus en plus nombreuses se font entendre pour contester la stratégie de l’opération Barkhane, considérant que la réponse à opposer aux mouvements terroristes est au moins autant politique que militaire et que la responsabilité en incombe d’abord aux pouvoirs locaux. Rester ou partir? La France est désormais à la recherche du meilleur compromis possible. C’est à cette aune qu’il faut apprécier la démarche en cours annoncée par l’Élysée.

On peut résumer les décisions françaises en quatre points principaux: tout d’abord, le fait de réduire de moitié les effectifs militaires français présents sur le terrain, qui passeront de 5 600 (chiffre actuel) à environ 2 500; du coup, reconfigurer le dispositif en quittant les bases du nord Mali, le Niger devenant le principal point d’appui de l’engagement militaire français; par ailleurs, maintenir et développer autant que possible la force européenne Takuba qui, seule, a eu l’honneur de défiler sur les Champs-Élysées pour le 14 juillet; enfin, la France entend désormais concentrer son action militaire contre les mouvements terroristes stricto sensu en prenant ses distances avec la gestion des conflits locaux, dont elle entend ne plus se mêler.

Ces nouvelles dispositions ont été bien accueillies par les milieux politiques à Paris. C’est un premier pas dans la bonne direction, peut-être le meilleur arbitrage possible entre des intérêts contradictoires. Mais la réalité de terrain reste la même dans la région du Sahel. Le Mali, mais aussi le Burkina Faso et le Niger sont des États faibles qui ne réussissent pas à administrer leurs territoires ni à mettre fin aux conflits locaux, aux rivalités tribales et aux antagonismes ethniques entre nomades et sédentaires. Le désordre s’installe, la situation ne cesse de s’aggraver, et sur ce terreau prospèrent les mouvements djihadistes. Une grande partie de l’Afrique de l’Ouest est atteinte par ce mal pernicieux.

Dans ce contexte, il sera très difficile pour la force Takuba et pour les militaires français de Barkhane de faire la juste part entre les désordres relevant des administrations locales et les opérations antiterroristes qui justifieront seules l’intervention de nos forces. Les ambiguïtés, les contradictions et les paradoxes de la présence française (et européenne) au Sahel risquent donc fort de perdurer, de sorte que, dans quelques mois je le crains, les décisions d’aujourd’hui apparaîtront alors pour ce qu’elles sont: un coup pour (presque) rien.

 

Hervé de Charette est ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre du Logement. Il a aussi été maire de Saint-Florent-le-Vieil et député de Maine-et-Loire.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette section est celle de l’auteur et ne reflète pas nécessairement le point de vue d'Arab News en français.