Arabie: Maaz Sheikh, le roi du streaming

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Publié le Samedi 11 juillet 2020

Arabie: Maaz Sheikh, le roi du streaming

  • Starzplay cueille les fruits du confinement
  • « Cela nous a pris cinq ans pour passer de zéro à deux millions de minutes par jour, alors que cela nous a pris six semaines pour passer de 2 millions à 6,5 millions », affirme Sheikh

Maaz Sheikh a eu un bon confinement.

Le fondateur et PDG de Starzplay, la plus grande chaîne de divertissement en streaming au Moyen-Orient, a vu son entreprise décoller grâce aux couvre-feux, à la distanciation sociale et aux restrictions de voyage qui ont forcé les gens à rester affalés sur leurs canapés et à se gaver de télé pour des heures.

« Je crois que quand le problème venait de commencer, nous tentions de réfléchir à comment gagner et non pas perdre, sur le plan personnel comme sur celui de l’entreprise – ce que cela veut dire pour nos abonnés », explique Maaz Sheikh à Arab News.

Dans la région, les abonnés ont choisi Starzplay au lieu de Netflix et d’autres services de streaming, en anglais et en arabe.

« Évidemment, ce dont nous avons le plus profité, c’est que les gens sont restés à la maison, mais le fait que nous soyons basés ici nous a aidés à adapter et localiser nos services plus rapidement que quiconque », dit-il, avant de poursuivre : « En Arabie Saoudite, vous pouvez vous abonner à StarzPlay via STC, Mobily ou n’importe quel autre service et vous pouvez vous connecter avec votre numéro de portable. Netflix est arrivé dans cette région avec une façon de penser très américaine, croyant que tout le monde possédait une carte de crédit et qu’en avoir une était une norme comme ailleurs dans le monde. En fait, la réalité est différente, surtout en Arabie Saoudite. Pas tout le monde possède une carte de crédit ».

« Alors, en payant votre facture de téléphone fixe et d’internet à haut débit, vous pouvez, sur la même facture, avoir accès à Starzplay. Vous pouvez juste le télécharger sur votre télévision connectée », ajoute-t-il.

Starzplay a été lancé il y a cinq ans, et bien qu’il ne soit pas aussi populaire que Netflix, il a réussi à percer dans la région, notamment en Arabie Saoudite.

Le royaume représente 40% du revenu total et près de la moitié de la consommation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord vient de téléspectateurs saoudiens.

Qu’ont-ils visionné durant les longues semaines de confinement ? Beaucoup de « Vikings », « The Office » et le feuilleton turque romantique « Jusoor Wal Jamila ». Les Saoudiens ont passé en moyenne plus de 18 heures sur Starzplay en mai, comparé à moins de 12 heures l’année dernière. »

« Ce qui est génial c’est que tout le monde possède un téléphone portable. Nous étions dans le marché avec le bon produit, le bon contenu, mais aussi la bonne distribution, ce qui permet aux masses de s’abonner à notre service. Cela nous a énormément aidé », avoue Sheikh.

« Nous n’avons pas juste profité du fait que nous soyons un service de streaming. Toute la catégorie a profité du confinement, mais nous étions les seuls sur le marché à avoir ce genre de distribution et de modalités de paiement. Nous étions les seuls disponibles pour les masses », déclare-t-il.

Ce n’est pas juste la plateforme de distribution qui diffère de celle de Netflix. Comme l’a expliqué Sheikh, Starzplay se caractérise également par un contenu différent : « Notre industrie se développe de manière simple et prévisible. Ce qui se passe actuellement c’est que plus Netflix crée des productions originales, plus les studios les considèrent comme un compétiteur. Ceci a poussé les studios à retirer leur contenu de Netflix.

« Jusqu’à présent, avec ce qui sort de Hollywood et du Royaume-Uni, 95% du contenu en anglais a été produit par sept ou huit studios, tels que BBC et ITV au Royaume-Uni et Warner, Disney, Sony, Showtime, CBS et tous les grands studios aux États-Unis », précise-t-il.

Et de conclure : « Nous pouvons donc dire que l’industrie évolue ainsi : si vous voulez des productions originales Netflix, vous allez vers Netflix et si vous voulez autre chose, vous optez pour Starzplay ».

