Des relations toujours fortes mais plus discrètes entre talibans et Al-Qaïda

L'organisation qui a conçu les attentats du 11-septembre 2001, et que les experts décrivent comme actuellement incapable de frapper massivement en Occident, peut désormais rêver de se reconstituer. (Photo, AFP)
L'organisation qui a conçu les attentats du 11-septembre 2001, et que les experts décrivent comme actuellement incapable de frapper massivement en Occident, peut désormais rêver de se reconstituer. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 17 août 2021

Des relations toujours fortes mais plus discrètes entre talibans et Al-Qaïda

  • Les nouveaux maîtres de Kaboul doivent opter pour une plus grande prudence, même si leurs liens avec la centrale jihadiste restent du domaine de l'intime
  • Les talibans pourraient adopter une politique similaire à celle de Téhéran «en maintenant des dirigeants d'Al-Qaïda en résidence surveillée, tout en leur laissant une marge de manœuvre pour nuire»

PARIS : Les talibans avaient été chassés de Kaboul il y a 20 ans pour avoir laissé Al-Qaïda préparer les attentats du 11-septembre. Désormais, ils devraient opter pour une plus grande prudence, même si leurs liens avec la centrale jihadiste restent du domaine de l'intime.

Dans leurs négociations avec les Américains, les nouveaux patrons de l'Afghanistan avaient promis de ne pas protéger les combattants d'Al-Qaïda, fondé par Oussama ben Laden et responsable du plus grand attentat jamais commis contre une puissance occidentale.

Mais cette promesse ne semblait guère convaincre qui que ce soit lundi. 

"Les talibans n'ont jamais été sincères sur la rupture des liens avec Al-Qaïda et nous n'aurions jamais du les croire", s'emporte Michael Rubin, un ancien fonctionnaire du Pentagone, aujourd'hui chercheur pour le groupe de réflexion conservateur American Enterprise Institute (AEI). "On ne parle pas de deux groupes militaires qui coupent les liens, mais plutôt de deux frères, de deux cousins".

"La présence des Etats-Unis et l'Otan ont empêché Al-Qaïda d'utiliser l'Afghanistan comme un sanctuaire. Ils ne pouvaient pas opérer ouvertement. Désormais, les paris sont ouverts", assure-t-il à l'AFP. 

D'autant que les liens entre ces deux branches de l'islamisme ultra radical puisent dans l'histoire ancienne. Les pères de Sirajuddin Haqqani et du Mollah Yaqoubi, tous deux cadres supérieurs des talibans, étaient liés avec Ben Laden. Le leader taliban, Haibatullah Akhundzada, avait été pour sa part couvert d'éloges et qualifié d'"émir des fidèles" par le chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri au moment de sa nomination en 2016.

Edmund Fitton-Brown, le coordinateur de l'équipe des Nations unies chargée de la surveillance du groupe Etat islamique, d'Al-Qaïda et des talibans, en était arrivé en février dernier à la même conclusion: "nous pensons que la haute direction d'Al-Qaïda est toujours sous protection des talibans", déclarait-il à la chaîne de télévision américaine NBC.

Pour autant, la nature précise de leurs liens dans les mois à venir restent à définir. Les talibans ne peuvent se permettre la même erreur qu'il y a 20 ans, au risque de s'exposer à de violentes représailles occidentales, voire de se couper de la Chine et de la Russie, qui devraient tous deux reconnaître rapidement le nouveau régime. 

Et l'organisation fondée par Ben Laden s'est elle aussi considérablement transformée au cours de ces deux décennies. Très décentralisée, elle a essaimé dans de nombreux pays du globe, du continent africain à l'Asie du sud-est en passant par le Moyen-Orient. Au prix d'un affaiblissement majeur de l'autorité de sa centrale, mais en y gagnant agilité et résilience. 

Sa présence en Afghanistan sera donc nécessairement plus clandestine, moins officielle, pronostique Aymen Jawad Al-Tamimi, un chercheur du programme sur l'extrémisme de l'université George Washington. "Je ne pense pas que les talibans les laisseront ouvrir des camps d'entraînement qui pourraient être détectés de l'extérieur et faire l'objet de bombardements", estime-t-il.

Les nouveaux maîtres de Kaboul, précise l'Irakien à l'AFP, pourraient vouloir adopter une politique similaire à celle dont est accusée Téhéran "en maintenant des dirigeants d'Al-Qaïda en résidence surveillée, tout en leur laissant une marge de manœuvre pour communiquer avec les filiales à l'étranger".

