Critiqué de toutes parts, Biden aux prises avec la crise afghane

Connu pour son empathie, le septuagénaire montre sur ce volet une distance remarquée. (Photo, AFP)
Connu pour son empathie, le septuagénaire montre sur ce volet une distance remarquée. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 14 août 2021

Critiqué de toutes parts, Biden aux prises avec la crise afghane

  • Signe de l'ampleur de la crise: si les voix les plus féroces viennent du côté républicain, les critiques pleuvent aussi du côté de médias généralistes d'ordinaire plus bienveillants avec Joe Biden
  • Mardi, il avait affirmé ne pas regretter sa décision, en rappelant le coût de cette longue guerre, plus de 1 000 milliards de dollars en vingt ans et près de 2 500 militaires américains morts

WASHINGTON : Un "désastre prévisible", "un chaos tragique": Joe Biden affronte l'une des plus grandes épreuves de son début de mandat avec la débâcle en Afghanistan, où les talibans avancent vers Kaboul.

La semaine avait pourtant démarré dans une excellente humeur à la Maison Blanche, où l'on célébrait le large soutien au Sénat pour le plan Biden d'investissements "historiques" dans les infrastructures.

Elle s'achève sous une avalanche de critiques pendant qu'en Afghanistan, les talibans sont pratiquement arrivés aux portes de Kaboul et que Washington prévoit l'évacuation en catastrophe de ses diplomates, protégée par le déploiement de 3 000 militaires américains. 

L'administration Biden a "livré, comme c'était prévisible, un pays entier aux terroristes", a tonné vendredi le chef des républicains à la Chambre des représentants Kevin McCarthy.

Même s'il reconnaît à demi-mot que le retrait avait été lancé par Donald Trump après vingt ans de guerre, ouverte en réponse aux attentats du 11-Septembre, ce dernier accuse le président démocrate d'avoir précipité la crise en "bâclant" cette opération. 

La veille, son homologue au Sénat Mitch McConnell avait aussi fustigé un "désastre prévisible" en l'appelant a soutenir l'armée afghane face aux talibans avec, en premier lieu, un appui aérien. 

L'ex-président républicain s'est lui fendu d'un communiqué vendredi pour dénoncer "un chaos tragique". 

Signe de l'ampleur de la crise: si les voix les plus féroces viennent du côté républicain, les critiques pleuvent aussi du côté de médias généralistes d'ordinaire plus bienveillants avec Joe Biden. 

Manque de préparation?

"La probabilité que les talibans prennent complètement le contrôle et dirigent le pays en entier est très improbable": sur CNN, les images de cette déclaration présidentielle datant de début juillet tournent en boucle. 

"Les vies afghanes détruites ou perdues resteront inscrites dans l'héritage" politique du démocrate, a asséné le Washington Post dans un éditorial jeudi.

Andrew Wilder, un expert sur l'Afghanistan membre du centre de réflexion "US Institute of Peace", confiait à des journalistes vendredi avoir été, comme beaucoup, "surpris par la vitesse à laquelle la situation a changé" dans ce pays, en déplorant un retrait qui ne serait ni "structuré ou responsable". 

"Il est difficile de ne pas conclure que ce n'est pas le retrait américain mais plutôt la façon dont nous nous sommes retirés, qui a joué un rôle crucial dans tout cela."

C'est sous Donald Trump que les Etats-Unis avaient, le 29 février 2020, signé un accord avec les talibans dans lequel Washington s'engageait à retirer l'ensemble des forces américaines d'Afghanistan avant le 1er mai 2021. 

En avril, Joe Biden avait confirmé le retrait militaire total, en repoussant initialement la date au 11 septembre, puis au 31 août.

Pari risqué

Connu pour son empathie, le septuagénaire montre sur ce volet une distance remarquée. 

Mardi, il avait affirmé ne pas regretter sa décision, en rappelant le coût de cette longue guerre, plus de 1 000 milliards de dollars en vingt ans et près de 2 500 militaires américains morts.

Les Afghans "doivent avoir la volonté de se battre" pour eux-mêmes, avait-il martelé. 

Lui qui dit garder avec lui en permanence une feuille où est inscrit le nombre de militaires américains morts en Afghanistan et en Irak aime aussi à rappeler qu'il est le "premier président depuis 40 ans à savoir ce que c'est d'avoir un enfant qui sert en zone de guerre". Son fils Beau Biden, décédé d'un cancer en 2015, avait été envoyé en Irak. 

Multipliant encore vendredi les messages sur ses projets titanesques d'investissements, la Maison Blanche semble faire le pari, risqué, que les Américains continueront à soutenir ce retrait, populaire jusqu'ici dans les sondages. 

"Le président Biden doit être salué pour avoir la force de s'opposer à ceux qui veulent des guerres sans fin", a écrit vendredi l'organisation progressiste d'anciens combattants VoteVets. 

Pour Brian Katulis, du think tank classé à gauche Center for American Progress, la future opinion des Américains reste "vraiment imprévisible". 

"Si l'on voit une série d'atrocités qui ne frappent que les Afghans", l'indifférence pourrait l'emporter, explique-t-il. "Mais si des Américains sont impliqués, alors tout est possible."


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.