« Mourez lentement »: au Liban, la vie infernale des malades du cancer

Rita, une Libanaise de 53 ans diagnostiquée il y a 3 ans d'un cancer de l'utérus qui s'est ensuite propagé à ses poumons, expose des boîtes de médicaments lors d'un entretien à son domicile du village de Kfar Nabrakh, dans les montagnes du Chouf au sud-est de la capitale Beyrouth, le 25 août 2021. (Anwar Amro/AFP)
Rita, une Libanaise de 53 ans diagnostiquée il y a 3 ans d'un cancer de l'utérus qui s'est ensuite propagé à ses poumons, expose des boîtes de médicaments lors d'un entretien à son domicile du village de Kfar Nabrakh, dans les montagnes du Chouf au sud-est de la capitale Beyrouth, le 25 août 2021. (Anwar Amro/AFP)
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Publié le Vendredi 27 août 2021

« Mourez lentement »: au Liban, la vie infernale des malades du cancer

  • Avant la crise, le ministère de la Santé fournissait des médicaments à prix réduits pour les patients souffrant de maladies chroniques non couverts par une assurance maladie, mais plusieurs médicaments de base sont aujourd'hui introuvables
  • La santé de plusieurs malades du cancer s'est récemment dégradée, alors qu'ils étaient en fin de traitement et que leur état s'était amélioré

KFAR NABRAKH : Comme si le traitement de son cancer n'était pas déjà assez pénible, Rita doit maintenant batailler pour se procurer les médicaments dont elle a besoin, en raison de la profonde crise économique secouant le Liban.

"Le traitement, c'est comme du feu qui pénètre dans votre corps", affirme à l'AFP la femme de 53 ans, s'exprimant sous un pseudonyme.

"Mais en plus de tout cela, il faut maintenant pouvoir trouver les médicaments nécessaires", lâche-t-elle les larmes aux yeux.

Chute libre de la monnaie locale, restrictions bancaires inédites, hyperinflation, pénuries de courant, de carburants et de médicaments, le Liban traverse selon la Banque mondiale une des pires crises économiques au monde depuis 1850.

Avant la crise, le ministère de la Santé fournissait des médicaments à prix réduits pour les patients souffrant de maladies chroniques non couverts par une assurance maladie, dont Rita. Mais plusieurs médicaments de base sont aujourd'hui introuvables.

Depuis son diagnostic d'un cancer du col de l'utérus, il y a trois ans, la maladie de Rita s'est propagée à d'autres organes. Cette mère de trois enfants souffre aussi d'infections urinaires et sanguines.

"Mon frère n'a pas trouvé les médicaments (...) au ministère", déplore cette quinquagénaire, les traits tirés, rencontrée dans son domicile à Kfar Nabrakh (sud-est). 

Pour s'en procurer, Rita dit avoir acheté des médicaments à des prix exorbitants sur le marché noir, l'obligeant à s'endetter. Elle affirme qu'elle n'aura bientôt plus les moyens de s'en procurer.    

"Qu'est-ce que je fais si je ne peux plus emprunter d'argent? Dois-je attendre mon tour (pour obtenir des médicaments du ministère) au risque de voir le cancer s'étendre davantage?", demande-t-elle.

"Si je ne peux obtenir le médicament, je vais mourir".

« Plus que quelques médicaments »

Le Liban a enregistré 28.764 cas de cancer durant les cinq dernières années, dont 11.600 cas en 2020, selon un rapport de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) publié en mars 2021. Des médecins expliquent toutefois que le nombre de malades est plus élevé, vu que la durée de traitement de certains patients peut durer plusieurs années. 

Selon Ahmad Ibrahim, président de la Société libanaise d'hématologie et de transfusion sanguine, entre 2.000 et 2.500 cas de leucémies et de maladies lymphatiques sont enregistrés chaque année au Liban.

"Mais, dit-il, il ne reste plus que quelques médicaments nécessaires pour leur traitement", disponibles dans les pharmacies au Liban, où 78% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté, selon l'ONU.

"Si le traitement de ces patients n'est pas suivi de manière régulière, certains vont mourir", met-il en garde.

"La santé de plusieurs d'entre eux s'est récemment dégradée, alors qu'ils étaient en fin de traitement et que leur état s'était amélioré."

A court de solutions, nombre de Libanais s'en remettent aux réseaux sociaux et sollicitent notamment des proches pour qu'ils ramènent de l'étranger des médicaments.

Début juillet, le syndicat des importateurs de médicaments avait déjà tiré la sonnette d'alarme sur des ruptures de stock touchant des "centaines" de produits nécessaires pour le traitement de maladies chroniques.

« lls se moquent de nous »

Jeudi, l'Association Barbara Nassar, qui soutient les patients souffrant de cancer, a organisé une manifestation à Beyrouth pour demander un meilleur accès aux médicaments.

"Imaginez-vous! En plus de tous leurs soucis, les patients atteints de cancer doivent sortir dans la rue pour exiger des médicaments", a déclaré à l'AFP le président de l'association, Hani Nassar.