A tout le moins, la rapidité avec laquelle ils ont balayé l'ancien pouvoir afghan témoigne à la fois de leur force face à l'ancien régime afghan, mais aussi des insuffisances occidentales dans la lecture des événements. De quoi envisager leurs difficultés futures lorsqu'il s'agira de frapper Al-Qaïda, regrette Michael Rubin. 

"Regardez ce que la CIA a raté: les talibans ont entamé des négociations avec les responsables locaux pour obtenir leur défection et (...) ils s'étaient déployés dans tout le pays pour préparer des assauts dans chaque capitale provinciale".

Une nouvelle donne va donc s'imposer dans l'ensemble du pays. L'organisation qui a conçu les attentats du 11-septembre 2001, et que les experts décrivent comme actuellement incapable de frapper massivement en Occident, peut désormais rêver de se reconstituer. 

"Ce qui se passe en Afghanistan est une victoire claire et retentissante pour Al-Qaïda", affirme sans détour Colin Clarke, directeur de recherche du Soufan Center, basé à New York. "C'est un événement qu'il pourrait utiliser pour attirer de nouvelles recrues et créer une dynamique dont il n'a pas bénéficié depuis la mort de Ben Laden" en 2011.

 

Le Hamas félicite les talibans

GAZA : Le mouvement islamiste palestinien Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, a félicité lundi les talibans pour leur "victoire", après la reprise du pouvoir par les insurgés en Afghanistan.

Considéré comme "terroriste" par des pays occidentaux et Israël, le groupe armé palestinien "félicite le mouvement des talibans et ses courageux dirigeants pour cette victoire, qui est l'aboutissement de son long combat durant ces 20 dernières années", a-t-il indiqué dans un communiqué

Le Hamas, mouvement islamiste au pouvoir à Gaza depuis 2007, a souhaité "au peuple et aux dirigeants afghans de parvenir à l'unité, la stabilité et la prospérité".

Pour le Hamas, la "victoire" des talibans montre que "la résistance des peuples, en tête desquels le peuple palestinien en lutte, est destinée à la victoire".

Le Hamas, organisation liée à la mouvance des Frères musulmans, a affronté Israël dans quatre guerres depuis sa prise de contrôle de l'enclave de Gaza (2008, 2012, 2014, mai 2021).


L'Inde cherche à porter la voix du « Sud global » entre le G7 et le Brics

Cette photographie prise et publiée par le Bureau d'information de la presse indienne (PIB) le 6 juin 2025 montre le Premier ministre indien Narendra Modi tenant le drapeau national lors de l'inauguration du pont ferroviaire de Chenab, qui fait partie de la liaison ferroviaire du Cachemire, à Reasi, dans l'État de Jammu-et-Cachemire. (PIB) / AFP)
Cette photographie prise et publiée par le Bureau d'information de la presse indienne (PIB) le 6 juin 2025 montre le Premier ministre indien Narendra Modi tenant le drapeau national lors de l'inauguration du pont ferroviaire de Chenab, qui fait partie de la liaison ferroviaire du Cachemire, à Reasi, dans l'État de Jammu-et-Cachemire. (PIB) / AFP)
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  • L'Inde n'est pas membre du Groupe des Sept (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada), mais elle est devenue une habituée de ses sommets, auxquels elle est régulièrement conviée depuis 2019.
  • « Nous contribuons activement à la diplomatie internationale et si cela peut servir de passerelle, c'est un atout pour la diplomatie internationale dans une période de relations difficiles et de tensions accrues », fait valoir M. Jaishankar.

PARIS : Invitée du G7 qui débute dimanche, mais aussi membre fondateur des Brics, l'Inde souhaite porter la voix du « Sud global », se posant en « passerelle » entre les différents acteurs de la scène internationale, affirme son ministre des Affaires étrangères dans un entretien à l'AFP.

L'Inde n'est pas membre du Groupe des Sept (États-Unis, Japon, Allemagne, Royaume-Uni, France, Italie, Canada), mais elle est devenue une habituée de ses sommets, auxquels elle est régulièrement conviée depuis 2019.

« Nous avons été un pays invité depuis plusieurs années et je pense que ça a été bénéfique pour le G7 », déclare à l'AFP Subrahmanyam Jaishankar depuis Paris, où il a clos samedi une visite en France, se félicitant d'avoir « la capacité de travailler avec différents pays sans qu'aucune relation ne soit exclusive ». 

