Au Liban, les médias sociaux relatent l'histoire de deux mondes distincts

Au moment où le Liban sombre dans une foule de crises, le paysage ludique dépeint par les jeunes de l'élite du pays sur les médias sociaux masque la réalité du pays qui se trouve au bord de l'effondrement. (Médias sociaux/AFP)
Au moment où le Liban sombre dans une foule de crises, le paysage ludique dépeint par les jeunes de l'élite du pays sur les médias sociaux masque la réalité du pays qui se trouve au bord de l'effondrement. (Médias sociaux/AFP)
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Publié le Samedi 21 août 2021

Au Liban, les médias sociaux relatent l'histoire de deux mondes distincts

  • Les posts sur Instagram continuent de projeter une image de plénitude et de glamour alors que la crise économique gagne en intensité
  • Une ligne de faille évidente émerge sur les médias sociaux : les posts sur Instagram et Twitter mettent en évidence des aspects divergents de la vie des Libanais

BEYROUTH : « Alors, comment se passe cette journée de mardi?». C'est ce que disait la légende qui accompagnait une photo publiée sur Instagram. On y voyait une Libanaise allongée sur une chaise longue au bord d'une piscine miroitante, les jambes bronzées étendues sous le ciel radieux de Beyrouth.

Pour la plupart des Libanais, ce mardi n'a pas dérogé à la règle des derniers mois : des heures perdues à faire la queue devant les stations-service, à faire la file pour obtenir des produits alimentaires subventionnés au supermarché, et à passer de longues nuits torrides sur le balcon en raison d'une énième coupure de courant.

Mais si on parcourt rapidement les flux et les récits de nombreux Instagrammeurs libanais, on découvre un monde peuplé de mariages somptueux, de soirées sur les toits où une bouteille coûte le salaire mensuel d'un serveur, et de séjours en Italie et en Grèce. Au premier abord, on croirait que ce pays se porte à merveille. Pourtant, la réalité est tout autre.

 

À mesure que la nourriture, le carburant et les médicaments se font de plus en plus rares au Liban, aucune solution ne semble se dessiner, car les dirigeants politiques du pays ne parviennent pas à trouver un terrain d'entente. (Photo d'archive AFP)
À mesure que la nourriture, le carburant et les médicaments se font de plus en plus rares au Liban, aucune solution ne semble se dessiner, car les dirigeants politiques du pays ne parviennent pas à trouver un terrain d'entente. (Photo d'archive AFP)

Selon les données de la Banque mondiale, l'économie du Liban s'est contractée au cours de l'année 2020 à hauteur de 20 %, et une nouvelle chute de 9,5 % est prévue cette année. Sur cette toile de fond, la crise économique du pays figure relativement parmi les plus sévères au monde depuis le milieu du 19e  siècle.

Cette situation, associée à l'effondrement de la livre libanaise, qui a perdu à ce jour plus de 90 % de sa valeur sur le marché noir, explique pourquoi les ménages qui pouvaient autrefois s'offrir chaque année des vacances en Turquie ou à Chypre peinent aujourd'hui à trouver de quoi se nourrir.

« Je pense que les gens éprouvent un besoin inné de se sentir reconnus, tout particulièrement les personnes issues de milieux où l'estime de soi et la valeur individuelle dépendent dans une large mesure des perceptions de la société », explique à Arab News Selma Zaki, psychothérapeute libanaise diplômée. « Les médias sociaux leur procurent cette attention et cette reconnaissance ».

Au fil des ans, le Liban a accumulé les problèmes, des assassinats et des attentats à la voiture piégée à la guerre civile et à la corruption. Cependant, les Libanais sont réputés pour leur goût de la fête, envers et contre tout.

Cela fait bien longtemps que les membres de l'élite partagent sur les réseaux sociaux leurs photos dans des vêtements de luxe en train de savourer des repas somptueux, lors de mariages et d'anniversaires dans des endroits luxueux.

Dans un climat de pénurie prolongée de nourriture, de carburant et de médicaments, de chaleur torride lors de pannes d'électricité ou de survie par le biais de subventions, de tels étalages de richesse et d'opulence sont perçus par la plupart des Libanais comme un manque de tact.

