La désastreuse pénurie d'eau en Iran est une bombe à neutrons qui a explosé!

Un iranien marche près du lac artificiel Chitgar à Téhéran. (AFP).
Un iranien marche près du lac artificiel Chitgar à Téhéran. (AFP).
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Publié le Mardi 27 juillet 2021

La désastreuse pénurie d'eau en Iran est une bombe à neutrons qui a explosé!

La désastreuse pénurie d'eau en Iran est une bombe à neutrons qui a explosé!
  • Des habitants de différentes villes du Khouzistan sont descendus dans la rue pour dénoncer leur situation et les forces de sécurité du régime ont tué quatre personnes
  • Le fleuve Karoun risque de s'assécher à cause des nombreux barrages

La province iranienne du Khouzistan est l'une des régions les plus riches du monde en or noir – le pétrole. Pourtant, elle meurt actuellement de soif. La pénurie d'eau a provoqué une explosion populaire. Des habitants de différentes villes du Khouzistan sont descendus dans la rue pour dénoncer leur situation et les forces de sécurité du régime ont tué quatre personnes. Malgré le fait que de nombreuses vidéos de ces mouvements de protestation aient été publiées sur divers réseaux sociaux, le gouverneur du Khouzistan dément l’existence de ces manifestations et déclare que les vidéos sont fausses.

Le Khouzistan compte 4,7 millions d'habitants. 24,5% d’entre eux vivent dans les zones rurales où plus de 700 villages sont confrontés à des pénuries d'eau tandis que 660 autres ne disposent d’aucun système d'approvisionnement. Pourtant, des fleuves et des rivières tels que Karoun, Karkheh, Jarahi, Maroun, Shavar, Hindian et Veds possèdent dans cette province de nombreux affluents.

Il n'y a pas si longtemps, les navires naviguaient sur le fleuve Karoun, la principale artère maritime du Khouzistan et le fournisseur d'eau d'Ahvaz.

Cette pénurie a explosé comme une véritable bombe à neutrons dans toute la province, et en particulier dans les zones du centre et du sud. La destruction des ressources en eau et l'assèchement des lacs et des rivières constituent une crise aiguë qui résulte de plus de quarante-deux ans de mauvaise gestion, du pillage généralisé des ressources en eau et de la destruction des écosystèmes iraniens. Ces facteurs ont entraîné des protestations généralisées.

Les experts en eau le confirment et reconaissent l'impact des barrages illégaux et des projets de transfert d'eau des affluents de cette province sur cette pénurie qui sévit dans le Khouzistan.

Isa Kalantari, ancien ministre iranien de l'Agriculture, actuel vice-président iranien et ministre de l'Environnement, a lancé cet avertissement: «Jusqu'en 1420 (2041), il n'y aura aucune trace d'agriculture dans les terres situées autour des monts Zagros ni dans les chaînes des montagnes d'Elbourz jusqu’aux mers du Sud et aux frontières orientales.» Les riches ressources naturelles de l'Iran ont été victimes des politiques macroéconomiques du pays.

Il n'y a pas si longtemps, les navires naviguaient sur le fleuve Karoun, la principale artère maritime du Khouzistan et le fournisseur d'eau d'Ahvaz. Aujourd’hui, ce fleuve risque de s'assécher à cause des nombreux barrages construits sur son lit ainsi que sur la rivière Karkheh. Les experts en eau le confirment et reconaissent l'impact des barrages illégaux et des projets de transfert d'eau des affluents de cette province sur cette pénurie qui sévit dans le Khouzistan.

600 barrages construits

Après la révolution antimonarchique de 1978, plus de 600 barrages ont été construits en Iran par la holding Khatam al-Anbiya, affiliée au Corps des Gardiens de la révolution (CGRI). Avant la révolution, il n’y avait que 13 barrages en Iran. Les ingénieurs, les experts et les naturalistes ont souvent souligné l’importance d’un petit nombre de barrages.