Avec une population en passe de devenir la quatrième économie mondiale, l'Inde est l'un des pays les plus peuplés du globe. Elle siège à la table de nombreuses organisations, avec les Occidentaux au G7 ou au sein du « Quad » (Dialogue quadrilatéral pour la sécurité, avec les États-Unis, le Japon, l'Australie), mais aussi avec la Chine, la Russie et l'Iran au sein des Brics et du Groupe de Coopération de Shangaï.

« Nous contribuons activement à la diplomatie internationale et si cela peut servir de passerelle, c'est un atout pour la diplomatie internationale dans une période de relations difficiles et de tensions accrues », fait valoir M. Jaishankar.

Ancienne colonie britannique, indépendante depuis 1947, l'Inde se pose, avec le Brésil, en héraut du « Sud global », qui réunit « des pays qui ont été victimes de l'ordre mondial ces dernières années, ces derniers siècles ». 

« Dans les pays du Sud, il existe un fort ressentiment face aux inégalités de l'ordre international, une volonté de le changer, et nous en faisons pleinement partie », explique le ministre en poste depuis 2019.

« Aujourd'hui, pour des pays comme les nôtres, il est important de nous exprimer, de mener, de faire sentir notre présence. »

Cette voix passe aussi par les BRICS, devenue « l'une des principales plateformes de rassemblement pour les pays non occidentaux », dont les chefs d'État se réuniront en juillet.

Partisan de « négociations directes » pour résoudre la guerre entre l'Ukraine et la Russie, qui a frappé durement les pays du Sud, M. Jaishankar affiche son scepticisme face aux politiques de sanctions occidentales : « Ça n'a pas vraiment marché jusqu'à présent, non ? » 

Partenaire commercial et allié politique de la Russie, l'Inde pourrait se retrouver exposée en cas de sanctions contre Moscou.

« L'économie mondiale est sous tension. Plus on ajoute des facteurs de tensions, plus les difficultés seront grandes. »

Dans l'ordre mondial actuel, l'Inde doit composer avec la « discontinuité » posée par Donald Trump.

Des négociations en cours sur le sujet ont « bien avancé ».L'Inde doit également chercher « un équilibre » avec la Chine. 

Pékin soutient Islamabad, que New Delhi accuse de soutenir les activités de « terroristes » islamistes sur son sol.

Le 22 avril, une attaque au Cachemire indien a déclenché une confrontation militaire de quatre jours entre les deux pays, la plus grave depuis 1999. Narendra Modi a promis une « riposte ferme » à toute nouvelle attaque « terroriste », renforçant le spectre d'une escalade entre les deux puissances nucléaires.

« En 2008, la ville de Mumbai a été attaquée (plusieurs attentats jihadistes ont fait 166 morts) et nous avons commis l'erreur de ne pas réagir avec fermeté. Nous sommes déterminés à ne pas répéter ces erreurs. Si des terroristes pénètrent en Inde depuis et grâce au soutien d'un pays voisin, nous les poursuivrons et nous les châtierons ».

Mais l'Inde n'a jamais envisagé de recourir à l'arme nucléaire, assure-t-il : « Ces inquiétudes émanaient de personnes mal informées ».

 


Israël appelle les Iraniens à évacuer les zones proches de sites militaires

Des soldats et des membres d'une équipe de recherche et de sauvetage se rassemblent près de voitures endommagées dans la ville de Tamra, dans le nord d'Israël, à la suite d'une attaque à la roquette lancée par l'Iran dans la nuit du 15 juin 2025. (Photo par AHMAD GHARABLI / AFP)
Des soldats et des membres d'une équipe de recherche et de sauvetage se rassemblent près de voitures endommagées dans la ville de Tamra, dans le nord d'Israël, à la suite d'une attaque à la roquette lancée par l'Iran dans la nuit du 15 juin 2025. (Photo par AHMAD GHARABLI / AFP)
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  • L'armée a « demandé à toutes les personnes se trouvant actuellement dans des installations militaires en Iran, ou à proximité, d'évacuer immédiatement les lieux, précisant que leur vie était en danger ».
  • Le communiqué ne précise pas de coordonnées géographiques et n'est accompagné d'aucune carte permettant de localiser ces zones.

JERUSALEM : Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré dimanche dans un communiqué de son bureau avoir ordonné à l'armée israélienne d'émettre des avis d'évacuation à l'intention des habitants de Téhéran vivant à proximité de sites militaires.