Sheikh énumère ensuite les meilleures émissions télévisées sur sa plateforme. Nous retrouvons ainsi « Big Bang Theory », « Billions », « Grey’s Anatomy » et « Brittania » entre autres, alors que les plus jeunes visionnent « The Flash », « Supergirl », ainsi que d’autres titres DC produits par Warner Studios.

Starzplay a également réalisé sa première percée dans les productions originales. Cette production, spécialement conçue pour un public du Moyen-Orient, est intitulée « Baghdad Central ».

« Les données sont le nouveau pétrole, disent-ils, et ‘Baghdad Central’ était le résultat de notre expérience de cinq ans de consommation, avec des milliards et des milliards de minutes consommées. Nous nous sommes donc basés sur ce que les téléspectateurs consomment sur nos marchés principaux et c’est grâce à cela que nous avons réalisé notre première production originale », raconte Sheikh.

« Baghdad Central » a été lancé en mars avec le nom d’un célèbre acteur hollywoodien – Corey Stoll, de la série primée « House of Cards » - ainsi que les meilleurs acteurs anglais et arabes.

« Nous voulions apporter à la région une émission qui combine le meilleur des trois. Elle a été tournée au Maroc, en partenariat avec des producteurs de films anglais et américains », déclare-t-il.

Ce genre de contenu a attiré les téléspectateurs durant le confinement. Les statistiques montrent que Starzplay a atteint un pic de 6,5 millions de minutes de consommation par jour en Arabie Saoudite à la mi-avril, comparé à environ 2 millions avant les confinements dus à la pandémie.

Les téléspectateurs existants ont augmenté leur consommation. Le Saoudien moyen passait 28 minutes devant une émission de Starzplay avant le confinement. Ce nombre a plus que doublé pour atteindre une heure, vu qu’il était interdit de sortir de la maison.

« Pour mettre cela en perspective, cela nous a pris cinq ans pour passer de zéro à deux millions de minutes par jour, alors que cela nous a pris six semaines pour passer de 2 millions à 6,5 millions. Notre consommation a plus augmenté en six semaines qu’au cours de nos cinq premières années », souligne Sheikh.

Sheikh est peu enthousiaste en ce qui concerne les prédictions du nombre de consommateurs qui resteront abonnés à Starzplay à cause du déconfinement progressif dans le monde et dans la région.

« Je m’attends à ce qu’un certain désabonnement se produise, donc il est difficile de prédire à quoi ressemblera notre clientèle plus tard dans l’année. Nous avons connu une croissance incroyable, mais avec les mesures de déconfinement, je crois que certaines personnes vont se désabonner », dit-il.

Cependant, malgré les nombreux déconfinements dans la région, les consommateurs ne retournent pas aux niveaux d’avant la pandémie. Il y aura probablement des changements permanents dans la demande pour Starzplay dans cette « nouvelle normalité ».

« Contrairement à Netflix, l’un des défis que nous avons rencontrés est que la notoriété de la marque et du contenu de notre service était relativement faible. L'une des choses qui s'est produite est qu'en raison de la demande et de la notoriété croissante de la marque, les gens ont pu découvrir Starzplay. Ils l'ont vécu et ont connecté le contenu à notre marque.

« Ce sera un avantage durable pour notre entreprise. Vous ne pouvez pas le désapprendre. Je m'attends à une baisse élevée du nombre d'abonnements et à une réduction des volumes de consommation, mais l'avantage durable que nous espérons est la notoriété de la marque et du contenu qui a été créée », explique-t-il.

Ce type de croissance est susceptible d'accélérer l'évolution de Starzplay d'une start-up financée par des fonds privés à une société cotée en bourse. Elle a levé 125 millions de dollars sur cinq ans auprès d'investisseurs assez impressionnants, dont le géant américain des médias Lionsgate, la grande firme financière State Street Global Advisers et la firme d'investissement nordique SEQ, qui a soutenu Starzplay depuis le début.

La rentabilité étant proche, Sheikh ne voit pas la nécessité de nouveaux financements, d'autant plus que les sources d'investissement se sont taries pendant l'incertitude de la période pandémique.