Des véhicules font la queue devant une station-service sur l'autoroute Beyrouth-Saida, au sud de la capitale libanaise, dans un contexte de grave pénurie de carburant. (Photo d'archive AFP)
Des véhicules font la queue devant une station-service sur l'autoroute Beyrouth-Saida, au sud de la capitale libanaise, dans un contexte de grave pénurie de carburant. (Photo d'archive AFP)

« Je ne pense pas que les gens pensent à la réalité des autres lorsqu'ils postent de tels messages », explique Mme Zaki. « Ils ne pensent qu’à leur réalité et ne manifestent aucune empathie pour les autres, soit parce que la réalité peut s'avérer (tellement) pesante et insupportable, soit qu'ils ne ressentent aucune empathie à la base ».

Ce phénomène tient probablement de la perception de la culture ou de l'identité qui semble fragmentée dans la société libanaise. « Les gens se sentent seuls dans leurs souffrances, et lorsque nous refusons de parler de notre souffrance collective, nous nous sentons encore plus isolés et marginalisés », ajoute-t-elle.

En effet, une ligne de faille évidente émerge sur les médias sociaux : les utilisateurs d'Instagram véhiculent une irréalité tape-à-l'œil, tandis que les utilisateurs de Twitter présentent la vérité sans filtre en quelque 280 caractères.

La photographe Tamara Saadé, basée à Beyrouth, décrit la situation par ces mots : « Instagram au Liban: Entre deux mariages et un séjour en Grèce, je pars à la montagne et me baigne avec des dauphins... Twitter au Liban : Voilà une semaine que je vis sans électricité ni eau chaude ni Panadol... Ce pays donne la nausée. A tous les niveaux ».

Au Liban, la divergence qui apparait d'une plate-forme à l'autre est tellement flagrante que l'humoriste Farid Hobeiche, mieux connu sous le nom de FarixTube, a posté sur Instagram une image composée de quatre panneaux pour illustrer les « réalités » contradictoires.

Sur Instagram, on peut voir Hobeiche dans une piscine ; sur Facebook, on le voit plongé dans le noir avec une bougie (pour illustrer la pénurie d'électricité) ; sur Twitter, il participe à une manifestation ; et sur TikTok, il danse de manière insolente.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

A post shared by Farid hobeiche (@farixtube)

Toutefois, les Libanais sont nombreux à demander si les personnes qui ont les moyens de sortir et de s'amuser doivent avoir honte de le faire. En effet, au vu de la situation déplorable que traverse le pays, toute forme de dépense, même la consommation ostentatoire, ne peut que profiter au pays du point de vue économique.

« Chacun est libre de faire ce qu'il veut tant qu'il manifeste et se bat avec nous» confie à Arab News Médéa Azouri, chroniqueuse au quotidien libanais L'Orient le Jour. « Ce qui me dérange, ce sont leurs posts sur les médias sociaux. Faites tout ce que vous voulez, mais pas de cette manière, sous nos yeux ».

Certains Libanais ont choisi, par solidarité avec leurs compatriotes moins fortunés, de baisser le ton de leurs caprices sur les médias sociaux depuis que la crise économique a frappé.

« Honnêtement, je me sens coupable ! Je connais la plupart de ces gens », raconte à Arab News Nehmé Hamadeh, responsable en marketing basé à Dubaï. « Mais je suis également choqué de voir que cette attitude se prolonge au moment où tout laisse à penser que notre pays s'est effondré. Comment peut-on faire comme si tout allait bien ? Rien ne va plus ».

Ce même sentiment habite de nombreux Libanais vivant à l'étranger : ils se sentent coupables d'être si peu impliqués dans les luttes quotidiennes qui marquent leur pays natal.

« Je me sens coincé. Je ne peux pas pointer du doigt le problème si j'en fais partie. C'est très perturbant, mais je suis plutôt irrité et déçu par ces gens qui postent des messages sans réfléchir », explique M. Hamadeh.

Au Liban, la saison des souffrances interminables a pris un nouveau virage encore plus sombre. Plus de 200 entreprises ont été contraintes de fermer boutique pendant le week-end de la mi-août en raison des coupures de courant prolongées. Quant aux habitants qui ont fui la chaleur de Beyrouth pour profiter du climat plus frais des montagnes, ils ont eux aussi souffert de coupures de courant.

Dans la foulée, un camion-citerne que l'armée libanaise avait saisi pour distribuer du carburant aux habitants du Akkar, une région défavorisée située non loin de la frontière syrienne, a explosé dimanche. Le bilan des victimes s'est élevé à 28 morts et 79 blessés.