"Pourquoi les patients doivent payer le prix fort de la crise, alors que c'est l'Etat qui est incapable de la gérer?", demande-t-il.

A Hazmieh, dans la banlieue de Beyrouth, Patricia Nassif, 29 ans, dit craindre ne plus pouvoir suivre le traitement de son cancer du sein.

Diagnostiquée en avril, huit mois après son mariage, elle a vu son rêve de devenir maman s'envoler. "Je perds souvent espoir", confie la jeune mariée, coiffée d'une perruque noire avec des mèches violettes.

Elle affirme ne pas savoir si elle pourra finir les douze séances de chimiothérapie qui lui restent et craint devoir dépenser des milliers de dollars à l'étranger pour se procurer ses médicaments. Elle ne cache pas sa colère contre les autorités.

"C'est comme s'ils nous disaient 'Mourez lentement' (...) Ils se moquent de nous".


La diplomatie française estime qu'Israël doit faire preuve de « la plus grande retenue » au Liban

Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
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  • l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, Hezbollah.
  • Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

PARIS : La France a exhorté mercredi Israël « à faire preuve de la plus grande retenue » au Liban après la frappe israélienne qui a touché Beyrouth dimanche dernier, et a souligné que le démantèlement des sites militaires du Hezbollah revenait « exclusivement aux forces armées libanaises ».

Malgré un cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après plus d'un an de guerre entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, très affaibli, qui affirme de son côté respecter l'accord.

Le week-end dernier, Israël a assuré avoir visé un entrepôt de missiles.

Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

« La France rappelle que le respect du cessez-le-feu s'impose à toutes les parties sans exception afin de garantir la sécurité des populations civiles des deux côtés de la Ligne bleue », la frontière de facto délimitée par les Nations unies, a souligné mercredi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

« La France appelle donc Israël à faire preuve de la plus grande retenue et à se retirer au plus vite des cinq points toujours occupés sur le territoire libanais », a-t-il ajouté lors d'un point presse.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les États-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire des cinq positions frontalières où il s'est maintenu dans le sud du pays, malgré l'accord.


Les services de sécurité des Émirats déjouent un transfert illégal d'armes vers le Soudan

Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
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  • Les services de sécurité ont réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises 
  • Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays

ABU DHABI: Les services de sécurité des Émirats arabes unis ont déjoué une tentative de transfert illégal d'armes et d'équipements militaires aux forces armées soudanaises, a déclaré mercredi le procureur général des Émirats arabes unis, Hamad Saif al-Chamsi.

M. Al-Chamsi a déclaré que les services de sécurité avaient réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises après l'arrestation de membres d'une cellule impliquée dans la médiation non autorisée, le courtage et le trafic illicite d'équipements militaires, sans avoir obtenu les licences nécessaires auprès des autorités compétentes.

Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays.

L'avion transportait environ cinq millions de munitions de type Goryunov (54,7 x 62 mm).

Les autorités ont également saisi une partie du produit financier de la transaction en possession de deux suspects dans leurs chambres d'hôtel.

M. Al-Chamsi a déclaré que l'enquête avait révélé l'implication de membres de la cellule des chefs militaires soudanais, notamment l'ancien chef des services de renseignement Salah Gosh, un ancien officier de l'agence de renseignement, un ancien conseiller du ministre des Finances et une personnalité politique proche du général Abdel Fattah al-Burhan et de son adjoint Yasser al-Atta. Plusieurs hommes d'affaires soudanais ont également été impliqués.

Selon les enquêteurs, les membres de la cellule ont conclu un marché d'équipement militaire portant sur des fusils Kalachnikov, des munitions, des mitrailleuses et des grenades d'une valeur de plusieurs millions de dollars.

Les armes ont été transférées de l'armée soudanaise à une société d'importation des Émirats arabes unis en utilisant la méthode de transfert des HAWALADARS.

La transaction a été facilitée par l'intermédiaire d'une société appartenant à un membre fugitif de la cellule travaillant pour les forces armées soudanaises, en coordination avec le colonel Othman al-Zubair, responsable des opérations financières au sein de l'armée soudanaise.

De faux contrats et de fausses factures commerciales ont été utilisés pour prétendre que les paiements concernaient un contrat d'importation de sucre.

L'enquête a conclu que ces transactions avaient été effectuées à la demande du comité d'armement des forces armées soudanaises, présidé par Al-Burhan et son adjoint Al-Atta, en toute connaissance de cause et avec leur approbation. Les membres de la cellule ont été directement chargés de négocier et de finaliser les transactions par Ahmed Rabie Ahmed al-Sayed, une personnalité politique proche du commandant en chef soudanais et responsable de la délivrance des certificats et des approbations des utilisateurs finaux.

Les enquêteurs ont confirmé que Salah Gosh jouait un rôle central dans la gestion du trafic illégal d'équipements militaires aux Émirats arabes unis, en coordination avec d'autres membres de la cellule.