« Pendant la période COVID-19, lorsque la consommation et les nouveaux abonnés montaient en flèche, le revers de la médaille était que nous nous sommes rendu compte que les marchés de capitaux allaient être fermés pour 2020. Heureusement pour nous, nous sommes bien capitalisés et nous ne sommes pas dans une situation où nous devons utiliser des fonds. Ce n'est pas le bon moment pour lever des fonds », souligne-t-il.

« L'objectif est de servir nos clients et également de créer de la valeur pour les actionnaires. Il y a plusieurs façons de procéder. Premièrement, vous générez de la trésorerie et les actionnaires bénéficient de dividendes en espèces. C’est le modèle traditionnel. Le modèle à plus forte croissance, qui est plus applicable à des entreprises comme la nôtre, est d’exercer une pression sur les actionnaires pour plus de croissance et d'expansion afin d'augmenter la valeur d'entreprise », dit-il.

Sheikh a placé ses objectifs à moyen terme sur une entrée en bourse. « À long terme, l'objectif est de continuer à faire croître l'entreprise et, au cours des trois à cinq prochaines années, d'atteindre une position grâce à laquelle nous pourrons inscrire la société à la Bourse de Londres. Ce n’est pas notre décision finale, car c'est dans très longtemps. Je dirais que ce que nous cherchons à faire est de nous lister. Si ce n’est pas à Londres, alors sur d'autres marchés, locaux ou londoniens. Notre objectif est de nous tourner vers un premier appel public à l'épargne à Londres, ou vers d’autres marchés. Nous n'y sommes pas encore. Nous sommes encore à deux ou trois ans d'une décision, mais c'est notre objectif », affirme-t-il.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com


L'aéroport de Riyad presque à l'arrêt en raison de problèmes opérationnels

 L'aéroport international King Khalid à Riyad. Getty
L'aéroport international King Khalid à Riyad. Getty
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  • Les compagnies aériennes publient des déclarations, tandis que des sources indiquent à Arab News que la pluie est à blâmer
  • Dans son propre communiqué, Saudia a déclaré : "Les clients touchés sont contactés par l'intermédiaire de la compagnie aérienne"

RIYAD: Des milliers de passagers voyageant vers et depuis l'aéroport international King Khalid de Riyad ont été laissés en plan alors que les principales compagnies aériennes se sont efforcées de proposer des vols alternatifs suite à une série d'annulations et de retards.

Saudia et flyadeal ont été parmi les compagnies aériennes qui ont rencontré des difficultés, les deux compagnies ayant publié des déclarations attribuant ces problèmes à des problèmes opérationnels temporaires.

Une déclaration de l'aéroport sur son compte officiel X a exhorté les voyageurs à contacter directement les compagnies aériennes avant de se rendre à la plate-forme d'aviation pour vérifier l'état actualisé et l'horaire de leurs vols.

Le communiqué dit ceci : "L'aéroport international King Khalid souhaite vous informer qu'en raison de la concomitance d'un certain nombre de facteurs opérationnels au cours des deux derniers jours - y compris plusieurs vols détournés d'autres aéroports vers l'aéroport international King Khalid, en plus des travaux de maintenance programmés dans le système d'approvisionnement en carburant - cela a eu un impact sur les horaires de certains vols, y compris le retard ou l'annulation d'un certain nombre de vols opérés par certaines compagnies aériennes".

L'aéroport a ajouté que les équipes opérationnelles travaillent "24 heures sur 24 en étroite coordination avec nos partenaires aériens et les parties prenantes concernées pour faire face aux développements et rétablir la régularité opérationnelle dès que possible", tout en prenant toutes les mesures nécessaires pour minimiser l'impact sur l'expérience des passagers.

Des sources aéroportuaires ont déclaré à Arab News que le problème était lié aux fortes pluies qui se sont abattues sur Riyad plus tôt dans la journée de vendredi. De l'eau s'est apparemment infiltrée dans les réservoirs de carburant censés ravitailler les avions à réaction avant leur décollage, et plusieurs compagnies aériennes se sont alors efforcées de reprogrammer les vols des passagers.

Dans son propre communiqué, Saudia a déclaré : "Les clients touchés sont contactés par l'intermédiaire de la compagnie aérienne : "Les clients concernés sont contactés par le biais de divers canaux de communication, et tous les changements de billets sont effectués sans frais supplémentaires.