Un homme, brûlé lors de l'explosion d'un réservoir de carburant à Akkar, au Liban, sur fond de pénurie de carburant, est alité à l'hôpital As-Salam de Tripoli, le 15 août 2021. (AFP)
Un homme, brûlé lors de l'explosion d'un réservoir de carburant à Akkar, au Liban, sur fond de pénurie de carburant, est alité à l'hôpital As-Salam de Tripoli, le 15 août 2021. (AFP)

En outre, des manifestants enragés ont saccagé la maison de Tarek El-Merehbi, député du Akkar, à Beyrouth, et les habitants ont interdit à tous les politiciens de visiter la région. Dans la banlieue sud de Beyrouth, une station-service a pris feu après avoir été frappée par une grenade propulsée par fusée.

Dorothy Shea, l'ambassadrice américaine au Liban, a averti lundi que l'économie du Liban, ainsi que ses services les plus élémentaires, se tiennent au « bord du gouffre », tandis que les politiciens continuent de se chamailler pour arracher des concessions au sein du Cabinet.

Pour les Libanais qui ont le don de filtrer les imperfections de la vie réelle sur Instagram, les photos de soirées sur la plage et de festins dans des hôtels somptueux ne semblent pas connaître de limites lorsqu’il s’agit de fuir la réalité.

« Si vous ne le postez pas sur Instagram, comment peut-on croire que ça s'est vraiment passé ? » : voilà un mantra en vogue à l'ère des médias sociaux. Mais pour ce qui est du Liban, ce sont les photos non partagées sur Instagram qui correspondent probablement le mieux à la réalité que le pays vit aujourd'hui.

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• Twitter: @Tarek_AliAhmad

 

 


JO-2024: «si aucun Palestinien ne se qualifie», le CIO les invitera, déclare son président

Le président du CIO, Thomas Bach, s'exprime lors d'une interview avec l'AFP avant les Jeux Olympiques de Paris 2024, au siège du CIO à Lausanne, le 26 avril 2024. (Photo Gabriel Monnet AFP)
Le président du CIO, Thomas Bach, s'exprime lors d'une interview avec l'AFP avant les Jeux Olympiques de Paris 2024, au siège du CIO à Lausanne, le 26 avril 2024. (Photo Gabriel Monnet AFP)
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  • Le système d'invitations olympiques n'est pas réservé aux Palestiniens mais à tout CNO qui ne parvient pas à qualifier d'athlètes, au nom de «l'universalité olympique» permettant de rassembler toutes les nations, au delà de la seule élite sportive
  • Le CIO se retranche derrière sa «solution à deux Etats», puisque les CNO israélien et palestinien coexistent depuis 1995, un legs du processus de paix d'Oslo

LAUSANNE, Suisse : Les athlètes palestiniens devraient être «six à huit» aux JO de Paris, où le Comité international olympique les invitera s'ils ne parviennent pas à se qualifier, a indiqué vendredi son président Thomas Bach dans un entretien exclusif à l'AFP.

«Nous avons pris l'engagement clair que, si aucun athlète ne se qualifie sur le terrain, le comité national olympique (CNO) palestinien bénéficiera d'invitations», a annoncé le dirigeant. Interrogé sur l'ampleur de ces invitations, il a ensuite évalué le nombre de représentants palestiniens à «six ou huit» à Paris selon le résultat des qualifications, «qui sont encore en cours dans un certain nombre de disciplines».

Le système d'invitations olympiques n'est pas réservé aux Palestiniens mais à tout CNO qui ne parvient pas à qualifier d'athlètes, au nom de «l'universalité olympique» permettant de rassembler toutes les nations, au delà de la seule élite sportive.

Mais la venue d'athlètes palestiniens à Paris restait une interrogation majeure puisque l'offensive militaire israélienne à Gaza, consécutive à l'attaque lancée par le Hamas le 7 octobre, a notamment détruit la plupart des infrastructures sportives.

Thomas Bach avait reçu la semaine dernière à Lausanne le président du CNO palestinien, Jibril Rajoub, promettant de poursuivre le soutien du CIO aux athlètes, mais aussi d'assurer la coordination des efforts internationaux pour reconstruire les installations détruites.

Si le patron de l'olympisme a appelé dès le début du conflit entre Israël et le Hamas à «une solution pacifique», il a aussi adopté un traitement très différent de celui de la guerre russe en Ukraine, qui a abouti à une série de sanctions contre le sport russe.