Le groupe a réalisé une marge bénéficiaire de 2,6 millions de dollars (1 dollar = 0,88 euro) par rapport à la valeur réelle des deux transactions, qu'il s'est répartie entre lui et plusieurs complices. La part de Gosh a été retrouvée en possession du suspect Khalid Youssef Mukhtar Youssef, ancien officier de renseignement et ex-chef de cabinet de Gosh.

La cargaison saisie était arrivée à l'aéroport des Émirats arabes unis à bord d'un avion privé en provenance d'un pays étranger.

L'avion s'était posé pour faire le plein et avait officiellement déclaré qu'il transportait un lot de fournitures médicales.

Cependant, la cargaison militaire a été découverte sous la supervision du ministère public, sur la base de mandats judiciaires émis par le procureur général.

Les autorités ont également saisi des copies des contrats relatifs aux deux transactions, de faux documents d'expédition, ainsi que des enregistrements audio et des messages échangés entre les membres de la cellule.

L'enquête a permis de découvrir plusieurs sociétés appartenant à un homme d'affaires soudano-ukrainien, dont une opérant aux Émirats arabes unis.

Ces sociétés ont fourni à l'armée soudanaise des armes, des munitions, des grenades et des drones, en collaboration avec les membres de la cellule et le responsable financier de l'armée.

L'une des sociétés figure sur la liste des sanctions américaines.

Les enquêtes en cours ont révélé que les intérêts financiers et les profits du groupe sont étroitement liés à la poursuite du conflit interne au Soudan.

Le procureur général a souligné que cet incident représentait une grave atteinte à la sécurité nationale des Émirats arabes unis, en faisant de leur territoire une plateforme pour le trafic illégal d'armes à destination d'un pays en proie à des troubles civils, en plus de constituer des infractions pénales punissables par la loi.

Il a conclu en déclarant que le ministère public poursuivait ses procédures d'enquête en vue de déférer les suspects à une procédure judiciaire d'urgence.

Les résultats définitifs seront annoncés à la fin de l'enquête.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Retailleau engage la procédure de dissolution d'Urgence Palestine

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine.
  • Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

PARIS : A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine, ainsi que de Lyon Populaire, qui appartient à l'ultra droite, après avoir lancé mardi celle du groupe antifasciste La Jeune Garde.

Invité de CNews/Europe 1, le ministre de l'Intérieur a justifié la dissolution d'Urgence Palestine en affirmant qu'il fallait « taper sur les islamistes ». « L'islamisme est une idéologie qui essaie d'instrumentaliser une religion. Il y a une défiguration de la foi », a-t-il dit.

« Il ne faut pas défigurer la juste cause des Palestiniens », a poursuivi M. Retailleau, qui a insisté sur le fait que « beaucoup de nos compatriotes musulmans professent une foi parfaitement compatible avec les valeurs de la République ».

Créé au lendemain de l'attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza, le collectif Urgence Palestine dit rassembler « des citoyens, des organisations et mouvements associatifs, syndicaux et politiques mobilisés pour l'auto-détermination du peuple palestinien ». 

Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

« À l'heure où le peuple palestinien est confronté au génocide, à la famine, où les Israéliens cherchent à détruire et à anéantir le peuple palestinien, que fait le gouvernement français ? Il veut dissoudre notre collectif, c'est insupportable », a réagi Omar Al Soumi, l'un des militants d'Urgence Palestine.

« C'est la réalité d'une France complice du génocide », a-t-il accusé dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.

Urgence Palestine a reçu de nombreux messages de soutien de la part d'organisations de l'extrême gauche et de la gauche radicale. 

« Non à la dissolution d'Urgence Palestine », a écrit sur Instagram le Nouveau Parti Anticapitaliste, dénonçant « des prétextes pour faire taire les voix solidaires avec la Palestine ! ».

L'eurodéputée insoumise Rima Hassan a également critiqué les dissolutions engagées contre la Jeune Garde et Urgence Palestine.

« La dérive autoritaire et fasciste de Macron est aussi réelle, tangible et concrète », a-t-elle réagi sur X.

Tsedek!, qui se présente comme un « collectif juif décolonial », a aussi apporté son soutien à ces deux organisations.

« Le gouvernement qui appelle à la dissolution d’Urgence Palestine, c’est la République qui reprend ses droits et réaffirme que l’antisémitisme ne passera pas en France », s'est au contraire félicitée Sarah Aizenman, présidente du collectif « Nous vivrons », auprès de l'AFP. 

« Cette organisation ne défend pas les droits des Palestiniens, elle soutient une organisation terroriste », a accusé Mme Aizenman.

Les annonces de procédures de dissolution contre La Jeune Garde et Urgence Palestine interviennent à la veille des rassemblements du 1er-Mai et pourraient tendre le climat des manifestations, notamment à Paris, selon un haut responsable de la police.

Le ministre de l'Intérieur et le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, ont par avance prévenu qu'aucun débordement ne serait toléré.

Environ 15 000 personnes sont attendues jeudi pour la manifestation parisienne.