Arab News a contacté Saudia pour de plus amples informations.

Toujours dans un communiqué publié sur X, flyadeal a déclaré que tous ses passagers touchés par la perturbation "seront informés directement par e-mail et SMS des options de rebooking et d'assistance".


IA: pour la présidente de Microsoft France, il n'y a pas de «bulle»

 "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
"Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
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  • Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde
  • En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute

PARIS: "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs.

Pour certains experts, les investissements colossaux dans l'IA semblent démesurés par rapport aux bénéfices générés, alimentant la peur d'une survalorisation du secteur.

Mais selon Corine de Bilbao, à la tête de la filiale française du géant américain des logiciels depuis 2021, "il y a des signes forts" de solidité comme le fait que cette technologie se diffuse "dans toutes les sphères de la société".

Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde, dans laquelle Microsoft a investi plus de 13 milliards de dollars.

En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute.

Un milliard d'agents IA

L'énergéticien français TotalEnergies utilise par exemple Copilot et des agents IA, capables de réaliser des tâches de façon autonome, à travers des cas d'usage "dans la maintenance, les achats, la sécurité", énumère la patronne.

Tandis que l'assureur italien Generali a "adopté massivement l'IA et automatisé plus d'un million d'opérations", ajoute-t-elle.

"Plus d'un milliard d'agents à l'échelle mondiale vont être diffusés dans les entreprises" d'ici 2028, s'enthousiasme Corine de Bilbao, citant une étude IDC pour Microsoft.

L'irruption de l'intelligence artificielle dans les entreprises peut toutefois se traduire par des vagues de licenciements comme chez Amazon, le groupe informatique HP ou encore l'assureur allemand Allianz Partners.

Microsoft France, qui compte près de 2.000 employés, a de son côté supprimé 10% de ses effectifs via un accord collectif de rupture conventionnelle sur la base du volontariat.  -

"C'est lié à la transformation de certains métiers, mais pas à l'IA", assure la dirigeante, ajoutant qu'en parallèle Microsoft est en train de recruter "des profils plus techniques", comme des "ingénieurs solutions", pour s'adapter aux demandes de ses clients.

"L'IA suscite beaucoup de peur", reconnaît Mme de Bilbao."On préfère parler de salariés augmentés" plutôt que d'emplois supprimés, poursuit-elle, beaucoup de tâches considérées comme rébarbatives pouvant être réalisées avec l'assistance de l'intelligence artificielle.

Selon elle, l'enjeu central est surtout celui de la formation des salariés à ces nouveaux outils.

"Nouvelle économie" 

"Il n'y aura pas de déploiement de l'IA s'il n'y a pas de valeur partagée, si l'ensemble des citoyens, des étudiants, des entreprises ne sont pas formés", souligne la patronne.

En France, le géant de Redmond (Etat de Washington) a déjà formé 250.000 personnes à l'IA sur un objectif d'un million d'ici 2027 et veut accompagner 2.500 start-up françaises.

"Un écosystème complet se développe entre les fournisseurs de modèles de langage, les infrastructures, on est en train de créer une nouvelle économie autour de cette IA", déclare Corine de Bilbao.

Microsoft a ainsi annoncé en 2024 un investissement de 4 milliards d'euros en France lors du sommet Choose France pour agrandir ses centres de données dans les régions de Paris et Marseille (sud), et construire un datacenter dans l'est de la France, près de Mulhouse.

"Ca avance très bien", explique-t-elle, sans donner de date à laquelle le centre sera opérationnel. "Cela ne pousse pas comme des champignons, ce sont des projets qui prennent quelques années en général", entre le dépôt de permis, de construction et l'accompagnement.

Pour 2026, le défi sera de passer d'une intelligence artificielle "expérimentale à une IA opérationnelle, qui délivre de la valeur pour les entreprises, à la fois sur leurs revenus, la productivité, et qui les aide à se transformer", conclut-elle.


Mercosur: Paris et Rome contrarient les plans de l'UE, ultimatum de Lula

Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
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  • L’Italie rejoint la France pour demander un report de l’accord UE–Mercosur, menaçant la signature espérée par Ursula von der Leyen et ouvrant la voie à une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept
  • Le Brésil met la pression, tandis que les divisions européennes persistent entre défense des agriculteurs et impératif économique face à la concurrence chinoise et américaine

BRUXELLES: L'Italie a rejoint la France mercredi pour réclamer un report de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, ce qui risque d'empêcher Ursula von der Leyen de parapher ce traité en fin de semaine, au grand dam du Brésil.