Après cet ordre, l'armée israélienne a appelé les Iraniens à évacuer les zones « à proximité d'installations militaires » dans un communiqué publié sur le réseau social X en persan et en arabe.

L'armée a « demandé à toutes les personnes se trouvant actuellement dans des installations militaires en Iran, ou à proximité, d'évacuer immédiatement les lieux, précisant que leur vie était en danger ».

Le communiqué ne précise pas de coordonnées géographiques et n'est accompagné d'aucune carte permettant de localiser ces zones, contrairement aux communiqués de l'armée israélienne adressés aux Palestiniens de la bande de Gaza, où elle est en guerre contre le mouvement islamiste Hamas.

Cette décision fait partie d'un plan « visant à faire pression sur le régime » en créant des déplacements de population, a déclaré à l'AFP une source sécuritaire israélienne.


La Russie s'apprête à construire la première centrale nucléaire du Kazakhstan

Une vue aérienne montre le village d'Ulken (au premier plan) et le site proposé pour la centrale nucléaire près du village d'Ulken, situé sur les rives du lac Balkhash, à environ 400 kilomètres au nord d'Almaty, le 22 septembre 2024. (Photo de Ruslan PRYANIKOV / AFP)
Une vue aérienne montre le village d'Ulken (au premier plan) et le site proposé pour la centrale nucléaire près du village d'Ulken, situé sur les rives du lac Balkhash, à environ 400 kilomètres au nord d'Almaty, le 22 septembre 2024. (Photo de Ruslan PRYANIKOV / AFP)
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  • « Rosatom a été désigné chef de file du consortium international pour la construction de la première centrale nucléaire au Kazakhstan », a indiqué l'agence kazakhe pour l'énergie atomique.
  • Le Kazakhstan, immense ex-république soviétique et allié de Moscou, est le premier producteur mondial d'uranium (43 %) et le troisième fournisseur d'uranium naturel de l'Union européenne.

ALMATY, KAZAKHSTAN : Le géant russe du nucléaire Rosatom sera le principal constructeur de la première centrale nucléaire du Kazakhstan, ont annoncé samedi les autorités de ce pays d'Asie centrale, premier producteur mondial d'uranium, un chantier que convoitaient la France, la Chine et la Corée du Sud.

« Rosatom a été désigné chef de file du consortium international pour la construction de la première centrale nucléaire au Kazakhstan », a indiqué l'agence kazakhe pour l'énergie atomique.

Le Kazakhstan, immense ex-république soviétique et allié de Moscou, est le premier producteur mondial d'uranium (43 %) et le troisième fournisseur d'uranium naturel de l'Union européenne, mais souffre d'un manque cruel d'électricité pour sa consommation intérieure.

L'agence kazakhe dit désormais « étudier la question de l'obtention de financements publics à l'exportation aux dépens de la Fédération de Russie, conformément aux propositions de Rosatom ». 

Rosatom a salué la décision kazakhe dans un communiqué et promis « la construction d'une centrale nucléaire selon le projet le plus avancé et le plus efficace au monde, basé sur des technologies russes ».

« Les réacteurs VVER-1200 de troisième génération combinent des solutions techniques éprouvées avec les systèmes de protection active et passive les plus récents. Ces derniers ont été développés en stricte conformité avec les normes internationales de sécurité », a ajouté la société.

Rosatom (Russie), China National Nuclear Corporation (Chine), EDF (France) et Korea Hydro & Nuclear Power (Corée du Sud) faisaient partie des quatre entreprises pressenties.

L'agence ajoute qu'elle « continuera à travailler avec des partenaires étrangers pour former un consortium international efficace », sans donner plus de précisions. 

Ce projet de consortium international, qui n'a jamais été spécifié, s'inscrit dans la volonté du dirigeant kazakh Kassym-Jomart Tokaïev de maintenir de bonnes relations avec les grandes puissances.

Moscou, puissance historique en Asie centrale, a ainsi remporté cet appel d'offres aux dépens de la Chine, désormais incontournable dans la région. Cette annonce intervient quelques jours avant la venue du président chinois Xi Jinping au Kazakhstan pour un sommet « Asie centrale-Chine ».

La centrale, dont la construction a été validée lors d'un référendum sans surprise à l'automne, doit être bâtie près du village abandonné d'Ulken, dans le sud du pays, sur les bords du lac Balkhach, le deuxième plus grand d'Asie centrale.

En Ouzbékistan voisin, le géant russe Rosatom va construire une petite centrale nucléaire et a proposé au Kirghizistan un projet similaire.