Le CIO se retranche derrière sa «solution à deux Etats», puisque les CNO israélien et palestinien coexistent depuis 1995, un legs du processus de paix d'Oslo. Par ailleurs, «il n'y a eu aucune violation de la Charte olympique, ni par le comité israélien ni par le comité palestinien», a insisté Thomas Bach vendredi, alors que le CNO russe avait placé sous son contrôle les organisations sportives de régions ukrainiennes occupées.


En Tunisie, des migrants survivent dans des champs d'oliviers en lorgnant l'Europe

Un migrant originaire d'Afrique subsaharienne prépare à manger devant une tente dans un camp à Jebeniana, dans le gouvernorat tunisien de Sfax, le 24 avril 2024. (AFP)
Un migrant originaire d'Afrique subsaharienne prépare à manger devant une tente dans un camp à Jebeniana, dans le gouvernorat tunisien de Sfax, le 24 avril 2024. (AFP)
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  • Selon Romdhane Ben Amor de l'ONG FTDES, la Tunisie «se transforme de facto en centre de rétention justement à cause d'accords de contrôle des frontières avec l'UE»
  • Ces dernières semaines, la police a détruit des abris dans plusieurs campements, officiellement suite à des signalements de riverains excédés

EL AMRA: Des bâches en guise d'abri, des poulets décharnés comme nourriture, des milliers de migrants d'Afrique subsaharienne vivotent dans des champs d'oliviers en Tunisie, s'accrochant à l'espoir de traverser la Méditerranée vers l'Europe.

Ils sont environ 20.000 dans des campements de fortune près des localités rurales d'El Amra et Jebeniana, à entre 30 et 40 km au nord de la métropole de Sfax (centre), selon des sources humanitaires.

Ils ont construit de premiers abris à la mi-septembre après avoir été évacués du centre de Sfax. Des milliers d'autres les ont depuis rejoints dans des plantations d'oliviers, où ils guettent l'occasion d'embarquer clandestinement vers l'Italie, à partir de plages situées à une quinzaine de kms.

C'est le cas d'Ibrahim (nom d'emprunt), parti de Guinée Conakry il y a plus d'un an pour émigrer en Europe et "subvenir aux besoins de sa mère malade et son petit frère". Il est arrivé sous les oliviers il y a trois mois en plein hiver, après avoir marché 20 jours depuis la frontière algérienne.

"C'est vraiment difficile ici, même pour des courses, on y va en cachette. On peut sortir chercher du travail mais quand ils doivent te payer, ils appellent la police", explique à l'AFP, l'air épuisé, cet étudiant qui dit avoir 17 ans.

Depuis environ un an et un discours aux accents xénophobes du président tunisien Kais Saied contre l'immigration clandestine d'Afrique subsaharienne, des milliers de migrants employés informellement ont perdu leurs travail et logement.

En 2023, des dizaines de milliers ont pris la mer au péril de leur vie depuis la région de Sfax, épicentre des départs en Tunisie. "Nous sommes à quelques kilomètres de l'Europe", explique Ibrahim, en référence aux 150 kms qui le sépare des côtes italiennes.

«Solidarité»

Près d'El Amra, sous des bâches arrimées à des poteaux avec des tubes d'irrigation, ils dorment souvent à 5 ou 10. En majorité des hommes mais aussi des femmes et enfants, venant de Guinée, Cameroun, Sénégal, Soudan, Sierra Leone ou Nigeria, regroupés par langue.

Des femmes cuisinent une sorte de ragoût, un homme montre de maigres poules blanches, impropres à la consommation mais principale nourriture des migrants.

Cet hiver, "il a fait très froid mais on arrive à survivre grâce à la solidarité entre frères africains", note Ibrahim. "Si quelqu'un a de la nourriture et toi non, il t'en donne, les bâches on les a achetées avec notre argent (envoyé par certaines familles, ndlr) ou la mendicité".

Les migrants se souviennent d'une distribution alimentaire début avril par des ONG. Beaucoup réclament plus d'aide de l'Europe.

Mais selon Romdhane Ben Amor de l'ONG FTDES, la Tunisie "se transforme de facto en centre de rétention justement à cause d'accords de contrôle des frontières avec l'Union européenne".

Sur le plan sanitaire, Ibrahim est inquiet: "il y a beaucoup de naissances, des gens malades". "On a une naissance (de bébé migrant) par jour à l'hôpital de Jebeniana, beaucoup de femmes enceintes, pas de suivi", confirme une source humanitaire à Sfax.