Une signature dans les prochains jours est "prématurée", a lâché Giorgia Meloni à la veille d'un sommet européen à Bruxelles.

La cheffe du gouvernement italien veut d'abord des garanties "suffisantes" pour le secteur agricole, et se dit "convaincue qu'au début de l'année prochaine, toutes ces conditions seront réunies".

Cette sortie est une douche froide pour la Commission européenne. Bruxelles n'a cessé de marteler ces derniers jours qu'une signature était indispensable avant la fin de l'année, pour la "crédibilité" de l'Union européenne et afin de ne pas contrarier les partenaires latino-américains.

Prudent, l'exécutif européen fait mine d'y croire encore. "Les chefs d'Etat et de gouvernement vont en discuter au sommet européen" ce jeudi, a dit à l'AFP Olof Gill, porte-parole de la Commission.

Au Brésil, le président Lula, qui avait appelé à la responsabilité Emmanuel Macron et Georgia Meloni, a posé une forme d'ultimatum.

"Si on ne le fait pas maintenant, le Brésil ne signera plus l'accord tant que je serai président", a-t-il menacé. "Si jamais ils disent non, nous serons désormais fermes avec eux, parce que nous avons cédé sur tout ce qu'il était possible de céder diplomatiquement".

- "Billet remboursable" -

La prise de position de Rome sur ce dossier est potentiellement décisive.

Avec la France, la Pologne et la Hongrie, l'Italie est en capacité de former une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept, ce qui empêcherait un examen de l'accord durant la semaine.

"Ca risque d'être très chaud", convient un diplomate européen anonymement, alors que l'Allemagne comme l'Espagne insistent pour approuver ce traité de libre-échange le plus vite possible.

Le chancelier allemand, Friedrich Merz, a promis d'exercer une pression "intensive" sur ses partenaires européens mercredi soir et jeudi matin, en appelant à ne pas "chipoter" avec les grands traités commerciaux.

Emmanuel Macron a prévenu que "la France s'opposerait de manière très ferme" à un éventuel "passage en force" de l'Union européenne, a rapporté la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Paris ne considère pas encore comme "acquis" le report de la signature du traité, mais les déclarations de Giorgia Meloni sont la "preuve" que "la France n'est pas seule", a-t-elle ajouté.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, espérait parapher ce traité lors du sommet du Mercosur samedi dans la ville brésilienne de Foz do Iguaçu. Mais elle a besoin au préalable de l'aval d'une majorité qualifiée d'Etats membres à Bruxelles.

"J'espère qu'elle a un billet (d'avion) remboursable", glisse une source diplomatique européenne.

- Manifestation à Bruxelles -

Cet accord commercial avec l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay permettrait à l'UE d'exporter davantage de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux, tout en facilitant l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, ce qui inquiète les filières concernées.

Les agriculteurs européens ne décolèrent pas et annoncent une dizaine de milliers de manifestants jeudi à Bruxelles contre ce traité.

Pour rassurer la profession, l'UE a ajouté des mesures de sauvegarde: un suivi des produits agricoles sensibles et une promesse d'intervention en cas de déstabilisation du marché.

Un compromis a été trouvé mercredi soir sur ce volet entre des eurodéputés et des représentants des États membres: les garanties pour les agriculteurs y sont supérieures à ce qu'avaient voté les Vingt-Sept en novembre, mais en deçà de la position adoptée par le Parlement européen mardi.

Elles ne devraient toutefois pas suffire à la France. Le bras de fer avec Bruxelles s'inscrit dans un contexte de vaste mobilisation agricole dans l'Hexagone contre la gestion par les autorités de l'épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

Et au sein de l'Union européenne, une série d'États redoutent que Paris ne se contente pas d'un report du Mercosur mais essaye de faire échouer le traité, malgré plus de 25 ans de négociations.

Allemands, Espagnols et Scandinaves comptent quant à eux sur cet accord pour relancer une économie européenne à la peine face à la concurrence chinoise et aux taxes douanières des États-Unis.