Isa Kalantari s’est exprimé le 18 décembre 2017 à Ahvaz devant le Groupe de travail pour le contrôle de la poussière dans la province du Khouzistan, lançant cet avertissement: «Nos politiques de destruction des ressources en eau étaient plusieurs fois supérieures il y a quarante ans. Dans un avenir proche, nous allons connaître davantage de problèmes d'eau. Si la crise continue, elle pourrait conduire à l'émigration de 50 millions de personnes de l'Iran.»

L'ironie réside dans le fait que ceux qui critiquent aujourd’hui les déplorables politiques du gouvernement au sujet de l'eau et la construction irrationnelle des barrages sont ceux qui avaient occupé des postes gouvernementaux et qui furent directement responsables de ces décisions.

Mohammed Hossein Shariatmadar, directeur du Centre national d'études stratégiques sur l'agriculture et l'eau de la Chambre iranienne, a en outre déclaré lors d'une conférence portant sur la gestion de l'eau dans l'est de l'Iran qui s’est tenue à Khorasan-e Razavi: «Cinquante ans de mauvaise gestion de l'eau en Iran ont eu pour conséquence cinq années catastrophiques.»

L'ironie réside dans le fait que ceux qui critiquent aujourd’hui les déplorables politiques du gouvernement au sujet de l'eau et la construction irrationnelle des barrages sont ceux qui avaient occupé des postes gouvernementaux et qui furent directement responsables de ces décisions au cours des trois dernières décennies. Mais c’est avant tout le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) qui est montré du doigt. Avec la grande autorité que lui confère le Guide suprême, il pille et détruit toutes les richesses du pays.

Hur al-Azim, l'une des ressources en eau du pays, qui constitue d’ailleurs l’un des facteurs d'équilibre écologique de la région, a été délibérément asséché par l'exploitation pétrolière du CGRI. Les énormes profits engendrés vont directement dans les poches des chefs criminels du CGRI ou sont dépensés pour financer les conflits dans la région. En retour, la population du Khouzistan ne récolte que de la poussière, de la pollution durable et de terribles inondations.

La disparition de Hamoun, Kaftar, Bakhtegan, Maharloo, Parichan, Tashk et d'autres zones humides de la géographie iranienne est la conséquence de la mauvaise gestion, des mauvaises politiques et de la corruption du régime de Téhéran. En outre, il importe de signaler que le lac d’Ourmia est au bord de l'extinction complète pour les mêmes raisons.

Les constructions irrationnelles des barrages par le CGRI ont contribué à la détérioration de millions de vies, au pillage généralisé des écosystèmes, à la destruction des pâturages et des forêts, à la désertification, à la pollution, aux inondations, à la destruction des ressources en eau et à d'autres catastrophes environnementales en Iran; par ailleurs, elles ont représenté une source d'argent colossale pour les Gardiens de la révolution.

Le régime tente de faire taire les manifestants en utilisant son appareil oppressif. Il les qualifie d’«antirévolutionnaires», d'«espions étrangers» et affirme qu’ils sont une menace à la sécurité nationale. Du point de vue du CGRI, les manifestants commettent un péché impardonnable et doivent s’attendre à de lourdes sanctions. Le régime iranien a d’ailleurs exécuté un grand nombre de ses citoyens, parmi lesquels Kavous Seyed-Emami, un scientifique canado-iranien. Plus tard, les Gardiens de la révolution ont affirmé qu'il s'était suicidé en prison.

En raison de la domination des mollahs sur les forêts, les lacs et les zones humides, le peuple iranien est désormais confronté à l'assèchement des rivières, à la pollution de l'air urbain, à la poussière ainsi qu'à d'autres drames environnementaux. Dans le même temps, l'Iran est en proie à des désastres sociaux et économiques comme les accidents de la route, les décès dus au manque de vaccins contre la Covid-19 et de médicaments, la toxicomanie et la prostitution. Chacun de ces problèmes est si grave que les aborder en détails prendrait beaucoup trop de temps.

Khalil Khani est titulaire d'un doctorat en écologie, botanique et questions environnementales obtenu en Allemagne. Il enseigne à la faculté des ressources naturelles de l'université de Téhéran et dans l'État de Hesse, en Allemagne.

Hamid Enayat est un écrivain iranien.

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.