"Je suis ici pour traverser (la mer, ndlr) avec ma fille de 4 mois, y a pas d'eau, pas de couches, on met du plastique sous ses fesses", explique Salima, 17 ans, décidée malgré tout à "patienter le temps qu'ils (les passeurs, ndlr) ouvrent" les départs, retardés par une mauvaise météo.

«A la nage»

Ces dernières semaines, la police a détruit des abris dans plusieurs campements, officiellement suite à des signalements de riverains excédés.

Près de Jebeniana, des journalistes de l'AFP ont vu des cartouches de gaz lacrymogènes et des bâches arrachées mais aussi des cabanes en phase de reconstruction.

"La police nous fatigue beaucoup, hier j'ai été chassé au niveau des boutiques (à El Amra)", raconte Sokoto (un surnom), 22 ans, parti de Guinée il y a trois ans, entré en janvier en Tunisie par la frontière algérienne.

Mohamed Bekri fait partie des habitants d'El Amra qui apportent un peu d'eau et de nourriture aux migrants. "C'est une démarche humanitaire, il y a des bébés de trois ou six mois", dit ce commerçant quinquagénaire.

"Enlever les tentes n'est pas la solution, il faut que l'Etat trouve une vraie solution. Ce n'était déjà pas une solution de les amener à El Amra où habitent 32 000 personnes", ajoute-t-il.

Malgré les tensions et la grande précarité, aucun des migrants rencontrés ne veut retourner au pays.

Pour Sokoto, "la marche arrière s'est cassée". "Je suis sorti pour aider ma famille, j'ai beaucoup souffert pour arriver ici, je ne rentre pas en Guinée même si je dois traverser à la nage".


Le Hamas «étudie» une contre-proposition de trêve israélienne

Des voitures passent devant un panneau d'affichage portant une inscription en hébreu "Pensez bien à qui profite notre division - l'unité maintenant", avec un portrait du chef de l'aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinwar, à Tel Aviv le 26 avril 2024. (Photo par Jack Guez  AFP)
Des voitures passent devant un panneau d'affichage portant une inscription en hébreu "Pensez bien à qui profite notre division - l'unité maintenant", avec un portrait du chef de l'aile politique du mouvement palestinien Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinwar, à Tel Aviv le 26 avril 2024. (Photo par Jack Guez AFP)
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  • «Aujourd’hui, le Hamas a reçu la réponse officielle de l'occupation sioniste à notre position qui avait été remise aux médiateurs égyptiens et qataris le 13 avril», a déclaré le N.2 de la branche politique du Hamas pour Gaza
  • Israël s'oppose à un cessez-le-feu permanent, insistant plutôt sur une pause de plusieurs semaines dans les combats pour ensuite mener par exemple une opération terrestre à Rafah, et refuse de se retirer de l'ensemble du territoire

TERRITOIRES PALESTINIENS : Le mouvement islamiste palestinien Hamas a annoncé samedi «étudier» une contre-proposition israélienne en vue d'une trêve dans les combats à Gaza associée à la libération d'otages, un nouveau développement dans les pourparlers que l'Egypte tente de relancer.

«Aujourd’hui, le Hamas a reçu la réponse officielle de l'occupation sioniste (nom donné à Israël, ndlr) à notre position qui avait été remise aux médiateurs égyptiens et qataris le 13 avril», a déclaré le N.2 de la branche politique du Hamas pour Gaza, Khalil al-Hayya.

«Le mouvement étudiera cette proposition et soumettra sa réponse une fois son étude terminée», a-t-il ajouté dans un communiqué publié tôt samedi.

Le Hamas avait indiqué dans un communiqué le 13 avril avoir remis sa réponse aux médiateurs égyptiens et qataris sur une proposition de trêve avec Israël dans la bande de Gaza, en insistant sur un cessez-le-feu permanent.

Sans rejeter explicitement le contenu du projet de trêve, le mouvement palestinien y réaffirmait ses «exigences», soit «un cessez-le-feu permanent», le retrait de l'armée israélienne «de toute la bande de Gaza», «le retour des déplacés dans leurs zones et lieux de résidence, et « l'intensification de l'entrée de l'aide humanitaire».

Or Israël s'oppose à un cessez-le-feu permanent, insistant plutôt sur une pause de plusieurs semaines dans les combats pour ensuite mener par exemple une opération terrestre à Rafah, et refuse de se retirer de l'ensemble du territoire.

Les détails de cette contre-proposition n'ont pas filtré mais la presse israélienne évoquait plus tôt cette semaine la libération possible, dans un premier temps, de 20 otages considérés comme des «cas humanitaires».

Cette contre-proposition intervient alors qu’une délégation égyptienne est arrivée vendredi en Israël pour discuter d'un «cadre global pour un cessez-le-feu» à Gaza, selon le média égyptien proche des renseignements Al-Qahera News, qui cite un haut responsable égyptien.

Selon des médias israéliens, la délégation doit tenter de relancer les négociations, au point mort depuis plusieurs semaines, et plaider pour un accord de trêve impliquant la libération de «dizaines» d'otages retenus à Gaza.

La guerre entre Israël et le Hamas sera également au centre des entretiens de hauts diplomates arabes et européens attendus ce weekend à Ryad, en Arabie saoudite, dont les chefs de la diplomatie d'Allemagne et de France.

- «Un missile, et un autre» -

Sur le terrain, dans la nuit de vendredi à samedi, des Palestiniens ont fait état de frappes israéliennes près de Rafah, où Israël se prépare à lancer une offensive terrestre en dépit des craintes de la communauté internationale.

De nombreuses capitales et organisations humanitaires redoutent un bain de sang dans cette ville, où s'entassent un million et demi de Palestiniens, pour beaucoup dans des camps de tentes, sans eau ni électricité.

La guerre à Gaza a été déclenchée le 7 octobre par une attaque sans précédent menée contre Israël par des commandos du Hamas, qui a entraîné la mort de 1.170 personnes, essentiellement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Plus de 250 personnes ont été enlevées et 129 restent captives à Gaza, dont 34 sont mortes selon des responsables israéliens.

En représailles, Israël a promis de détruire le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007 et qu'il considère comme une organisation terroriste, de même que les Etats-Unis et l'Union européenne. Son armée a lancé une offensive qui a fait jusqu'à présent 34.356 morts, majoritairement des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste.

Vendredi à la mi-journée, un correspondant de l'AFP a vu des appareils tirer des missiles sur une maison du quartier Al-Rimal de la ville de Gaza, dans le nord du territoire, et les corps d'un homme, d'une femme et d'un enfant être extraits des décombres.

«J'étais assis en train de vendre des cigarettes et soudain un missile est tombé, secouant toute la zone, suivi d'un autre missile, secouant à nouveau la zone. Nous nous sommes précipités pour voir ce qui s'était passé, et nous avons trouvé des martyrs, un homme, une femme et une petite fille», a également raconté à l'AFP un témoin qui n'a pas donné son nom.

Après six mois et demi de bombardements aériens, de tirs d'artillerie et de combats au sol, la guerre a dévasté Gaza où l'ONU estime à 37 millions de tonnes la masse des débris et gravats à déblayer.

- Liban, Yémen et Etats-Unis -

Le conflit a aussi migré à la frontière entre Israël et le Liban, où les échanges de tirs sont quotidiens entre l'armée israélienne et le Hezbollah, libanais, voire au Yémen, où les rebelles Houthis ciblent une partie du trafic maritime en mer Rouge en soutien à Gaza.

Israël a annoncé vendredi qu'un civil israélien travaillant sur un chantier avait été tué près de la frontière par des missiles tirés du sud du Liban.

«Dans la nuit, des terroristes ont tiré des missiles antichar» dans une zone contestée située à la frontière entre le Liban et le plateau syrien du Golan, annexé par Israël. Le Hezbollah affirme y avoir mené «une embuscade complexe» contre un convoi israélien  et avoir «détruit deux véhicules».

Dans la soirée, le groupe islamiste libanais Jamaa islamiya, proche du Hamas, a annoncé la mort de deux de ses cadres dans une frappe israélienne au Liban.

L'armée israélienne avait indiqué plus tôt avoir éliminé un des cadres de ce groupe, Mosab Khalaf, qu'elle accuse d'avoir «préparé un grand nombre d'attaques terroristes contre Israël».

Au Yémen, les rebelles Houthis ont revendiqué dans la nuit de vendredi à samedi des attaques ayant endommagé l'Andromeda star, un navire circulant en mer Rouge selon le Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom).

Aux Etats-Unis, pays allié d'Israël, un mouvement de protestation contre la guerre à Gaza se généralise sur les campus, après être parti il y a plus d'une semaine de l'université Columbia à New York.